Le seuil de Belleydoux a fait l'objet d'une opération de démantèlement que notre association juge illégale, car elle modifie plus de 100 m de profil de la rivière sans autorisation ni enquête publique. Une plainte contre la préfecture de l'Ain a été déposée en 2017, en cours d'examen par le tribunal administratif de Lyon.
A la suite de cette plainte, mais aussi de la forte mobilisation des riverains (près de 700 signataires d'une pétition contre le démantèlement) et des usagers (canyoning notamment), la chantier a été stoppé et un cycle de concertation ouvert.
Hélas, les riverains observent que le démantèlement de la première ligne de crête du barrage l'a fragilisé. Comme on le voit sur cette photo, des blocs ont été emportés (à droite) par les crues hivernales.
Notre association se félicite que la concertation reprenne, mais déplore qu'elle n'ait pas eu lieu avant, lors de la construction du projet. Il n'y a aucun avenir sur nos rivières pour des chantiers qui ne sont pas d'abord portés par les riverains en vertu des services qu'ils leur rendent, au lieu d'être imposés par des comités fermés ne représentant qu'une partie des usages, des attentes et des connaissances.
Dans le cas du seuil de Belleydoux, il a été observé ces derniers mois que le transit sédimentaire après démantèlement partiel de l'ouvrage est inférieur aux attentes du maître d'ouvrage (parc naturel régional Haut Jura).
Nous n'en sommes pas particulièrement surpris : les ouvrages anciens comme celui de Belleydoux sont largement atterris, et ils ont donc acquis une certaines transparence sédimentaire : lors de crues morphogènes, le transport solide se fait en surverse de l'ouvrage sans que celui-ci représente un obstacle (contrairement à un grand barrage qui a des capacités de stockage de plusieurs millions de m3 et un parement de hauteur non submersible). Le dossier très sommaire présenté en justification de cet effacement ne démontrait d'ailleurs pas l'existence de déficit significatif altérant des habitats sur un linéaire d'importance, déficit qui aurait été de nature à motiver un démantèlement à financement public.
Par ailleurs et surtout, l'analyse sédimentaire demande un modèle hydromorphologique du bassin entier, et non une approche par site. Le niveau actuel d'équilibre dynamique sédimentaire est différent d'un bassin à l'autre, il s'établit sur long terme (décennies à millénaires) et il dépend de l'état des berges comme de celui des sols du bassin versant. Par exemple, certains bassins sont en situation de déficit d'apports du fait des afforestations faisant suite à la déprise agricole (en ce cas, le lit peu nourri tend de toute façon à s'inciser et s'enfoncer jusqu'au socle crue après crue, faute d'apports suffisants par l'érosion latérale).
On ne peut donc se prononcer sur un enjeu sédimentaire en prenant pour base des règles génériques ni en prenant pour objectif la petite quantité de sédiments contenue dans le remous d'un ouvrage modeste : c'est une approche à échelle bassin qui doit montrer l'existence d'un éventuel enjeu, et modéliser les variations de transit solide selon les hypothèses d'aménagement retenues en lit mineur, mais aussi en lit majeur.
Outre cette question sédimentaire, la rivière Semine est fragmentée de nombreuses chutes naturelles (cf ci-dessus, photos extraites du site descente canyon). Ces discontinuités atténuent considérablement l'enjeu ichtyologique de continuité et rendent peu compréhensible le classement au titre du L 214-17 CE (dont on aimerait connaître la motivation exacte, un courrier d'accès aux pièces du classement va être envoyé au préfet). Fragmentant naturellement le cours de la rivière, ces chutes suggèrent de notre point de vue que l'usage pêche devrait être prioritairement réglementé afin que les populations endémiques de cet hydrosystème isolé par la géologie ne soient pas affectées (évitement des alevinages, no kill, décontamination des matériels de pêche à risque de contamination par la saprolègne, etc.).
Pour la suite, notre association souhaite que la préfecture de l'Ain prononce une exemption de continuité sur l'ouvrage de Belleydoux et retravaille la pertinence du classement de la rivière Semine en liste 2 au titre de la continuité écologique.
Cette issue est autorisée par la circulaire DEVL1240962C du 18 janvier 2013 relative à l'application des classements de cours d'eau en vue de leur préservation ou de la restauration de la continuité écologique.
Le ministère avait pris soin de préciser notamment :
"les mesures à imposer doivent tenir compte de la réalité locale et des enjeux réels des cours d'eau, de l'impact des barrages et de la proportionnalité des coûts par rapport à l'efficacité et aux bénéfices attendus. (…) Le seul aménagement de l'ouvrage pour assurer cette circulation dans le sens amont-aval peut répondre à l'obligation induite par le classement à partir du moment où l'aménagement pour la montaison n'a pas de justification écologique suffisante comparée à son coût. De même, lorsqu'un ouvrage se situe à l'amont immédiat d'une chute naturelle, assurer la montaison peut ne pas avoir de sens écologique ; les mesures permettant d'assurer correctement la dévalaison seront alors suffisantes pour remplir l'obligation liée au classement à ce titre."
"Pour les seuils ne comportant pas de vannages, les prescriptions (déplacement des sédiments, dérasement, arasement, etc.) seront à adapter en fonction de leur impact individuel et de l'effet de cumul de sédiments qu'ils peuvent générer le cas échéant."
Ces conditions particulières de fragmentation par des chutes naturelles et d'enjeu sédimentaire non spécifié sont remplies pour la Semine au droit du seuil de Belleydoux.
Enfin, au regard des risques liés à la destructuration par les crues de l'ouvrage fragilisé - risques pour les riverains et dans la pratique de canyoning -, nous demandons que la ligne de faîte soit consolidée l'été prochain.