05/10/2012
Assises de l'énergie en Côte d'Or
Les Assises
de l'énergie en Côte d'Or se tiendront à Dijon, le jeudi 25
octobre 2012. L'association Hydrauxois participera à la
demi-journée, avec un double objectif. D'abord s'informer des
dispositifs mis en place sur l'Auxois-Morvan dans le cadre de la
transition énergétique : Schéma régional climat, air,
énergie (SRCAE), Plan climat-énergie territorial (PCET), retours
d'expériences sur les projets locaux engagés dans le domaine de
l'énergie. Ensuite, sensibiliser des interlocuteurs (Ademe, Siceco,
élus) au cas particulier de la micro-hydraulique. Par rapport aux
filières biomasse, solaire ou éolienne, la micro-hydraulique est
souvent négligée malgré ses nombreux avantages : technologie
mature, bilan carbone très favorable, empreinte paysagère nulle,
restitution intégrale de l'eau, nombreux sites de production
potentielle sur les rivières, productible quotidien et saisonnier
raisonnablement prévisible (dans une certaine fourchette de
probabilité liée aux variations de pluviométrie). La
micro-hydraulique a aussi des besoins spécifiques en investissement,
équipement et accompagnement des porteurs de projets, car les
niveaux de puissance installable sur l'Auxois-Morvan (quelques
dizaines de kW en autoconsommation à quelques centaines de kW en
vente réseau) déterminent des attentes très différentes.
02/10/2012
Nouveau classement des cours d'eau de 2013: quels enjeux ?
Déjà cette
année dans le bassin Loire-Bretagne, et en 2013 dans l'ensemble de
la France dont notre bassin Seine-Normandie, un nouveau classement
des cours d'eau sera adopté. Les habitants de l'Auxois-Morvan
peuvent consulter le projet de classement de leurs rivières (par
tronçons) sur cette page
de la DRIIE.
Aujourd'hui, 7%
des rivières sont considérées comme en très bon état écologique,
38% en bon état écologique, 38% en état écologique moyen, 11% en
état écologique médiocre et 4% en mauvais état (rapportage
Reportnet-Wise 2009).
Ce classement des
rivières s'inscrit dans le cadre de la « continuité
écologique », promue par la loi sur l'eau et les milieux
aquatiques (LEMA) de 2006, puis les lois Grenelle 1 (2009) et
Grenelle 2 (2010, Trame bleue), interprétations françaises de la
directive-cadre sur l'eau (DCE) adoptée par l'Union européenne en
2000.
Classement des
rivières : un enjeu déjà ancien
L'idée d'un
classement des rivières n'est évidemment pas nouvelle, puisque le
premier classement imposant des échelles à poissons en France date
de la loi du 31 mai 1865. Avant même cette époque, et comme le
signale ce
site, certaines rivières françaises connaissaient les
« passe-lits », plans inclinés à 10-15° de pente
entre la retenue amont et l'aval du seuil, dont l'entretien pouvait
être rendu obligatoire par des coutumes. De même, les échelles à
poissons existaient localement avant la loi de 1865 à des fins de
renouvellement du stock piscicole (image : extrait du Bulletin
de la Société d'agriculture, industrie, sciences et arts du
département de Lozère, 22, 1861, cliquer pour agrandir).
La
loi de 1865 marque néanmoins la prise de conscience du législateur
moderne, et elle signale dans son article 1 : « Des
décrets du Conseil d’État, après avis des conseils généraux du
département, détermineront les parties des fleuves, rivières,
canaux et cours d’eau dans les barrages desquelles il pourra être
établi, après enquête, un passage appelé échelle destiné à
assurer la libre circulation du poisson. » Un
certain nombre de décrets (exemple)
ou décisions interministérielles (exemple,
en bas) vont aboutir soit à l'obligation d'installer les échelles à
poissons, soit à l'interdiction pure et simple de construire des
ouvrages hydrauliques nouveaux sur certains cours d'eau.
D'autres
classements suivront à mesure que les rivières françaises seront
équipés d'ouvrages hydro-électriques remplaçant les ouvrages
hydromécaniques. Le système actuellement en vigueur, appelé à
être modifié prochainement, connaissait les rivières « réservées »
et les rivières « classées ». Ce classement était issu
d'une agrégation de lois ayant commencé en 1919, avec la loi sur
l'énergie hydraulique, suivie par la loi de 1976 sur la protection
de la nature, la loi de 1984 sur la pêche en eau douce, la loi de
1992 sur l'eau (article L232-6 du Code rural, puis article L-432-6 du
Code de l'environnement).
Le premier
enseignement est que le souci du franchissement piscicole est ancien.
Il n'y a pas eu des siècles d'aveuglement suivis d'une lumineuse et
récente prise de conscience, mais plutôt des séries d'ajustement
tentant de concilier les usages hydrauliques et la biodiversité
aquatique.
Liste 1 et
liste 2 : leur signification
Venons-en au
nouveau classement des rivières appelé à entrer en vigueur rapidement. Les
rivières seront désormais classées en deux catégories : liste 1
et liste 2. (Carte ci-dessous : le classement des bassins de
l'Armançon, du Serein et de la Cure, cliquer pour agrandir).
La liste 1
désigne les rivières à préserver, en très bon état écologique,
les tronçons considérés comme réservoirs biologiques, les
rivières à enjeu de migrateurs amphihalins (vivant alternativement
en eau douce et salée, comme le saumon, la truite de mer,
l'anguille, l'alose, les lamproies, etc.). Sur ces rivières, aucun
ouvrage hydraulique nouveau ne sera autorisé et les ouvrages
existants devront se mettre en conformité avec la continuité
écologique, c'est-à-dire assurer le transport sédimentaire et le
franchissement des poissons (montaison, dévalaison).
La liste 2
désigne les rivières à restaurer, en état écologique moyen à
mauvais. Là aussi, les ouvrages hydrauliques existant devront être
mis au norme, mais la construction de nouveaux équipements ne sera
pas interdite a priori.
La classement des
rivières proposé en lien plus haut (pour le bassin Seine-Normandie)
précise, pour chaque tronçon, les espèces d'intérêt, la présence
d'un enjeu migrateur (besoin de franchissement dans le cycle de vie
de certains poissons), l'état sédimentaire (niveau du transport de
charge solide par charriage) et, les cas échéant, des objectifs
précis (existence d'un « axe anguille », connexion avec
un réservoir biologique, reformation de frayères, etc.).
Mise en
application du classement : nécessité du réalisme
Les propriétaires
disposent d'un délai de 5 ans à compter de la publication du
classement des cours d'eau pour mettre leurs ouvrages en conformité
avec les exigences de la préfecture. Concrètement, ce sont les
services de la police de l'eau (DDT, Onema) qui transmettront aux
propriétaires ou exploitants les consignes préfectorales.
Le problème est
le suivant : la continuité écologique peut signifier bien des
choses. Une « ouverture raisonnée des vannes », comme le
proposent beaucoup d'associations de moulins, est par exemple un
moyen de favoriser le transit sédimentaire et la circulation
piscicole en dévalaison, de biefs en biefs. Le propriétaire
s'engage, en fonction de consignes de l'Onema, à actionner le
vannage et à assurer un certain débit à certaines périodes de
l'année où le cycle de vie des espèces le réclame.
Cette hypothèse
serait la plus simple et la plus conforme à l'emploi des moulins,
même si elle implique une présence permanente du propriétaire
– les moulins en « résidence secondaire » devront
trouver des solutions pour respecter le fonctionnement de leurs
ouvrages, de manière pas très éloignée de leur usage historique.
Mais
l'Administration de l'eau peut se montrer plus stricte et réclamer
la pose de passes à poissons. Là encore, il y a des gradients de
complexité dans les équipements demandés.
Le Code de
l'environnement prévoit la circulation des migrateurs vivant
alternativement en eau douce et salée. Ce qui supposerait dans la
région des passes à anguilles, dont la conception présente un
certain coût. Encore l'anguille tolère-t-elle des rampes à pente
forte, et en tête de bassin versant, comme l'Auxois-Morvan, les
individus sont adultes. (Ci-contre : anguille commune d'Europe,
Ron
Offermans, Wikimedia Commons)
En revanche, si
l'Administration exige des passes adaptées à toutes espèces non
amphihalines (Salmonidés d'eau douce et Cyprinidés), la perspective
change complètement : ces dispositifs de franchissement (passe
naturelle « rustique », passe à bassins successifs)
demandent énormément de génie civil en raison de la nécessité
d'une faible pente, faible puissance volumique de l'eau et faible
turbulence de l'écoulement. Le coût devient alors tout à fait
prohibitif pour la plupart des propriétaires. Et, disons-le, assez
aberrant dans la période de grave crise que nous connaissons.
Bref, la mise en
oeuvre du nouveau classement sera affaire de réalisme :
- soit on convient qu'il faut des réformes progressives, raisonnables et soutenues par des subventions quand elles ont des coûts importants sur un site donné ;
- soit on exige des passes disproportionnées en laissant les propriétaires à eux-mêmes et en les menaçant d'amende ou d'effacement de leurs ouvrages.
Dans la seconde
hypothèse, le nouveau classement des rivières sera conflictuel. Ce
n'est évidemment souhaitable pour personne. Et surtout pas pour la
continuité écologique, qui n'a aucune chance de succès dans notre
pays si elle est menée par voie autoritaire et ruineuse.
Eclaircir la
constitution du classement :
une transparence indispensable
une transparence indispensable
Classer chaque
tronçon de rivière française est une bonne chose : encore
faut-il par la suite expliquer et justifier le classement en question
auprès des riverains, et du public en général.
Notre association
demandera en conséquence la publication de la documentation primaire
ayant permis de réaliser le nouveau classement. En effet, si l'on
prend l'exemple du tronçon de l'Armançon de l'aval du barrage du
Pont au confluent avec la Brenne, le classement se contente de
mentionner parmi les espèces concernées par la continuité
écologique les « cyprinidés rhéophiles » (à côté
des anguilles).
Cette expression
pour le moins cryptique ne signifie pas grand chose aux riverains et
propriétaires d'ouvrages, ni aux citoyens en général.
Quand on va sur
la base
documentaire Eau France, la requête sur
« cyprinidés rhéophiles » ne donne que 33 résultats,
dont la plupart ne sont pas spécifiques à ces espèces, et on ne
trouve rien sur les travaux d'analyse et mesure du tronçon
d'intérêt. La base KMAE
de l'Onema ne donne que 16 résultats, dont au moins deux concernent
les rhéophiles (pas spécialement cyprinidés) dans notre région,
un travail de Boet
et al 1991 sur le bassin de l'Yonne, et un
autre de Berrebi
dit Thomas et al 1998 sur le bassin de la
Seine. Ces études ne sont pas récentes, et aucune ne mentionne la
continuité écologique.
Une recherche sur
le mot-clé « Armançon » donne bien 87 résultats sur
Eau France, mais un classement par date ne révèle aucune étude
piscicole récente permettant de connaître le peuplement actuel et
historique des cyprinidés rhéophiles, ni de préciser les besoins
et capacités en franchissement d'obstacles de chacune des espèces.
Les cyprinidés
rhéophiles ne sont qu'un exemple parmi d'autres, sur un tronçon
parmi d'autres. S'il s'agissait de recherche fondamentale ou
appliquée, ces questions ne concerneraient bien sûr que les
chercheurs. Mais voilà, comme le classement des cours d'eau risque
de se traduire localement par des destructions du patrimoine
hydraulique ou des aménagements particulièrement coûteux, ces
questions concernent désormais toute la société.
Par ailleurs,
s'il est tout à fait louable que le Ministère de l'Ecologie et les
Agences de l'Eau s'appuient sur la science, nul n'ignore que la
science est fondée sur la publication de ses résultats et de ses
méthodes : c'est ce qui permet la critique, donc le progrès des
connaissances.
Aussi la parfaite
transparence sur la détermination des espèces demandant des
dispositifs de franchissement sera-telle requise dès le classement
publié.
Les principaux
points de progrès :
« prime à la passe » et autres mesures d'accompagnement
« prime à la passe » et autres mesures d'accompagnement
Le nouveau
classement des cours d'eau et l'obligation de mise en conformité sur
la période 2014-2019 se présentent donc comme un chantier de
travail important, avec plusieurs axes demandant clarification entre
les riverains, propriétaires, associations et administrations de
l'eau.
L'association
Hydrauxois travaillera en particulier les points suivants :
• Rapport
coût-bénéfice écologique : déterminer site par site quelle
solution présente un gain environnemental pour un coût moindre ;
éviter toute application systématique alors que chaque ouvrage sur
chaque tronçon de rivière est un cas particulier ;
• Optimisation
des passes à poissons : travailler avec les ingénieurs pour
proposer des dispositifs de franchissement minimisant le coût du
génie civil tout en conservant le bénéfice écologique attendu ;
• Suivi
d'analyse : équiper un certain nombre de sites de dispositifs
d'observation afin de mesurer les effets réels des aménagements,
ainsi que leurs points faibles en vue d'une amélioration future
(attractivité des passes, effets de luminosité, problèmes de
recirculation, etc.) ; publier les résultats de manière
transparente pour informer le public des gains écologiques
observés ;
• Soutien de
l'Etat : la rivière comme la biodiversité sont des biens
communs, donc l'effort de continuité écologique doit être soutenu
par des subventions publiques, au pro rata des coûts d'équipement
exigés par le demandeur (Etat). D'autant que l'immense majorité des
moulins ne tire aucun revenu de l'énergie hydraulique, contrairement
aux grands barragistes ; le principe d'une « prime à la
passe » sera donc promu ;
• Articulation
de la continuité écologique avec le patrimoine et l'énergie :
la continuité écologique est l'occasion de rappeler aux
propriétaires leur devoir d'entretien du patrimoine historique que
représentent les ouvrages hydrauliques, mais c'est aussi le moment
de leur proposer une aide à l'équipement hydro-électrique, en
conformité avec les plans de transition énergétique que la région
Bourgogne, la France et l'Europe ont engagé ; toute demande de
passe impliquant un génie civil important devra donc être associée
à une analyse de préfaisabilité afin de mutualiser éventuellement
les coûts de la passe et ceux d'un équipement hydro-électrique
(s'il est inexistant au droit de l'ouvrage, sinon une modernisation
de l'équipement existant).
L'association
Hydrauxois défendra cette ligne de propositions auprès des
autorités administratives, techniques et scientifiques en charge de
l'eau sur les bassins de l'Armançon, du Serein et la Cure. Elle la
défendra également auprès de tous les citoyens d'Auxois-Morvan et
de leurs élus, car le risque de destruction du patrimoine rural et
technique de notre région est bien réel (voir l'exemple inquiétant
du projet-pilote
de Semur-en-Auxois). Et elle ne peut évidemment que conseiller
aux propriétaires d'ouvrages hydrauliques de la rejoindre, afin de
peser ensemble dans les négociations à venir.
28/09/2012
Deux rapports sur l'énergie
Deux rapports sur l'énergie apportent
des informations intéressantes concernant l'hydro-électricité :
celui du Centre d'analyse stratégique, intitulé Des
technologies compétitives au service du développement durable
(pdf), et la dernière édition de L'Etat
des énergies renouvelables en Europe (pdf, Observ'ER).
L'énergie hydraulique en Auxois-Morvan : quels besoins?
Le CAS rappelle que l'hydro-électricité
est aujoud'hui la première source d'énergie renouvelable dans le
monde (16% de l'électricité, 3000 TWh/an), quoique la puissance
installée ne représente que 35% du potentiel. En France,
l'hydro-électricité représente également la première source
d'énergie renouvelable : 25.000 MW installés, 70 TWh/an, 12%
de l'électricité produite.
Les enjeux stratégiques identifiés
par le CAS sont : la rénovation et modernisation du parc
installé, la gestion des contraintes environnementales et
l'harmonisation avec les autres usages de l'eau, le développement de
la puissance hydro-électrique en lissage des autres productions
intermittentes (solaire, éolien) et donc notamment en stockage
(barrage réservoir saisonnier / nterannuel, station de transfert
d'énergie par pompage STEP). La rapport souligne que la France
possède d'excellentes compétences techniques et scientifiques dans
le domaine hydraulique, et des acteurs de dimension mondiale comme
Alstom Hydro (en turbines / générateurs de grande puissance).
Le Centre d'analyse stratégique reste
cependant peu disert sur le potentiel de la petite hydro-électricité
(PCH). Le rapport Observ'ER est plus complet à ce sujet.
On y apprend que l'Italie domine
l'Europe avec 2664 MW installés en petite hydro de moins de 10 MW,
suivie par la France (2010 MW), l'Espagne (1926 MW) et l'Allemagne
(1740 MW). Pour la production énergétique (différente de la
puissance nominale), l'Italie reste en tête (10,9 TWh/an), mais
l'Allemagne prend la deuxième position (6,9 TWh/an) et la France la
troisième (6,7 TWh/an). A l'échelle de l'Europe, la petite
hydro-électricité représente un CA de 2,6 milliards d'euros et
emploie 16.000 personnes. Ces chiffres seraient de 2500 personnes et
400 millions d'euros en France.
Le potentiel de développement de
l'hydro-électricité en France reste important, et sera nécessaire
pour soutenir la transition énergétique engagée par notre pays
comme par les autres nations industrialisées.
L'énergie hydraulique en Auxois-Morvan : quels besoins?
Les besoins en Auxois-Morvan, sur
lesquels travaille notre association, sont notamment :
• l'identification de la puissance
hydraulique installable (par ordre décroissant de puissance, les
barrages de retenue alimentant le canal de Bourgogne, le réseau des
anciennes centrales hydro-électriques de la fin XIXe siècle et
début XXe siècle, les moulins et les réseaux d'assainissement),
• la fluidité et l'efficacité des
contacts entre petits producteurs potentiels, investisseurs,
installateurs ou équipementiers, agences de l'Etat ou syndicats en
charge du développement durable (Ademe, Siceco),
• la prise de conscience et la
mobilisation des élus locaux, afin de penser l'énergie hydraulique
comme une ressource du territoire d'Auxois-Morvan pourvoyeuse
d'emplois et de revenus,
• la mutualisation de la maintenance
et surveillance des ouvrages quand la densité d'équipement s'y
prête et que les propriétaires en éprouvent le besoin,
• la concertation avec l'Agence de
l'Eau, les syndicats de rivières, la DDT et l'Onema afin que la
continuité écologique soit l'occasion d'une modernisation
énergétique des ouvrages hydrauliques (et non pas de dépenses
improductives en génie civil, a fortiori d'une destruction du potentiel hydraulique au moment où nos sociétés en ont besoin).
Vaste chantier : toutes les bonnes
volontés sont les bienvenues !
Photos : turbine Kaplan 90 kW et sa bache,
pour équipement de basses chutes en micro-hydro-électricité.
Didier Beaume, DBH
27/09/2012
Le Bien Public évoque les moulins (et M. Stutz la beauté de la nature...)
Le Bien
Public s'est fait hier longuement écho de l'action menée par
l'Arpohc en Haute Côte d'Or
et Châtillonnais. Le journal a notamment rappelé que la mise en
place de la politique de continuité écologique se traduira par une
forte pression sur les propriétaires d'ouvrages hydrauliques. Dans
cet article, le président du Syndicat intercommunal des cours d'eau
du Châtillonnais (Sicec), Jean-Claude Stutz, affirme pour sa part à
propos de la continuité écologique : «Il s'agit bien
de favoriser un écoulement et un régime hydrologique naturel. Il
n'y a rien de plus beau qu'une rivière mais rien de plus laid qu'un
cours d'eau où les éléments ne sont pas charriés normalement».
Ce point de vue sur la «beauté»
et la «laideur» est évidemment, et par définition,
subjectif. Cela fait plusieurs siècles qu'aucun cours d'eau de Côte
d'Or n'a d'écoulement parfaitement naturel, puisque la présence
anthropique sur les rivières est ancienne. Et cette présence
anthropique persistera. Suggérer qu'elle est forcément «laide» est un argument assez étrange quand on connaît le magnifique patrimoine hydraulique de la région. On peut également rappeler que le régime
« plus naturel » d'écoulement valait jadis des crues
meurtrières et catastrophiques à la Seine : heureusement que
des barrages et systèmes de régulation ont été conçus dans l'ensemble du
bassin hydrographique, afin protéger biens et personnes en laminant ces crues... Il en va de même sur l'Armançon, qui connaissait dans les siècles passés des crues redoutables et des étiages sévères.
On peut enfin observer dans l'image ci-dessus une réalisation de continuité écologique dans le Châtillonnais (ruisseau des Goulottes, Nod-sur-Seine ; citation extraite du rapport d'activité Sequana 2010). Considérer que la destruction du petit ouvrage de franchissement a renforcé la beauté du site est, décidément, une affaire très subjective...
25/09/2012
Loi de 1919 et droit d'eau
Les services de la DDT et de l'Onema
sont venus le lundi 24 septembre 2012 faire un constat de l'état du
barrage de Semur-en-Auxois, notamment de ses ouvrages hydrauliques :
la digue, le barrage, la vanne, le canal d'amenée et la conduite
forcée, la chambre d'eau, le canal de fuite. Ce type de constat peut
être fait sur tout ouvrage (moulin ou ancienne usine) par la police
de l'eau, qui possède cette prérogative parmi d'autres. (Image ci-dessous : la face aval de la chambre d'eau).
C'est l'occasion de rappeler en quoi
consiste le « droit d'eau », particulièrement selon la
loi de 1919. On appelle droit d'eau « fondé en titre »
la capacité d'un propriétaire d'ouvrage hydraulique d'exploiter la
force motrice de l'eau. Le propriétaire peut être un particulier,
une personne morale de droit privé, une collectivité territoriale
ou l'Etat. Il existe trois régimes différents :
• les moulins des cours d'eau
domaniaux, navigables et flottables, présents avant l'Edit de
Moulins de 1566 ;
• les moulins des cours d'eau
non domaniaux présents avant l'abolition des privilège féodaux (4
août 1789) ou aliénés pendant la Révolution ;
• les moulins ou usines présents
entre la Révolution et 1919, disposant d'un règlement d'eau au
moment de la promulgation de la loi de 1919.
Dans les trois régimes, le
propriétaire doit attester l'existence de son bien avant les dates
de référence (1566, 1789, 1919), et cela par tout moyen :
cartes anciennes, mention du site dans les documents d'archives ou
les actes administratifs. Il doit vérifier par ailleurs s'il existe
un règlement d'eau, règlement préfectoral qui spécifie les
conditions d'usage de l'eau au droit de l'ouvrage (un moulin du XVIe
siècle peut très bien avoir bénéficié d'un règlement d'eau
actualisé au XIXe ou au XXe siècle).
Le cas du
régime institué par la loi de 1919
La loi du 16 octobre 1919 a réglementé
l'usage de l'énergie hydraulique en France, après le rapide
développement de l'hydro-électricité ayant débuté dans les
années 1880. Cette loi (associée à divers décrets d'application
et secondée par les lois sur l'eau de 1992, 2006) précise qu'il
existe trois cas exceptionnels d'autorisation d'utiliser l'énergie
hydraulique, autorisation hors procédure et à durée illimitée :
• pour les usines autorisées
avant 1919 et d'une puissance inférieure à 150 kW (art. 18),
• pour les usines fondées en
titre d'existence légale (art. 29),
• pour les usines faisant partie
d'entreprises déclarées d'utilité publique (art. 29).
En d'autres termes, un propriétaire
d'ouvrage répondant à ces conditions peut exploiter l'énergie de
l'eau sans demander une autorisation ou concession à la préfecture.
Mais il va de soi que le propriétaire en question doit respecter
l'ensemble des obligations prévues dans le Code de l'environnement
et le Code de l'urbanisme, ainsi que les règlementations spécifiques
de la protection environnementale et fluviale (par exemple les sites
Natura 2000, la Trame bleue du Grenelle, etc.).
Le cas particulier du Foulon de la
Laume à Semur-en-Auxois est intéressant : le site peut en
effet témoigner de la présence d'un moulin existant au XVe siècle,
dont il reste certains éléments patrimoniaux ; de la présence
d'une usine et d'ouvrages hydrauliques à partir de 1891, ainsi que
d'un règlement d'eau de la même année, avec un équipement
inférieur à 150 kW. Soit deux régimes différents de fondé en
titre.
Il est à noter que le droit d'eau au
sens du fondé en titre d'avant 1789 ou de la loi sur l'énergie de
1919 ne requiert nullement le bon état des ouvrages concernés –
et pour cause, il faudrait que sur chaque moulin ou chaque usine de
France on trouve des éléments d'exploitation parfaitement
fonctionnels, datant parfois de plusieurs siècles, et ce n'est
évidement pas le cas ! La jurisprudence des tribunaux
administratifs, cours administratives ou du Conseil d'Etat reconnaît
donc que l'état de ruine n'est pas une condition suspensive du droit
d'eau. La circulaire MEEDDM 2010/3 du 25 février 2010 rappelle
d'ailleurs aux agents publics des éléments de jurisprudence en ce
sens. On peut annuler un droit d'eau si le seuil ou barrage a
quasiment disparu et n'existe plus qu'en traces ou vestiges (CE 2004,
arrêt 246929), mais ces conditions de délabrement sont extrêmes.
Le cas du Foulon de la Laume
Dans le cas du barrage de
Semur-en-Auxois, toutes les parties prenantes sont au moins d'accord
sur un point : bien loin d'avoir disparu ou de n'être présents
qu'à l'état de vestiges, le barrage et la digue forment des
obstacles très efficaces à l'écoulement ! Ils ont donc
conservé leur capacité à exploiter la force motrice de l'eau par
création d'une certaine hauteur de chute et redirection du débit
vers le canal d'amenée. Il existe par ailleurs une volonté
manifeste de donner un usage au barrage : convention de mandat
Sirtava-Commune de 2010 visant à un projet d'aménagement à fin de
continuité écologique, travaux municipaux d'entretien consignés
dans le registre de l'ouvrage, réalisation d'une visite technique
approfondie (VTA) par un bureau d'études hydrauliques, commande d'un
rapport sur l'usage énergétique du barrage (à notre association),
pose d'une échelle de mesure de chute nette par observation de la
remontée d'eau en canal de fuite, réunions d'information en mairie
avec des producteurs locaux d'hydro-électricité, annonce d'un futur chantier municipal et citoyen, etc.
Pour en avoir le cœur net, notre
association a transmis le dossier complet du barrage (y compris bien
sûr les documents Sirtava / Cariçaie) à deux experts indépendants
(ne se connaissant pas et n'habitant pas la région) : un
historien spécialiste de la concertation entre patrimoine historique
et continuité écologique ; un avocat expert en droit de
l'environnement et reconnaissance des droits d'eau. L'un comme
l'autre ont considéré comme manifeste l'existence du droit d'eau de
la Commune sur le site du Foulon de la Laume. Et fortement douté que
la Préfecture s'engage à une remise en cause de ce droit d'eau
comme le laissait entendre le diagnostic du bureau Cariçaie. Mais à
dire vrai, ce n'est pas le seul point critiquable de ce diagnostic,
comme nous l'avons rappelé ici
et comme le Collectif de sauvegarde du barrage l'a montré au cours
des 9 derniers mois.
Droits et devoirs des propriétaires
Au-delà du cas de Semur-en-Auxois,
notre association attire toutefois l'attention de tous les
propriétaires d'ouvrages hydrauliques d'Auxois-Morvan : ils
disposent certes de droits, que nous entendons bien sûr défendre,
mais aussi de devoirs, que nous entendons aussi rappeler. Notamment
le devoir d'entretenir leur bien.
En raison des nouvelles
règlementations de continuité écologique, l'administration va se
montrer beaucoup plus stricte dans les mois et années à venir. Et
cette rigueur sera fondée si le propriétaire laisse son bief, son
seuil et ses ouvrages à l'abandon, sans tenir compte de leurs effets
physiques et biologiques sur la rivière. Une gestion responsable et
raisonnable des biens riverains est aujourd'hui une condition sine
qua non d'un dialogue constructif entre tous les acteurs de l'eau.
Pour aller plus loin :
Rapport du Conseil d'Etat 2010 :
L'eau
et son droit (pdf)
Ministère de l'Ecologie 2010 :
Circulaire
relative à la mise en œuvre par l’Etat et ses établissements
publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité
écologique des cours d’eau (pdf)
Ministère de l'Ecologie 2010 :
Guide
pratique relatif à la police des droits fondés en titre (pdf)
Ministère de l'Ecologie 2007 :
Guide
d'instructions relatif à la police des installations
hydroélectriques d'une puissance inférieure ou égale à 4500 kW
(pdf)
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