Le manque d'eau commence à se faire sentir dans le centre et l'est de la France. Sur la rivière Yonne en amont de Paris, la mauvaise gestion des vannes des barrages entraîne une chute des niveaux et des premières mortalités piscicoles. Riverains, pêcheurs et naturalistes s'alarment du résultat et des risques pour les milieux. Un avant-goût de ce que donne la conjonction de la sécheresse et du non-maintien des lames d'eau par les ouvrages —voire dans la pire hypothèse de la destruction irréversible de ces ouvrages, comme cela a eu lieu sur de trop nombreux sites. Conserver une capacité à gérer les niveaux d'eau pour la société et pour le vivant doit impérativement devenir un axe de nos politiques publiques.
Une page Facebook "Alerte rivières et canaux" a été lancée par des riverains et usagers inquiets, car les niveaux de l'Yonne sont extrêmement bas dans la région icaunaise. France 3 Régions s'est fait l'écho du problème.
Nous incitons nos adhérents de l'Yonne à rejoindre le groupe et à documenter des problèmes similaires en Bourgogne.
Extraits :
"Le manque de pluie se fait cruellement sentir dans les rivières. C’est encore plus le cas dans celles où la main de l’homme est nécessaire pour maintenir un niveau d’eau suffisant. L’Yonne est à certains endroits presque à sec depuis plusieurs semaines. Une réelle menace pour la faune et la flore. Un crève-cœur pour les icaunais soucieux de l’environnement. D’autant que certains d’entre eux ont l’impression que les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure du problème et n’agissent pas, ou trop peu.
Parmi eux il y a David Rosse. Le milieu des rivières il connait bien, il a travaillé 6 ans dans un magasin de fourniture de pêche à Monéteau. Pour lui « le niveau d’eau actuel est inquiétant voir dramatique sur 130 kilomètres de Clamecy à Sens ».
Une situation qu’il n’accepte pas et qu’il attribue à une mauvaise gestion des cours d’eau. «Juste avant le confinement les rivières étaient assez pleines. Voies Navigables de France avait ouvert les barrages pour éviter les inondations. Depuis le confinement ils ont laissé ouvert et n’interviennent plus. J’ai l’impression que partout où les voies servent aux transports de marchandises on se soucie du niveau de l’eau, et que là où il n’y en a pas on s’en fout» pense-t-il.
Il ajoute : « J’ai essayé d’appeler tout le monde. J’ai contacté VNF, la préfecture et même le ministère de l’environnement. Personne ne m’a répondu ! Alors je me suis dit, si on veut faire bouger les choses on va devoir monter une page facebook »
Et c’est ce qu’il a fait le 20 avril dernier. Sur la page on trouve des photos de la rivière prises par une trentaine de contributeurs. Elles montrent le faible niveau d’eau à différents endroits du département comme à Augy, Dornecy ou encore Coulanges sur Yonne.
En haut de la page un mot est inscrit en lettre rouge majuscule. Le mot « ALERTE » que Davide Rosse estime employer sans exagération. « Si la situation perdure tous les poissons vont mourir et de ce fait les oiseaux aussi. En plus nous sommes en période de reproduction. Il faudra donc ensuite beaucoup de temps pour que certains bras retrouvent un écosystème aquatique ».
Pêcheurs et agriculteurs également inquiets
Parmi les plus préoccupés de la situation on trouve les pêcheurs. « C’est une catastrophe ! Il ne faudrait pas que ça s’aggrave d’avantage. Il faut que VNF remonte les barrages et qu’ils fassent vite » nous indique Didier Barbier, président de l’Union des Pêcheurs auxerrois.
« Avec le beau temps l’eau s’évapore et les poissons meurent. On m’a déjà signalé des poissons morts à plusieurs endroits ». Un constat difficile à accepter pour ce responsable associatif déjà privé, du fait du confinement, de l’ouverture de la pêche au brochet prévue le 25 avril.
L’inquiétude grandit aussi dans le monde agricole. Cette baisse de niveau risque d’avoir des répercutions sur l’abreuvage du bétail et sur l’arrosage des champs.
Les actions de VNF ralenties par le confinement
« Si on avait su les conditions météorologiques de ces 5 dernières semaines on aurait agi en amont, mais il y a 5 semaines on ne savait pas » reconnait Thierry Feroux, directeur opérationnel à VNF Centre-Bourgogne. (...)
Depuis début avril les interventions ont repris mais demandent plus de temps qu’avant le Covid. Il ajoute. «Sur l’Yonne nous avons une quarantaine de barrages qui nécessitent beaucoup de personnes. En ce moment c’est compliqué de réunir une dizaine d’agents en respectant les gestes barrières. Notre rythme d’intervention est largement plus lent qu’auparavant. Nous sommes déjà intervenus en amont d’Auxerre mais cela prend du temps. D’autant que lorsque l’on ferme un barrage cela assèche le bief à l’aval. Il faut donc attendre qu’il se remplisse pour fermer le précédent. Et comme en ce moment le débit de l’eau est faible cela prend plus de temps».
Affichage des articles dont le libellé est Yonne. Afficher tous les articles
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26/04/2020
24/09/2018
Les poissons de l'Yonne moyenne en 1952, avant les pollutions mais après les barrages
En 1952, un responsable de pêche et de pisciculture publie une étude sur les poissons de l'Yonne moyenne, à l'amont et l'aval d'Auxerre. En ce temps, les grandes pollutions issues des substances de synthèse et de l'agriculture productiviste des 30 Glorieuses n'ont pas réellement commencé, mais les ouvrages barrant la rivière sont présents. L'auteur note que les migrateurs comme le saumon, l'esturgeon ou l'alose finte ont déjà disparu depuis 50 à 100 ans. En revanche, la rivière compte 23 espèces dont 18 communes, et elle est décrite comme très poissonneuse. Ce travail suggère que si les barrages rehaussés bloquent la montaison des migrateurs après 1850, ils n'empêchent pas en soi la biodiversité des poissons holobiotiques, y compris des espèces rhéophiles et polluo-sensibles. On a décidément du mal à croire que la question des ouvrages hydrauliques forme le premier enjeu de qualité des rivières : ils sont surtout le faire-valoir de gestionnaires ayant les plus grandes difficultés à traiter à la source les nouvelles pollutions et dégradations des bassins versants. Quant au retour de grands migrateurs en tête de bassin, il y a déjà beaucoup à faire à l'aval avant d'y songer...
R. Poplin, alors vice-président de la Fédération des associations de pêche et de pisciculture de l'Yonne, fait paraître en 1952 dans le Bulletin français de pisciculture une étude sur les peuplements de poissons de l'Yonne moyenne, soit la partie du cours d'eau allant de Mailly-la-Ville à Charmoy, approximativement de la confluence avec la Cure à celle avec l'Armançon.
Poplin observe à propos de ce tronçon : "Ses eaux sont assez froides, ainsi que l'atteste la rareté des deux espèces aux exigences opposées, la Carpe et la Truite, qui semblent marquer les limites extrêmes du peuplement. Ce caractère est confirmé par l'absence totale de certaines espèces, en particulier le Poisson-chat et la Perche-soleil ainsi que par l'insuccès des tentatives de repeuplement en Black-bass, faites à plusieurs reprises, et qui ont invariablement abouti à la disparition complète des sujets."
La période de l'étude est intéressante, car nous sommes avant la modernisation des 30 Glorieuses, avec ses conséquences sur les modèles agricoles de production (engrais, mécanisation, pesticides) et sur les pollutions domestiques ou urbaines (lessives, produits issue de la chimie de synthèse, etc.). Certains ont qualifié les années 1950 de "grande accélération" de l'Anthropocène, car on y voit les courbes d'impact de l'homme sur les milieux prendre une pente beaucoup plus soutenue.
L'auteur note d'ailleurs la qualité de l'eau : "Pourvues d'une végétation aquatique abondante, et indemnes de toute pollution appréciable, les eaux de l'Yonne semblent posséder une capacité biogénique élevée. Dans son ensemble, ce cours d'eau peut être considéré comme très poissonneux." En revanche, il souligne le caractère canalisé de la rivière, avec "des parties délaissées par la navigation où les eaux rapides et peu profondes suivent la pente naturelle ; des parties canalisées où la pente est masquée et atténuée par les barrages et pertuis, avec des eaux plus profondes et sensiblement ralenties".
Nous avons donc une étude assez charnière : celle d'une rivière déjà impactée sur sa morphologie, notamment la continuité en long (présence de retenues et biefs), mais encore épargnée sur sa physico-chimie (assez peu de pollutions, même s'il existait déjà une industrie et moins de normes qu'aujourd'hui).
Le tableau ci-dessous (cliquer pour agrandir) indique la zone étudiée et le niveau d'abondance relative des espèces de poissons.
Vingt-trois espèces sont présentes dans l'Yonne moyenne à cette période, dont 18 sont assez communes à très communes. On observe qu'une espèce sensible aux pollutions comme le vairon est "très commune". Le brochet, qui peut parcourir de longues distances et recherche des annexes latérales, est encore commun lui aussi. La rivière comporte aussi bien des espèces rhéophiles (goujon, vairon, hotu, lamproie de Planer) que limnophiles (gardon, ablette, brème).
Concernant les grands migrateurs (esturgeon, alose et alose finte, saumon) ils ont disparu entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe siècle, ce qui peut être attribué à la construction ou la rehausse de barrages sur la Seine et l'Yonne, principalement pour la navigation.
Aujourd'hui, certains gestionnaires de l'eau (AFB, agence de l'eau) affirment que les impacts morphologiques et en particulier les discontinuités en long seraient les premiers facteurs de dégradation de la rivière. Ce point est contesté, en particulier pour la petite hydraulique, et les travaux scientifiques ne montrent pas du tout un poids majeur des ouvrages sur les poissons. Le travail de R. Poplin ne plaide pas non plus en ce sens dans le cas de l'Yonne moyenne, en tout pas pour les discontinuités en long de type chaussées, barrages et écluses, qui n'empêchaient pas la rivière d'avoir une population de poissons abondante et variée au milieu du XXe siècle.
Quant à espérer le retour des grands migrateurs sur cette zone, il faut déjà que le bassin aval de la Seine et de l'Yonne soit pourvu de dispositifs de franchissement sur tous les ouvrages de navigation, écrêtement de crue ou énergie, que les eaux ne soient pas trop polluées dans l'aval de l'agglomération parisienne jusqu'à l'estuaire et que les nouvelles espèces prédatrices (comme le silure) ne soient pas trop actives. Beaucoup de conditions avant d'en faire un enjeu pertinent vers les têtes de bassin.
Référence : Poplin R (1952), Le peuplement des eaux de l'Yonne moyenne, Bull Fr Piscic, 164, 109-114
R. Poplin, alors vice-président de la Fédération des associations de pêche et de pisciculture de l'Yonne, fait paraître en 1952 dans le Bulletin français de pisciculture une étude sur les peuplements de poissons de l'Yonne moyenne, soit la partie du cours d'eau allant de Mailly-la-Ville à Charmoy, approximativement de la confluence avec la Cure à celle avec l'Armançon.
Poplin observe à propos de ce tronçon : "Ses eaux sont assez froides, ainsi que l'atteste la rareté des deux espèces aux exigences opposées, la Carpe et la Truite, qui semblent marquer les limites extrêmes du peuplement. Ce caractère est confirmé par l'absence totale de certaines espèces, en particulier le Poisson-chat et la Perche-soleil ainsi que par l'insuccès des tentatives de repeuplement en Black-bass, faites à plusieurs reprises, et qui ont invariablement abouti à la disparition complète des sujets."
La période de l'étude est intéressante, car nous sommes avant la modernisation des 30 Glorieuses, avec ses conséquences sur les modèles agricoles de production (engrais, mécanisation, pesticides) et sur les pollutions domestiques ou urbaines (lessives, produits issue de la chimie de synthèse, etc.). Certains ont qualifié les années 1950 de "grande accélération" de l'Anthropocène, car on y voit les courbes d'impact de l'homme sur les milieux prendre une pente beaucoup plus soutenue.
L'auteur note d'ailleurs la qualité de l'eau : "Pourvues d'une végétation aquatique abondante, et indemnes de toute pollution appréciable, les eaux de l'Yonne semblent posséder une capacité biogénique élevée. Dans son ensemble, ce cours d'eau peut être considéré comme très poissonneux." En revanche, il souligne le caractère canalisé de la rivière, avec "des parties délaissées par la navigation où les eaux rapides et peu profondes suivent la pente naturelle ; des parties canalisées où la pente est masquée et atténuée par les barrages et pertuis, avec des eaux plus profondes et sensiblement ralenties".
Nous avons donc une étude assez charnière : celle d'une rivière déjà impactée sur sa morphologie, notamment la continuité en long (présence de retenues et biefs), mais encore épargnée sur sa physico-chimie (assez peu de pollutions, même s'il existait déjà une industrie et moins de normes qu'aujourd'hui).
Le tableau ci-dessous (cliquer pour agrandir) indique la zone étudiée et le niveau d'abondance relative des espèces de poissons.
Vingt-trois espèces sont présentes dans l'Yonne moyenne à cette période, dont 18 sont assez communes à très communes. On observe qu'une espèce sensible aux pollutions comme le vairon est "très commune". Le brochet, qui peut parcourir de longues distances et recherche des annexes latérales, est encore commun lui aussi. La rivière comporte aussi bien des espèces rhéophiles (goujon, vairon, hotu, lamproie de Planer) que limnophiles (gardon, ablette, brème).
Concernant les grands migrateurs (esturgeon, alose et alose finte, saumon) ils ont disparu entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe siècle, ce qui peut être attribué à la construction ou la rehausse de barrages sur la Seine et l'Yonne, principalement pour la navigation.
Aujourd'hui, certains gestionnaires de l'eau (AFB, agence de l'eau) affirment que les impacts morphologiques et en particulier les discontinuités en long seraient les premiers facteurs de dégradation de la rivière. Ce point est contesté, en particulier pour la petite hydraulique, et les travaux scientifiques ne montrent pas du tout un poids majeur des ouvrages sur les poissons. Le travail de R. Poplin ne plaide pas non plus en ce sens dans le cas de l'Yonne moyenne, en tout pas pour les discontinuités en long de type chaussées, barrages et écluses, qui n'empêchaient pas la rivière d'avoir une population de poissons abondante et variée au milieu du XXe siècle.
Quant à espérer le retour des grands migrateurs sur cette zone, il faut déjà que le bassin aval de la Seine et de l'Yonne soit pourvu de dispositifs de franchissement sur tous les ouvrages de navigation, écrêtement de crue ou énergie, que les eaux ne soient pas trop polluées dans l'aval de l'agglomération parisienne jusqu'à l'estuaire et que les nouvelles espèces prédatrices (comme le silure) ne soient pas trop actives. Beaucoup de conditions avant d'en faire un enjeu pertinent vers les têtes de bassin.
Référence : Poplin R (1952), Le peuplement des eaux de l'Yonne moyenne, Bull Fr Piscic, 164, 109-114
04/05/2016
L'épopée des flotteurs de l'Yonne
Sans les eaux et forêts du Morvan, Paris n'aurait jamais pu se développer : durant plus de deux siècles, le flottage a joué un rôle déterminant en acheminant jusqu’à la capitale la majeure partie de son bois de chauffage. Cette activité a modifié les écoulements du bassin versant comme elle a marqué l’économie des départements de l’Yonne et de la Nièvre. Le flottage a mobilisé dans le bassin de l’Yonne plusieurs milliers d’ouvriers, véritable prolétariat rural dont l’univers social et professionnel reste largement méconnu, bien qu’il ait acquis au fil du temps une image quasi héroïque. Dans un ouvrage aussi précis que passionnant, Dimitri Langoureau propose une ample synthèse abordant les différentes facettes de l’histoire du flottage et des flotteurs.
En 1546, Gilles Defroissez s'installe sur les bords de la Cure et lance l'idée de faire flotter du bois jusqu'à Cravant, pour l'emmener ensuite vers Paris. Le bureau de l'Hôtel de ville de la capitale refuse cependant toute avance, malgré la caution de Jean Rouvet, argentier de François 1er. Rouvet décide se soutenir l'idée sur ses deniers. La preuve de concept est faite en 1547 avec un radeau de bois. En 1549, le premier train complet de bois arrive sur les quais de Paris depuis le Morvan : le Roi ordonne une fête pour célébrer l'événement. Le flottage est né. Les forêts morvandelles vont chauffer Paris jusqu'au début du XXe siècle, grâce à l'épopée des flotteurs.
Comme la disette et la famine, la pénurie de bois de chauffage est une cause majeure de troubles sociaux et politiques sous l'Ancien Régime. Rendre l'Yonne navigable et flottable est donc un enjeu de première importance pour la royauté. Vauban le relève déjà en 1698: «L’Yonne est une des mères nourricières de Paris». Le maximum de la consommation de bois à Paris est atteint en 1789, avec 4000 stères par jour soit environ 1,5 million sur l'année. En 1910, la ville consomme encore 100 000 stères par an. La flottage depuis l'Yonne perdure jusqu'en 1923. Plutôt que de stères (1 m3 de bois), on parle sous l'Ancien Régime de voie (environ 2 stères) et de corde (environ 4,7 stères). Le corde empile alors des bûches de 114 cm sur 8 pieds de haut et 4 de large, selon la règle fixée par une ordonnance de 1669. La Haute Yonne fournit près des trois-quarts du bois parisien, qui vient d'abord de la rivière Yonne, ensuite des bassins de la Cure et l'Armançon
L'année 1763 voit la création de la Compagnie de la Haute-Yonne par des marchands de bois locaux voulant échapper à la tutelle des échevins de l'Hôtel de ville parisien. Bien que de nature corporative, cette compagnie ayant le quasi monopole du flottage sur l'Yonne perdure après la Révolution. Les marchands "forains" de cette corporation gèrent le bois jusqu'au port de Clamecy, plaque tournante du flottage icaunais au XIXe siècle. Ce sont ces marchands que l'on appelle les "flotteurs" à l'époque, alors qu'aujourd'hui on désigne plutôt sous ce terme les ouvriers chargés de la tâche.
Ces ouvriers étaient nombreux et spécialisés. De la forêt morvandelle à la chambre parisienne, les étapes sont innombrables : abattage, ébranchage, mise au chevalet, sciage, empilage, martelage, jetage, tirage et flot, réception et construction du train, marquage, conduite du train, déchargement, distribution. Au total, il n'y a pas moins de six empilages des bûches dans le processus.
Le flottage lui-même distingue ce que des voyageurs ont appelé (tardivement, fin XIXe siècle) le "petit flot" ou "premier flot" des ruisseaux du Morvan et le "grand flot" ou "deuxième flot" de l'Yonne. Le premier est plutôt nommé flottage à bûches perdues : on jette les bûches dans la rivière dont le débit est augmenté de manière coordonnée par l'ouverture des étangs (crue ou courue). Le hêtre est plutôt flotté en hiver, le chêne au printemps ; les bûches au bois trop lourd "plongent en canards", et il faut les récupérer pour les faire sécher en berge, ce qui provoque parfois des conflits avec d'autres usages. Ces conflits seront d'ailleurs une constante de l'histoire du flottage, qu'il s'agisse de vol de bois, d'occupation des berges ou de revendication sociale. "Un vice commun dans le Morvan est l'habitude de voler du bois, observe par exemple Dupin en 1853 dans un mémoire plein d'affliction. Quand un Morvandiau est dans un bois, il se regarde comme chez lui; il visite il parcourt, il reluque l'arbre et l'essence qui lui convient; là est un morceau qui fera une belle fourche, un bon manche de pioche, une perche de charrue; ce qu'il ne peut prendre de suite, il sait où il le retrouvera plus tard".
Après un premier flot assez tumultueux depuis les zones de coupes, lorsque les bûches arrivent sur un cours au lit plus large, l'écoulage les porte vers l'aval. Il faut des "poules d'eau" tout au long du parcours pour surveiller ce flot et le guider si nécessaire à l'aide de longues perches terminées de crocs. C'est une véritable marée de bûches, recouvrant tout le miroir d'eau, qui arrive à Clamecy où des barrages en bois puis en acier sont placés pour l'arrêt du flot. Une fois les bûches retirées, marquées, empilées et comptabilisées, la seconde grande étape commence : confection des fameux "trains de bois", des radeaux qui vont acheminer le bois de l'Yonne à Paris et qui mobilisent une main d'oeuvre spécialisée sous l'autorité du maître-flotteur. La difficulté du conducteur de train sera de franchir les nombreux pertuis du parcours, ouvertures d'écluse dont certaines comme à Coulanges sont à angle droit par rapport à la direction du flot.
A ce travail de coupe, préparation et transport du bois s'ajoutent les aménagements hydrauliques. On voit naître en tête des bassins versants du Morvan les étangs de flottage, impliquant une bonne maîtrise de la construction des chaussées de pierre ou d'argile. Leurs "déchargeoirs" contrôlent les niveaux d'eau. Une cinquantaine d'étangs sont bâtis à cette fin unique, avec un maximum de création vers la décennie 1780. Les ruisseaux sont localement rectifiés, curés et calibrés pour éviter les embouteillages des flottants, les bras secondaires étant bouchés pour assurer un débit suffisant dans le chenal ouvrier. On observera au passage que la "naturalité" des écoulements, même dans des têtes de bassin et des régions assez peu peuplées comme le Morvan, reste une vue de l'esprit. D'autant que les déboisements (puis reboisements ultérieurs, souvent par d'autres essences) des versants ont modifié le régime hydrologique et sédimentaire, outre l'intervention directe sur les cours d'eau.
Mobilisant des milliers d'ouvriers ruraux, le flottage a marqué l'histoire sociale du bassin de l'Yonne. Le flotteur a fait l'objet d'une représentation tardive et "héroïque" en raison de l'extrême pénibilité des tâches. Trempé et couvert de boue aux mauvaises saisons, risquant sa vie par noyade ou par choc quand il tente de démanteler les fréquents bouchons de bûches perdues ou de manier aux pertuis les lourds trains de bois, le flotteur a la vie dure. Le revenu du flottage ne suffit généralement pas à sa subsistance, et la pluri-activité est la règle (vendanges, moissons). Au XIXe siècle, la réputation des ouvriers du bois est cependant peu flatteuse pour la bourgeoisie de la Restauration et du Second Empire. Primaires, sauvages voire barbares, enfants terribles des "Celtes bagarreurs", les flotteurs font peur. En contact avec les idées avancées de la Capitale, bien organisés dans les faubourgs ouvriers de Clamecy, ils ont effectivement des convictions progressistes et n'hésitent pas à recourir à la grève pour faire avancer leurs revendications. Voire à l'insurrection, comme lors du soulèvement durement réprimé de 1851. L'ouvrage de Dimitri Langoureau apporte des informations très utiles sur cette histoire sociale du mouvement flotteur, qu'il s'agisse de la diversité des tâches, de l'évolution des techniques, des représentations religieuses, des conflits avec les marchands de la Compagnie de Haute-Yonne ou les autorité politiques impériales.
Référence : Langoureau D (2015), Flottage et flotteurs sur l'Yonne. XVIIIe siècle-1923, Cahiers d'Adiamos 89, 12, 443 pages.
En 1546, Gilles Defroissez s'installe sur les bords de la Cure et lance l'idée de faire flotter du bois jusqu'à Cravant, pour l'emmener ensuite vers Paris. Le bureau de l'Hôtel de ville de la capitale refuse cependant toute avance, malgré la caution de Jean Rouvet, argentier de François 1er. Rouvet décide se soutenir l'idée sur ses deniers. La preuve de concept est faite en 1547 avec un radeau de bois. En 1549, le premier train complet de bois arrive sur les quais de Paris depuis le Morvan : le Roi ordonne une fête pour célébrer l'événement. Le flottage est né. Les forêts morvandelles vont chauffer Paris jusqu'au début du XXe siècle, grâce à l'épopée des flotteurs.
Comme la disette et la famine, la pénurie de bois de chauffage est une cause majeure de troubles sociaux et politiques sous l'Ancien Régime. Rendre l'Yonne navigable et flottable est donc un enjeu de première importance pour la royauté. Vauban le relève déjà en 1698: «L’Yonne est une des mères nourricières de Paris». Le maximum de la consommation de bois à Paris est atteint en 1789, avec 4000 stères par jour soit environ 1,5 million sur l'année. En 1910, la ville consomme encore 100 000 stères par an. La flottage depuis l'Yonne perdure jusqu'en 1923. Plutôt que de stères (1 m3 de bois), on parle sous l'Ancien Régime de voie (environ 2 stères) et de corde (environ 4,7 stères). Le corde empile alors des bûches de 114 cm sur 8 pieds de haut et 4 de large, selon la règle fixée par une ordonnance de 1669. La Haute Yonne fournit près des trois-quarts du bois parisien, qui vient d'abord de la rivière Yonne, ensuite des bassins de la Cure et l'Armançon
L'année 1763 voit la création de la Compagnie de la Haute-Yonne par des marchands de bois locaux voulant échapper à la tutelle des échevins de l'Hôtel de ville parisien. Bien que de nature corporative, cette compagnie ayant le quasi monopole du flottage sur l'Yonne perdure après la Révolution. Les marchands "forains" de cette corporation gèrent le bois jusqu'au port de Clamecy, plaque tournante du flottage icaunais au XIXe siècle. Ce sont ces marchands que l'on appelle les "flotteurs" à l'époque, alors qu'aujourd'hui on désigne plutôt sous ce terme les ouvriers chargés de la tâche.
Ces ouvriers étaient nombreux et spécialisés. De la forêt morvandelle à la chambre parisienne, les étapes sont innombrables : abattage, ébranchage, mise au chevalet, sciage, empilage, martelage, jetage, tirage et flot, réception et construction du train, marquage, conduite du train, déchargement, distribution. Au total, il n'y a pas moins de six empilages des bûches dans le processus.
Le flottage lui-même distingue ce que des voyageurs ont appelé (tardivement, fin XIXe siècle) le "petit flot" ou "premier flot" des ruisseaux du Morvan et le "grand flot" ou "deuxième flot" de l'Yonne. Le premier est plutôt nommé flottage à bûches perdues : on jette les bûches dans la rivière dont le débit est augmenté de manière coordonnée par l'ouverture des étangs (crue ou courue). Le hêtre est plutôt flotté en hiver, le chêne au printemps ; les bûches au bois trop lourd "plongent en canards", et il faut les récupérer pour les faire sécher en berge, ce qui provoque parfois des conflits avec d'autres usages. Ces conflits seront d'ailleurs une constante de l'histoire du flottage, qu'il s'agisse de vol de bois, d'occupation des berges ou de revendication sociale. "Un vice commun dans le Morvan est l'habitude de voler du bois, observe par exemple Dupin en 1853 dans un mémoire plein d'affliction. Quand un Morvandiau est dans un bois, il se regarde comme chez lui; il visite il parcourt, il reluque l'arbre et l'essence qui lui convient; là est un morceau qui fera une belle fourche, un bon manche de pioche, une perche de charrue; ce qu'il ne peut prendre de suite, il sait où il le retrouvera plus tard".
Après un premier flot assez tumultueux depuis les zones de coupes, lorsque les bûches arrivent sur un cours au lit plus large, l'écoulage les porte vers l'aval. Il faut des "poules d'eau" tout au long du parcours pour surveiller ce flot et le guider si nécessaire à l'aide de longues perches terminées de crocs. C'est une véritable marée de bûches, recouvrant tout le miroir d'eau, qui arrive à Clamecy où des barrages en bois puis en acier sont placés pour l'arrêt du flot. Une fois les bûches retirées, marquées, empilées et comptabilisées, la seconde grande étape commence : confection des fameux "trains de bois", des radeaux qui vont acheminer le bois de l'Yonne à Paris et qui mobilisent une main d'oeuvre spécialisée sous l'autorité du maître-flotteur. La difficulté du conducteur de train sera de franchir les nombreux pertuis du parcours, ouvertures d'écluse dont certaines comme à Coulanges sont à angle droit par rapport à la direction du flot.
A ce travail de coupe, préparation et transport du bois s'ajoutent les aménagements hydrauliques. On voit naître en tête des bassins versants du Morvan les étangs de flottage, impliquant une bonne maîtrise de la construction des chaussées de pierre ou d'argile. Leurs "déchargeoirs" contrôlent les niveaux d'eau. Une cinquantaine d'étangs sont bâtis à cette fin unique, avec un maximum de création vers la décennie 1780. Les ruisseaux sont localement rectifiés, curés et calibrés pour éviter les embouteillages des flottants, les bras secondaires étant bouchés pour assurer un débit suffisant dans le chenal ouvrier. On observera au passage que la "naturalité" des écoulements, même dans des têtes de bassin et des régions assez peu peuplées comme le Morvan, reste une vue de l'esprit. D'autant que les déboisements (puis reboisements ultérieurs, souvent par d'autres essences) des versants ont modifié le régime hydrologique et sédimentaire, outre l'intervention directe sur les cours d'eau.
Mobilisant des milliers d'ouvriers ruraux, le flottage a marqué l'histoire sociale du bassin de l'Yonne. Le flotteur a fait l'objet d'une représentation tardive et "héroïque" en raison de l'extrême pénibilité des tâches. Trempé et couvert de boue aux mauvaises saisons, risquant sa vie par noyade ou par choc quand il tente de démanteler les fréquents bouchons de bûches perdues ou de manier aux pertuis les lourds trains de bois, le flotteur a la vie dure. Le revenu du flottage ne suffit généralement pas à sa subsistance, et la pluri-activité est la règle (vendanges, moissons). Au XIXe siècle, la réputation des ouvriers du bois est cependant peu flatteuse pour la bourgeoisie de la Restauration et du Second Empire. Primaires, sauvages voire barbares, enfants terribles des "Celtes bagarreurs", les flotteurs font peur. En contact avec les idées avancées de la Capitale, bien organisés dans les faubourgs ouvriers de Clamecy, ils ont effectivement des convictions progressistes et n'hésitent pas à recourir à la grève pour faire avancer leurs revendications. Voire à l'insurrection, comme lors du soulèvement durement réprimé de 1851. L'ouvrage de Dimitri Langoureau apporte des informations très utiles sur cette histoire sociale du mouvement flotteur, qu'il s'agisse de la diversité des tâches, de l'évolution des techniques, des représentations religieuses, des conflits avec les marchands de la Compagnie de Haute-Yonne ou les autorité politiques impériales.
Référence : Langoureau D (2015), Flottage et flotteurs sur l'Yonne. XVIIIe siècle-1923, Cahiers d'Adiamos 89, 12, 443 pages.
15/08/2015
Yonne à l'amont de Pannecière: un effacement de seuil pollue la rivière
Nous publions ci-dessous le communiqué intégral de l'AAPPMA La Truite morvandelle à propos de la pollution de la rivière Yonne survenue au début du mois d'août, dans le cadre des opération de préparation d'un effacement total de seuil à l'amont du barrage (infranchissable) de Pannecière. Cette dégradation du milieu aquatique rappelle que les destructions de seuils ne sont pas des opérations anodines quant à la remobilisation des sédiments.
Inquiétude du monde de la pêche au sujet de l’Yonne à l’aval du réservoir de Pierre Glissotte. Les opérations de vidange en vue de l’effacement total de cet ouvrage, qui posait problème à la continuité écologique sur cette portion de rivière, se sont effectuées dans la dernière quinzaine de juillet.
L’AAPPMA La Truite Morvandelle avait été sollicitée pour prêter main forte au sauvetage des poissons présents dans la retenue ; ceux-ci n’étaient pas très nombreux, quelques truites, vairons, goujons et autres lamproies de planer ont été remis dans l’Yonne à l’amont, tandis que les quelques carpes , tanches et chevesnes ont été transférés en 2° catégorie, les écrevisses signal ont bien entendu été détruites.
Ces opérations ce sont bien déroulées jusqu’à ce qu’un petit orage vienne grossir un des ruisseaux affluent qui descend de Château-Chinon, ce qui a eu pour effet d’obstruer les grilles du barrage.
Lors de l’opération de dégrillage pour permettre l’écoulement de l’eau, des parties de la digue ont cédé, ce qui a eu pour effet l’évacuation de boues vers l’aval. Boues qui auraient dû être évacuées ou stabilisées dans un schéma de vidange normal et n’auraient pas du se retrouver dans la rivière.
Depuis, l’eau de l’Yonne qui s’écoule est de couleur gris noir et le fond est recouvert de sédiments boueux et ce jusqu’à l’entrée dans le lac de Pannecière. Il n’aurait pas été constaté de mortalité de poissons… mais on peut supposer que la micro faune qui vit, dans et sur le substrat est fortement impactée, et ce sur plusieurs années.
La Fédération de Pêche de la Nièvre, l’AAPPMA La Truite Morvandelle et la Sté de pêche de Corancy ont fait part de leur inquiétude auprès de l’ Office National de l’Eau et Milieux Aquatiques ainsi que de la Direction des Territoires qui suivent le dossier.
Illustration : © JB Dioux, source Esoxiste
Inquiétude du monde de la pêche au sujet de l’Yonne à l’aval du réservoir de Pierre Glissotte. Les opérations de vidange en vue de l’effacement total de cet ouvrage, qui posait problème à la continuité écologique sur cette portion de rivière, se sont effectuées dans la dernière quinzaine de juillet.
Ces opérations ce sont bien déroulées jusqu’à ce qu’un petit orage vienne grossir un des ruisseaux affluent qui descend de Château-Chinon, ce qui a eu pour effet d’obstruer les grilles du barrage.
Lors de l’opération de dégrillage pour permettre l’écoulement de l’eau, des parties de la digue ont cédé, ce qui a eu pour effet l’évacuation de boues vers l’aval. Boues qui auraient dû être évacuées ou stabilisées dans un schéma de vidange normal et n’auraient pas du se retrouver dans la rivière.
Depuis, l’eau de l’Yonne qui s’écoule est de couleur gris noir et le fond est recouvert de sédiments boueux et ce jusqu’à l’entrée dans le lac de Pannecière. Il n’aurait pas été constaté de mortalité de poissons… mais on peut supposer que la micro faune qui vit, dans et sur le substrat est fortement impactée, et ce sur plusieurs années.
La Fédération de Pêche de la Nièvre, l’AAPPMA La Truite Morvandelle et la Sté de pêche de Corancy ont fait part de leur inquiétude auprès de l’ Office National de l’Eau et Milieux Aquatiques ainsi que de la Direction des Territoires qui suivent le dossier.
Illustration : © JB Dioux, source Esoxiste
02/08/2015
Contrat global Cure-Yonne: un bilan mitigé
Le Contrat global Yonne-Cure 2009-2014 a fait l'objet d'une évaluation qui vient d'être publiée en ligne. L'exercice est important puisque nous sommes en phase de mise en place du prochain Contrat pour les cinq années à venir. Notre association avait participé au printemps à une réunion d'information et proposition sur la rivière Cousin, incluse dans le périmètre. Rappelons que ce Contrat est animé par le Parc naturel régional du Morvan et notamment financé par l'Agence de l'eau Seine-Normandie. Il concerne un périmètre de 2073 km2 et 103 communes sur 3 départements, essentiellement Yonne et Nièvre.
Le rapport d'évaluation ne constate pas de dysfonctionnements majeurs dans la mise en oeuvre du Contrat. Voici cependant quelques points de vigilance qui ont retenu notre attention à la lecture de l'évaluation.
Méthodologie. La consultation en vue de l'évaluation a concerné pour l'essentiel les politiques et les financeurs, avec quelques professionnels. L'eau est l'affaire de tous, l'évaluation de sa qualité et des actions pour cette qualité aussi. On ne le répétera jamais assez, il faut impliquer davantage la société civile qui est aujourd'hui "sans voix" aux comités de bassin ou aux instances de pilotage des contrats locaux et SAGE. Ce type d'évaluation pourrait donc inclure un panel assez large de répondants représentant le territoire.
Pas assez d'efforts sur les pollutions diffuses. La lutte contre ces pollutions avait une dotation relativement faible (1,074 M€, 3,6% du budget) mais le problème est surtout que 18% seulement de ce budget ont été consommés. On a dépensé 3 fois moins sur ce poste que sur la communication-animation, et 17 fois moins que sur la restauration des milieux aquatiques. Certes, les bassins versants sont relativement épargnés du fait de la faible démographie, mais il est regrettable que la lutte contre les pollutions soient si souvent la dernière servie. On aurait aussi aimé un meilleur score pour l'assainissement (la première dépense budgétaire, certes, mais consommée à 66% seulement de sa dotation).
Milieux aquatiques, des dépenses déséquilibrées. Au sein du volet des milieux aquatiques – 3,3 M€ au départ, consommé à 106% c'est-à-dire dépassé –, on regrette la ventilation des actions engagées. Notre association considère la connaissance des milieux comme indispensable, et très en retard : or sur 9 études prévues, 3 seulement ont été engagées. A comparer avec les 127% d'analyse de la continuité écologique (14 études au lieu de 11). La lutte contre les piétinements de berge est pareillement désavantagées (18% et 30% de réalisation sur les deux postes concernés). On observe que le poste complémentaire "Suivi des milieux", consistant en analyses de qualité de l'eau et inventaires d'espèces, est lui aussi réalisé partiellement (85% et 31% de la dotation).
Aménagement des ouvrages, un bilan euphémisé… et trompeur pour la suite. Le rapport d'évaluation note : "Le travail d’animation important a permis de convaincre de nombreux propriétaires d’ouvrages de réaliser des travaux de franchissement ou d’effacement. Les ouvrages classés 'Grenelle', qui n’étaient pas prévus initialement dans le contrat, ont notamment fait l’objet d’une animation renforcée. Néanmoins, des difficultés persistent : sur les gros ouvrages, l’ampleur des travaux induits rend le travail d’animation pour convaincre les propriétaires particulièrement long. Par ailleurs, sur certains territoires, une opposition s’est cristallisée autour de ce type de travaux, de la part des propriétaires qui mettent en avant la dimension patrimoniale de leurs ouvrages. Ces oppositions persistent en particulier sur les territoires où des syndicats de rivière existent mais sont peu actifs sur ces thématiques. Le travail d’animation sur cette thématique, et de pédagogie pour désamorcer les conflits, est à poursuivre." La "réticence" vient essentiellement du coût important des travaux et du fait que la destruction des ouvrages est proposée en première intention aux propriétaires – voire qu'elle est la seule financée publiquement. Par ailleurs, ce n'est nullement un problème de "pédagogie", mais de valeurs, de convictions et de connaissances : la plupart des propriétaires et riverains préfèrent la rivière aménagée à la rivière renaturée, et n'entendent pas engager des actions radicales (destructions) pour des bénéfices écologiques non convaincants. Ce problème va devenir aigu sur toutes les rivières classées Liste 2 du Contrat, en raison du délai réglementaire de 2017 pour le choix d'aménagement.
Evolution de l'état des milieux, une stagnation qui pose question. On dépense de l'argent public pour améliorer la qualité chimique et écologique de l'eau et de ses milieux. Et l'on attend donc des résultats. La comparaison des analyses 2009 et 2013 est mitigée. L’état écologique des 14 masses d’eau "grands cours d’eau" du territoire ne s'est pas amélioré : 10 en état constant, 2 en dégradation, 2 en amélioration. Le résultat est meilleur sur les 43 masses d’eau "petits cours d’eau", avec 18 en amélioration, 6 en dégradation et 19 en état constant. Au plan chimique, 3 grands cours d’eau et 7 petits cours d’eau restent en mauvais état, à cause de la pollution diffuse des HAP. Comme certaines des données 2009 n'étaient pas robustes, le rapport conclut : "On peut estimer que l’état 2009 à la masse d’eau est plutôt comparable de manière fiable à l’état 2013". Certes, le Morvan a la chance d'avoir des cours d'eau relativement préservés, ce qui implique des marges de progression moindres par rapport à des rivières très dégradées. Mais ce bilan très modeste posera question pour la légitimité des mesures du futur Contrat 2015-2020.
Suivi physico-chimique et écologique, à améliorer nettement. Le Parc a un Observatoire de la qualité des eaux depuis 1993, élargi en 2009 à la totalité du territoire du Contrat. Or, le suivi n'est pas assez étendu ni rigoureux. Par exemple en 2011, sur les 16 stations, 10 n’avaient jamais été suivies, et 6 avaient déjà été suivies une fois auparavant en 1991, 1993, 2004 ou 2008. Concernant l'évaluation des actions menées dans le cadre du Contrat, les premiers points de mesure n'ont été mis en place que pour des actions 2013, au lieu de démarrer dès 2009. Cela rejoint le point ci-dessus sur le défaut de connaissance : nous ne pouvons pas accepter que l'argent public soit dépensé sans diagnostic préalable complet et non biaisé sur l'état des milieux et des impacts ; et sans non plus disposer de mesure précise de l'effet obtenu en comparaison avec l'effet prévu. Cela d'autant que les résultats sur la qualité écologique ne parlent pas d'eux-mêmes et que dans certains domaines, les mesures envisagées sont coûteuses et mal acceptées…
Conclusion : l'association Hydrauxois sera vigilante sur la mise en oeuvre du prochain Contrat global Cure-Yonne, en particulier sur son domaine de compétence, à savoir la bonne prise en compte des intérêts des ouvrages hydrauliques, le niveau de collecte, construction et diffusion des connaissances scientifiques sur les milieux, la transparence sur les objectifs, l'efficacité et le coût des opérations dites de restauration écologique.
Référence : Sepia Conseils (2014), Evaluation du Contrat Global Cure-Yonne, 72 pages (lien vers pdf). Illustrations : issues du rapport Sepia, DR.
Le rapport d'évaluation ne constate pas de dysfonctionnements majeurs dans la mise en oeuvre du Contrat. Voici cependant quelques points de vigilance qui ont retenu notre attention à la lecture de l'évaluation.
Méthodologie. La consultation en vue de l'évaluation a concerné pour l'essentiel les politiques et les financeurs, avec quelques professionnels. L'eau est l'affaire de tous, l'évaluation de sa qualité et des actions pour cette qualité aussi. On ne le répétera jamais assez, il faut impliquer davantage la société civile qui est aujourd'hui "sans voix" aux comités de bassin ou aux instances de pilotage des contrats locaux et SAGE. Ce type d'évaluation pourrait donc inclure un panel assez large de répondants représentant le territoire.
Pas assez d'efforts sur les pollutions diffuses. La lutte contre ces pollutions avait une dotation relativement faible (1,074 M€, 3,6% du budget) mais le problème est surtout que 18% seulement de ce budget ont été consommés. On a dépensé 3 fois moins sur ce poste que sur la communication-animation, et 17 fois moins que sur la restauration des milieux aquatiques. Certes, les bassins versants sont relativement épargnés du fait de la faible démographie, mais il est regrettable que la lutte contre les pollutions soient si souvent la dernière servie. On aurait aussi aimé un meilleur score pour l'assainissement (la première dépense budgétaire, certes, mais consommée à 66% seulement de sa dotation).
Milieux aquatiques, des dépenses déséquilibrées. Au sein du volet des milieux aquatiques – 3,3 M€ au départ, consommé à 106% c'est-à-dire dépassé –, on regrette la ventilation des actions engagées. Notre association considère la connaissance des milieux comme indispensable, et très en retard : or sur 9 études prévues, 3 seulement ont été engagées. A comparer avec les 127% d'analyse de la continuité écologique (14 études au lieu de 11). La lutte contre les piétinements de berge est pareillement désavantagées (18% et 30% de réalisation sur les deux postes concernés). On observe que le poste complémentaire "Suivi des milieux", consistant en analyses de qualité de l'eau et inventaires d'espèces, est lui aussi réalisé partiellement (85% et 31% de la dotation).
Aménagement des ouvrages, un bilan euphémisé… et trompeur pour la suite. Le rapport d'évaluation note : "Le travail d’animation important a permis de convaincre de nombreux propriétaires d’ouvrages de réaliser des travaux de franchissement ou d’effacement. Les ouvrages classés 'Grenelle', qui n’étaient pas prévus initialement dans le contrat, ont notamment fait l’objet d’une animation renforcée. Néanmoins, des difficultés persistent : sur les gros ouvrages, l’ampleur des travaux induits rend le travail d’animation pour convaincre les propriétaires particulièrement long. Par ailleurs, sur certains territoires, une opposition s’est cristallisée autour de ce type de travaux, de la part des propriétaires qui mettent en avant la dimension patrimoniale de leurs ouvrages. Ces oppositions persistent en particulier sur les territoires où des syndicats de rivière existent mais sont peu actifs sur ces thématiques. Le travail d’animation sur cette thématique, et de pédagogie pour désamorcer les conflits, est à poursuivre." La "réticence" vient essentiellement du coût important des travaux et du fait que la destruction des ouvrages est proposée en première intention aux propriétaires – voire qu'elle est la seule financée publiquement. Par ailleurs, ce n'est nullement un problème de "pédagogie", mais de valeurs, de convictions et de connaissances : la plupart des propriétaires et riverains préfèrent la rivière aménagée à la rivière renaturée, et n'entendent pas engager des actions radicales (destructions) pour des bénéfices écologiques non convaincants. Ce problème va devenir aigu sur toutes les rivières classées Liste 2 du Contrat, en raison du délai réglementaire de 2017 pour le choix d'aménagement.
Evolution de l'état des milieux, une stagnation qui pose question. On dépense de l'argent public pour améliorer la qualité chimique et écologique de l'eau et de ses milieux. Et l'on attend donc des résultats. La comparaison des analyses 2009 et 2013 est mitigée. L’état écologique des 14 masses d’eau "grands cours d’eau" du territoire ne s'est pas amélioré : 10 en état constant, 2 en dégradation, 2 en amélioration. Le résultat est meilleur sur les 43 masses d’eau "petits cours d’eau", avec 18 en amélioration, 6 en dégradation et 19 en état constant. Au plan chimique, 3 grands cours d’eau et 7 petits cours d’eau restent en mauvais état, à cause de la pollution diffuse des HAP. Comme certaines des données 2009 n'étaient pas robustes, le rapport conclut : "On peut estimer que l’état 2009 à la masse d’eau est plutôt comparable de manière fiable à l’état 2013". Certes, le Morvan a la chance d'avoir des cours d'eau relativement préservés, ce qui implique des marges de progression moindres par rapport à des rivières très dégradées. Mais ce bilan très modeste posera question pour la légitimité des mesures du futur Contrat 2015-2020.
Suivi physico-chimique et écologique, à améliorer nettement. Le Parc a un Observatoire de la qualité des eaux depuis 1993, élargi en 2009 à la totalité du territoire du Contrat. Or, le suivi n'est pas assez étendu ni rigoureux. Par exemple en 2011, sur les 16 stations, 10 n’avaient jamais été suivies, et 6 avaient déjà été suivies une fois auparavant en 1991, 1993, 2004 ou 2008. Concernant l'évaluation des actions menées dans le cadre du Contrat, les premiers points de mesure n'ont été mis en place que pour des actions 2013, au lieu de démarrer dès 2009. Cela rejoint le point ci-dessus sur le défaut de connaissance : nous ne pouvons pas accepter que l'argent public soit dépensé sans diagnostic préalable complet et non biaisé sur l'état des milieux et des impacts ; et sans non plus disposer de mesure précise de l'effet obtenu en comparaison avec l'effet prévu. Cela d'autant que les résultats sur la qualité écologique ne parlent pas d'eux-mêmes et que dans certains domaines, les mesures envisagées sont coûteuses et mal acceptées…
Conclusion : l'association Hydrauxois sera vigilante sur la mise en oeuvre du prochain Contrat global Cure-Yonne, en particulier sur son domaine de compétence, à savoir la bonne prise en compte des intérêts des ouvrages hydrauliques, le niveau de collecte, construction et diffusion des connaissances scientifiques sur les milieux, la transparence sur les objectifs, l'efficacité et le coût des opérations dites de restauration écologique.
Référence : Sepia Conseils (2014), Evaluation du Contrat Global Cure-Yonne, 72 pages (lien vers pdf). Illustrations : issues du rapport Sepia, DR.
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