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28/06/2022

La France détruit un barrage hydro-électrique en même temps qu'elle rouvre une centrale à charbon

C’est un scandale passé sous silence par les grands médias nationaux, un scandale d’Etat : le gouvernement français, prisonnier de l’alliance contre-nature de lobbies intégristes du retour à la nature sauvage et de pêcheurs de saumons, détruit les barrages hydro-électriques du pays en pleine crise énergétique et en pleine transition climatique. Dans le même temps, il annonce qu'il rouvre une centrale à charbon! On marche sur le tête. L’administration de l'eau s'est mise au service de minorités sans rapport à l’intérêt général. Il faut que cela cesse. Nous vous demandons de saisir vos nouveaux députés pour qu'ils interpellent Elisabeth Borne et que la Première Ministre exige de son administration la fin de toute destruction d'ouvrage hydraulique, comme la loi l'ordonne. 


Destruction en cours du barrage EDF de la Roche-Qui-Boit : le lobby casseur a été soutenu par le ministère de l'écologie, malgré les avis du conseil d'Etat et du conseil constitutionnel sur l'intérêt du patrimoine hydraulique.

Cette semaine, deux actualités se percutent. Le gouvernement vient d’annoncer qu'il comptait relancer la centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle. Emmanuel Macron avait promis en 2017 de toutes les fermer avant 2022, car cette source d’énergie est particulièrement polluante et émettrice de carbone. Dans le même temps, EDF a engagé sur pression du même gouvernement la destruction du deuxième barrage hydro-électrique de la Sélune, le site de la Roche-Qui-Boit. 

Ce chantier de pure gabegie prive une région de production hydraulique bas-carbone, d’un lac de réserve d’eau potable et de nombreuses activités nautiques. Pourquoi une telle folie? Car le lobby des pêcheurs de saumon espère le retour de 1300 poissons pour son loisir et parce que l’idéologie intégriste du retour à la nature sauvage a été adoptée sans concertation par les hauts fonctionnaires du ministère de l’écologie en charge des rivières. (Voir notre dossier complet dans les liens en bas de cet article). 

Ce scandale doit cesser : l’avenir énergétique et hydrologique de la France ne doit plus être bloqué voire anéanti sous prétexte que quelques experts, fonctionnaires et lobbies militants se sont arrogés le droit de décider de l’avenir des rivières, de leurs patrimoines et de leurs usages, tout en prenant les riverains comme cobayes de leurs idées hors-sol.

Nous vous demandons de saisir vos nouveaux députés et vos sénateurs pour interpeller Elisabeth Borne à ce sujet. La Première Ministre en charge de la transition écologique ne doit pas avoir une minute de repos sur ce dossier tant qu’elle n’ordonne pas clairement à son administration de cesser les destructions de barrages et le financement public de ces folies. . 

Modèle argumentaire pour écrire à votre député/sénateur
et lui donner les éléments d'une question parlementaire à la Première Ministre

Alors que la France est en retard sur la transition énergétique bas-carbone et que son gouvernement a été condamné en justice pour cela, alors que nous rouvrons des centrales fossiles en urgence pour faire face à la pénurie énergétique et à l’inflation, alors que le changement climatique menace la ressource en eau, le gouvernement a ordonné à EDF de détruire le dernier barrage producteur d’électricité du fleuve Sélune (Manche), après avoir détruit un autre ouvrage du même fleuve voici deux ans. 

D’autres chantiers de destruction de seuils et de barrages sont programmés, sur argent public, alors que ce choix est contraire à la production électrique bas-carbone et à la préservation / régulation de l'eau en situation d’incertitude climatique forte.

Les parlementaires ont demandé en 2021 (loi Climat et énergie) que la continuité écologique des rivières se fasse désormais sans aucune destruction des usages actuels et potentiels des ouvrages hydrauliques. Il est tout fait possible de faire circuler des poissons migrateurs par des méthodes qui conservent les ouvrages des rivières, et sont donc véritablement respectueuses de l'ensemble des enjeux écologiques, sociaux, économiques.

Mme la Première Ministre Elisabeth Borne peut-elle expliquer pourquoi son gouvernement persiste à détruire des barrages sur argent public dans la très grave crise que traverse le pays ? Pourquoi aucune circulaire d’application de la loi Climat et énergie de 2021 n’a été faite pour informer les administrations eau/énergie de la nécessité de restaurer et équiper tous les seuils et barrages de France dans un but de transition écologique, de production énergétique et d’intérêt général ? 


27/02/2022

En France, les enfants gâtés détruisent les infrastructures hydrauliques du pays

En cette période sombre de retour de la guerre en Europe et de risque majeur sur notre sécurité énergétique, un riverain défenseur des barrages de la Sélune lance un cri du coeur qui parlera sans doute aux anciennes générations. Sur cette rivière normande, l'Etat français détruit des barrages de production électrique bas carbone et des lacs de réserve d'eau bâtis par nos aînés. Partout dans le pays, une administration de l'eau et des lobbies intégristes à la dérive ont commis le crime de détruire le patrimoine hydraulique et le potentiel de production hydro-électrique du pays, cela alors même que notre génération a l'immense défi de se passer de l'énergie fossile et de s'adapter au changement climatique. Nous demanderons à la prochaine législature que de tels actes de destruction soient désormais interdits sur la totalité du territoire et pour l'ensemble des ouvrages hydrauliques. 


Barrage et lac EDF détruits sur la Sélune par l'Etat, pour le retour de quelques saumons à la demande du lobby pêche. Des pratiques qui doivent disparaître de notre droit, de nos administrations, de nos financements publics.

Une auto-mutilation au plus mauvais moment

Nos parents ont souffert de leurs conditions de travail et des guerres. Ils en ont acquis la sagesse d’agir en pensant toujours à l’avenir.

C'est avec ce souci en tête, qu'ils ont construit les barrages de la Sélune, afin d'apporter à leurs enfants un confort de vie qu’ils n’ont pas eu.

En guise de remerciement, leur descendance trop gâtée vient « d'euthanasier » sans aucun respect, le fruit de leur dur labeur.

Au moment de passer à l’acte, la mise en garde de la population a été négligée. Très vite nous allons tous regretter encore plus amèrement l’inconséquence de nos dirigeants qui ont laissé détruire, et même précipiter, sans raison majeure, la destruction de ce patrimoine légué par nos sages anciens.

Ces ouvrages constituaient un véritable rempart de survie à plus d'un titre et encore plus aujourd’hui, face à la grave pénurie d’énergie mondiale qui s’annonce.

Louis Gontier

24/06/2020

Sauver le lac de la Roche-Qui-Boit de la destruction sur ordre de l'administration

Des riverains associés sous le nom "Les loutres de la Roche-qui-Boit" appellent Elisabeth Borne, ministre de l'écologie, à stopper la destruction du barrage et du lac sur la Sélune, qui héberge notamment le mammifère aquatique protégé. Ils lancent une pétition en ligne: soutenons-les contre les insupportables casseurs des patrimoines des rivières françaises. Nous devons tourner la page de cette continuité écologique destructrice qui provoque partout des assèchements de milieux, des conflits sociaux et des gabegies économiques. 



Texte de la pétition:

Sauver l'habitat de la Loutre d'Europe en baie du Mont Saint Michel !

À l'heure où les enjeux liés à l'environnement, la biodiversité, sont de plus en plus présents dans les débats publics, la présence de la loutre d'Europe, espèce protégée, dans le lac de la Roche-qui-Boit mais aussi au pied du barrage de la Roche-qui-boit jusqu'au moulin de Quincampoix.. est confirmée et rendue publique en Juin 2019 par arrêté préfectoral - source 

Cette information cruciale n'a été communiquée ni à Chantal Jouanno au ministère de l’environnement en 2009 ni à Nicolas Hulot en 2018 lorsque la décision fut prise d'araser les barrages de la Sélune.

L'un des arguments phares sur laquelle s'appuie cette décision est l'impossibilité pour les poissons migrateurs de circuler librement. Tout cela omettant totalement l'existence d’un piégeage permettant de répondre à la montaison des poissons présents à l'aval de la Roche-qui-Boit, piégeage analogue à ce qui existe depuis 10 ans sur la Garonne - voir la vidéo 

Au delà d'être devenu l'habitat naturel de la loutre, le lac de la roche-qui-boit se trouve être un véritable atout face aux différentes menaces liées au réchauffement climatique. Ce lac est plurifonctionnel. Il répond à la sécurité des sécheresses et de certaines inondations. En effet, les barrages ont l'avantage de ralentir les inondations et d'être utiles pour les prévenir - un petit rappel historique. De plus, l'appauvrissement des sols agricoles, l’arasement des talus et l'urbanisation grandissante depuis plus d'un siècle place plusieurs villages alentours, habitants, agriculteurs, ouvriers, intérimaires, entreprises, bétails sous la menace de crues et de glissements de terrains qui seraient plus importants et plus violents si le barrage n’existait pas. Et tout cela sans compter toute la faune et la flore qui se sont parfaitement réapproprié ce nouvel écosystème créé par le barrage et qui sont aujourd'hui condamnées à disparaître. Ce n'est pas seulement la loutre, c'est tout cet écosystème que nous cherchons à préserver, tout ce qui se développe depuis tant d'années autour de celui ci. 

La biodiversité est aujourd'hui notre meilleure assurance vie !

La loutre animal protégé 
Il serait tout à fait paradoxal d'amener cette affaire au pénal dans l'espoir de réussir à faire classer le lac de la Roche-qui-Boit, habitat des loutres d'Europe, au patrimoine historique, culturel et solidaire. En effet en France la loi est claire : Détruire ou enlever les œufs ou les nids des animaux des espèces protégées, Mutiler ces animaux, les tuer ou les capturer, et perturber intentionnellement ces animaux dans leur milieu naturel est passible de 3 ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende.
Dans le cas où l'infraction serait commise au cœur d'un parc naturel, l'amende est doublée. Sur le plan pénal les entreprises, ouvriers, intérimaires qui participeraient à la destruction de l’habitat de la loutre risquent gros (bande organisée) 
« Le fait de commettre les infractions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 415-3 du présent code en bande organisée, au sens de l'article 132-71 du code pénal, est puni de sept ans d’emprisonnement et 750 000 € d'amende. » - Source

La police judiciaire de l'environnement
Plus que jamais nous devons faire preuve de solidarité et notamment envers la nature. Aidez nous à faire entendre cet appel au Ministère de la Transition Écologique et Solidaire et ainsi à préserver le lac et le barrage de la Roche-Qui-Boit et leur précieuse biodiversité.

Pour plus d'informations ou pour toute demande n'hésitez pas à nous contacter : lesloutresdelarochequiboit@gmail.com 

Pour signer cette pétition et soutenir la défense de la Roche-Qui-Boit, c'est ici

15/02/2020

Les espèces protégées du lac de la Roche qui boit (Sélune), sacrifiées pour la cause du saumon

Limoselle aquatique, léersie faux-riz, salamandre tachetée, triton palmé, grèbe huppé,  brochet.. ce sont quelques-unes des 22 espèces protégées qui sont menacées par le chantier de la destruction du barrage de la Roche qui boit dans la Manche, sur la Sélune. Encore le dossier est-il incomplet puisqu'il exclut la loutre, présente sur le bassin, ainsi que les habitats de la baie du Mont Saint-Michel qui subiront des flux accrus de nutriments, pesticides et autres polluants. La préfecture prépare un arrêté de dérogation permettant les destructions d'habitats et espèces. Vous pouvez vous exprimer dans l'enquête publique jusqu'au 17 février 2020. Pour faire plaisir au lobby des pêcheurs de saumon, on détruit ainsi des écosystèmes de lacs qui, outre diverses espèces protégées et bien d'autres communes, avaient aussi de nombreux usages utiles à la société: énergie bas carbone, eau potable, loisirs, prévention des inondations, adaptation au réchauffement climatique. Quand va cesser ce scandale français de la continuité écologique destructrice? Pourquoi l'Etat sacrifie-t-il les habitats lacustres, les citoyens riverains et les biens communs de la société à des lobbies? 


La DREAL Normandie organise du 3 au 17 février 2020 inclus une consultation du public pour la demande de dérogation présentée par Électricité de France, pour les travaux de démantèlement du barrage de la Roche qui boit, sur les communes de Virey, Saint-Martin-de-Landelles et Saint-Brice-de-Landelles (50).

Le dossier de consultation fait apparaître que :

"Le projet aura un impact 4 espèces végétales protégées et sur les groupes faunistiques suivants :
- Oiseaux : 2 espèces,
- Chiroptères : 6 espèces,
- Amphibiens : 4 espèces,
- Poissons : 6 espèces."

Ce dossier est incomplet: nous avons montré que la loutre est bel et bien présente dans la zone, ce que l'étude faite au début des années 2010 ne retient pas. La loutre est aussi protégée, et peut utiliser les plans d'eau comme vivier. Il est par ailleurs reconnu que les lacs de barrage ont un effet tampon et épurateur des pollutions, non étudié dans le dossier. Les habitats de la baie du Mont Saint-Michel subiront donc des flux accrus de nutriments, pesticides et autres polluants.

Combien d'autres espèces ont été négligées dans ce dossier à charge, où l'Etat a fait pression depuis 15 ans pour détruire les barrages de la Sélune?

La bureaucratie de l'eau dilapide ainsi l'argent public (50 millions €) pour effacer ces barrages qui
  • ont été soutenus en consultation par 99% de leurs riverains,
  • produisent une énergie bas carbone,
  • ralentissent les inondations de la vallée aval,
  • forment la principale réserve d'eau potable locale,
  • nourrissent les activités socio-économiques autour des lacs,
  • protègent la baie du Mont-Michel des pollutions,
  • hébergent des espèces protégées et abritent une forte biomasse.
C'est une honte, la promotion par l'Etat jacobin d'une forme d'écologie radicale, sectaire et punitive, décidée par et pour des lobbies au mépris des citoyens. Dites non à ces dérives, sur la Sélune comme ailleurs.

Ecrire à l'enquête publique

Illustration :  Le lac de la Roche qui boit, Epncantonducey, Travail personnel, CC‑BY‑SA

22/12/2019

Sur les loutres de la Sélune

Dans un communiqué, l'intersyndicale EDF souligne que la loutre est présente sur le tronçon de la Sélune où figure le lac du barrage de Roche-Qui-Boit, menacé de destruction au nom de la circulation du saumon. Nous confirmons cette information au regard du dernier suivi de présence dans la Manche de ce mammifère protégé. La loutre a comme principal facteur limitant la biomasse alimentaire – elle consomme beaucoup de poissons et de crustacés –, raison pour laquelle les lacs, étangs, plans d'eau sont considérés comme des viviers pour elle, donc des habitats d'intérêt. Un inventaire spécifique des loutres autour du lac de Roche-Qui-Boit serait utile avant intervention, de même qu'une estimation de la biomasse piscicole à diverses hypothèses d'aménagement. Si l'on veut faire de l'écologie informée, bien sûr, ce qui n'est pas la même chose que l'optimisation halieutique des rivières pour le saumon ou l'éloge d'une "nature sauvage" de carte postale. 



La loutre d’Europe est un mammifère semi-aquatique, qui a souffert d'une forte régression en raison de la prédation humaine (chasse, piégeage), de la pollution des cours d'eau, de la destruction des habitats aquatiques et humides, de la baisse de biomasse de ses proies (poissons, écrevisses). Elle est protégée en France (arrêté du 23 avril 2007). Sa chasse est interdite depuis 1972 et sa protection légale a été renforcée par la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 (arrêté ministériel du 17 avril 1981). Elle est inscrite sur l’annexe I de la CITES (1973), interdisant le commerce,  l’annexe II (espèces de faune strictement protégées) de la Convention de Berne (1979), les annexes II (espèces d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation) et IV (espèces d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte) de la directive Habitats Faune Flore 92/43/EC (1992).

La présence de la loutre en Normandie fait l'objet de divers travaux (voir par exemple des informations sur le site du Groupe mammalogique normand et le point DREAL). Concernant la Manche et plus particulièrement le fleuve Sélune, le plus récent est le rapport de suivi 2017 du CPIE des Collines normandes (référence et lien en bas d'article).

Ce rapport dit pour le relevé d'automne : "Sur les 14 stations prospectées 3 se sont avérées positives. Elles se répartissent entre le barrage de la Roche qui boit et St-Hilaire-du-Harcouet, soit un linéaire de 23 km. Sur ce tronçon on constate une alternance entre stations positives et négatives. Les prospections effectuées au niveau du Barrage de Vezins n’ont pas permis de localiser le passage amont-aval autour du barrage."

Et pour l'hiver : "Sur les 14 stations prospectées 7 se sont avérées positives. Elles se répartissent sur le cours principal entre le barrage de la Roche qui boit et l’amont de St-Hilaire-du-Harcouet, soit sur un linéaire de 27 km. Des indices ont également été observés sur un affluent, l’Airon, à 7 km de la confluence." 


Image : relevé de l'hiver 2017 sur la Sélune, rapport cité.

On voit que la loutre est attestée à l'amont comme à l'aval des barrages de la Sélune. Cela suggère que ces ouvrages ne forment pas un obstacle à sa dispersion : c'est logique, car la loutre peut aussi faire de longs parcours terrestres (l'une des premières causes actuelles de mortalité est le choc avec véhicule sur voie routière).

La loutre est capable de vivre auprès des milieux d'eaux courantes ou stagnantes. Elle apprécie les lacs, les étangs, les plans d'eau, les marais. La ressource en nourriture est  l’un des principaux facteurs limitants pour la loutre d’Europe car elle détermine la survie des individus et leur succès reproducteur (on a estimé qu'une biomasse piscicole d'au moins 50 kg/ha et si possible supérieure à 100 kg/ha est préférable). Les interventions impliquant un appauvrissement de la ressource trophique agissent donc négativement sur la conservation de la loutre d’Europe : c'est le cas a priori pour la destruction d'un lac formant un vivier important en poissons, principale nourriture de la loutre.

L'intersyndicale EDF a souligné récemment que, parmi les intérêts des barrages de la Sélune, en particulier de Roche-qui-Boit, il existe la présence de la loutre susceptible de profiter de la biomasse des lacs. Ce point est donc exact au regard des données disponibles. Il serait utile de procéder déjà à un inventaire de présence de la loutre autour du lac, afin de vérifier si le mammifère s'y est installé. Il serait aussi utile de donner l'estimation de biomasse piscicole du lac pour la comparer avec l'estimation de biomasse de la Sélune "renaturée" au droit du même tronçon.  Pour tout dire, il serait utile de faire de l'écologie, pas simplement d'optimiser des milieux pour le saumon sans réfléchir au reste, ou de poser par principe qu'un retour à la "nature sauvage" vaut forcément mieux qu'une protection de la nature anthropisée lorsque la seconde présente des traits manifestes d'intérêt.

Référence : CPIE-DREAL, Etat des lieux.La loutre d'Europe. Bassins de la Mayenne, de la Sarthe et de la Sélune en Normandie. Automne-hiver 2017

Illustration en haut : loutre (Lutra lutra) CC BY-SA 3.0

21/12/2019

L'intersyndicale EDF demande de ne pas sacrifier le barrage de Roche-Qui-Boit aux lobbies

Sur la Sélune, les salariés d'EDF assistent avec consternation et colère à la destruction des barrages par l'Etat. C'est un cadeau à 50 millions € d'argent public au lobby des pêcheurs de saumon et d'une poigne d'intégristes de la nature sauvage, en parfait mépris de l'intérêt des citoyens comme des besoins d'une transition écologique raisonnée. L'intersyndicale EDF entend protéger son patrimoine, le barrage de Roche-Qui-Boit, encore debout face aux pelleteuses de casseurs. Le lac de ce barrage abrite des espèces protégées comme la loutre. Il sert de réserve d'eau, écrête les crues, peut produire de l'hydro-électricité bas carbone et être équipé d'une passe à poissons. Arrêtons les frais, stoppons la casse des barrages pour un enjeu saumon très faible, battons-nous ensemble contre les choix dogmatiques d'un ministère de l'écologie à la dérive. 

© Photo EDF - B. Conty


Le communiqué de l'intersyndicale : 

L’intersyndicale CFDT, CFE, CGT, FO et UNSA demande le gel immédiat de l’arasement du barrage la Roche-qui-Boit qui appartient à EDF et non à l'État. Collectivement, habitants, entreprises, élus, ... empêchons les lobbies de casser d'autres barrages en France.

Avons-nous consulté l’avis des actionnaires de notre entreprise sur l’idée de se séparer de nos infrastructures : patrimoine industriel, bâtiments, maisons, parcelles de bois...? Depuis un an ce barrage est commandé à distance depuis la Bretagne tout comme celui de Rabodanges.

Saviez-vous que le lac de la Roche-qui-Boit est un habitat pour la Loutre d’Europe ? L'intersyndicale va interpeler l'État sur la présence de cette espèce protégée, car modifier son habitat pourrait engager la responsabilité d’EDF. Pour la continuité écologique, le barrage est d'une hauteur convenable pour l'équiper d'une passe à poisson tout comme celui de Poutès sur l'Allier dans le département de la Haute-Loire.

Concernant la sécurité des biens et des personnes, le barrage de Vezins jouait un rôle d’écrêteur des crues. Aujourd'hui, les crues biennales et quinquennales reviendront comme avant 1920 avec des impacts pour les constructions publiques et privées et l’emploi entre Ducey et l’estuaire.
Les conséquences sureté, écologiques, économiques et sur l’emploi sont-elles, pleinement et objectivement, mesurées ?

Redonnons à la Sélune une fonction de régulation des crues et des étiages, de production d’électricité et de développement des activités autour de l’eau : gestion de l’eau, tourisme, agriculture, ... Le changement climatique a affecté cette vallée, comme d’autres, au moment où le soutien d’étiage que permettait le grand lac n’existe plus. Le débit de la Sélune est tombé à 1 voire 0,6m3/seconde : à court terme, cette situation est grave pour la faune et la flore, mais aussi pour l’agriculture à l’aval et potentiellement pour la production d’eau potable.

Dans l’avenir, le renouvellement de la même configuration climatique aurait à l’évidence des conséquences difficiles, voire très graves si le « petit » barrage la Roche qui Boit était supprimé. Nous demandons en urgence une rencontre avec Madame Borne et les élus locaux afin de les sensibiliser et les responsabiliser sur la réalité écologique de la situation. A aucun moment le sujet de la loutre n’a pesé dans les décisions des différents ministres de la Transition écologique et solidaire (Cf. lien ci-après) : developpement-durable.gouv/dossier_derogation.pdf page 95 et lien arrêté préfectoral 2019 sur la présence de la loutre : manche.gouv.fr/arr_pref.pdf

Ces sujets n’ont jamais été mis sur la table, tout comme la régulation des « petites crues » et le soutien du débit réservé. Pour certains : « la suppression de ces barrages n’augmenterait pas les risques ni en cas de sécheresse ni en cas de crue ». FAUX ! L’erreur d’appréciation est aujourd’hui claire, qu’il s’agisse du soutien d’étiage comme on l’a constaté l’été dernier ou qu’il s’agisse des débordements et inondations qui affectaient la basse vallée tous les deux /cinq ans avant 1920 : par exemple, l’affirmation d’une absence d’impact de la suppression serait vraie pour la crue centennale (155m3/s) , douteuse pour la crue décennale mais fausse pour les crues quinquennales (74 m3/s) et a fortiori pour les crues biennales (53m3/s). Ce sont des débits « énormes » !

La crise actuelle et la probabilité qu’elle se renouvelle dans l’avenir nous paraît une évidence et nécessite de reconnaître loyalement et objectivement l’insuffisance de l’étude des conséquences à l’aval de la suppression de Vezins sur les situations d’étiage sévères ou de crues. Cette carence engage la responsabilité de l’Etat propriétaire de Vezins : il est urgent, dans l’actualité, de l’empêcher d’exposer EDF au reproche de ne pas avoir tout fait pour réduire les impacts sociaux, surtout dès lors que beaucoup sont encore évitables.

L’intersyndicale CFDT, CFE, CGT, FO et UNSA continue la lutte contre la destruction du patrimoine d’EDF !

© Photo EDF - M. Didier

03/09/2019

Le chantier "exemplaire" de casse des barrages de la Sélune, imposture morale de bout en bout

En plein débat sur la nécessité de s'adapter aux sécheresses et en pleine transition énergétique bas-carbone, l'Etat français a engagé la destruction aberrante de deux grands barrages sur la Sélune, au motif d'y faire revenir hypothétiquement 1300 saumons. Pour 50 millions d'argent public. Voici encore 1 an, ces barrages étaient des réserves d'eau et produisaient de l'hydro-électricité : en France, on détruit des biens communs pour des intérêts particuliers, en l'occurrence celui des pêcheurs de loisir de saumon. Les grands médias, si prompts à s'alarmer du moindre "grand projet inutile", ne disent rien. Conformisme et lâcheté : c'est "écologique" vous dit-on, alors on n'enquête pas, on n'alerte pas, on ne critique pas. Dans ce chantier soi-disant "exemplaire", l'association des riverains tire la sonnette d'alarme sur la succession des aberrations, voire des forfaits: mépris des recours en justice qui aurait dû suspendre les travaux le temps de statuer, ignorance des 20 000 riverains opposés au projet par les bureaucraties parisiennes et leurs clientèles de lobbies, choix non écologiques de chantier à lourd bilan carbone, condamnation du groupe Vinci pour attribution frauduleuse de marché public, et maintenant travail dissimulé de migrants exploités... Les (ir)responsables publics et privés des dérives de la continuité écologique dans leurs oeuvres.  


Informations sur la Sélune

"La démolition du barrage de Vezins est un «grand chantier de l’Etat». Les services publics, relayés par quelques élus locaux, nous avaient promis une opération «exemplaire».

Les premiers doutes sont apparus avec le balai incessant d’une multitude d’énormes camions transportant de Bretagne des centaines de tonnes de «gabions» constitués de cages de grillage emplies de cailloux qu’il eût été pourtant facile de prendre sur place. Avec pour conséquence un coût beaucoup moins élevé et une empreinte carbone négligeable. Pourquoi a-t-il été décidé de dépenser plus et de polluer encore plus ?

Les travaux de gestion sédimentaire ont aussi posé question quand on a constaté que les sédiments contaminés aux métaux lourds allaient être recouverts de sédiments «sains» et confinés sur une zone exondée, accessible à terme aux humais et aux animaux.

Des coups de pelle mécanique malencontreux ont fragilisé une pile du petit pont des Biards au pied de laquelle le cours de l’Yvrande creuse un trou depuis plusieurs mois. L’entreprise chargée du chantier a quitté les lieux sans régler le problème.

En 2018, le groupe Vinci est condamné à 300.000 Euros d’amende pour avoir été favorisé dans l’attribution du marché public d’arasement des barrages après avoir obtenu des informations sur le chantier des barrages de Vezins et de La Roche-qui-Boit avant même le lancement de l’appel d’offres. Qui a informé Vinci? Pour obtenir quoi en retour?

Et maintenant, c’est une malheureuse affaire de travail dissimulé qui éclate. Et bien plus encore.

L’entreprise choisie par l’Etat pour démolir le barrage de Vezins a chargé une société parisienne de sécuriser le chantier. Quatre vigiles ont été embauchés à cet effet fin Avril et début Mai. Ils l’ont été sous de fausses identités et sans contrat de travail. Ils n’ont perçu qu’un seul mois de salaire (sans fiche de paie) et n’ont fait l’objet d’aucune déclaration préalable à l’embauche. Le rapport de l’Inspection du Travail est édifiant.  CHARIER n’aurait pas pu justifier qu’un contrat avait été établi avec l’entreprise, devenue injoignable. C’est surprenant. Les « vigiles » ne recevaient leurs instructions que des responsables de CHARIER. Ils sont désormais sans « emploi » et sans le sou. Ils occupent un logement dont le loyer a été réglé par leur « employeur » jusqu’à fin Août. Ils sont nourris par les habitants du bourg de Vezins qui font preuve d’une solidarité exemplaire envers ces jeunes hommes originaires de Côte d’Ivoire qui avaient vu dans cette embauche une occasion de régulariser leur situation de séjour en France.

Sylvie Crochet, maire déléguée de Vezins a pris les choses en main pour leur venir en aide en alertant les pouvoirs publics et les élus concernés, y compris les parlementaires.

Nous ne pouvons que souhaiter une issue heureuse à cette situation dramatique qui résulte obligatoirement d’une chaîne de responsabilités qu’il faudra bien établir.

Aucun personnel de sécurité n’a été aperçu aux abords du chantier ce weekend, malgré le nombre de curieux venus constater l’avancée de cette opération «exemplaire» à tous les points de vue."

Les amis du barrage de Vezins

Comprendre l'imposture de la Sélune
Le déni démocratique
Bassin pollué et dégradé, risques sur la baie du Mont-Saint-Michel
Le gain réel pour les saumons
Le bilan coût-bénéfice déplorable de la destruction des barrages
Pollution génétique des saumons de la Sélune par les empoissonnements
Faut-il détruire les lacs et barrages de la Sélune pour un retour hypothétique de 1314 saumons?
Les amis de la Sélune, faux-nez du lobby des pêcheurs de saumon

03/06/2019

Sur la Sélune, le gouvernement au service du lobby des pêcheurs de saumon accélère la casse des outils de la transition énergétique

Sans attendre l'issue des différentes procédures judiciaires engagées, le ministère de l'écologie et le préfecture ordonnent l'accélération de la destruction des barrages de la Sélune. Pas seulement les installations électriques, par lesquelles devait commencer le chantier, mais la structure même du barrage de Vezins, attaquée à sa base. Malgré cela, on attend avec espoir l'avis du conseil d'Etat sur le référé et du juge de première instance sur le fond.  C'est le sacrifice planifié de deux lacs et d'un outil de production hydro-électrique bas carbone au service du lobby des pêcheurs de saumon, ce lobby qui tire prétexte de la "continuité écologique" pour promouvoir son loisir. François de Rugy n'a pas caché qu'il préfère ce lobby si souvent reçu à son ministère à l'urgence de la transition énergétique rappelée par 2 millions de citoyensLe pire est certainement le silence des médias nationaux, ces mêmes médias qui font volontiers de la surenchère lorsque des riverains s'opposent à tel ou tel "grand projet inutile", mais se taisent lamentablement ici. Cinquante millions d'euros pour 1300 saumons et le sacrifice de 20.000 riverains : c'est la manière dont le gouvernement veut démontrer qu'il a entendu la colère des Français sur le matraquage permanent de ses bureaucraties, c'est la manière dont on traite la fracture territoriale entre les riches métropoles et la ruralité devenue le joujou des technocrates hors-sol faisant des cadeaux à des clientèles choisies. Nous comptons sur nos lecteurs pour faire entendre cette colère, pour saisir leurs parlementaires - en particulier ceux de la majorité censée soutenir cette gabegie - et pour dire tout le mal qu'ils pensent de dérives dont le gouvernement sera comptable. 



Photos : droits réservés.

21/04/2019

La pêche de loisir et la continuité écologique (Thomas et Germaine 2018)

Deux chercheurs publient une étude sur le rapport des pêcheurs à la continuité écologique, principalement dans l'Ouest de la France, avec un focus sur les barrages de la Sélune que l'Etat veut détruire. Il en ressort que même sur des zones où les salmonidés migrateurs sont des enjeux halieutiques importants, le monde de la pêche n'est pas homogène dans son appréciation de la destruction des ouvrages et des modifications des milieux que ces destructions produisent.

Olivier Thomas et Marie-Anne Germaine (Laboratoire Mosaïques, CNRS) publient dans la revue Norois une étude sur les rapports entre continuité écologique et pêche de loisir.

Voici la synthèse de leur article :
"Dès l’émergence des premières sociétés de pêche à la in du xixe et au début du xxe siècle, les pêcheurs à la ligne ont développé une sensibilité à l’égard de l’eau et de la faune piscicole. D’abord mobilisés pour le repeuplement piscicole et la surveil- lance des cours d’eau, puis pleinement engagés dans la gestion des milieux halieutiques d’eau douce, les pêcheurs vont voir leur rôle évoluer à partir de la Loi-Pêche de 1984. Participant à la protection du patrimoine piscicole et des milieux aquatiques, ils deviennent des acteurs incontournables de la mise en œuvre des nouveaux principes de gestion écologique des cours d’eau, en particulier la restauration de la continuité écologique visant à rétablir la libre circulation des poissons migrateurs. À partir de l’exemple des cours d’eau du Nord-Ouest de la France, et d’un focus sur le cas du démantèlement des barrages de la Sélune, cet article propose de mettre en tension le poids des héritages (pratiques de repeuplement) et les dynamiques de changements (restauration des milieux) qui animent le monde de la pêche de loisir à travers une analyse rétrospective du positionnement des pêcheurs. Il s’agit ainsi d’analyser le rôle ambivalent des acteurs de la pêche, à la fois partenaire et opposant, dans la mise en œuvre de la restauration des cours d’eau. Si les fédérations de pêche prônent le passage vers une gestion patrimoniale, cette posture vient parfois bousculer les habitudes des pêcheurs et plus largement leurs représentations de la nature."

Outre d'intéressantes considérations sur l'évolution de l'organisation et de la pratique de la pêche mise en parallèle avec l'évolution des lois de gestion des milieux aquatiques depuis le XIXe siècle, les auteurs publient le résultat d'un sondage sur la continuité ayant eu 516 répondants (35 % habitent dans le département de la Manche et 70 % résident dans les régions Normandie ou Bretagne):


Ils observent : "la construction de l’opinion au sujet de l’arasement des barrages de la Sélune ne s’inscrit pas dans une logique binaire opposant les « pour » et les « contre » à l’image des résultats de l’enquête par questionnaire menée à une échelle plus large. En effet, 14,3 % des pêcheurs enquêtés disent avoir un «avis partagé» au sujet des opérations de restauration de la continuité écologique menées en France, 8 % se déclarent «plutôt défavorables» et 10,2 % «plutôt favorables». Près d’un pêcheur sur trois aurait ainsi une opinion nuancée".

L'article montre une division du monde de la pêche au gré des territoires et des pratiques, mais aussi des positions des acteurs par rapport aux instances de décision.

Thomas et Germaine observent ainsi : "Si la plupart des pêcheurs à la ligne sont sensibles aux enjeux environnementaux, tout particulièrement en ce qui concerne la qualité de l’eau, la transformation radicale des milieux halieutiques hérités liée à l’effacement d’ouvrages n’est pas toujours bien accueillie. L’abaissement de la hauteur d’eau peut par exemple être mal perçu parce qu’il bouleverse à la fois la distribution des poissons et les habitudes de pêche. En outre, la contestation parmi les pêcheurs semble d’autant plus forte quand le secteur de pêche concerné est accessible et fréquenté depuis longtemps."

Exemple donnée de l'avis du président de l’AAPPMA de la Futaie sur l'Ernée :
« Si là ça avait grogné quand ils avaient enlevé... il y avait des petits barrages qui permettaient toujours de donner... des petits barrages sur l’Ernée [...] qui devaient faire 70 ou 80 cm qu’ont été enlevés. Là je sais que ça grognait. Bon bah il y a plus d’eau pour pêcher. Il y en avait deux je crois. Deux sur l’Ernée. Moi j’en connais un. On voit encore le... il y a un fossé en béton, puis c’était une plaque avec deux vérins qui faisait une petite retenue. On pouvait pêcher de la carpe, des truites, des gardons... Maintenant, ils ont carrément enlevé le tablier. [...] moi je le fais pour la truite, c’est vrai qu’il y a plus épais d’eau. [...] Mais les gens qui veulent faire de la pêche en famille, ou les anciens qui marchent pas de trop, avec une canne, bah ils peuvent plus parce qu’il n’y a plus où pêcher. Et puis c’était le long des maisons, des jardins. Ces retenues elles servaient que les gens ils arrosent aussi leurs jardins avec ça. Il y avait plusieurs petits escaliers en parpaings. Je sais que même moi étant gamin j’y allais avec mon grand-père on pêchait les goujons, les vairons... C’est sûr que pour la truite c’est bien, mais après ça élimine toutes les autres espèces. » (24 juillet 2017.)
Autre exemple d'un bénévole de La Gaule Fougeraise sur le Couesnon :
"[...] sur le Couesnon. Ils ont coupé le barrage à Vendel [...] Et il y avait des belles frayères à tanches et tout ça qu’il y avait aussi au moulin de Bleau. C’est pareil là il y avait la vieille rivière qui était là. Sur les barrages de « dans le temps », il y avait une vanne. Ça a toujours existé. Et là, le bief, il allait au moulin. Donc là, il y avait des nénuphars, mais c’était plein de tanches. La tanche elle était dans le Couesnon parce qu’il y en avait beaucoup dans le temps. Il y en a de moins en moins. Elle est en voie de disparition. Là qu’est-ce qu’ils ont fait, bah ils ont coupé le barrage et ça s’en va à l’autre bout. Mais moi je vais vous dire tout ça c’est mauvais. C’est tout ce qu’il y a de plus mauvais. Parce que moi je pêche le blanc dans le Couesnon. [...] Dans le temps il y avait des nénuphars partout. Fallait voir les gardons qu’on prenait, le blanc tout ça. » (Extrait d’entretien avec un bénévole de La Gaule Fougeraise, 12 août 2016.)"
En revanche, les observations de Thomas et Germaine permettent de comprendre que les fédérations de pêche, reconnues comme interlocuteurs directs des services de l'Etat et courroies de transmission obligées de divers arbitrages du ministre de l'écologie, jouent un rôle plus engagé dans la destruction des ouvrages.

On le voit en Normandie, où l'agence de l'eau abonde volontiers les opérations de casse d'ouvrages portées par les fédérations :
"si la majorité des dossiers d’effacement ou d’aménagement de seuils sont portés par des propriétaires privés, les fédérations départementales de pêche assurent aussi de plus en plus la maîtrise d’ouvrage de certains projets devenant un partenaire clef des agences de l’eau et de l’État dans la mise en œuvre des programmes de restauration. Pour cela, elles sont amenées à devenir propriétaires des sites concernés. Plusieurs projets récents portés par les fédérations de pêche normandes ont ainsi nécessité l’acquisition préalable du foncier. La fédération de pêche du Calvados a ainsi porté en 2016 l’effacement de trois seuils et la démolition de deux anciens sites industriels situés sur l’Orne (sites du Bateau et de la Fouillerie, moulin du Danet) après rachat des sites auprès de leurs propriétaires qui n’en avaient plus l’usage et qui étaient priés de se mettre aux normes. D’un coût total de 2,7 millions d’euros, l’opération a été prise en charge financièrement par l’Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN). La fédération de pêche de la Manche a, de son côté, assuré la maîtrise d’ouvrage de plusieurs chantiers de restauration de la continuité écologique sur la Vire par délégation : elle a ainsi pris le relais de l’usine laitière Elvire pour l’arasement du seuil d’Aubigny en juillet 2015 pour un coût de 62000 € financé par l’AESN; elle a assuré la maîtrise d’ouvrage du démantèlement du barrage de l’usine de Candol pour l’entreprise Guérin en juillet 2017 avec un financement de 200 000 € de l’AESN. La fédération de la Manche a en revanche dû acheter la pisciculture de Valjoie sur le Beuvron, afluent de la Sélune, pour assurer en 2015 la suppression du seuil associé."
La rôle du lobby des pêcheurs, en particulier d'ONG et d'associations militantes à côté de certaines fédérations de pêche, est aussi décisif dans la pression pour détruire les barrages de la Sélune, mais avec une organisation assez élitiste de la communication, laissant peu de place aux acteurs locaux :
"En 2011, les promoteurs de l’arasement des barrages de la Sélune fondent le collectif «Les Amis de la Sélune» porté par la fondation Humus (Fonds pour la biodiversité). Ce collectif est composé pour l’essentiel d’acteurs extérieurs au bassin : aux cotés des associations généralistes de protection de l’environnement (France Nature Environnement ou WWF France), on y retrouve des militants halieutiques comme ANPER TOS et des organisations spécialisées dans la défense ou la pêche du saumon (Club des Saumoniers, Association internationale de défense du saumon atlantique, Federation of irish salmon and sea trout anglers, NASF, association bretonne pour la pêche à la mouche). Il s’agit à la fois de faire de la Sélune une des premières rivières à saumons de France et de «retrouver la rivière à saumons d’antan». L’écotourisme est mis en avant et le saumon doit tout particulièrement attirer pêcheurs et curieux pendant la saison de reproduction. La plupart des communiqués de presse sont rédigés par le directeur de l’Union Régionale des Fédérations de Bretagne-Basse Normandie-Pays de la Loire pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques et de nombreuses AAPPMA, voisines, mais extérieures au bassin, sont co-signataires de ces derniers."
Discussion
Olivier Thomas et Marie-Anne Germaine esquissent dans cette étude un portrait des différentes attitudes du monde de la pêche par rapport aux politiques publiques de la rivière, en particulier celle de continuité écologique ayant pris de l'importance au cours des 20 dernières années. Les pêcheurs présentent la particularité d'être objet et sujet de ces politiques, puisqu'ils ont été de plus en plus étroitement associés à "la protection des milieux aquatiques" et bénéficient d'une reconnaissance d'Etat que n'ont pas d'autres usagers. La trajectoire institutionnelle qui a mené du Conseil supérieur de la pêche (CSP 1948-2006) à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema 2007-2017) puis à l'Agence française de la biodiversité (AFB depuis 2018) suggère aussi que le monde de la pêche a produit sa propre lecture des enjeux aquatiques et écologiques au sein d'établissements qui ont leur poids dans la construction des doctrines publiques. On peut penser au demeurant que des biais sont présents dans ces discours (exemple sur le poids des poissons dans la biodiversité, exemple sur le poids relatif de la continuité dans les différents problèmes écologiques discutés en littérature scientifique).

Il n'y a pas dans le travail de Thomas et Germaine d'analyse critique de la construction de ces politiques publiques, comme on la trouve par exemple dans les travaux de Simon Dufour (voir Dufour 2017, Dufour 2018). C'est dommage car l'enjeu des rivières passées, présentes et futures réside certainement dans le régime de justification normative de l'action publique, justification qui reflète elle-même l'état des usages socio-économiques et des rapports de force politiques, non la seule "vérité" d'un discours scientifique de "la nature" (voir Latour 1999).  Du même coup, c'est aussi et évidemment le rôle du "sachant" que les associations sont amenées à questionner : ce sachant a-t-il pleine liberté de ses sujets de recherche et de leurs financements? Est-il indemne de tout biais quand il va construire ses hypothèses, ses modèles, ses méthodes de collecte des données? L'hydrobiologiste Christian Lévêque avait émis d'intéressantes critiques sur le sujet dans le domaine de l'écologie (voir Lévêque 2013), mais les mêmes interrogations valent bien sûr pour la sociologie, la géographie et toutes les disciplines qui vont analyser la rivière ou ses acteurs... sans être vraiment indépendantes des bureaucraties publiques qui décident de politiques sur cette même rivière, et ces mêmes acteurs.

Quant au monde de la pêche, nous avions déjà émis quelques réflexions sur l'évolution de son rapport à l'écologie mais aussi sur le détournement d'attention de ses impacts par son activité comme lobby. En soi, l'activité de pêche de loisir n'a rien d'écologique au sens d'un respect des milieux et des espèces ; par ailleurs elle se trouve (comme la chasse) plutôt en porte à faux avec l'évolution des perceptions collectives sur la souffrance animale. Les pêcheurs peuvent endosser par opportunisme ou par conviction tel ou tel discours écologique dominant, mais si ces discours se prolongent dans la logique qui leur est propre, la disparition de la pêche deviendra aussi légitime que celle des ouvrages pour revenir à des rivières et des espèces pleinement laissées à elles-mêmes, formant un idéal normatif de "naturalité" que promeuvent des politiques publiques ayant des vues radicales de conservation de la nature. Ce sera aussi une question d'équité : des pêcheurs militants de salmonidés peuvent diaboliser certains usages sociaux ou économiques de la rivière, mais ils ne peuvent espérer en même temps s'exonérer des critiques, des plaintes ou des refus de leurs propres usages, ni plus ni moins légitimes que d'autres.

Référence : Thomas O, Germaine MA (2018), La restauration de la continuité écologique des cours d’eau et la pêche de loisir : héritages, changements et enjeux, Norois, 249, 43-60

16/04/2019

L'Etat veut casser les barrages de la Sélune sans attendre l'avis de la justice saisie par plusieurs procédures

Quand Edouard Philippe a annoncé la fin du projet de Notre-Dame-des-Landes, il a dit aux Français qu'aucun projet de territoire divisant la population concernée n'était tenable. Mais la technocratie jacobine pratique volontiers le deux poids deux mesures, ce qui explique en bonne part la colère croissante que suscitent ses arbitrages autoritaires et aléatoires partout dans le pays. Ainsi, le même gouvernement soi-disant soucieux de l'unité des populations autour des projets territoriaux n'hésite pas à lancer aujourd'hui la destruction des barrages de la Sélune, contre l'avis de ses riverains et surtout sans attendre l'issue de plusieurs procédures de justice engagées depuis le début d'année. Nous appelons nos lecteurs à saisir urgemment leurs parlementaires de ce scandale d'Etat, en demandant des comptes à François de Rugy et Edouard Philippe sur cette gabegie de 50 millions € où l'on casse des outils de production bas-carbone en pleine transition énergétique et où l'on assèche des grands lacs à l'heure de l'adaptation au changement climatique. Ce chantier est le sacrifice de 20 000 riverains pour quelques adeptes de l'écologie punitive et de la pêche au saumon: c'est insupportable. La casse du patrimoine hydraulique français doit cesser.


Photos RZ-La Manche Libre, tous droits réservés.

En pleine transition énergétique, le gouvernement veut détruire les ouvrages de la Sélune en état de produire une électricité très bas carbone, au coût de 50 millions € d'argent public pris dans la poche du contribuable, au risque de faire revenir inondations et pollutions à l'aval et jusqu'à la baie du Mont Saint-Michel, cela pour un gain hypothétique de 1300 saumons: incompréhensible et inacceptable gabegie. Cette option a été refusée par les 20 000 riverains voyant disparaître des lacs et ouvrages appréciés. Et sous couvert d'écologie, elle a pour principaux promoteurs le lobby des pêcheurs de saumons, qui s'intéresse davantage à son loisir privé et aux poissons au bout de sa ligne qu'à toute autre considération. On prétend que c'est une opération exceptionnelle pour les saumons alors même que des opérations similaires aux Etats-Unis concernent des centaines de milliers de migrateurs, et surtout que le saumon est dores et déjà capable de coloniser de nombreux fleuves côtiers en France. S'acharner à détruire les barrages de la Sélune relève de l'affichage et du symbole : le symbole misérable de la casse du patrimoine hydraulique français au nom d'une "continuité écologique" devenue un dogme.

Enfermé dans les bureaux du ministère où, comme son prédécesseur Nicolas Hulot, il ne reçoit que des factions choisies pour conforter ses vues, prétendant mensongèrement à l'opinion publique et à la représentation nationale que la France fait tout pour tenir ses objectifs bas carbone, François de Rugy refuse une réunion de concertation rassemblant les acteurs de la vallée. L'Etat encourage depuis quelques semaines le maître d'oeuvre à démanteler les installations électriques essentielles du site de la Sélune, cela alors même que la justice a été saisie par plusieurs procédures lancées par des riverains, des élus, des associations.

Face à ses pratiques inqualifiables, l'Association des amis des barrages a refusé un simulacre de concertation proposé par Sophie-Dorothée Duron, conseillère auprès du ministre, et de nouveau demandé à l'Etat d'attendre l'avis de la justice avant toute action irréversible. Comme il se doit dans une démocratie respectant l'équilibre des pouvoirs et les demandes de la société.

L'ADB s'en explique dans une lettre que nous reproduisons ci-dessous.

Nous appelons nos lecteurs à saisir urgemment leurs députés et sénateurs de ce scandale en leur demandant d'interpeller le gouvernement, qui affirme "entendre" les citoyens dans le cadre du Grand Débat, qui prétend travailler à une continuité écologique "apaisée" mais qui poursuit en réalité sur la Sélune comme ailleurs ses pratiques autoritaires et décriées d'écologie punitive.

Quant aux riverains des lacs et barrages de la Sélune, dont certains ont commencé par désespoir à s'enchaîner sur les grilles du chantier, ils sont fondés à utiliser tout moyen pacifique de protestation démocratique pour exiger de l'administration qu'elle stoppe le chantier et attende les jugements.

Si les bureaucraties d'Etat n'ont pas la décence de respecter le temps de la justice, c'est sur le terrain de chaque destruction contestée qu'il faut désormais s'engager.

Courrier de l'ADB :

En 2015, madame Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Energie, avait pris une décision de nature à satisfaire la grande majorité des acteurs du dossiers des barrages de la Sélune. L’arrêté préfectoral du 3 mars 2016 prévoyait la vidange nécessaire de la seule retenue de Vezins, en excluant la destruction du barrage. Les expertises menées sur l’ensemble des installations une fois l’assec réalisé devaient conduire à une décision finale basée sur leurs résultats, et non sur les considérations purement idéologiques et politiciennes habituellement retenues.

En 2017, Monsieur Nicolas Hulot, éphémère ministre de la Transition écologique et solidaire a annoncé, unilatéralement, sans concertation et contre toute attente, la démolition immédiate des ouvrages de Vezins et La Roche-Qui-Boit. Annonce faite par simple
communiqué de presse, n’ayant donc pas valeur de décision ministérielle.

Dès la nomination de Monsieur François de Rugy, actuel ministre d’État de la Transition écologique et solidaire, notre association s’est manifestée pour solliciter une entrevue susceptible de nous permettre de faire valoir nos arguments selon lesquels la raison voudrait que le processus initié par Madame Royal soit mené à son terme, comme prévu, quelle que soit la décision finale qu’il en résulterait. Cette demande était aussi celle de la majorité des élus locaux et de l’ensemble de la population concernée. Une lettre a aussi été transmise en mains propres à Monsieur de Rugy par notre député, sans plus de succès. Depuis 2009, il est le seul des ministres concernés à ignorer nos sollicitations. La proposition qui nous est faite est la réponse aux nombreux courriers que nous avons adressés à Monsieur le Président de la République. Son chef de cabinet nous faisait savoir à chaque fois qu’il transmettait à Monsieur de Rugy.

Le 29 octobre 2018, le Préfet de la Manche a pris un arrêté « complémentaire » portant sur la démolition des deux ouvrages et notre association a déposé plusieurs recours devant le Tribunal administratif pour le contester. Sans pouvoir empêcher sa mise à exécution dès ce 1er avril, malgré l’indignation des élus et de la population locale.

Par ailleurs, Monsieur de Rugy a clairement fait connaître son opposition à la production d’hydroélectricité, alors que le Président de la République répète à l’envi qu’elle est l’énergie renouvelable la moins chère à produire et qu’il souhaite en favoriser le développement. Ce qui laisse difficilement espérer un choix consensuel, et encore moins un retour sur une décision en parfaite incohérence avec les objectifs affichés de ce gouvernement et des précédents.

Notre conseil d’administration a donc considéré qu’un entretien avec la Conseillère en charge de la biodiversité, de l’eau et de la mer auprès du Ministre d’État de la Transition Écologique et Solidaire, n’aurait d’autre conséquence que de laisser entendre que notre association cautionnerait la décision de démolir les barrages et de « renaturer » la vallée de la Sélune. Et ce, sans attendre de savoir comment et par quoi les fonctions actuelles des barrages et des lacs allaient être remplacées.

Ce n’est bien évidemment pas le cas.

Le tribunal administratif de Caen examinera le dossier sur le fond dès ce mois de Juin. Il nous paraîtrait raisonnable qu’aucun acte irréversible ne soit commis avant que la justice n’ait enfin tranché sur cette affaire qui n’est jamais venue devant un tribunal, malgré toutes les discussions et les controverses dont elle fait l’objet depuis de nombreuses années. Une telle décision d’État apaiserait les esprits tout en faisant l’objet d’un large consensus.

Nous l’appelons donc de nos voeux.

23/01/2019

Les riverains demandent à la justice d'annuler le projet de destruction des barrages de la Sélune

Trois recours en justice ont été déposés contre les arrêtés de destruction des barrages hydro-électriques et des lacs de la Sélune. Le combat judiciaire s'ouvre donc tandis que la mobilisation des riverains continue sur le terrain. Sur ce fleuve normand, ce sont 20 000 citoyens qui ont refusé la disparition de leur cadre de vie imposée par le ministère de l'écologie. Casser sur argent public des outils de production bas-carbone et de retenue d'eau en pleine transition est incompréhensible. La préservation des saumons peut être assurée par d'autres moyens que ce choix disproportionné de la destruction – d'autant que les cadeaux de l'Etat au lobby des pêcheurs de saumons font douter de la sincérité écologique de ce projet. Quoiqu'il en soit, le contentieux judiciaire est désormais ouvert : nous attendons du gouvernement qu'en plein débat national sur la nécessité de mieux écouter les attentes des Français, il respecte le temps de la justice et entende toutes les parties prenantes.


Les avocats des riverains de la Sélune et de l'association les Amis du barrage ont déposé  auprès du Tribunal administratif de Caen trois recours contre la destruction des ouvrages hydrauliques annoncée par Nicolas Hulot en 2018.

Les trois procédures concernent :

  • un référé-suspension visant à obtenir la suspension des opérations de démantèlement du barrage de Vezins qui devraient intervenir dès le mois d’avril,
  • un recours de plein contentieux contre l’arrêté « complémentaire » du préfet de la Manche portant sur la démolition du barrage de Vezins,
  • un autre recours de plein contentieux contre l’arrêté « complémentaire » du préfet de la Manche portant sur la démolition du barrage de la Roche-qui-Boit.

La bataille judiciaire est donc engagée, en même temps que la bataille de terrain puisqu'une manifestation unitaire gilets jaunes - riverains avait eu lieu voici quelques semaines. Les syndicats EDF ont déjà déploré la casse de ces outils de production à l'heure où l'on proclame l'urgence climatique.

Notre association avait écrit au ministère de l'écologie, qui n'a jamais daigné répondre aux arguments avancés, ni faire la politesse d'un semblant de concertation. Le niveau de mépris de la haute fonction publique française pour les règles élémentaires du débat démocratique est devenu assez effarant...

Le projet de destruction des barrages de la Sélune est avant tout un cadeau de l'Etat au lobby des pêcheurs de saumon, alors que le gain pour cette espèce (1300 saumons remontants, moins que le nombre d'animaux tués pour la seule pêche de loisir en France) est négligeable par rapport aux coûts engagés et que le saumon est déjà présent dans les autres bassins versants des rivières de la région, ainsi qu'à l'aval des barrages sur la Sélune.

Les motifs de refuser la destruction des sites sont nombreux :
  • ce projet altère le cadre de vie des 20 000 riverains qui se sont exprimé à 99% contre la destruction de leur vallée aménagée, une protestation qui prend un sens nouveau à l'heure où la crise des gilets jaunes a révélé l'exaspération des Français face aux mesures autoritaires et punitives imposées depuis Paris,
  • ce projet a un coût public important (au moins 50 M€) et évitable, cela ne passe pas à l'heure où tout le monde est censé se serrer la ceinture, où les collectivités manquent de moyens pour des choses essentielles, où l'Etat peine à financer des dépenses publiques prioritaires,
  • ce projet contredit la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement, en détruisant des outils de production bas-carbone déjà en place et pouvant produire plusieurs décennies encore, cela alors que deux millions de Français ont demandé à l'Etat d'engager la lutte pour le climat et que le débat public sur la programmation énergétique nationale a conclu à la nécessité de développer l'hydro-électricité,
  • ce projet anéantit un écosystème de lacs et les espèces qui en profitent, ainsi que les services écosystémiques associés à ces lacs,
  • ce projet met en danger l'aval du fleuve et la baie du Mont Saint-Michel (pollution, inondation),
  • ce projet prive la population de réserves d'eau alors que tous les modèles prévoient une instabilité hydro-climatique croissante et une aggravation des étiages,
  • ce projet a une alternative énergétique et écologique viable, y compris pour transporter le saumon à l'amont des barrages et déjà vérifier que les habitats y sont propices à sa reproduction, ce qui n'est nullement garanti.
Ajoutons que le SADGE Seine-Normandie a été annulé en décembre 2018 par la justice alors que les dépenses de financement de l'agence de l'eau - principal bailleur public - pour détruire les ouvrages de la Sélune ont été votées au nom de ce texte, désormais caduc et non opposable.

Nous demandons donc au gouvernement français de revenir sur ce projet dépassé, conflictuel et contraire à l'intérêt général des citoyens. Le débarrage des rivières doit se faire quand les ouvrages sont en fin de vie et présentent des risques de sécurité. Mais l'expertise n'a rien indiqué de tel sur la Sélune.

Illustration : manifestations contre la casse des barrages et des lacs en décembre 2018, Ouest France, droits réservés.

19/10/2018

L'intersyndicale EDF demande au gouvernement de préserver les barrages, lacs et usines de la Sélune

Plus de 50 millions € d'argent public dilapidés, des barrages hydro-életriques détruits en pleine transition bas carbone et quand les chercheurs appellent à la mobilisation générale pour le climat, 20 000 riverains ayant refusé de voir disparaître leur cadre de la vie, un cadeau d'un autre âge fait au lobby des pêcheurs de saumon : la destruction des barrages de la Sélune ne passe décidément pas. L'intersyndicale EDF a publié un texte commun demandant au gouvernement de revoir sa copie. Nous le reproduisons ci-dessous. Et nous appelons François de Rugy à abandonner dès à présent ce projet contesté.

«Ce barrage est solide et sa remise en eau, ne pose aucun des problèmes annoncés.» 
(Sous-préfet sur France 3)

L'intersyndicale CFDT, CFE, CGT, FO et UNSA s'oppose toujours à la destruction des barrages de Vezins et La Roche-qui-Boit décidée par Nicolas Hulot, lorsqu'il était encore ministre de la Transition écologique et solidaire (le 14 novembre 2017).

Oui ! redonnez à EDF l'exploitation des seuls poumons verts du sud de la Manche n'est pas utopique dans une période de dérèglement climatique. Quels sont les motivations profondes liées à cette volonté de destruction ? Les machines et les installations sont en bon état, sous réserve de continuer à les entretenir. Mesdames et Messieurs les décideurs en ces temps de développement des Energie renouvelables ne pensez-vous pas qu'il y a d'autres priorités ?

L'intersyndicale estime que l'arasement des barrages hydro-électriques de Vezins et de la Roche qui Boit (GEH Ouest) est absurde au regard de l'état des installations et du besoin de production verte dans le sud du département !

Concernant la sécurité des biens et des personnes Le barrage de Vezins a un rôle d'écrêter les crues. Demain les crues risquent d'être brutales pour les riverains et les entreprises de la vallée de la Sélune.

A force de dogmatismes, dans un second temps ces décisions auront des impacts lourds de
conséquences pour l'emploi dans les territoires.

Les oonséquences éoologiques, économiques et sur l'emploi sont-elles, pleinement et objectivement, mesurées ?

L'étude de classement de la Sélune reste une solution à ré-étudier pour trouver un équilibre entre écologie et production d'électricité verte associée à la gestion de l'eau.

Il est encore temps de redonner aux barrages de la Sélune leur fonction en matière de production d'électricité et de multi-usages de l'eau (gestion des crues, tourisme, agriculture, pêche...).

L'intersyndicale CFDT, CFE, CGT, FO et UNSA continue à combattre ces décisions illogiques et demande la réhabilitation des barrages et des centrales de la Sélune.

06/07/2018

Le lobby pêche et le ministère de l'écologie s'autocongratulent sur la destruction des barrages de la Sélune

Nicolas Hulot n'a jamais daigné répondre aux 1300 élus, 350 associations, 12 fédérations et syndicats qui ont déposé un appel à moratoire sur la destruction des ouvrages hydrauliques au début de cette année, sans parler de recevoir leurs représentants. Mais le ministre a reçu promptement les apparatchiks de la fédération de la pêche en France en les assurant de son engagement à détruire les barrages de la Sélune, dans la Manche. Après avoir affirmé devant les sénateurs que cette dépense de 50 millions € pour 1300 saumons serait une très bonne affaire économique, le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu prétend maintenant que la vallée de la Sélune remercie l'Etat de faire venir les bulldozers pour détruire le cadre de vie local et des barrages en état de fonctionner, rendant de nombreux services. On croit rêver. Vous avez dit "nouveau monde"? Cette manière opaque et clientéliste de faire de la politique est rétrograde. Elle insulte les riverains, qui ne manqueront pas de demander aux parlementaires de jouer leur rôle démocratique de contrôle des choix du gouvernement.



La FNPF (Fédération nationale de la pêche en France) tenait le 18 juin 2018 son congrès annuel. Voici les extraits des discours de son président et du secrétaire d'Etat à l'écologie.

Claude Roustan, président de la fédération de pêche:
"Sur la continuité écologique, l’an dernier, j’émettais le souhait que la nouvelle équipe gouvernementale mette fin à quelques années de doutes et de recul sur les outils de protection des milieux aquatiques et notamment, la continuité écologique. À l’occasion de notre rencontre en juillet dernier avec le ministre d’État, nous avions demandé à Monsieur Nicolas Hulot de mettre fin à la doctrine calamiteuse qui a prévalu pendant 5 ans au sein de ce ministère, en particulier depuis sa suspension de l’effacement des barrages de Vezins et de la Roche Qui Boit dans la Manche. Cette suspension par la ministre de l’époque, Madame Ségolène Royal, était accompagnée d’un propos inapproprié qui nous a beaucoup contrariés. Ces propos, je les cite : « On ne met pas 53 millions d'euros pour faire passer les poissons. » En une seule phrase, elle a bouleversé tous les équilibres que nous avions trouvés sur ce sujet et remis en cause plusieurs accords. Dans la foulée, des moulins ont été érigés en exception à la continuité écologique."

Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire:
"La Sélune : merci pour vos remerciements publics puisque j'ai dû porter la décision y compris en tant qu'élu normand, auprès d'un certain nombre de collègues de la Manche. La question de la Sélune était devenue un serpent de mer, sans mauvais jeu de mots, qui durait depuis maintenant plus de dix ans et sur lequel il fallait décider et trancher. C'est ce que nous avons fait avec un peu de courage parce qu'il a fallu porter auprès des élus locaux, d'acteurs qui se sont engagés sur ces questions-là depuis longtemps, une décision claire. Au final, nous avons été remerciés par tout le monde, puisque le statu quo et la non-décision étaient devenus source de mépris pour le territoire et pour celles et ceux qui étaient engagés dans ce dossier, quelles qu'en soient les positions."

Nous observons que :


Le mépris du ministre Hulot pour la concertation avec ceux qui ne partagent pas ses vues devient de plus en plus manifeste. Et inacceptable. Nous incitons donc tous les propriétaires et riverains à s'en plaindre à leurs parlementaires, dont le rôle est de contrôler la bonne exécution des lois par le gouvernement et de s'assurer de l'écoute de la société par ses représentants et son administration. Il n'est pas question de laisser une minute de répit au ministre et à ses secrétaires d'Etat tant que durera le scandale de la destruction des ouvrages hydrauliques, symbole de l'indifférence des bureaucraties et des lobbies face aux attentes des citoyens pour protéger leur cadre de vie.

Quant au lobby pêche, qui profite encore de son congrès 2018 pour réclamer le droit de tirer des cormorans, son rapport à l'écologie est ténu, pour ne pas dire plus. Une activité fondée sur le stress et la prédation des animaux peut avoir une légitime sociale, mais ses motivations premières n'ont rien à voir avec la protection de l'environnement. L'engagement des minorités actives de pêcheurs de salmonidés pour la casse agressive des ouvrages hydrauliques est quant à lui inacceptable. La réponse riveraine la plus simple à apporter est de refuser désormais l'accès des pêcheurs aux berges sur toutes les rivières où leurs représentants officiels défendent et pratiquent la destruction des ouvrages hydrauliques (nous contacter pour la procédure à suivre). La rivière peut et doit se partager entre personnes tolérantes et ouvertes, certainement pas avec des usagers nuisibles et dogmatiques. Quant à la réponse politique, et puisque l'Etat a engagé une réflexion sur les opérateurs de l'eau et de la biodiversité, elle devrait être une séparation plus claire de la pêche comme loisir particulier et de la protection des milieux aquatiques comme mission publique, au lieu de la confusion actuelle entre l'halieutique et l'écologique. Et une ré-invention locale de la rivière comme bien commun, où les délibérations et décisions seraient nettement mieux partagées qu'aujourd'hui. Les choix autoritaires venant de la haute administration parisienne ou bruxelloise, avec quelques groupes d'influence à la manoeuvre aux côtés des politiques, nourrissent une crise de l'action publique dans laquelle les citoyens ne reconnaissent plus une capacité à maîtriser l'avenir de leur cadre de vie.

A signer, à diffuser :
Lettre-pétition à Nicolas Hulot pour stopper la destruction des ouvrages en rivière
Le courrier sera envoyé au ministre, en copie au Premier Ministre et à l'ensemble des députés et sénateurs, pour exprimer le refus massif de la destruction du patrimoine et du paysage des rivières au nom d'une approche précipitée et brutale de la continuité écologique.

15/06/2018

Lettre à Justine Roulot sur les enjeux de la Sélune

Notre association répond au courrier de Justine Roulot (conseillère biodiversité, eau et mer du ministre de l'écologie) sur le projet contesté de destruction des barrages de la Sélune. En particulier, nous rappelons que le potentiel salmonicole du cours d'eau ne peut être considéré comme "exceptionnel", que des options non-destructrices permettent d'engager et vérifier les opportunités de recolonisation par le saumon, que les nouveaux écosystèmes formés par les lacs ne doivent pas être négligés au prétexte de leur origine humaine. Outre son coût exorbitant au plan financier et son effet négatif sur les services écosystémiques, ce projet d'effacement des ouvrages de la Sélune n'a pas aujourd'hui la maturité suffisante pour être accepté par les populations riveraines. A quoi bon s'enfermer dans une écologie de la division, surtout promue pour des motifs halieutiques, à l'heure où les initiatives pour la biodiversité ont besoin de rassembler les citoyens? 



Le 5 juin dernier, vous avez répondu à l’interpellation dont a fait l’objet M. le ministre d’Etat Nicolas HULOT à propos du projet actuel de destruction des lacs et barrages de la Sélune. Cette réponse a été rendue publique. Le présent courrier l’est aussi, puisque notre association milite pour un débat démocratique ouvert sur ces questions.

Vous relevez que la destruction des ouvrages de la Sélune s’inscrit dans le cadre du Plan d’action pour la restauration de continuité écologique des cours d’eau (PARCE 2009). Vous n’êtes pas sans ignorer que ce Plan a fait l’objet de nombreuses critiques depuis son lancement :
  • deux rapports du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD 2012, CGEDD 2016) dont la plupart des préconisations n’ont pas à ce jour été prises en compte par l’administration de votre ministère en charge de l’eau et de la biodiversité ;
  • près d’une centaine d’interpellations parlementaires des ministres successifs en charge de l’environnement depuis 2010, ayant notamment conduit Mme Ségolène ROYAL à demander en 2015 aux préfets de cesser les opérations de continuité écologique ne rencontrant pas des conditions apaisées de consensus local ;
  • déjà quatre évolutions législatives entre 2015 et 2017 (modifiant les art L211-1, art. L214-17 et art. L214-18-1 code environnement) ayant conduit à poser que la continuité écologique doit se rendre compatible avec les autres dimensions d’intérêt général de l’eau, qu’il s’agisse de la production d’énergie bas carbone, du patrimoine historique et industriel, des réserves d’eau à l’étiage et de la gestion des crues, de l’adaptation des vallées aux défis que posera le changement climatique dans les prochaines décennies ;
  • une recherche observant de fortes divisions sociales dans la représentation des rivières et une dimension subjective dans l’appréciation de ce que devraient être les priorités écologiques (voir le livre collectif de Barraud et Germaine 2017)
La restauration de continuité en long des rivières est l’une des politiques publiques de l’environnement les plus contestées en France en raison de sa gouvernance fermée, de ses nuisances aux riverains et de ses divers effets négatifs, y compris parfois écologiques : c’est dans ce contexte que l’opportunité de poursuivre ou non des projets anciens sur la Sélune doit s’apprécier aujourd’hui.

L’association des Amis des barrages de la Sélune vous a déjà rappelé les nombreuses raisons pour lesquelles la destruction des sites de la vallée est refusée par les parties prenantes impactées. Nous les rappelons pour mémoire : disparition du cadre de vie majoritairement apprécié par les riverains, crainte des élus sur l’aggravement du risque inondation pour les crues à temps de retour fréquent, perte de la principale réserve d’eau potable de la région, sacrifice d’une unité de production renouvelable en pleine transition et ce malgré le retard français en ce domaine, disparition de la fonction de stockage et épuration des polluants des retenues, avec pression supplémentaire sur la baie du Mont Saint-Michel et ses activités. Les services écosystémiques associés aux retenues sont ainsi détruits par le projet.

Outre cet enjeu local, la propriété des sites par l’Etat et par EDF comme le coût public considérable de l’opération (déjà 45,6 M€ engagés par l’agence de l’eau Seine-Normandie entre 2012 et 2018) en font également une question de politique générale, touchant tous les citoyens dont les taxes sont utilisées à fin de détruire les ouvrages.

Ce projet est également mis en avant comme un test ambitieux de «renaturation» associé à une vaste étude scientifique de suivi des effets. Mais ainsi présenté, cela revient à dire aux habitants que leur vallée est mise sous cloche et qu’ils seront les cobayes d’une expérimentation grandeur nature où leur consentement n’est pas requis. Faut-il s’étonner d’avoir des réticences face à cette manière de faire d’un autre âge ? M. Edouard PHILIPPE n’a-t-il pas souligné dans le cas de Notre-Dame-des-Landes qu’un projet structurant est impossible à mener à bien sans une pleine implication du territoire, ce qui suppose qu’il n’y ait pas de division forte ?

Des chercheurs en sciences sociales ont observé que la gouvernance de ce chantier est problématique depuis son origine (voir Germaine et Lespez 2017), ce qui a empêché une appropriation locale et une articulation démocratique des enjeux. L’enquête publique de 2014 a produit une très courte majorité en faveur de la destruction (53 versus 47%), actant déjà la division des esprits. Mais le résultat de cette enquête a surtout été biaisé par la mobilisation électronique du lobby international des pêcheurs de saumons – principale force de soutien à la destruction, pour des raisons halieutiques davantage qu’écologiques. Un loisir individuel fondé sur le stress et la prédation des animaux sauvages peut difficilement être un motif suffisant pour modifier une vallée entière et investir des dizaines de millions € d’argent public.

Dans toutes les questions de continuité écologique que nous suivons depuis le PARCE 2009, la sincérité, la rigueur et la précision de la parole publique forment un enjeu essentiel. Les citoyens sont excédés quand ils ont le sentiment d’être trompés ou manipulés.

Pour la Sélune, vous évoquez dans votre courrier du 5 juin un « potentiel exceptionnel » pour les poissons migrateurs, anguilles et surtout saumons. C’est aujourd’hui le principal argument en faveur de la destruction des barrages. Il est audible : améliorer les conditions d’espèces menacées est légitime, à condition que les coûts soient proportionnés aux enjeux et que ces enjeux soient assez significatifs pour produire un large accord chez les riverains et usagers.

Est-ce le cas? Nous aimerions relativiser votre propos sur le caractère «exceptionnel» du bénéfice écologique du chantier de la Sélune à la lumière des faits suivants :
  • La seule estimation publiée à ce jour (Forget et al 2014), sur la base d’un modèle déterministe, fait état d’un potentiel de 1314 saumons supplémentaires. A titre de comparaison, la destruction des deux barrages de l’Elwha aux Etats-Unis représente un potentiel de retours annuels d'anadromes estimé entre 380.000 et 500.000 individus (Pess et al 2008). On voit la différence entre une opération réellement « exceptionnelle » et une autre beaucoup plus modeste.
  • 4 rivières à salmonidés et migrateurs se jettent dans la baie du Mont-Saint-Michel: la Sienne (92,6 km), la Sée (78,1 km), le Couesnon (97,8 km) et la Sélune (84,7 km). Non seulement la Sélune n'est pas le fleuve le plus long, mais d'autres ont fait l'objet de tentatives de restauration pour le saumon avec des résultats mitigés, malgré des alevinages massifs. Il faudrait procéder à une analyse bien plus approfondie de ces conditions locales et des probabilités de succès.
  • On trouve aujourd’hui un total de 1635 km de linéaires de rivières salmonicoles en Seine-Normandie, le gain d’habitat de l'effacement des barrages sur la Sélune représente 3,5% de ce linéaire total. Outre la Seine-Normandie, les rivières côtières salmonicoles sont présentes sur toute la façade atlantique de l'Aquitaine à l'Artois, et de grands bassins font l'objet de suivis et aménagements pour être rendus accessibles (Loire, Allier, Garonne, Dordogne, Adour, Somme, Rhin, etc.). Le gain de linéaire sur la Sélune rapporté au potentiel salmonicole français devient alors quantité plus négligeable. Ce qui pose la question de son coût considérable.
  • Le projet est censé structurer la vallée à échelle de ce siècle, or on ne trouve aucune information sur les projections climatiques à horizon 2100 et leurs effets pour les phases de vie continentale et océanique des saumons atlantiques. 
  • Entre 2500 et 3000 saumons sont capturés par les pêcheurs chaque année en France (chiffres Onema 2012), donc le gain espéré pour l'espèce menacée sur la Sélune serait inférieur d'un facteur 2 aux seules pertes de prédation dues au loisir pêche (hors braconnage, mortalités accidentelles, etc.). Si un gain de 1300 saumons est jugé « exceptionnel », cela devrait conduire votre ministère à interdire rapidement la pêche du saumon pour les pertes « exceptionnelles » de géniteurs qu’elle engendre…
  • Le repreneur industriel des barrages de la Sélune se propose de procéder pendant la nouvelle concession de 30 ans à des captures et relargages de saumons remontants, comme cela se pratique un peu partout dans le monde, et sur plusieurs rivières françaises dans le cadre de la gestion EDF de grands barrages. Cette solution n’est évidemment pas l’idéal, mais elle permet déjà de tester la qualité des habitats en amont de la Sélune, dont un rapport avait souligné le caractère très dégradé (étude Hydroconcept / Fédération de pêche Manche 2010). Cette issue paraît une étape raisonnable en vue de préparer un éventuel effacement, qui aurait lieu s'il était nécessaire dans des conditions plus consensuelles et sur la base de données plus solides quant au potentiel salmonicole de long terme. Une partie des équipes scientifiques pressenties pour étudier l’effacement pourrait être mobilisée sur l'accompagnement de cette première phase de recolonisation. 
Les salmonidés et plus généralement les poissons migrateurs ne résument pas tous les enjeux écologiques. Les lacs de la Sélune forment ce que l’on nomme désormais en écologie de la conservation des «nouveaux écosystèmes», appelant un mode de décision adapté (voir récemment Backstrom et al 2018, ainsi que Beatty et al 2017 sur la réévaluation du rôle des retenues comme refuges en période de changement climatique). Ces lacs sont certes défavorables à certaines espèces pisciaires qui remontaient jadis la Sélune, mais ils ont été colonisés par de nombreuses autres après leur création.

Détruire les hydrosystèmes en place a aussi de nombreux désavantages écologiques, comme l’a relevé le rapport de diagnostic fait par Artelia en 2014 et comme le soulignent des riverains :
  • disparition de la réserve d’habitats que peut constituer la retenue en période de très basses eaux dans le cas d'un cours d’eau soumis à des étiages sévères,
  • destruction de l’alimentation des zones humides dans les zones déprimées en fond des vallons,
  • mortalité d’une partie de la ripisylve de la retenue du barrage dont les racines seront exondées,
  • réduction de zones favorables aux espèces des milieux lentiques (brème, brochet, gardon, carpe, perche, sandre, tanche),
  • destruction des conditions favorables au développement du phytoplancton et de certaines macrophytes, disparition des vasières et des espèces inféodées à ce milieu (limoselle aquatique, scirpe à inflorescence ovoïde, léersie faux-riz), 
  • perte d'habitat et nourrisserie pour l'avifaune, dont certaines espèces protégées (hirondelle de fenêtre, bergeronnette des ruisseaux, chevalier guignette, grèbe huppé, héron cendré, grand cormoran, bouscarle de Cetti, martin pêcheur d’Europe, troglodyte mignon, bondrée apivore, pic épeichette),
  • perte d'habitat pour les amphibiens et urodèles (grenouille agile, crapaud commun, salamandre tachetée, triton palmé), risque de disparition de certains insectes protégés (gomphe semblable),
  • menace sur les colonies de chiroptères (petit rhinolophe, murin à oreilles échancrées, murin de Daubenton).
Sur ce point, aucune étude n’a démontré que le projet de destruction des lacs de la Sélune évite une perte nette de biodiversité, et cette carence rend problématique l’hypothèse d’un arrêté préfectoral de destruction suite aux évolutions nées de la loi dite de biodiversité de 2016.

Au-delà de la question juridique, c’est la représentation sociale de la biodiversité que votre ministère gagnerait à questionner. Nous vivons dans une zone européenne où l’influence humaine est multimillénaire et où la plupart des milieux sont en réalité des hybrides de trajectoires naturelles et de contributions anthropiques. Développer des politiques publiques de «renaturation»  a un coût important pour des bénéfices à long terme parfois incertains au plan biologique et souvent discutés au plan social. Considérer la biodiversité in situ – endémique comme acquise – plutôt que viser le retour hypothétique à une biodiversité passée paraîtrait un choix préférable pour définir les priorités d’investissements. A l’heure où l’on documente dans tant de nos régions un déclin massif et alarmant de cette biodiversité ordinaire des insectes, oiseaux, amphibiens, poissons ou petits mammifères, il serait contre-productif d’investir des sommes disproportionnées sur des opérations dont les dimensions sont plus symboliques et halieutiques qu’autre chose.

Il s’agit aujourd’hui pour notre pays de réunir les citoyens autour d’enjeux de biodiversité : le projet de destruction des lacs et barrages n’a pas la maturité suffisante pour y aboutir dans de bonnes conditions. Nous vous demandons donc de poser un moratoire sur son exécution. Les options existent pour l’Etat, qui a toutes les cartes en main : classement en masse d’eau fortement anthropisée au titre de la DCE, déclassement de la liste 2 du L 214-17 CE en raison du coût disproportionné de la mise en conformité, poursuite de la concession avec mesure de sauvegarde du saumon. L’alternative serait un engagement dans un long conflit judiciaire et politique, un chantier imposé à des habitants qui n’en veulent pas, une image encore un peu plus ternie d’une continuité écologique dont la mise en œuvre pose déjà problème partout.

Nous ne voulons pas croire que le gouvernement fera ce choix de la division et de la confusion, au moment où un plan ambitieux de protection de la biodiversité doit engager tous nos concitoyens.

Références citées
Backstrom AC et al (2018), Grappling with the social dimensions of novel ecosystems, Front Ecol Environ, 16, 2, 109-117.
Barraud R, MA Germaine (ed) (2017), Démanteler les barrages pour restaurer les cours d’eau. Controverses et représentations, Quae, Paris, 240 p.
Beatty S et al (2017), Rethinking refuges: Implications of climate change for dam busting, Biological Conservation, 209, 188–195
Forget G. et al (2014), Estimation des capacités de production en saumon du bassin de la Sélune après la suppression des deux barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit, 8 p., non publié.
Germaine MA, Lespez L (2017), The failure of the largest project to dismantle hydroelectric dams in Europe? (Sélune River, France, 2009-2017), Water Alternatives, 10, 3, 655-676
Onema (2012), La pêche du saumon en France en 2011 et 2012, 6 p.
Pess GR et al (2008), Biological Impacts of the Elwha River Dams and Potential Salmonid Responses to Dam Removal, Northwest Science, 82, 72-90.