18/11/2024
Echec de la protection des eaux de captage face aux pollutions diffuses
19/02/2023
Réponse du vivant aquatique à la baisse des nutriments dans les rivières françaises (Rosebery et al 2023)
13/01/2023
Etangs, pesticides et effets épurateurs des retenues (Le Cor 2021)
18/12/2022
Les pesticides sous-évalués dans la mise en œuvre de la directive cadre européenne sur l’eau (Weisner et al 2022)
25/10/2022
Les têtes de bassin versant ont aussi des eaux et sédiments pollués (Slaby et al 2022)
06/10/2022
Les seuils contribuent à dépolluer les rivières, leur suppression élimine cet effet bénéfique (Teran-Velasquez et al 2022)
26/04/2022
La pollution touche aussi les lacs isolés de montagne (Machate et al 2022)
10/07/2021
Une retenue d'étang tend à éliminer les pesticides et à livrer une eau moins polluée à l'aval (Le Cor et al 2021)
05/07/2021
L'Europe ouvre une procédure en justice contre la pollution des eaux usées en France
07/04/2021
Quels facteurs de stress expliquent les variations de l'état écologique des rivières européennes? (Lemm et al 2021)
04/12/2020
Les stations d'épuration laisseraient passer plus de 100 molécules toxiques dans les eaux françaises (Aemig et al 2021)
"Les micropolluants émis par les activités humaines représentent une menace potentielle pour notre santé et notre environnement aquatique. Des milliers de substances actives sont utilisées et vont à la STEP via les eaux usées. Pendant le traitement de l'eau, une élimination incomplète se produit. Les effluents rejetés dans l'environnement contiennent encore une partie des micropolluants présents dans les effluents. Ici, nous avons étudié les impacts potentiels sur la santé humaine et le milieu aquatique du rejet de 261 micropolluants organiques et de 25 micropolluants inorganiques à l'échelle de la France. Les données ont été recueillies à partir d'enquêtes nationales, de rapports, d'articles et de travaux de doctorat. Le modèle USE-tox ® a été utilisé pour évaluer les impacts potentiels. Les impacts sur la santé humaine ont été estimés pour 94 micropolluants organiques et 15 inorganiques et sur le milieu aquatique pour 88 micropolluants organiques et 19 inorganiques, soulignant le manque de concentration et de données toxicologiques dans la littérature. Certains hydrocarbures aromatiques polycycliques et pesticides ainsi que l'As et le Zn ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur la santé humaine. Certains pesticides, le PCB 101, la βE2, l'Al, le Fe et le Cu ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur l'environnement aquatique."
"Les impacts potentiels totaux sur la santé humaine ont varié entre 3 et 14 et 761 à 904 DALY [Disability Adjusted Life Year = cumul année de vie perdue] pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques. Les impacts potentiels totaux sur l'environnement aquatique ont varié entre 18 et 22 et 2 408 à 3 407 milliards de PDF.m3.j [Potentially Disappeared Fraction potentielle d'espèces disparues d'un volume) pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques.Pour la toxicité et l'écotoxicité, les impacts potentiels ont été calculés avec un petit nombre de molécules par rapport à celles qui avaient été sélectionnées. Cela a mis en évidence le manque de données de concentration et de facteurs de caractérisation. La connaissance réelle des effets des micropolluants sur la santé humaine et l'environnement aquatique est limitée.Nos études ont soulevé la question de la solution pour réduire les impacts des micropolluants organiques sur la santé humaine et l'environnement aquatique. La réduction ou l'interdiction d'utilisation est préférée en France; ici, nous avons mis en évidence que les micropolluants omniprésents (HAP), interdits (PCB) ou naturels (hormone) sont toujours présents dans les effluents et ont contribué à l'impact calculé signifiant que cette solution n'est pas appropriée pour tous les micropolluants. Les traitements tertiaires sont un autre moyen de réduire les rejets dans l'environnement, mais nous devons savoir s'ils sont suffisants pour réduire les micropolluants ayant les impacts les plus élevés et des études pour prouver que les produits de dégradation, le cas échéant, ne sont pas plus toxiques que les composés d'origine. De plus, on peut également s'interroger sur le coût impliqué par l'ajout de traitements tertiaires: il faut savoir si les options de traitement tertiaire disponibles sont efficaces pour éliminer les micropolluants et si elles sont rentables compte tenu de leur coût et de la diminution de l'impact. Nos résultats ont soulevé des questions sur les impacts des micropolluants inorganiques; en effet, ils sont naturellement présents dans l'eau, la plupart des concentrations dans les effluents des stations d'épuration sont proches des concentrations en rivière mais les impacts estimés montraient un risque élevé en raison de ces substances.USETox® est basé uniquement sur des données de toxicité chronique et ne tient pas compte des perturbations endocriniennes. De plus, les effets des nanomatériaux, des microplastiques, des gènes de résistance, etc. n'ont pas été pris en compte par cette méthode mais peuvent représenter un impact important sur la santé humaine et l'environnement aquatique. Cependant, cette méthode pourrait être utilisée pour comparer différents scénarii: ajout de traitement tertiaire, réduction des émissions à la source, etc. Ici, comme première étape d'estimation des impacts potentiels, nous nous concentrons sur les valeurs de masse moyennes à l'échelle de la France. On sait qu'il existe une variation spatiale et temporelle des émissions de micropolluants (Lindim et al., 2019); une perspective est d'utiliser ce type de méthode à l'échelle du bassin versant, en considérant d'autres émissions provenant de l'agriculture ou des industries."
19/11/2020
Des insecticides antipuces surpuissants dans les rivières et plans d'eau (Perkins et al 2020)
Une recherche menée au Royaume-Uni a trouvé du fipronil dans 99% des échantillons de 20 rivières et le niveau moyen d'un produit de dégradation particulièrement toxique de ce pesticide était 38 fois supérieur à la limite de sécurité. Le fipronil et un autre agent neurotoxique appelé imidaclopride, lui aussi retrouvé dans les milieux aquatiques, ont été interdits d'utilisation en agriculture depuis quelques années. Principal suspect: les traitements antipuces des 21 millions de chiens et de chats du pays. Ces produits sont hautement toxiques pour les invertébrés — à titre d'exemple, une seule dose de traitement pour chien a un potentiel toxique suffisant pour tuer 60 millions d'abeilles. L'impact sur les insectes des rivières comme sur les poissons, amphibiens et oiseaux qui en dépendent est à explorer. Espérons que la France se penche aussi sur cette question, car l'analyse des pollutions chimiques et de leurs effets biologiques reste à ce jour très lacunaire au regard du nombre de substances circulant dans les eaux.
Voici le résumé de la recherche des quatre scientifiques anglais :
"On en sait peu sur le devenir environnemental ou l’impact des pesticides utilisés pour lutter contre les parasites des animaux de compagnie. À l'aide des données de l'Agence pour l'environnement, nous avons examiné l'occurrence du fipronil, des métabolites du fipronil et de l'imidaclopride dans 20 rivières anglaises de 2016 à 2018, comme indicateurs de la contamination potentielle des cours d'eau par leur utilisation comme ectoparasiticide sur les animaux de compagnie. Des échantillons d'eau ont été prélevés par l'Agence pour l'environnement dans le cadre de son programme de surveillance chimique et analysés à l'aide des méthodes de spectrométrie de masse par chromatographie liquide / spectrométrie de masse à temps de vol quadripolaire (LC / Q-TOF-MS). Au total, 3861 analyses chimiques ont été examinées et l'importance et les sources potentielles de cette contamination ont été évaluées.
Le fipronil, le fipronil sulfone, le sulfure de fipronil (collectivement appelés fiproles) et l'imidaclopride ont été détectés dans 98,6%, 96,5%, 68,7% et 65,9% des échantillons, respectivement. Sur l'ensemble des sites fluviaux échantillonnés, les concentrations moyennes de fipronil (17 ng/l, fourchette <0,3–980 ng/l) et de fipronil sulfone (6,5 ng/l, fourchette <0,2–39 ng/l) étaient de 5,3 et 38,1 fois leurs limites de toxicité chronique de 3,2 et 0,17 ng/l, respectivement. L'imidaclopride avait une concentration moyenne de 31,7 ng/l (intervalle <1 à 360 ng/l), qui était inférieure à sa limite de toxicité chronique de 35 ng/l, mais 7 sites sur 20 dépassaient cette limite. Les quotients de risque chronique indiquent un risque environnemental élevé pour les écosystèmes aquatiques dû aux fiproles et un risque modéré à l'imidaclopride.
Les sites immédiatement en aval des ouvrages de traitement des eaux usées présentaient les niveaux les plus élevés de fipronil et d'imidaclopride, ce qui étaye l'hypothèse selon laquelle des quantités potentiellement importantes de pesticides provenant de produits vétérinaires contre les puces pourraient pénétrer dans les cours d'eau par les égouts ménagers. Ces résultats suggèrent la nécessité d'une réévaluation des risques environnementaux associés à l'utilisation de produits antiparasitaires pour animaux de compagnie et des évaluations des risques que ces produits subissent avant l'approbation réglementaire."
Référence : Perkins R et al (2020), Potential role of veterinary flea products in widespread pesticide contamination of English rivers, Science of The Total Environment,, 143560
11/10/2020
Echec de la réduction des pollutions diffuses en bassin de Seine depuis l'adoption de la DCE 2000 (Bouleau et al 2020)
Une équipe de chercheurs montre que si les nitrates et phosphates ont régressé dans les années 1980 et 1990, les progrès semblent avoir ralenti depuis les années 2000 dans le bassin de Seine. La cause est de moins en moins des pollutions ponctuelles ou l'élevage, mais des sources diffuses, notamment en lien à certaines pratiques de l'agriculture intensive. Par ailleurs, la meilleure prise en compte des pesticides montre qu'ils dégradent la qualité d'au moins 25% des eaux de surface et 61% des eaux souterraines en Seine-Normandie. Un sujet qui préoccupe de plus en plus les citoyens, et qui peut devenir plus problématique pour l'eau potable avec les vagues de sécheresse entraînant une moindre dilution des polluants.
Gabrielle Bouleau et cinq co-auteurs, membres passés ou présents du comité scientifique de l'agence de l'eau Seine-Normandie, analysent dans un numéro spécial de la revue Water Alternatives l'échec de la réduction des pollutions diffuses après l'adoption de la directive cadre sur l'eau (DCE 2000).
Voici le résumé de leur travail :
"Les parties prenantes européennes engagées dans la lutte contre l'eutrophisation de la mer du Nord ont salué trois innovations de la directive-cadre sur l'eau: une approche plus holistique de la qualité, le caractère contraignant des objectifs de la DCE et une plus grande participation du public. Vingt ans plus tard, cependant, il y a eu des progrès décevants dans la réduction de la pollution diffuse. Dans le bassin de la Seine, la présence de l'élevage est faible; pourtant le bassin est soumis à une pollution diffuse importante due à l'agriculture. Cet article rapporte notre étude de ce cas; nous examinons la littérature sur la politique de mise en œuvre de la DCE afin d'identifier les causes physiques et sociales de cette incapacité à réduire la pollution diffuse. Nous montrons que les nitrates, le phosphore et les pesticides qui affectent les eaux souterraines, de surface et marines sont attribuables à des changements structurels dans la production agricole plutôt qu'à des pratiques agricoles inefficaces. Nous décrivons comment une série d'instruments conçus pour lutter contre les origines agricoles diffuses des polluants ont eu peu d'effet. Nous identifions les principaux obstacles à l'amélioration comme étant la dispersion du public ciblé et la dispersion des bénéfices, compte tenu de la nature actuelle de la légitimité dans l'Union européenne. Ce cas illustre le fait que la production agricole intensive a un impact sur la qualité de l'eau bien au-delà du problème de l'excès de fumier provenant de l'élevage."
Le constat est d'abord fait qu'après la régression des nitrates et des phosphates dans les années 1980 et 1990, les progrès ont été ralentis et non accélérés après l'adoption de la directive cadre européenne sur l'eau en 2000. Concernant la charge en phosphates et nitrates, on l'estime à 1000-2000 tonnes par an pour les phosphates, 93 000 tonnes par an pour les nitrates. Dans 82% des cas, la source des nitrates est diffuse et non ponctuelle (dans 50% des cas pour les phosphates).
Par ailleurs, les pollutions par pesticides sont davantage prises en compte.
Cette image montre par exemple la pollution des captages AEP par les pesticides. La dégradation des aquifères par les pesticides concernent 61% des sites du bassin Seine-Normandie (25% des eaux de surface).
A paramètres constants, l'état chimique des masses d'eau (toutes confondues) avait progressé de 38 à 41% entre 2004 et 2019, ce qui est modeste, mais en incluant la nouvelle obligation de prendre en considération 14 pesticides, le chiffre a chuté à 32%, donc une régression en réalité, quand on affine les mesures. Encore cette estimation est-elle conservatrice : la DCE obligeait à suivre 5 pesticides jusqu'en 2012, puis 14 pesticides, mais il y a plusieurs centaines de principes actifs à effets toxiques qui circulent dans les eaux. Pas uniquement issus de l'agriculture au demeurant (polluants médicamenteux, industriels, domestiques).
La conclusion des auteurs :
"Le bassin de la Seine a bénéficié d'objectifs ambitieux au niveau national, d'une réduction réussie de la pollution ponctuelle et d'une compréhension scientifique de la dynamique du bassin. Des mécanismes de contrôle plus stricts pour l'utilisation d'engrais sont mis en œuvre au niveau des exploitations en vertu de la directive sur les nitrates et de la politique agricole commune (Commission européenne, 2019d: 148). Les condamnations pendantes de la France pour non-respect de la directive sur les nitrates ont conduit les experts gouvernementaux à suggérer le transfert du système wallon Nitrawal, qui rend obligatoire la mesure des résidus d'azote dans le sol et prévoit des sanctions en cas d'excédents (Barthod et al. ., 2019); grâce à ce système, l'administration agricole deviendrait responsable des nitrates. Une telle mise en œuvre réussie de la directive sur les nitrates marquerait néanmoins un retour à une approche plus sectorielle et moins holistique; il est également trompeur de se concentrer uniquement sur les rejets existants de nitrates. L'abandon de l'élevage extensif dans les prairies ouvre une voie à l'urbanisation et à l'intensification agricole; cela entraînerait la régression des zones humides et des prairies, qui représentent une grande partie des nitrates évités du bassin. De plus, si seul le problème des nitrates était résolu, la pollution par les pesticides et les phosphates continuerait. Compte tenu du temps de séjour de ces substances toxiques dans les eaux souterraines, la tolérance politique actuelle de ces rejets est susceptible d'entraîner des coûts supplémentaires pour la production d'eau potable et la protection des écosystèmes à l'avenir. Cependant, la préoccupation du public pour la qualité des eaux souterraines est restée faible jusqu'à présent. Avec le changement climatique, de plus en plus de communes de France sont confrontées à des pénuries estivales d'eau potable. Si la concentration de pesticides ou de nitrates augmente alors que la dilution devient plus difficile, on peut s'attendre à une plus grande implication du public dans la question. Eau de Paris, le service public d'eau qui approvisionne la région parisienne en eau potable, a récemment commencé à tenter de répondre à ces problèmes en proposant des contrats préférentiels aux agriculteurs qui se convertissent à l'agriculture biologique".
Référence : Bouleau G et al (2020), Despite great expectations in the Seine River Basin, the WFD did not reduce diffuse pollution, Water Alternatives, 13, 3, 534-555
01/10/2020
Estimation des pollutions de l'Eure et de la Seine par les sédiments des barrages (Gardes et al 2020)
Les sédiments bloqués dans les barrages révèlent souvent le passé industriel des rivières. Et ils portent parfois encore leurs contaminants. Des chercheurs de l'université de Rouen ont ainsi pu reconstituer la manière dont l'estuaire de la Seine et la rivière Eure ont été pollués dans la seconde moitié du 20e siècle par des émissions de plomb, de zinc, de cuivre et de nickel venant d'industries installées non loin des cours d'eau. Certains parlent avec enthousiasme de la "libre circulation des sédiments", mais encore faut-il s'assurer au préalable que ceux-ci ne soient pas porteurs de contaminants. Ou de faible intérêt écologique, comme les excès de matières fines en suspension.
Les sédiments produits par les actions humaines ont reçu une attention croissante ces dernières années. Ils ont été classés dans un type particulier, connu sous le nom de "sédiments hérités" (James 2013): des dépôts alluviaux issus de perturbations anthropiques dans un bassin versant. Ces sédiments hérités sont souvent stockés dans les retenues des barrages. Il est alors possible de retrouver les témoignages industriels et agricoles des activités passées. C'est particulièrement précieux dans l'étude des estuaires, milieux dynamiques où il est difficile de reconstituer les tendances temporelles de la contamination et les origines de ces dernières. Pour cela, il faut alors étudier ses affluents. En particulier si ceux-ci disposent de barrages formant les archives des activités humaines. C'est le travail entrepris par une équipe de chercheurs de l'université de Rouen.
Les scientifiques observent : "La révolution industrielle a considérablement augmenté la pression anthropique sur la Seine sur une période d'environ 150 ans, entraînant des changements spécifiques et drastiques dans la morphologie des cours d'eau. Ces modifications ont permis de réguler le débit de la Seine, principalement pour faciliter la navigation au XIXe siècle (Horowitz et al 1999; Lestel et al 2019). Les modifications morphologiques ont également impacté les affluents de la Seine. Ainsi, l'Eure, principal contributeur de l'estuaire de la Seine, a vu son exutoire détourné de 11 km en aval entre 1929 et 1939. Tous ces aménagements ont abouti à la mise en place d'environnements de dépôt favorisant le stockage des sédiments hérités, propices à la reconstitution des activités anthropiques dans le bassin versant. Cependant, si l'histoire de la Seine est bien connue, il y a moins d'informations historiques sur ses affluents; ce dernier pourrait potentiellement être la principale source de contamination dans le cours inférieur du bassin versant, c'est-à-dire l'estuaire"
C'est la raison pour laquelle les activités anthropiques dans le bassin versant de la rivière Eure ont été étudiées à travers des carottes sédimentaires dans deux retenues (Martot, Les Damps) afin d'analyser les signatures sédimentologiques et géochimiques.
L'analyse des carotte sédimentaires montre des contaminations au plomb : "Dans les grands bassins versants européens, les niveaux de Pb présentent généralement des tendances temporelles similaires avec des augmentations des années 1940 aux années 1970, puis diminuent jusqu'aux années 1990 (Danube et Rhin: Winkels et al 1998; Loire: Grosbois et al 2006; Seine: Le Cloarec et al 2011; Ayrault et al 2012; Rhône: Ferrand et al 2012). Inversement, dans l'Eure, les niveaux de plomb sont restés stables dans les années 60, ont augmenté à la fin des années 80 et ont atteint un maximum dans les années 90 et 2000 suivi d'une diminution après 2006." Cette pollution au plomb est attribuée à usine de tubes cathodiques puis de composants électroniques, implantée à Dreux.
Autre découverte : des contaminations de l'eau au zinc, au cuivre et au nickel: "la forte augmentation de Zn, Cu et Ni à la transition entre la Seine et les unités de l'Eure montre comment la modification du chenal de la Seine (pour la navigation) a immédiatement impacté la qualité des sédiments déposés dans la retenue Martot. Les tendances historiques de Zn, Cu et Ni, rapportées par plusieurs études dans de grands fleuves européens, tels que les bassins du Danube, du Rhin, de la Loire et de la Seine, montrent que les concentrations ont augmenté entre 1940 et les années 1970, puis ont diminué (Winkels et al 1998; Grosbois et al 2006; Le Cloarec et al 2011). Tout comme dans ces bassins versants, les teneurs en Zn, Cu et Ni dans le bassin versant de la rivière Eure étaient élevées jusqu'aux années 1980 et ont culminé au cours des années 1960 et 1970." Les fortes corrélations observés entre ces éléments suggèrent une source unique pour la rivière Eure: probablement l'usine de batteries Wonder. "En raison d'une évolution globale de l'industrie (délocalisation, changement de type de batteries), cette industrie a décliné à la fin des années 1960, ce qui se reflète dans la teneur en Zn, Cu et Ni dans les sédiments. Après la fin de l'activité industrielle (1994), la teneur en Zn, Cu et Ni reste stable. Ici, le bassin versant semble réagir instantanément avec le changement de l'activité anthropique."
Les chercheurs concluent : "Au cours de l'Anthropocène, les zones de sédimentation contenant des sédiments contaminés peuvent être impactées par des événements extrêmes (par exemple des inondations) ou modifiées par des activités humaines (par exemple la destruction de barrages, le dragage et la canalisation), ce qui peut provoquer une remise en suspension de ces sédiments dans les rivières. , constituant une nouvelle source de contamination. Ces processus complexes concernent la plupart des fleuves du monde."
Discussion
Cette recherche montre d'une part que l'on peut retracer l'histoire des pollutions, au moins celles qui ont des signatures persistantes comme les traces métalliques, d'autre part que les chantiers d'effacement de barrage exigent des précautions (voir aussi Howard et al 2017), ce qui est trop souvent négligé par un personnel mieux formé à prendre en compte la morphologie que la chimie.
Une autre équipe française a récemment montré qu'au cours du 20e siècle, la Seine de l'aval de Paris à l'estuaire a été massivement polluée (Le Pichon et al 2020). Ces "bouchons chimiques" formaient une discontinuité susceptible de bloquer les poissons migrateurs, déjà entravés par des barrages de navigation qui n'avaient pas tous été mis aux normes. Si les pollutions aux nitrates et phosphates ont beaucoup attiré l'attention au 20e siècle, en raison du caractère visible et massif de l'eutrophisation, d'autres polluants sont finalement bien moins connus et étudiés.
Référence : Gardes T et al (2020), Reconstruction of anthropogenic activities in legacy sediments from the T Eure River, a major tributary of the Seine Estuary (France), Catena, 190, 104513
A lire sur le même thème
La pollution, menace n°1 des estuaires et eaux de transition (Teichert et al 2016)
La Seine, ses poissons et ses pollutions (Azimi et Rocher 2016)
28/07/2020
La Loue victime au premier chef des pollutions, et non des changements morphologiques
Les objectifs de ce travail, mené sur la Loue en tant que cours d’eau caractéristique et représentatif des rivières karstiques, étaient de définir l’état de la rivière, d’identifier les contaminants présents et de hiérarchiser leurs impacts.
Les dysfonctionnements écologiques mis en évidence dans la Loue sont induits principalement par les causes suivantes.
1. Les excès d’azote dans les milieux aquatiques et l’accroissement des teneurs en bicarbonates sont la conséquence de l’intensification des pratiques agricoles
2. Les contaminations multiples par des produits phytosanitaires, des biocides et les substances actives issues des médicaments vétérinaires
3. Une part sans doute non négligeable de ces contaminations trouve aussi son origine au sein de la filière bois par le biais des traitements des grumes en forêt et en scierie, mais aussi dans les utilisations domestiques (insecticides en poudre, en aérosol, biocides en tout genre, produits de traitement des bois d’oeuvre...).
4. La collecte et le traitement des eaux usées ne sont pas impliqués au premier chef dans les contaminations azotées mais présentent des marges de progression pour réduire leurs contributions aux apports de substances toxiques et de bouffées de phosphore dans les cours d’eau
5. Une contamination par des concentrations parfois très élevées d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) lourds non solubles existe à l’échelle du bassin versant dans les différents types de prélèvements analysés et notamment dans les particules fines (sédiments et matières en suspension).
6. La nature karstique du substratum et le positionnement en tête de bassin accroît la vulnérabilité des cours d’eau, vis à vis des contaminants chimiques qui peuvent être transférés des sols vers les eaux et transportés très rapidement au sein des masses d’eau.
7. Les modifications physiques des cours d’eau et les altérations de la végétation de bordure – réduite et artificialisée – dégradent les habitats des poissons et des communautés vivant au fond et constituent des facteurs aggravants.
Source
Commentaires
On notera que le bassin de la Haute Loue (jusqu'à la confluence avec la Furieuse) compte 50 ouvrages transversaux, cf bilan du SAGE 2013. Ceux-ci ne sont pas signalés dans l'étude des chercheurs francs-comtois comme faisant obstacle à la présence de salmonidés ou réchauffant les eaux au-delà de la limite de tolérance de ces espèces.
Déjà dans sa thèse célèbre soutenue en 1973 et faisant suite à 10 ans d'observations et mesures sur ces cours d'eau au moment des Trente Glorieuses, l'hydrobiologiste Jean Verneaux ne mentionnait nullement des ruptures de pentes, habitats ou températures comme un facteur de disparition des salmonidés. En revanche, il pontait déjà la disparition des taxons polluo-sensibles. Les travaux conduits sous la direction François Degiorgi et Pierre-Marie Badot n'isolent pas non plus l'ouvrage transversal comme problème, en tout cas majeur. Les altérations morphologiques notables sont des incisions de lit par extraction de matériaux et chenalisation d'évacuation rapide de crue, des pertes de ripisylves et des bienfaits associés (zones tampon, déchets de bois en lit).
Les rivières comtoises ont été jusque dans les années 1950 des spots très réputés en France et en Europe de pêche à la mouche. Des ouvrages présents depuis un à six siècles n'avaient en rien empêché cette richesse faunistique. On se trompe de combat, on divise les riverains, on dilapide l'argent rare de l'écologie et on détourne l'attention publique à harceler et démanteler les ouvrages hydrauliques anciens au lieu de traiter les pollutions. Il est bien dommage qu'une partie du lobby pêche agisse en complice de cette impasse, alors que des ouvrages bien gérés sont des facteurs utiles pour la gestion des eaux, surtout en période de changement hydroclimatique et de multiplication des assecs meurtriers pour toute la faune.
Référence disponible : François Degiorgi, Pierre-Marie Badot (2020), Étude de l’état de santé des rivières karstiques en relation avec les pressions anthropiques sur leurs bassins versants. Bilan synthétique des opérations réalisées et des recherches et analyses effectuées et disponibles.