5 MW de puissance, 22 GWh de production annuelle, l'électricité de 8000 habitants et un équivalent revenu de 2,2 millions d'euros produit sur le territoire : tel pourrait être le bilan de la micro-hydraulique en Côte d'Or si 80% des seuils et barrages exploités en 1921 (au nombre de 451 à l'époque) étaient aujourd'hui remis en service. Ces données n'incluent pas l'équipement des grands barrages-réservoirs gérés par VNF et des systèmes d'adduction d'eau potable.
Source : la Taxe de statistique de 1921
La loi du 16 octobre 1919 sur l'énergie hydraulique stipulait dans ses articles 8, 16 et 39 que les entreprises utilisant la force de l'eau devaient payer un taxe de 5 centimes par kW de puissance nominale. Cette obligation concernait les ouvrages fondés en titre aussi bien que ceux faisant l'objet d'une autorisation ou concession. Les revenus fiscaux étaient reversés pour moitié aux départements et pour moitié aux communes.
Par circulaire interministérielle du 27 février 1921, il a été demandé d'établir un relevé des taxes de perception pour toutes les usines utilisant un moteur hydraulique en dehors des eaux du domaine public. Ce relevé, appelé Taxe de statistique, a été établi dans chaque département français, puis mis à jour les années suivantes (tous les cinq ans à compter de 1922 pour les petites puissances, à revenu fiscal trop faible pour justifier une enquête annuelle, en dehors des nouvelles installations ou changement d'installations existantes ayant été signalées à l'administration par les propriétaires).
Les Archives départementales de Côte d'Or possèdent la Taxe complète de 1921 (cote SM23897). L'intérêt de ce document est qu'il renseigne avec précision les hauteurs de chute, débits et donc puissances hydrauliques brutes au droit de chaque ouvrage.
Les données des 451 sites cote-doriens
La Taxe de statistique 1921 donne une image très précise de la capacité hydraulique du département. Les résultats confirme ce qui avait été observé par notre association sur la base de la
statistique des moteurs hydrauliques de 1899 et l'analyse du
catalogue détaillé d'un constructeur. Entre 1899 et 1921, le nombre de sites recensés a baissé de 568 à 451.
Nombre total de sites équipés : 451 ; Bassin de Seine : 235 ; Bassin de Loire : 21 ; Bassin du Rhône : 195
Puissance totale : 6209 kW (6,2 MW) ; Puissance Seine : 2450 kW (40%) ; Puissance Loire : 191 kW (3%) ; Puissance Rhône : 3568 W (57%) ; Puissance moyenne : 13,8 kW ; Puissance médiane : 8,8 kW ; Puissance maximale : 130 kW ; Puissance minimale : 0,7 kW
Hauteur moyenne : 2,8 m ; Hauteur médiane : 2,4 m ; Hauteur maximale : 19,7 m ; Hauteur minimale : 0,5 m
Débit moyen : 644 l/s ; Débit médian : 395 l/s ; Débit maximum : 4000 l/s ; Débit minimum : 12 l/s
Puissance des 10 rivières les plus équipées : Ouche 1356 kW ; Seine 620 kW ; Ignon 479 kW ; Tille 397 kW ; Bèze 275 kW ; Armançon 272 kW ; Ource 248 kW ; Vingeanne 243 kW ; Serein 198 kW ; Oze 156 kW.
Quelques observations
Les puissances décrites dans la Taxe de statistique de 1921 représentent une base plutôt qu'un maximum. On observe par exemple certaines anomalies : ainsi, l'usine hydro-électrique de Semur-en-Auxois est donnée à 25 kW alors qu'en 1921, elle était déjà équipée de deux turbines totalisant plutôt 100 kW. Par ailleurs, d'autres centrales beaucoup plus puissantes n'étaient pas en place lorsque la Taxe de Statistique a été publiée. Quelques exemples de centrales cote-doriennes installées au cours du XXe sècle (données de CLER 1994) : centrale d'Auxonne 700 kW ; centrale de Drambon 210 kW ; centrale d'Heuilley 689 kW ; centrale de Perigny (Belleville) 500 kW ; centrale de Saintte-Colombe-sur-Seine 400 kW ; centrale d'Arc-sur-Tille 260 kW...
Les faibles puissances moyenne (13,8 kW) et médiane (8,8 kW) indiquent que beaucoup de sites cote-doriens sont destinés à l'autoconsommation (quelques kW), par exemple la production de chauffage (ou l'alimentation de véhicules électriques). Cette caractéristique est due à l'hydrologie modeste d'une tête de bassin versant, et de faibles dénivelés en dehors de certaines zones du Morvan et des Hautes Côtes.
Le classement des rivières en liste 1 ou liste 2 n'entrave pas la restauration de sites de production. En effet, seule la construction de nouveaux sites est interdite en liste 1 (mais la remise en fonction des sites anciens est autorisée, si elle est assortie d'une mise en conformité avec la continuité écologique).
En comptant un facteur de production de 0,5 (qui intègre charge, rendement, débit réservé) et en limitant à 5 MW (20% des sites de 1921 non exploitables), on obtient une production annuelle de 22 GWh. La consommation électrique domestique est estimée à 2,75 MWh par an et par habitant (Eurostat, Insee, RTE, 2011), donc la micro-hydraulique pourrait fournir l'équivalent de la consommation de 8000 personnes. En équivalent revenu (10 c€/kWh), elle représenterait 2,2 millions d'euros produits sur le territoire chaque année.
Ces données sont importantes pour les décideurs. Elles montrent que la micro-hydraulique peut apporter une part modeste, mais réelle, à la transition énergétique dans le département.
Références
CLER (1994),
Energies renouvelables en Bourgogne. Bilans et propositions. Rapport édité pour le Conseil Régional.
Ministère des Travaux publics (1921),
Taxe de Statistique. Etat récapitulatif des usines existantes à la date du 31 décembre 1921.
Remerciements : nous remercions vivement M. Jean-Marie Pingault (FFAM) d'avoir recherché et copié les Taxes de statistique présentes aux Archives départementales de Côte d'Or.
Illustration : les bassins hydrographiques de Côte d'Or, carte accompagnant la mise à jour de la Taxe en 1926.