Notre association a adressé une lettre ouverte à l'ensemble des élus du bassin de l'Armançon. Les délégués doivent se réunir en comité syndical le 15 novembre 2016 à Ancy-le-Franc: nous sollicitons un débat sur la politique des ouvrages hydrauliques menée par le SMBVA, ses objectifs et ses méthodes.
Madame, Monsieur,
Si l’émotion reste vive après les destructions des ouvrages de Tonnerre, une réflexion de fond est désormais nécessaire. C’est l’objet principal de cette lettre. Veuillez en pardonner la longueur : certains sujets se prêtent difficilement au raccourci, sauf à verser dans le slogan ou la caricature. La réforme dite de « continuité écologique » en fait partie. La politique du SMBVA en ce domaine aussi.
Nombre de communes riveraines du bassin de l’Armançon possèdent au moins une retenue de moulin. Et nombre d’entre elles pourraient voir disparaître ce patrimoine sur les rivières classées au titre de la « continuité écologique ».
Plus d’une centaine d’ouvrages sont concernés sur le bassin de l’Armançon, près d’un millier en Bourgogne.
Cette orientation très récente est assez exceptionnelle pour mériter notre attention.
Tonnerre et Perrigny-sur-Armançon : bref retour sur le contexte et les faits
Quelques mots sont d’abord nécessaires sur les chantiers de Tonnerre et Perrigny-sur-Armançon, qui ont été couverts par plusieurs médias et qui ont fait l’objet d’un courrier incomplet du président du SMBVA.
De manière synthétique, voici
les points essentiels à retenir sur le contexte général entourant la continuité écologique aujourd’hui, donc concernant aussi les destructions de moulins sur l’Armançon:
- la casse des ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique soulève une opposition croissante en France, plus de 300 institutions et 1300 élus dont 36 parlementaires ont déjà signé un appel national à cesser les destructions (Bourgogne, première région signataire), des chercheurs de renom ont émis des réserves sur sa méthode voire sur son intérêt dans le cas des petits ouvrages de rivières ordinaires;
- face à ces problèmes désormais reconnus, la loi a été modifiée (été 2016) pour laisser un délai de 5 ans supplémentaires à la mise en conformité et pour mieux prendre en compte la dimension patrimoniale des moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques;
- la Ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, a proposé un plan de relance de la petite hydro-électricité en 2016, en même temps qu’elle a appelé devant le Parlement à cesser la destruction des moulins et a écrit aux préfets une instruction (9 décembre 2015) pour différer ces chantiers dans les cas posant des incompréhensions persistantes;
- un rapport du CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable) a été commandité par la Ministre, pour faire évoluer encore la réforme de continuité écologique, notamment sa mise en œuvre administrative et son financement;
- deux rapports parlementaires 2016 (Dubois et Vigier en février, Pointereau en juillet) ont souligné cette même nécessité de remettre cette question à plat, vu les problèmes et retards observés sur le terrain.
Premier enseignement : les problèmes liés aux destructions d’ouvrages hydrauliques ne sont pas une exception locale de l’Armançon, mais bien désormais un
débat politique national faisant suite au retour critique de la mise en place du Plan dit « Grenelle » 2009 de restauration de continuité écologique et aux classements des rivières arrêtés en 2012 et 2013. Outre les évolutions déjà votées, plusieurs parlementaires ont fait part de leur souhait d’engager dès le début de la prochaine législature une approche plus équilibrée de cette question, en raison de ses coûts importants, de son ampleur peu réaliste et des dommages parfois créés aux autres usages de la rivière.
Dans le cas de Tonnerre et de Perrigny-sur-Armançon, voici
les faits tels qu’ils se sont déroulés depuis 6 mois:
- une mobilisation citoyenne (trois associations, deux collectifs riverains) s’est levée contre les projets d’effacement, perçus comme une dépense indue d’argent public, une destruction aberrante de patrimoine historique, une atteinte aux droits des riverains des retenues et un chantier vide de tout gain écologique significatif;
- l’enquête publique a confirmé les critiques portées par les citoyens et a conclu à l’absence d’intérêt général et d’intérêt écologique du projet, le SMBVA n’ayant notamment fait aucune démonstration convaincante de la réalité d’un enjeu sédimentaire et biologique au droit des sites;
- malgré cet avis défavorable, le SMBVA et la Préfecture de l’Yonne ont persisté dans le projet de casse des ouvrages, voté en réunion fermée du Coderst et essentiellement grâce aux voix des instances administratives au sein de ce comité, affichant ainsi leur mépris de l’avis des citoyens et du commissaire-enquêteur comme de la demande de Madame la Ministre de calmer le jeu sur les effacements contestés de moulins;
- les décisions préfectorales ont fait l’objet d’un recours gracieux de notre association et d’une annonce de recours contentieux en cas de fin de non-recevoir;
- sans attendre ces voies de recours, ultime possibilité pour les citoyens de défendre leur point de vue devant le juge, le SMBVA a cassé dans la précipitation l’ouvrage des services techniques de Tonnerre, le surlendemain de l’information dans la presse de l’existence de l’arrêté préfectoral;
- dix jours plus tard, le syndicat a fait déloger par une milice de pêcheurs les manifestants pacifiques qui occupaient la partie droite de l’ouvrage Saint-Nicolas de Tonnerre et l’a détruit à son tour.
Outre les deux requêtes en annulation des arrêtés préfectoraux, deux plaintes contre le syndicat sont déposées – notamment par le riverain en rive droite du seuil Saint-Nicolas, qui n’a pas donné son autorisation aux travaux sur la moitié du lit et de la berge dont il est propriétaire (mais qui a en revanche autorisé le collectif riverain à y manifester librement).
La justice tranchera désormais. Quels que soient ses verdicts,
le comportement du SMBVA a profondément choqué l’ensemble des personnes mobilisées et a renforcé leur détermination à lutter contre de telles méthodes.
La seule réponse du syndicat a été la brutalité du fait accompli, la disparition des ouvrages, l’impossibilité conséquente pour la justice de prévenir l’irréparable. L’ouvrage Saint-Nicolas était présent depuis plusieurs siècles, en très bon état de conservation, il n’y avait aucune urgence à le détruire dans un contexte aussi problématique et par des procédés aussi contestables.
Trois idées fausses sur l’opposition à la destruction des ouvrages hydrauliques
Nous avons le regret de constater que la première réaction du président du SMBVA consiste à minimiser l’existence des problèmes. On peut pointer (au moins) 3 idées fausses.
Le refus de la destruction au nom de la continuité écologique serait marginal et le fait de quelques individus isolés. Faux. Plusieurs associations sont mobilisées au plan local, et ce phénomène n’est pas nouveau : le premier projet pilote du bassin en continuité écologique (ancienne usine hydro-électrique de Semur-en-Auxois) s’est soldé par un échec en raison des propositions exclusivement centrées sur la destruction et de la très forte résistance des associations semuroises. La grande majorité des propriétaires d’ouvrages et des riverains de leurs biefs ou retenues sont aujourd’hui hostiles aux propositions qui leur sont faites par l’administration ou parfois par le SMBVA. Selon un courrier reçu ce mois du Préfet, seules 17 mises en conformité à la continuité écologique ont été effectuées dans l’ensemble du département de l’Yonne contre plus de 300 ouvrages autorisés qui auraient dû être traités en 2017, ce qui témoigne de la force du blocage sur ce dossier (94% des ouvrages orphelins de solution viable). Les proportions sont similaires en Côte d’Or. Les enquêtes publiques démontrent la réalité du problème et le refus des riverains de voir l’argent public dépensé pour modifier un cadre de vie apprécié, sans gain environnemental garanti. C’est aussi désormais un débat national ayant conduit la Ministre de l’Environnement et la Ministre de la Culture à prendre position. Près de 100 questions écrites et orales au gouvernement ont été posées ces 18 derniers mois par nos députés et sénateurs sur le thème des seuils et barrages (ce qui n’a rien d’anecdotique pour un sujet modeste eu égard à l’actualité chargée du pays).
Le propriétaire seul déciderait de l’effacement de son bien, son accord suffit. Faux. Une destruction de seuil ou de barrage est un chantier, exactement comme une construction, et ce chantier a des effets allant au-delà du génie civil de l’ouvrage lui-même : ce n’est pas simplement le bon-vouloir d’un propriétaire qui suffit à le rendre acceptable ni réglementaire. D’abord, l’argent public est dépensé (le propriétaire n’efface jamais à ses frais), donc le citoyen a un droit de regard sur l’intérêt de cette dépense (particulièrement en cette période difficile pour les personnes et les collectivités, où dilapider l’argent public à faire disparaître des ouvrages anciens ne paraît vraiment pas une priorité pour la plupart des citoyens interrogés à ce sujet…). Ensuite, casser un ouvrage a des effets sur les propriétés des tiers dans l’influence amont / aval des écoulements modifiés par le barrage (érosion, fragilisation du bâti et des berges, modification des régimes d’inondation, abaissement de la nappe, etc.) ainsi que sur l’environnement (remobilisation de sédiments pouvant être pollués, présence à vérifier d’espèces dans l’influence de la retenue, etc.). Enfin, le patrimoine et le paysage sont aussi des biens communs. C’est pour cela que tout chantier modifiant plus de 100 m du profil en long d’une rivière appelle une autorisation administrative « loi sur l’eau » et une enquête publique.
Les opposants à la casse des ouvrages ne proposeraient rien. Faux. Plus de 400 articles et dossiers ont été publiés par notre association depuis 2012 (dont 77 recensions de travaux scientifiques sur l’écologie des rivières), avec des dizaines de conférences et réunions de conciliation, des conseils aux maîtres d’ouvrage communaux ou privés, des assistances juridiques ou techniques, l’accueil d’un étudiant stagiaire ayant analysé la problématique de continuité sur un tronçon de l’Armançon. Tout cela de manière bénévole, précisons-le. Notre discours sur les ouvrages et les rivières est clair :
- chaque site concerné par la solution de l’effacement doit faire l’objet d’un inventaire de biodiversité et le gain écologique potentiel du chantier doit y être estimé de manière correcte (par l’usage des référentiels publics déjà existants d’évaluation de qualité des milieux), sinon on produit de l’idéologie et de la gabegie, pas de l’écologie efficace ;
- la continuité écologique telle que la loi l’exige réellement (tout ouvrage doit être « géré, équipé, entretenu », et non arasé ou dérasé) peut être assurée par des solutions non destructrices et réversibles, dont certaines sont peu coûteuses (du plus simple au plus complexe : ouverture de vanne, augmentation du débit minimum biologique, passe à poissons, rivière de contournement). C’est dans cette direction que les établissements publics doivent travailler prioritairement avec les maîtres d’ouvrage et les riverains concernés, pas dans la vaine tentative d’imposer une destruction non consentie au nom de promesses écologiques peu crédibles ou peu tangibles;
- la priorité écologique des rivières est définie par l’obligation de résultats liée aux directives européennes (nitrates, eaux résiduaires urbaines, DCE, pesticides). L’argent public doit être dépensé sur les facteurs clairement identifiés de pollution et d’altération des indicateurs du bon état écologique et chimique. Nous avons encore du retard sur des exigences basiques posées par l’Europe depuis longtemps, on ne peut pas se permettre d’accumuler des mesurettes dispersées sur le « reprofilage morphologique », dont la recherche a souvent montré l’effet faible à nul sur les espèces aquatiques ;
- le patrimoine des moulins et étangs appartient à l’identité historique, paysagère et culturelle de nos territoires, c’est un patrimoine à préserver, restaurer et valoriser (ce que font pour leur part nos adhérents quand ils sont propriétaires) plutôt qu’à détruire ;
- l’équipement hydro-électrique de ces moulins peut produire une énergie locale et propre, de nature à lutter contre la menace prioritaire du changement climatique. Le potentiel total estimé dans le SAGE 2013 de l’Armançon est de 76 millions de kWh / an, ce qui ferait un équivalent revenu annuel d’environ 9 millions d’euros en cas d’équipement de tous les sites du bassin et de revente de leur production au réseau aux tarifs H2016. (L’hypothèse d’un tel équipement total n’est évidemment pas réaliste, mais cela donne un ordre de grandeur du potentiel du bassin si une politique volontariste était engagée. Même le dixième de cette production et de ces revenus serait un début très appréciable !) ;
- de notre point de vue, la vocation d’un syndicat est de traiter l’ensemble des enjeux de la rivière et des attentes des riverains, sans exclusive, l’argent mobilisé par l’action syndicale étant celui des citoyens qui paient déjà des taxes sur l’eau et paieront demain la future taxe GEMAPI. Ce n’est pas parce que le SDAGE et l’Agence de l’eau Seine-Normandie font (aujourd’hui) peu de cas du patrimoine, du paysage, de l’énergie et des usages locaux des ouvrages hydrauliques que ces thèmes sont pour autant absents de l’histoire et de l’avenir de nos rivières, du cadre de vie des riverains et donc des enjeux des communes adhérentes au SMBVA. Le syndicat n’est pas un simple exécutant aux ordres du financeur public principal (Agence de l’eau), il doit aussi produire une réflexion propre, en concertation avec tous les usagers, et la défendre.
Le SMBVA a choisi de ne financer que des effacements : pourquoi cette posture excessive que n’ont pas les autres EPTB ?
Le cas de Tonnerre et de Perrigny-sur-Armançon est à nos yeux
le symptôme d’un problème plus profond : l’engagement du SMBVA dans une vision partiale et partisane de la rivière, une vision où les héritages historiques ne comptent pas, où les paysages des retenues et biefs sont réputés hors de l’intérêt général, où tout pourrait finalement être sacrifié à une hypothétique (pour ne pas dire fantasmatique) « renaturation » de la rivière, soit à une interprétation assez abstraite et parfois biaisée de l’écologie des milieux aquatiques.
Exagération ?
Nous n’avons pas lu une seule ligne ni entendu un seul discours du SMBVA (ou de l’ancien Sirtava) témoignant d’un intérêt réel pour les moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques du bassin. En revanche, de nombreux propriétaires adhérents de notre association ont été approchés par le syndicat depuis 2010 avec des incitations exclusivement centrées sur la destruction de leurs ouvrages. On peut améliorer un transit sédimentaire et un franchissement piscicole sans détruire. Mais depuis l’époque du Sirtava et jusqu’au SMBVA aujourd’hui, le syndicat n’a montré aucun intérêt pour ces alternatives « douces » et il serait bien en peine d’exposer au public des chantiers d’aménagement organisés sous sa maîtrise d’ouvrage.
Ce choix du SMBVA orienté vers le seul effacement est contraire au nouveau discours des autorités (cf réponses récentes du Ministère aux parlementaires), discours posant aujourd’hui que toutes les solutions de continuité écologique sont ouvertes, que le « cas par cas » est de mise et que la destruction doit désormais être limitée à des ouvrages clairement abandonnés.
Au sein du programme d’action du Contrat Global 2015-2019 de l’Armançon,
le poste de restauration de continuité écologique est l’un des plus importants du budget prévisionnel après l’assainissement : 2,659 millions d’euros. S’y ajoute la restauration des fonctionnalités aquatiques, avec 1,897 millions d’euros.
En comparaison et dans le même Contrat global, le budget du SMBVA pour la limitation des effluents agricoles n’est que de… 78 000 euros sur 5 ans.
Le syndicat planifie donc de dépenser 30 fois plus à traiter des moulins qu’à aider les agriculteurs à respecter les normes sur les nutriments ou pesticides. Cette répartition paraît-elle raisonnable ou même sensée pour un syndicat qui se flatte d’agir désormais sur tous les impacts du bassin versant, et non seulement sur le lit de la rivière? Au nom de quelle découverte scientifique extraordinaire les moulins présents depuis des siècles seraient d’un seul coup devenus en 2016 un problème 30 fois plus important ou urgent pour nos rivières et nos territoires que l’aide à la transition vers une agriculture durable?
Indépendamment de cette répartition peu compréhensible des priorités écologiques et socio-économiques,
la question posée est la suivante : cette somme considérable de 2,659 millions d’euros d’argent public va-t-elle servir à détruire ou à aménager des ouvrages hydrauliques? Et que met-on en face comme services réellement rendus par les écosystèmes aux citoyens du bassin de l’Armançon, c’est-à-dire en avantages justifiant ces coûts?
Hélas, le SMBVA a apporté en mars dernier une première réponse dans sa délibération n°26-2016 relative au règlement financier des opérations menées sous sa maîtrise d’ouvrage.
Il a été proposé que les opérations d’effacement complet d’ouvrages aient une participation SMBVA de 95 % sur le reste à charge, l’effacement partiel de 20 à 60 %, et les autres solutions de… 0 %.
Ce choix est donc clair : le SMBVA a préféré valoriser uniquement la destruction partielle ou totale des ouvrages, sur la seule base d’un gain écologique présumé à l’avance (sans examen ni preuve), dans une indifférence complète aux autres dimensions de la rivière.
Cette position est tout à fait excessive : ailleurs en Bourgogne et en France, des EPTB et des EPAGE participent à l’étude préparatoire, à l’assistance technique et au montage financier de solutions non destructrices de continuité écologique.
Pourquoi le SMBVA se singularise-t-il à maintenir coûte que coûte ce dogme de l’effacement total ou partiel ? Pourquoi refuse-t-il de consacrer les 2,6 M€ de budget à aider les communes et les particuliers à se mettre en conformité à la continuité écologique sans leur imposer au préalable la condition de la destruction, ce qui est évidemment perçu comme un chantage et ce qui renforcera l’inertie déjà observée sur ce dossier ?
Nous sollicitons 3 engagements de nos élus du bassin : un débat de fond, des bénéfices démontrés pour chaque chantier, un respect des enquêtes publiques et des recours
Notre association a pour vocation de protéger et promouvoir le patrimoine, l’environnement et l’énergie des rivières, en les conciliant plutôt qu’en les opposant. Sauf à trahir la mission qui est la nôtre,
nous ne pouvons pas accepter cette politique syndicale consistant à encourager sans discernement la destruction du maximum d’ouvrages hydrauliques. Et c’est pourquoi nous continuerons de la dénoncer et de la combattre, chantier par chantier, si elle devait persister dans ses termes actuels.
Ce n’est pas un problème de personnes, mais d’idées :
nous défendons une certaine vision de la rivière comme fait naturel au premier chef, mais aussi comme fait historique, culturel, économique et social. La rivière ne se résume jamais à une collection d’espèces et d’habitats, dont la protection est bien sûr d’intérêt pour tous, elle fait aussi société pour l’homme. Cette vision appelle une gestion équilibrée, respectueuse de la nature mais aussi des héritages et des usages, faisant preuve de prudence vis-à-vis de modes trop récentes où certains s’engagent trop vite, accomplissant parfois aujourd’hui le contraire de ce qui était fait (avec la même conviction et la même précipitation) voici 20 ou 30 ans.
Les moulins, étangs et plans d’eau n’ont pas à être les boucs émissaires de la nouvelle politique des rivières, les seuls à qui on ne propose que des solutions radicales de disparition en exagérant de manière caricaturale leur impact sur les espèces aquatiques, alors que tous les autres usages du bassin versant font l’objet d’évolutions progressives et de solutions concertées.
Certains élus sont favorables à cette issue de la destruction des ouvrages : c’est peut-être votre cas et c’est bien normal en démocratie d’avoir des opinions divergentes. D’autres y sont en revanche hostiles. Beaucoup sont mal informés sur ce sujet fort complexe.
Il est nécessaire que chacun exprime son point de vue pour en assumer la responsabilité devant ses concitoyens. Il est indispensable que le syndicat ne dissimule pas ses choix derrière de vagues «obligations» venues d’Auxerre, de Paris ou de Bruxelles, obligations dont il ne serait finalement que l’exécutant impuissant. Car c’est faux : il existe toujours des marges de manœuvre dans la définition des priorités, dans la discussion avec les financeurs, dans le choix des solutions concrètes.
Nous souhaitons pour notre part trois choses de la part de nos élus siégeant au syndicat :
- un débat de fond en comité syndical sur la politique générale du SMBVA vis-à-vis des ouvrages hydrauliques, dont ses choix financiers, un débat qui ne soit pas biaisé par la dissimulation de certaines informations et qui clarifie si, oui ou non, les élus du bassin acceptent d’encourager la seule destruction des ouvrages;
- un engagement à produire sur les chantiers futurs payés par argent public des études préparatoires irréprochables (1), avec un état initial de la biodiversité au droit du site, un gain biologique garanti avant et vérifié après, une analyse patrimoniale et énergétique sérieuse, une enquête de proximité pour recueillir l’avis de la population et une intégration des propriétaires riverains dans le comité de pilotage du projet les concernant directement;
- un engagement à ne pas poursuivre des chantiers de destruction quand l’enquête publique conclut à un avis défavorable et de les suspendre en cas de recours contentieux, le temps que la justice arbitre.
Ces demandes ne ferment pas la porte à la destruction de certains ouvrages, solution toujours possible et parfois justifiée. Mais elles posent des conditions scientifiques, sociétales et démocratiques à cette justification quand le syndicat y participe et quand l’argent public est engagé. Cela nous semble
la base d’une politique réfléchie et respectueuse des citoyens.
(1) A titre d’exemple en cours, l’étude préparatoire de l’aménagement des seuils de l’Hôpital et Poupenot de Montbard (rivière Brenne) ne comportait dans sa phase diagnostique présentée en début d’année aucune analyse de la biodiversité des stations amont, aval et retenues, aucune analyse piscicole (IPR+) ni invertébrés (I2M2) locales en conformité aux méthodes « directive cadre européenne» d’évaluation de l’état biologique, aucun engagement sur un quelconque objectif concret de retour de certaines espèces après restauration. Quant au transit des sédiments, dont la granulométrie a pour sa part été étudiée, il n’est pas impacté par les ouvrages. Nous avons fait observer au comité de pilotage de ce projet que l’
on ne peut pas continuer à proposer des dépenses considérables d’argent public (plus d’un million d’euros estimés par le bureau d’études pour effacer les ouvrages et ré-aménager les berges) et des disparitions de patrimoine hydraulique urbain sur des bases aussi minces, alors que le but premier est d’obtenir des résultats écologiques tangibles. Le même problème s’observe pour la soi-disant « auto-épuration » des rivières sans ouvrages, qui est affirmée sans preuve par certaines administrations, mais contredite en fait par de nombreuses études scientifiques. En conformité avec les conclusions de la récente expertise collective Irstea-Inra-Onema 2016 à ce sujet, nous souhaitons un partenariat entre le syndicat et un établissement de recherche pour une campagne de vérification de la charge phosphore, azote et pesticides à l’amont et à l’aval de série de retenues, afin de confirmer ou infirmer l’existence d’un effet chimique. L’écologie est une science, pas une idéologie. Elle se pratique avec des mesures et des preuves, pas avec des intuitions ni des copiés-collés de documents administratifs.
Illustrations : en haut, casse de l'ouvrage Saint-Nicolas par le SMBVA assisté de la milice privée des pêcheurs de l'Yonne ; au milieu, crue de l'Armançon à Aisy (dans ces situations, on observe que les ouvrages sont noyés et que la continuité est assurée) ; en bas, seuil de l'Hôpital à Montbard (où l'on prétend discuter des avant-projets sans même avoir établi un diagnostic biologique de la station et du tronçon, prétendue "écologie" qui néglige la connaissance des milieux, refuse d'objectiver les enjeux et applique des grilles dogmatiques).