22/11/2012

10 questions & réponses sur l'hydro-électricité

Produire son électricité à partir de sa rivière : c'est possible ! Et à l'heure où notre pays est engagé dans une vaste transition énergétique, c'est même nécessaire. Mais on ne devient pas du jour au lendemain producteur d'hydro-électricité. Voici quelques réponses aux questions les plus fréquemment posées, pour aider à prendre des décisions en ce domaine. Notre association est à disposition de ses adhérents pour les assister et les conseiller dans ces démarches. En attendant l'édition de fiches pratiques détaillées, ces premiers conseils simples aideront à réfléchir à l'équipement des anciens moulins et anciennes usines... qui se comptent par centaines en Côte d'Or.

Sur quels sites puis-je produire ?
A l'exception des grands fleuves à débit fort et constant, plutôt rares en Côte d'Or et en Bourgogne, la production d'hydro-électricité demande la présence d'ouvrages hydrauliques en rivière. Les deux principaux ouvrages sont : l'existence d'un seuil, glacis ou barrage sur le lit mineur, qui crée une hauteur de chute, ainsi qu'une retenue et une dérivation d'eau (appelée « bief ») ; un canal d'amenée et un canal de fuite, où passe tout ou partie du débit de la rivière, canal dont l'eau sera turbinable. Et c'est à peu près tout ce qui est nécessaire, avec ces deux éléments on peut produire de l'énergie.
Le seuil, glacis ou barrage permet d'exploiter l'énergie potentielle de l'eau (énergie de pression et de position de l'eau à une certaine altitude), qui est ensuite transformée en énergie cinétique (quand elle s'écoule dans le canal, puis dans la turbine ou la roue). Bien sûr, beaucoup de sites historiques de moulins ou d'usines sont mieux équipés : outre le seuil et le canal, ils disposent de chambres d'eau en très bon état permettant d'y installer les roues ou turbines, voire ayant conservé leurs équipements du XXe siècle. Mais ce n'est pas indispensable en soi.
Les sites permettant la production hydroélectrique sont généralement d'anciens moulins. Ce peuvent être aussi d'anciennes forges ou autres usines construites au bord de l'eau. En Côte d'Or, on relève 770 barrages et seuils en lit mineur des rivières (ROE 2012). Les sites de production potentielle dans le département sont donc très nombreux !

Ai-je le droit de produire ? (1) Cas du droit d'eau (fondé en titre)
Si votre moulin est antérieur à 1789 (rivière non domaniale, comme l'Armançon) ou à 1566 (rivière domaniale, comme la Seine), il est dit « fondé en titre » et dispose de ce que l'on appelle un « droit d'eau ». Il suffit pour cela que le moulin ne soit pas complètement en ruine – la présence du seuil et du canal (même engravé, envasé ou enherbé) suffit.
Dans ce cas, vous pouvez user de la puissance de l'eau et votre débit d'équipement (le volume d'eau turbinable chaque année) est présumé identique à l'état présent de votre moulin (c'est-à-dire ce que votre canal ou bief permet de dériver une fois qu'il a été nettoyé). C'est à l'administration de prouver le contraire, dans l'hypothèse où elle conteste votre droit d'user du moulin tel qu'il est : pour votre part, vous avez seulement à démontrer l'existence historique de votre moulin.
A noter : ce « droit d'eau fondé en titre » n'est pas une pièce administrative particulière, mais une capacité attachée à l'existence physique et historique du moulin.
Pour retrouver des preuves de l'existence du moulin avant 1789, tous les moyens sont admis : présence sur des cartes (Cassini) ou cadastres anciens, mentions dans des textes, etc. Vous pouvez librement vous renseigner aux archives départementales, par courrier électronique ou en vous déplaçant. Les services des archives de Côte d'Or sont très efficaces. Vous pouvez aussi contacter des érudits et chercheurs locaux (par exemple, la Société des Sciences de Semur).

Ai-je le droit de produire (2) Cas du règlement d'eau (fondé sur titre)
Si votre bien est postérieur à 1789, il a probablement reçu une autorisation préfectorale d'exploiter l'eau, qui s'appelle le « règlement d'eau ». Il est très rare qu'un moulin ou une usine « moderne » n'en ai jamais reçu. Il est en revanche fréquent qu'un moulin ancien (antérieur à 1789, cas précédemment évoqué) ait reçu après la Révolution un règlement d'eau, en plus de son droit d'eau .
A noter : droit d'eau et règlement d'eau sont deux notions bien différentes, à ne pas confondre. On dit parfois moulin fondé en titre s'il a un droit d'eau dû à son existence antérieure à 1789/1566, et moulin fondé sur titre s'il a seulement un règlement d'eau produit par l'administration après 1789.
Ce règlement d'eau est une pièce administrative écrite, de plusieurs pages, qui définit assez précisément la consistance légale de votre site, c'est-à-dire les différents ouvrages hydrauliques, la cote légale de retenue dans le bief et la puissance exploitable. Donc, il suffit de suivre ses prescriptions pour savoir ce que vous avez le droit de produire.
La date de ce règlement d'eau est importante, pour les petites puissances inférieures à 150 kW (quasiment tous les sites de Côte d'Or) :
  • si votre règlement d'eau est antérieur à 1919, votre autorisation d'exploiter est réputée « perpétuelle », vous n'avez pas à faire de démarche particulière (simple déclaration de remise en activité) à condition bien sûr de rester dans la consistance légale du règlement (ne pas changer la hauteur de chute ou le débit) ;
  • si votre règlement d'eau est postérieur à 1919, et ne comporte aucune limitation dans le temps, il est toujours valable aujourd'hui ;
  • si votre règlement d'eau est postérieur à 1919 et comporte une limitation dans le temps, elle est impérative. Au cas où le délai d'exploitation autorisée est passé, vous devez faire une nouvelle demande d'autorisation en préfecture (question suivante).
Pour savoir si votre bien dispose d'un règlement d'eau, il faut écrire (en courrier recommandé) au bureau de Police de l'eau de la DDT (coordonnées du bureau 21, pdf). Vous pouvez aussi commencer à chercher en archives, car la DDT n'a pas conservé tous les règlements d'eau.
A noter : si vous avez un règlement d'eau ancien, il sera actualisé par la préfecture en fonction des nouvelles règlementations. C'est tout à fait normal, mais il faudra montrer la plus grande vigilance à ce moment-là, car ce nouveau règlement définira précisément votre puissance hydraulique exploitable.

Ai-je le droit de produire ? (3) Cas de la demande d'autorisation
Si vous avez un règlement d'eau ayant dépassé la date d'autorisation, ou si vous restaurez un ouvrage totalement en ruine, ou si vous n'avez aucune pièce justificative de droit d'eau ni de règlement d'eau, ou si vous construisez ex nihilo une nouvelle installation, vous êtes obligé de faire un dossier de demande d'autorisation de production hydro-électrique au bureau de Police de l'eau de votre préfecture. Ce n'est pas le cas le plus simple.
Un nouveau classement des rivières va être publié. Il y a trois possibilités :
  • votre cours d'eau n'est pas classé et, s'il n'y a pas d'autres contraintes (Natura 2000, ZNIEFF, corridor biologique), la préfecture devrait vous autoriser sans trop de difficulté ;
  • votre cours d'eau est classé en liste 2, vous aurez 5 ans (comme tous les moulins, qu'ils produisent ou non) pour faire des aménagements écologiques mais a priori, il n'y a pas de raison que la préfecture refuse l'autorisation si vous respectez scrupuleusement les étapes et les besoins du dossier ;
  • votre cours d'eau est en liste 1, ce qui veut dire en très bon état écologique, et il est a priori interdit de construire un nouvel obstacle à l'écoulement. Mais si votre seuil ou barrage est en place, il n'a pas à être effacé. Vous êtes tenu (là encore, avec ou sans production énergétique) de respecter immédiatement et scrupuleusement les consignes données par la Police de l'eau pour préserver la qualité des milieux aquatiques.
Dans l'hypothèse où votre seuil (ou barrage) est en ruine sur une rivière classée en liste 1, vous n'aurez pas l'autorisation de construire un nouveau seuil (ou barrage).
Il faut savoir qu'une demande d'autorisation exige toujours de passer par un bureau d'études spécialisé, produisant une étude de faisabilité qui répond à toutes les demandes de l'administration (avant-projet technique, contraintes environnementales, etc.). La procédure est donc plus compliquée (et plus coûteuse) que si vous êtes fondé en titre ou réglementé avant 1919.
Combien d'électricité puis-je produire ?
Pour avoir une estimation grossière de votre puissance hydraulique, vous devez connaître la hauteur de chute entre le niveau amont (niveau d'eau au seuil ou barrage) et le niveau aval (niveau de la fuite d'eau dans la rivière, à l'extrémité de votre canal de dérivation ou « sous-bief »), ainsi que le débit moyen passant dans votre canal. Soit la hauteur H en mètres et le débit moyen Q en m3/s : vous multipliez ces deux chiffres entre eux, puis vous multipliez encore par 10 (la force de gravité, g) et vous obtenez la puissance de votre site (P=g.Q.H). Par exemple une chute de 2 m et un débit de 1 m3/s donne une puissance hydraulique brute de 20 kW environ (la puissance électrique nette sera plutôt de 12-14 kW ou kVA). Ce sont là des valeurs typiques pour les moulins de Côte d'Or.
Pour connaître ces valeurs, deux hypothèses. Soit vous retrouvez d'anciens papiers (actes notariaux, règlement d'eau) où les chiffres sont précisés. Soit vous n'en disposez pas, et il faut les calculer. Plusieurs moyens permettent un calcul approximatif : nous les exposerons à une autre occasion (d'ici là, voir par exemple cette page pour quelques méthodes artisanales de mesure du débit). La mesure détaillée sera faite soit par un géomètre et un hydraulicien, soit par un bureau d'études spécialisé.
Une fois connue la puissance, vous pourrez estimer la production en fonction de la courbe annuelle des débits et de votre choix d'équipement. Par exemple, prenons une installation de 20 kW de puissance fonctionnant 6000 heures dans l'année avec un rendement global de 70%. Sa production sera de 0,7*6000*20=84.000kWh (la puissance s'exprime en kilowatt, l'énergie en kilowattheure, l'énergie électrique étant simplement la puissance produite par unité de temps).

Dois-je autoconsommer ou vendre au réseau ?
Vous pouvez consommer vous-même votre électricité ou revendre toute l'énergie au réseau d'EDF. Tout dépend de la puissance de votre site... et de vos besoins. Si vous venez d'installer un chauffage tout neuf à bois ou gaz, vous aurez probablement du mal à consommer toute votre électricité. Si vous avez un vieux chauffage fioul à médiocre rendement et risque de pollution de la rivière, cela peut devenir très intéressant de concevoir un projet d'autoconsommation (en électricité directe ou électricité + pompe à chaleur eau-eau par exemple).
Si vous êtes à moins de 10 kW, il est généralement plus intéressant de consommer soi-même (vous devriez couvrir votre consommation sans problème, y compris du chauffage en hiver). Entre 10 et 30 kW, la décision n'est pas toujours facile, votre puissance dépasse vos besoins mais elle est modeste, et un dossier complet pour vendre au réseau impose des contraintes plus importantes que l'autoconsommation. Mais rien n'est insurmontable, on trouve couramment des moulins qui vendent leur production à ces niveaux de puissance. Au-delà de 30 kW, il devient généralement préférable de vendre sa production au réseau national.
Dans la dernière hypothèse, chaque kWh produit vous est racheté environ 8 centimes en été et environ 14 centimes en hiver. Pour donner un ordre de grandeur, un moulin ou une usine de 30 kW en puissance nominale peuvent produire un revenu brut d'exploitation compris entre 11.000 et 13.000 euros par an environ. Ce n'est pas la fortune, mais pas négligeable non plus.
Avant d'entamer la moindre réflexion sur le matériel nécessaire, vous devez choisir la solution que vous préférez : autoconsommation sur place ou vente au réseau. Quand votre choix est fait, vous pourrez chercher les équipements adaptés.

Produire de l'hydro-électricité, est-ce compliqué ?
Oui et non. Oui, parce qu'il est évidemment plus compliqué de développer une petite centrale micro-hydraulique que de mettre sur son toit quelques mètres carrés de panneaux solaires, ou de faire installer une pompe à chaleur par un chauffagiste. Si vous voulez tout faire tout seul à partir de matériels d'occasion (solution la moins coûteuse, évidemment), il vous faudra quelques notions d'hydraulique, quelques connaissances en électricité, une bonne dose de courage pour le génie civil et beaucoup de rigueur pour que tout fonctionne correctement. Mais il existe des réparateurs et installateurs spécialisés dans la remise en fonctionnement des moulins ou petites usines.
Non, car vous pouvez aussi choisir de faire installer un matériel d'occasion garanti ou un matériel neuf par une société spécialisée et de faire automatiser au maximum votre installation, de sorte que vous n'aurez pas beaucoup de maintenance (hormis celle de votre bien en général, puisque tout moulin a des obligations d'entretien hydraulique). Mais évidemment, plus vous sous-traitez à des tiers, plus le coût de revient de votre installation sera élevée.
Compliquée dans ses détails techniques, l'hydro-électricité est simple dans ses principes : l'énergie cinétique-potentielle de l'eau en écoulement est d'abord transformée en énergie mécanique (rôle de la turbine, roue ou vis d'Archimède), puis cette énergie mécanique est convertie en énergie électrique (rôle du système rotor-stator dans le générateur). L'éolien fonctionne de la même manière, sauf que l'énergie cinétique du vent (et non de l'eau) forme sa source primaire.
Dernière chose : l'hydro-électricité peut surtout paraître compliquée à cause des nombreuses contraintes réglementaires, c'est-à-dire de la « paperasse » à accomplir afin de mener son dossier de A à Z. C'est la raison pour laquelle il est préférable de se rapprocher d'une association et/ou d'un bureau d'études, dont le rôle est de vous assister dans ces procédures.

Combien cela coûte ?
Il est particulièrement difficile de répondre à cette question, car la fourchette est large : une installation peut coûter de 1000 à 7000 euros le kW de puissance installée ! L'état initial de votre bien est évidemment déterminant, ainsi que le choix entre un matériel d'occasion ou un matériel neuf pour l'équipement hydraulique et électrotechnique. Il faut savoir qu'une turbine (ou une roue, ou une vis) neuve sera un modèle unique, spécialement conçu en usine pour être adapté à votre hauteur de chute et votre débit d'eau. D'où le coût : ce ne sont pas des équipements standardisés et produits en série comme les groupes électrogènes du commerce, par exemple.
Par ordre décroissant de coût, les principaux postes à étudier sont les suivants dans l'hypothèse d'un matériel neuf et d'un moulin dont l'état général est correct  :
  • l'achat de la turbine
  • le génie civil et l'équipement annexe (incluant vannes, grille, aspirateur, optimisation du bief si nécessaire)
  • le générateur et l'électronique de puissance
  • les systèmes d'automatisation et de contrôle-commande
  • le raccordement au réseau
Mais attention, ce sont là des évaluations moyennes et chaque site est particulier.
On mesure habituellement l'intérêt économique d'une installation hydro-électrique en temps de retour sur investissement : combien d'années d'exploitation sont nécessaires pour rentabiliser le coût d'installation ? Un temps de retour de moins de 10 ans est considéré comme une excellente affaire, un temps de retour de 10-15 ans reste intéressant. Au-delà, l'installation concerne plutôt des passionnés ou des militants des énergies nouvelles, acceptant de bloquer un capital sur une longue période.
A noter : il existe des coûts d'aménagements écologiques (passes à poisson pour le franchissement piscicole et vannes fonctionnelles de chasse pour le transit des sédiments), mais ceux-ci n'ont rien à voir avec la production d'hydro-électricité. Ils seront exigibles par le préfet une fois publié le classement des rivières (début 2013) et dépendront de chaque site. Avec ou sans production d'énergie, tout le monde sera tenu d'aménager. Une exploitation énergétique permet de financer une partie des ces coûts d'aménagement écologique et de mutualiser les frais de chantier qui seront de toute façon nécessaire (passe à poissons, vannage à sédiments).

Aurai-je des subventions pour produire de l'énergie hydro-électrique ?
L'hydro-électricité fait partie des énergies renouvelables subventionnées par l'Ademe et elle est inscrite dans le Schéma Climat Air Energie de Bourgogne. Elle peut donc faire l'objet de subventions pour l'étude de faisabilité ou pour l'équipement (en association avec des fonds régionaux et européens de développement rural). Par ailleurs, si votre dossier est complet et si vous le souhaitez, vous pouvez demander un CODOA (Certificat ouvrant droit à une obligation d'achat) dont la principale conséquence est : ERDF rachète votre énergie à un tarif garanti pendant 20 ans. C'est une forme de subvention, car cette garantie d'achat vous donne une visibilité à long terme sur vos revenus et le tarif de rachat pour les petites puissances est plus avantageux.
Si votre site est très isolé, avec un coût de raccordement élevé au réseau, vous pouvez aussi être assisté par le syndicat d'énergie et d'électrification du département pour installer un site autonome. (En Côte d'or, c'est le Siceco, qui a déjà équipé ainsi un moulin en puissance solaire et hydraulique pour l'autoconsommation).

Et donc, par où dois-je commencer ?
D'abord, il faut bien réfléchir : on ne devient pas producteur d'électricité à la légère, vous aurez besoin de patience et de détermination. Comme pour tout projet ambitieux.
Ensuite, prenez des conseils autour de vous – bien sûr, le réseau des associations (il y a plusieurs en Côte d'Or) est là pour vous accompagner dans votre démarche et vous faire rencontrer d'autres producteurs.
Enfin, vos actions prioritaires dépendront de votre situation juridique (fondé en titre, réglementé, non autorisé), de votre choix initial (autoconsommation ou vente réseau), de vos compétences personnelles (participation active aux travaux ou délégation à des tiers).
La toute première chose à faire, si elle n'est pas acquise : clarifier le statut juridique de votre bien afin de savoir à quelle condition exactement vous pouvez exploiter l'énergie hydraulique. La deuxième chose est d'estimer la hauteur et le débit moyen de l'eau au droit de votre site, afin d'avoir une idée à peu près réaliste de la puissance potentielle.

Pour aller plus loin
Rappel des sites utiles (département Côte d'Or)

13/11/2012

Hydrauxois dans les médias

Radio Eole a reçu le président et le secrétaire général de l'association, le jeudi 8 novembre, pour évoquer la question du barrage de Semur-en-Auxois (émission Jeudi on s'dit tout, prochainement disponible sur le site de la radio). Le Bien Public a consacré un article à l'association dans son édition du 10 novembre, deux semaines après la publication d'un communiqué dans l'Auxois Libre.

09/11/2012

La qualité de la Seine et de ses affluents en Côte d'Or

Comment se portent la Seine et ses affluents de Haute Côte d'Or ? Pour répondre à cette question, le Syndicat intercommunal des cours d'eau du Châtillonnais (Sicec) et la Fédération départementale de pêche et de protection des milieux aquatiques de Côte d'Or (FDAAPPMA 21) viennent de publier les résultats d'une vaste étude menée en 2011. Ce document a pour objet l'analyse de la qualité des eaux superficielles en vue de mettre en valeur les milieux aquatiques et de protéger les espèces piscicoles.

Le travail était d'autant plus nécessaire que l'on ne disposait pas jusqu'à présent de données systématiques sur la Seine et ses affluents cote-doriens : « les informations récentes obtenues dans le cadre des suivis DCE [directive cadre sur l'eau] sont insuffisantes pour dresser un état des lieux complets de la situation piscicole du réseau hydrographique […] Quant aux affluents, ils n'ont jamais fait l'objet d'investigation exhaustive de leur peuplement ». Il s'agit donc d'un « état zéro », en quelque sorte.

Une tête de bassin à socle marneux et calcaire
La Seine a un lit de 85 km en Côte d'Or, département où elle prend sa source (Source-Seine, canton de Venarey-les-Laumes). Ce parcours représente 11% de la longueur totale du fleuve (777 km). Le bassin versant cote-dorien de la Seine totalise 632 km, sur un socle géologique qui est essentiellement composé de marnes et calcaires. Ce terrain très perméable peut provoquer des infiltrations dans les failles et dolines, voire des assecs (zones où la rivière suit son lit souterrain avec de ressurgir en surface).

La Seine est assez rapidement renforcée par des affluents en Côte d'Or. Après 25 km de cours, elle reçoit les eaux du Revinson (long lui-même de 17 km et alimenté par la Coquille, 10 km). A 37 km de sa source, la Seine est rejointe par le Brevon (long de 32 km). L'étude du Sicec et de la Fédération départementale de pêche a concerné au total 21 stations réparties sur 8 masses d'eau : le cours de la Seine elle-même, le Brevon, le Revinson, la Coquille, les affluents de la Coquille, le réseau des ruisseaux formant des affluents directs de la Seine en Côte d'Or.

Quatre dimensions pour un diagnostic
Pour établir son diagnostic, l'étude a examiné à titre principal quatre caractéristiques des cours d'eau de Haute Côte d'Or :

- la qualité physique (Indice d'attractivité morphodynamique, IAM, ou simple description vitesse de courant, hauteur d'eau, rapport substrat/support, température) ;

- la qualité physico-chimique et la présence de certains polluants ;

- les peuplements macrobenthiques (Indice biologique global normalisé, IBGN ; protocole MAG20, pdf, diverses sous-indices de mesures structurelles et hydro-écologiques comme EPTC, RQE, Cb2, etc.), désignant des genres de crustacés, mollusques ou ici insectes (Chloroperlidae, Perlidae, Perlodidae) connus pour être des marqueurs de qualité de l'eau ;

- les peuplements piscicoles enfin, analysés par pêche électrique (méthode Delury) compte tenu de la faible profondeur des tronçons concernés. L'espèce la plus caractéristique et la plus exigeante pour sa reproduction est la truite fario. Certaines espèces d'accompagnement (chabot, vairon, loche franche) donnent également des indications de qualité.
Une qualité physique et physico-chimique dégradée
La qualité physique (morphodynamique) du bassin de Haute Seine laisse à désirer : 80% des stations sont en état mauvais ou très mauvais. Les causes en sont les suivantes : sévérité des étiages, diversité moyenne des substrats, colmatage du fond par des matières fines, piétinement bovin et affaissement des berges, absence de ripisylve (arbres de rive) impliquant la hausse des températures et l'absence de caches racinaires, les obstacles à l'écoulement et étangs artificiels favorisant eux aussi le colmatage ou la hausse des températures.

La qualité physico-chimique n'est pas toujours plus enviable. La totalité du linéaire présente des concentrations trop fortes en ammoniaques et phosphates (NH^4+, PO4^3-). Les nitrates (NO^3-) ont un niveau conforme à la DCE sur la plupart des sites, mais ils sont néanmoins en quantité trois à dix fois supérieure au niveau optimal pour la vie aquatique. Les concentrations de ces substances chimiques augmentent lors des étiages, augmentant le stress sur la vie aquatique. Les matières organiques se prêtent par ailleurs à l'oxydation, et consomment en conséquence l'oxygène dissout présent dans les cours d'eau. Dans certains cas (Revinson), le taux d'oxygénation approche de sa valeur-limite pour les espèces qui en dépendent (la « biocénose aérobie »), même si le bassin reste dans un état global correct de ce point de vue.

Le rapport souligne que « la pollution par les matières organiques, provenant essentiellement de l'épuration défectueuse des communes et de l'activité agricole (épandage d'engrais et de fumier / lisier, rejets de stabulation, piétinement et déjection des bovins au niveau des berges et dans le lit des cours d'eaux), est le problème majeur de l'altération de la qualité physico-chimique des eaux du bassin de Seine ».

Les HAP s'ajoutent aux pollutions agricoles et domestiques
Mais les rejets de matières organiques par les réseaux domestiques et les activités agricoles ne sont pas les seules en cause. La Seine et le Brevon présentent une « forte altération » par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des molécules carbone-hydrogène provenant essentiellement de la combustion du charbon et du pétrole (carburant, fioul). Ces composés étant hydrophobes (insolubles dans l'eau), ils pénètrent préférentiellement les sédiments et les matières en suspension. Comme le rappellent le rapport, « ils vont affecter en tout premier lieu les espèces benthiques (macro-invertébrés et poissons) entraînant la disparition des espèces les plus polluosensibles. Possédant un fort pouvoir de bio-accumulation, les HAP vont transiter dans tous les maillons de la chaîne alimentaire des cours d'eau et s'accumuler dans les tissus des espèces situées au sommet de la pyramide trophique ».

Cette pollution indirecte par les combustibles fossiles rappelle au passage tout l'intérêt qu'il y a de développer des sources d'énergie non carbonées, parmi lesquelles figure l'énergie hydraulique. Les effets des fossiles ne se limitent pas à la concentration atmosphérique et au forçage radiatif des gaz à effet de serre, ils concernent également l'eau et la vie aquatique, qu'il s'agisse de l'acidification des océans ou de la pollution des rivières.

La conséquence logique de la présence des HAP, phosphates, nitrates et ammoniaques est que les peuplements macrobenthiques les plus sensibles à la pollution (groupes 8 et 9) ont quasiment tous disparu du bassin de la Seine cote-dorienne. Mais ce constat doit être nuancé car, au regard de critères retenus par la directive-cadre sur l'eau, les autres peuplements sont dans un très bon état, voire un état de référence dans les parties amont des rivières. L'altération reste donc relative.

Des peuplements macrobenthiques
et piscicoles perturbés
S'agissant des peuplements piscicoles, les situations sont contrastées. Dans l'ensemble, en dehors des zones les moins touchées par l'influence humaine, la population de truite fario est plutôt déficitaire par rapport à ce que l'on peut attendre d'un hydrosystème équivalent en très bon état écologique : le déficit va de 20 à 100 %, avec une moyenne de 50% sur l'ensemble des stations. Il existe des fluctuations fortes sur certaines rivières comme le Brevon, avec des zones proches de l'optimum et d'autres à présence nulle. Le chabot et la loche franche sont également déficitaires dans l'ensemble du réseau étudié, le vairon ayant une présence plus équilibrée. L'ombre a été réintroduit par la fédération de pêche, le blageon (cyprinidé rhéophile) a fait sa réapparition.

Au total, on a relevé 8 espèces dans la Seine (contre 5 signalées voici l'inventaire de 1992), autant dans le Brevon, 7 espèces dans le Revinson, 5 espèces dans les affluents du Revinson. Les ruisseaux affluents de la Seine ont une biodiversité très variable, de 2 à 8 espèces.

Au final, très peu de stations peuvent justifier d'un très bon écologique au regard des peuplements macrobenthiques et piscicoles. L'étude ne permet d'attribuer avec précision (c'est-à-dire avec une mesure relative de chaque facteur) les causes de cette situation. Néanmoins, les auteurs concluent, pour l'ensemble du réseau hydrographique : « La qualité globale de l'eau demeure le facteur limitant essentiel du réseau hydrographique. L'analyse des eaux de surface montre le caractère vulnérable des secteurs karstiques avec une importante contamination aux nitrates liées aux activités agricoles des plateaux, engendrant d'importantes prolifération alguales. Toute action restauratrice engagée verra ses effets pénalisés plus ou moins rapidement par ce facteur prépondérant ». S'y ajoutent « assèchement des zones humides, captages, drainages ».

Les obstacles à l'écoulement – qui intéressent au premier chef notre association dédiée à la promotion du patrimoine et de l'énergie hydrauliques – figurent également parmi les facteurs limitant la biodiversité piscicole : l'étude souligne que cette cause est dominante sur le linéaire de la Seine (obstacle infranchissables en montaison) et sur certains secteurs du Brevon (étangs à eaux réchauffées, faible circulation, potentialisant une pollution locale par l'assainissement défectueux). Enfin, l'absence de ripisylve peut être un facteur dominant sur certains tronçons (Revinson) car elle signifie un défaut de cache et un réchauffement estival important.

En conclusion
D'abord, il convient de souligner la grande qualité du rapport publié par le Sicec et la FDAAPPMA 21. La méthodologie est décrite et référencée, les annexes donnent toutes les mesures réalisées, la synthèse est claire. Il manque éventuellement des résumés pour un plus large public, pas toujours familier avec le vocabulaire de l'hydro-écologie, de l'hydromorphologie et de l'hydrobiologie. Il conviendrait aussi de mieux préciser comment sont fixés les peuplements de référence (permettant de dire que telle espèce est sous-représentée sur un tronçon) : en l'absence de données historiques, puisqu'il s'agit d'un « état-zéro », on ne sait pas comment est évalué le niveau de truite, loche ou chabot « normal » d'un cours d'eau. Mais la qualité de l'étude est bienvenue à l'heure où les réformes de continuité écologique entendent imposer des priorités d'action sont parfois contestées. La cohérence du prochain classement des rivières avec l'étude menée en Haute Seine sera examinée – notamment le choix de classer en liste 1 (ce qui suppose un « très bon état écologique ») et la désignation des espèces cibles.

Ensuite, et pour en venir à ces priorités d'action, la conclusion de l'étude ne permet nullement de désigner les obstacles à l'écoulement comme la cause principale d'altération de la biodiversité. L'absence de profondeur historique interdit à ce stade de corréler les dégradations observées à des facteurs dégradants, mais les polluants agricoles, domestiques et HAP sont néanmoins désignés comme le premier facteur limitant de toute restauration écologique. Comme on l'a signalé lors des débats des derniers mois sur les aménagements écologiques de l'Armançon, la circulation des poissons sera d'abord la circulation des poisons si les causes premières d'altération chimique de l'eau ne sont pas traitées en priorité. Et la France est, hélas, très en retard de ce point de vue. Il n'empêche que le franchissement d'obstacles, le bon transport solide assurant des substrats diversifiés et les régulations de température sur certains plans d'eau sont des facteurs localement pénalisant, et appelant une action commune avec les propriétaires d'ouvrages hydrauliques en vue de définir les meilleures solutions.

Enfin, pour passionnante et nécessaire qu'elle soit, cette étude ne dévoile qu'une dimension de la Seine et de ses affluents. Une rivière n'est pas seulement un phénomène naturel (domaine aquatique), mais elle est aussi et toujours un phénomène culturel, social et désormais technique (domaine hydraulique). Les temples des Lingons en l'hommage de Sequana (déesse des eaux de la Seine) comme les forges gauloises installées au fil des ruisseaux proches des sources de la Seine rappellent que l'histoire des hommes et celles de leurs rivières se sont mêlées très précocement sur les terres bourguignonnes. C'est donc un patrimoine complexe allant de l'état physique, chimique et biologique de l'eau jusqu'à l'histoire et l'avenir de ses usages humains qu'il s'agit aujourd'hui de penser, et d'aménager, pour léguer aux générations futures des rivières de qualité.

Référence : Sicec, FDAAPPMA 21, Etude des peuplements piscicoles et macrobenthiques de la Seine et de ses affluents au regard de la qualité physique et chimique de l'hydrosystème. Défnition d'un état initial (2011), 2012.
Images : toutes les images de cet article (hormis la dernière) sont extraites du rapport. Tous droits réservés Sicec/FDAAPPMA21.

31/10/2012

Assises de l'énergie en Côte d'Or : un bilan très positif

Le 25 octobre 2012 se sont tenues les Assises de l'énergie en Côte d'Or, au Palais des Congrès de Dijon, à l'initiative du Siceco soutenu par l'Ademe. Deux représentants d'Hydrauxois y ont assisté, parmi 250 autres personnes, essentiellement des élus locaux. L'après-midi fut très riche en exposés et débats. En voici une synthèse, orientée bien sûr sur l'hydraulique.

Un constat fut partagé par tous les intervenants : la transition énergétique n'est plus une option, mais une nécessité pour de multiples raisons (le coût croissant du fossile impliquant un déficit de balance commerciale et une précarité des ménages, le risque du réchauffement climatique). Cette transition prendra deux formes : d'abord des économies d'énergie (de l'ébriété à la sobriété), dans le domaine notamment du transport et du chauffage ; ensuite une production d'énergie diversifiée accordant une part croissante aux sources renouvelables.

Bourgogne : 2 à 3 MW de micro-hydraulique d'ici 2020
En Bourgogne comme ailleurs, ces sources d'énergie renouvelable sont multiples : l'éolien, la biomasse (bois, déchets, biocarburants, biogaz), le solaire, la géothermie et bien sûr l'hydraulique. Le Schéma régional Climat, air et énergie (SRCAE) a été présenté : cet outil directeur à échelle de la région permet de dessiner les énergies à développer à horizon 2020 (23% de renouvelable dans le mix énergétique), puis 2050 (division par 4 des émissions carbone, donc de la part fossile du mix).

Pour la petite hydraulique telle que nous la promouvons en Auxois-Morvan, le SRCAE prévoit 2 à 3 MW supplémentaires de puissance d'ici 2020 (2,5 MW et 5 GWh en hypothèse moyenne), auxquels s'ajoutent l'amélioration des installations existantes (54 à 57,5 MW, gain de 4 GWh). Sachant que les équipements ont une puissance modeste, cela représente plusieurs centaines de moulins ou anciennes à usines à développer rapidement. D'autant plus rapidement que la complexité règlementaire des projets hydro-électriques imposent plusieurs années entre la décision de produire et le premier kWh produit. Plusieurs élus ont d'ailleurs signalé lors des débats que cet objectif hydro-électrique demandait une conciliation urgente avec la continuité écologique telle qu'elle est actuellement défendue par les Agences de l'eau et par les représentants de la DDT et de l'Onema. L'association Hydrauxois s'est ouvert du problème à M. François Bellouard, directeur études et projets de la DREAL Bourgogne, et a sollicité une réunion de travail à ce sujet.

Le cadre de la transition énergétique ne se limitera pas au SRCAE. Le Conseil général de Côte d'Or (sous la responsabilité de M. Jean-Noël Thomas et avec l'agence Auxilia) prépare actuellement un Plan Climat Energie Territorial (PCET) à l'échelle du département, tandis que le Siceco, sous l'impulsion de son directeur général Jean-Michel Jeannin et avec l'agence Energies Demain, publiera en 2013 également un Schéma énergétique départemental. L'association Hydrauxois travaille dès à présent à une contribution sur la place de la micro-hydraulique dans ces dispositifs départementaux, car le potentiel de cette énergie est difficile à appréhender avec les outils classiques de modélisation énergétique.

Les collectivités locales aux avant-postes
Au plan national, et non plus local, ces réformes en cours se déroulent à l'horizon de deux lois très importantes : l'une sur la décentralisation, l'autre sur la transition énergétique. Un grand débat sur l'énergie aura lieu entre décembre et avril prochains. Ces lois vont repréciser le rôle des collectivités locales dans la transition énergétique : les collectivités maîtrisent aujourd'hui les réseaux (dont elles sont propriétaires sur leurs territoires), mais elles devraient acquérir un rôle croissant sur les postes de production d'énergie et de maîtrise d'énergie. Le cas du parc éolien et des chaufferies bois du Pays de Saint-Seine (Catherine Louis) a permis d'illustrer cette évolution, de même que les exemples de montages en sociétés d'économie mixte présentés par Sergie (86) ou le Syndicat intercommunal d'énergie, d'équipement et d'environnement de la Nièvre (SIEEEN, 58).

Le bilan de ces premières Assises de l'énergie est donc très positif. Les acteurs locaux ont une claire conscience de la nécessité de développer toutes les énergies renouvelables du territoire, et aucun n'envisage de se priver de la contribution hydraulique dès lors que celle-ci assure sa compatibilité avec la continuité écologique.

Une cohérence nécessaire du discours public
Il reste néanmoins un problème de cohérence à résoudre, car les Agences de l'eau et l'Onema tiennent aujourd'hui un discours de terrain poussant à l'effacement des obstacles à l'écoulement plutôt qu'à la modernisation énergétique-écologique des moulins et des anciennes usines. 

Ce choix n'est évidemment pas viable au regard de la transition énergétique, puisque l'effacement de l'obstacle équivaut à la disparition du potentiel d'énergie hydraulique. Et ce dernier n'est pas négligeable. Pour la seule ville de Semur-en-Auxois, que notre association a bien étudiée en raison des circonstances de sa naissance, l'équipement du barrage communal et des seuils privés présents sur l'Armançon pourrait par exemple représenter près de 300 kW de puissance cumulée, soit (en tenant compte du facteur de charge hydraulique) l'équivalent de la consommation électrique totale de plus de 120 foyers. 

On voit donc, concrètement, ce que peut apporter la micro-hydraulique à la transition énergétiques de nos territoires.

26/10/2012

Armançon : un bilan écologique et hydrologique

Le schéma d'aménagement et des gestion des eaux (SAGE), porté par le syndicat de rivière Sirtava, a dressé un Rapport environnemental (2010) du bassin de l'Armançon, dont la version définitive a été publiée cette année après consultation administrative et enquête publique (voir le Rapport d'enquête).

Ce rapport est l'occasion de rappeler les faits essentiels sur l'état de l'Armançon, principal cours d'eau de l'Auxois, notamment sur la qualité physique, chimique et biologique de son eau. Nous focaliserons ici plus volontiers sur l'Armançon cote-dorien, sachant que la rivière coule aussi dans l'Yonne et l'Aube.

Un bassin versant allongé
Le bassin versant de l'Armançon occupe au total 3100 km2, en forme de bande orientée Sud-Est / Nord-Ouest. L'ensemble des cours d'eau y occupe 1255 km de linéaire. La partie amont en Auxois est très dense en rus et ruisseau, formant un « chevelu » de cours d'eau alimentant l'Armançon et ses grands affluents. Les masses d'eau souterraines en Auxois, appelées aquifères, se développent dans un socle géologique à dominante marnes et calcaires, avec des affleurements plus compacts et plus imperméables du socle cristallin du Morvan.

Du point de vue hydromorphologique, le bassin versant de l'Armançon présente « un certain équilibre sédimentaire », comme l'avait établi la mission Hydratec 2007. Les érosions de berges fournissent une charge alluviale assez importante (transport de particules fines, sables, graviers, voire galets), avec des faciès d'écoulement variés. Il existe donc ce que l'on nomme des « espaces de mobilité fonctionnelle » où les rivières conservent un équilibre physique.

Pour la végétation (ripisylve, nom donné aux arbres en bordures de rivière), on observe que 46% du linéaire des cours d'eau sont dépourvus de végétation, 36% possède une végétation discontinue et 18% des formations boisées épaisses. Il existe deux principales espèces végétales invasives : la renouée du Japon et le faux acacia, contre lesquels on ne connaît pas de moyen de lutte eficace à ce jour.

Concernant les poissons, le Rapport note que « le bassin de l'Armançon est globalement caractérisé par une richesse piscicole en lien avec la diversité de ses habitats (ruisseaux, rivières, lacs, canal). 32 espèces ont été recensées ». L'Armançon est une rivière cyprinicole (dominante de « blancs », 2e catégorie de pêche), mais ses petits affluents sont généralement salmonicoles (truites et ombres, 1re catégorie). Il existe trois espèces invasives reconnues chez les Crustacés : les écrevisse américaines, écrevisses de Floride et écrevisses de Louisiane. Elles sont surtout présentes en amont (Auxois) et menacent l'espèce patrimoniale (écrevisse à pieds blancs) par concurrence de territoires ou charge pathogène. (Le Rapport ne mentionne pas le cas des silures, sur lequel des témoignages négatifs ont été rapportés, y compris en bassin Amont).

Les pollutions d'origine anthropique
Le territoire est à dominante rurale : 67 % d'occupation agricole, 30% de forêts et seulement 2% de sols artificialisés (villes, zones d'activité). On compte 105.138 habitants dont 38% en Côte d'Or.

Premier problème : la pollution domestique, avec 56% des raccordements collectifs en bon fonctionnement, mais 44% en état insatisfaisant pour l'ensemble du bassin. S'y ajoutent les assainissements autonomes, en état plus néfaste encore puisque 90% sont non conformes et 75% de la charge polluante y est rejetée après usage. Conséquence : rejet de matières organiques et oxydables (DBO, DCO, NH4), de nitrates, de matières azotées et phosphorées.

La pollution agricole représente un autre enjeu pour la qualité biologique et chimique de l'eau. Le territoire est rural, dominé par l'élevage en Auxois et par la culture céréalière vers l'aval. Cela représente une forte ponction d'eau en irrigation (215.000m3/an) et abreuvage (515.000m3/an). Le Rapport environnemental note que la qualité physico-chimique est « passable » sur le bassin, avec trois « altérations déclassantes » : les nitrates, en tête de bassin et à l'aval ; les produits phytosanitaires sur presque tout le bassin ; les matières azotées et phopshorées, également rejetées sur l'ensemble des eaux superficielles. Il en résulte que « la qualité des peuplements piscicoles connaît une nette dégradation d'amont en aval ».

A cette pollution agricole et domestique s'ajoute enfin la pollution industrielle, qui est localisée à quelques sites (par exemple Montbard pour l'Auxois) : rejets de métaux, hydrocarbures et pesticides, formant autant de « substances toxiques prioritaires ». Il existe aussi une « pollution artisanale » car les très petites entreprises déversent ce que l'on appelle des « déchets toxiques en quantité dispersée » : solvants, encres, colles, vernis, huiles, liquide de refroidissement, batteries etc.

La question des seuils et barrages
La question des « obstacles à l'écoulement » est bien sûr abordée dans le Rapport environnemental. Elle concerne les ouvrages hydrauliques placés sur le lit mineur (seuils et glacis de moulins, barrages) ou sur les berges (enrochements, digues). La mission Hydratec 2007 avait évalué à 140 le nombre de seuils présents sur le linéaire de l'Armançon, sans données pour les affluents (Brenne, Armance, Créanton, Cernant, Brionne, Prée et les nombreux ruisseaux).

Les obstacles dits longitudinaux sont ceux qui modifient l'écoulement de l'amont à l'aval. Avec deux effets : un blocage partiel du transport solide, accumulant les sédiments à l'amont et provoquant un déficit à l'aval ; l'entrave à la circulation des poissons, principalement à la montaison (remontée vers l'amont).

Les obstacles dits latéraux (en bord de rivière) empêchent quant à eux la formation spontanée de zones humides présentant des alternances saisonnières (marnage). Ces zones humides sont propices à la biodiversité. Les obstacles latéraux peuvent également empêcher la connexion de milieux différents.

Le dernier effet jugé néfaste pour les obstacles à l'écoulement est l'affaiblissement des capacités d'auto-épuration des cours d'eau, en raison de l'accumulation et stagnation dans les retenues amont des biefs.

En conclusion : quelques orientations nécessaires
L'association Hydrauxois défend le patrimoine et l'énergie hydraulique sur nos rivières, mais elle est évidement concernée par l'environnement aquatique. Et tous les amoureux de l'eau le sont, quelle que soit la dimension de l'eau qu'ils préfèrent. Le Rapport environnemental du SAGE nous paraît appeler les remarques suivantes.

• Ce Rapport manque de précision dans le domaine biologique et écologique, par rapport à d'autres travaux sur des rivières de la région. Nous parlerons prochainement d'un travail mené en Haute Seine, qui est très approfondi de ce point de vue. Ainsi, sur l'Armançon, il existe peu d'informations sur la macrofaune benthique, sur l'avifaune, globalement peu de détails sur le peuplement piscicole par rivières et tronçon de rivière dans le cas de l'Armançon.

• Il en va de même pour les questions de pollution chimique. Les différents effluents à problème sont certes énumérés, mais on ne dispose pas de profondeur historique pour mesurer l'évolution de la qualité des eaux et de la quantité des rejets. Par ailleurs, on ne dispose pas non plus des critères de qualité posés par la directive-cadre européenne sur l'eau, de sorte que l'on évalue mal l'état réel des rivières. Rappelons qu'en 2011, une analyse approfondie sur les micropolluants, menée par le service observation et statistique du Commissariat au développement durable sur 91% des rivières, a révélé la présence de 413 micropolluants (sur 950 étudiés) dont un certain nombre affecte la santé et l'environnement, même à faible dose (source, pdf).

•Les données rassemblées indiquent que par rapport aux pollutions persistantes, au premier rang desquelles la pollution agricole par rejet d'effluents culture-élevage et la pollution domestique par défaut d'assainissement, les obstacles à l'écoulement ne représentent pas un problème prioritaire. Malgré leur présence multiséculaire dans la plupart des cas, l'état sédimentaire est jugé à l'équilibre sur le bassin versant, et la biodiversité piscicole reste de bonne tenue sur le bassin.

• Certains résultats sur les obstacles à l'écoulement demandent approfondissement. Par exemple, les relevés sédimentaires opérés par le Sirtava sur la retenue du barrage de Semur ne montraient pas de niveaux de pollution anormaux. Or le barrage étant sans usage depuis plusieurs décennies (non vanné), et situé non loin d'une ancienne décharge municipale, cela pose question sur l'auto-épuration jugée défaillante à l'amont immédiat d'un obstacle. Ce point serait à vérifier empiriquement, en procédant à des mesures de sols et sédiments plus approfondies. Il en va de même pour l'érosion de la biodiversité piscicole de l'amont vers l'aval, observée dans le Rapport : ce devrait être l'inverse, puisque l'effet des obstacles est de plus en plus marqué vers l'amont (non-franchissements successifs en montaison, la dévalaison n'étant pas entravée).

• Tout cela ne signifie pas que l'inaction est de mise pour les seuils ou barrages, mais nous serons vigilants sur la hiérarchie des actions en terme de qualité de l'eau. Les investissements des collectivités, du syndicat de rivière comme de l'Agence de l'eau n'étant pas extensibles à l'infini, il faut mettre comme priorité la qualité chimique et biologique des eaux, par lutte contre les pollutions directes. Et en ce qui concerne les restaurations de continuité écologique, il convient de cibler d'abord les « points noirs »... et de le faire avec une certaine honnêteté intellectuelle. Un grand barrage VNF de 20 mètres de hauteur est un obstacle autrement paralysant pour la circulation du poisson qu'un glacis de moulin médiéval. Néanmoins, si le syndicat de rivière, l'Onema et l'Agence de l'eau apportent leur contribution technique et financière, il sera tout à fait possible d'améliorer la continuité morphologique et biologique en construisant des passes à poissons et en modernisant les vannages. Voire en arasant ou dérasant certains obstacles, une fois vérifié que l'opération est compatible avec l'intérêt patrimonial et qu'elle ne prive pas l'Auxois d'une ressource énergétique facilement exploitable.