04/02/2015

SAGE de l'Armançon: le potentiel hydro-électrique aurait été estimé à 15% de sa valeur réelle!

Selon l'analyse de notre association, le SAGE de l'Armançon adopté en 2013 comportait une erreur grave dans ses annexes dédiées au potentiel hydro-électrique du bassin versant. Compte-tenu de la portée réglementaire du SAGE, de l'importance des travaux actuels sur les seuils et barrages, de la vigilance bien connue que met l'Administration à faire strictement respecter le droit de l'environnement sur les rivières, nous demandons à M. le Préfet de statuer sur ce point. Nous communiquons également le dossier au SIRTAVA, porteur du SAGE, afin qu'il s'exprime sur cette question du potentiel hydro-électrique de la rivière.

L’Annexe n°5 du SAGE, adoptée par la Commission locale de l’eau le 5 mai 2010 et approuvée par arrêté interpréfectoral du 6 mai 2013, évalue le potentiel hydroélectrique du bassin versant de l’Armançon, en conformité avec l’article R-212-36 du Code de l’Environnement.

La partie la plus importante du productible du bassin versant (72,6 GWh) est réputée « non mobilisable » (cliquer sur image ci-dessous, voir colonne de gauche). Notre association considère que c'est un erreur, et une erreur grave car elle a été de nature à tromper les parties prenantes du SAGE lors de son adoption. Deux requêtes sont formées auprès du Préfet.


Première requête : confirmer l'erreur de droit

Le SAGE de l’Armançon répute les rivières Armançon, Brenne, Ozerain, Oze et affluents comme des « cours d’eau réservés » au titre de l’article 2 de la loi de 1919, à ce titre non exploitables du point de vue hydro-électrique.

Or, sur ce point :

  • nous n’avons aucune connaissance d’un classement de ces rivières au titre de « cours d’eau réservés » et le SAGE ne produit aucune référence sur ce point ;
  • le classement comme « cours d’eau réservé » interdirait la construction de nouvelles centrales hydro-électriques mais n’interdirait pas l’équipement des 51 ouvrages existants, qui sont présentés par le SAGE comme la source du potentiel énergétique (cf Ministère de l’Ecologie 2010, Guide pratique relatif à la police des droits fondés en titre, page 17) ;
  • le nouveau classement des rivières au titre des alinéas 1 et 2 de l’art. 214-17 du Code de l’Environnement n’empêche pas davantage l’équipement de ces ouvrages, et ce classement était effectif lorsque les préfets de l’Yonne, de la Côte d’Or et de l’Aube ont approuvé le SAGE de l’Armançon ;
  • lors de l’adoption du SAGE en 2013, le classement des cours d’eau de Seine-Normandie au titre de l’article 214-17 C env. était déjà paru depuis plusieurs mois, et ce classement annulait toute disposition anétrieure relative au droit des installations hydro-électriques au regard de la continuité écologique.

En conséquence, nous demandons à M. le Préfet de statuer sur l’exactitude de l’évaluation du potentiel hydro-électrique mobilisable de la rivière Armançon et de ses affluents inscrite dans le SAGE approuvé par arrêté interpréfectoral du 6 mai 2013. 

Seconde requête : modifier l'annexe du SAGE, informer les parties prenantes

Si, comme nous le pensons, il était inexact de se référer à la notion de « cours d’eau réservé » et s’il est au contraire avéré que le potentiel hydro-électrique des ouvrages hydrauliques de l’Armançon et de son bassin versant reste mobilisable, nous estimons que l’erreur commise dans l’Annexe n°5 du SAGE doit être corrigée et toute publicité apportée à cette correction.

Cette requête s’appuie sur les éléments de fait et de droit suivant :

  • le tarif moyen d’achat du kWh en contrat EDF-OA couramment utilisé dans les études d’opportunité hydro-électriques est de 10 c€, ce qui signifie que l’erreur du SAGE de l’Armançon représente un équivalent revenu de 7 millions d’euros annuels, somme évidemment considérable qui est de nature à infléchir la perception de l’énergie hydro-électrique par l’ensemble des parties prenantes du SAGE ;
  • en introduisant une perception biaisée des usages de l’eau, l’erreur du SAGE a contredit le principe général de « gestion durable et équilibrée de la ressource en eau » énoncé dans l’article L-211-1 du Code de l’Environnement, principe dont le même article précise explicitement qu’il vise à assurer « la valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource » ;
  • les articles R-212-41 et  R-212-44 prévoient que le Préfet peut modifier un SAGE, la modification étant soumise à avis de la Commission locale de l’eau ; rien ne s’oppose à la correction d’une erreur de droit manifeste dans un SAGE, et cette correction est bien sûr nécessaire en l’espèce puisqu’un SAGE ne saurait fonder sa propre autorité règlementaire s’il conforte des erreurs manifestes de droit et s’il contrevient aux dispositions règlementaires et législatives applicables aux cours d’eau.

En conséquence, nous demandons à M. le Préfet de modifier l’Annexe 5 du SAGE de l’Armançon, d’en informer la Commission locale de l’eau, et d’exiger que cette modification, si elle est adoptée par la CLE, soit transmise aux parties prenantes citées dans l’article R 212-42 C env : maires des communes intéressés, présidents des conseils généraux, des conseils régionaux, des chambres de commerce et d'industrie territoriales, chambres d'agriculture, comité de bassin, préfet coordonnateur de bassin.

18/01/2015

Restauration de rivières: beaucoup de budget, peu de méthode (Morandi et al 2014)

Nous avons souligné à de multiples reprises combien la restauration écologique et morphologique des milieux aquatiques, pourtant dotée de généreuses subventions de la part des Agences de l'eau (plus de 2 milliards d'euros dans le budget 2013-2017), manque de rigueur quand il s'agit d'évaluer les résultats des opérations menées. La littérature scientifique abonde pourtant de mises en garde à ce sujet, et une nouvelle étude s'inscrit dans ce sillage.

Bertarnd Morandi et ses trois collègues (CNRS-ENS-Université de Lyon, Irstea) ont analysé 44 projets français de restauration des rivières incluant une procédure d'évaluation.

Voici leurs conclusions, qui parlent d'elles-mêmes. "Les résultats montrent que 1) la qualité de la stratégie d'évaluation reste souvent trop pauvre pour comprendre correctement le lien entre projet de restauration et changement écologique ; 2) dans de nombreux cas, les conclusions tirées sont contradictoires, rendant difficile de déterminer le succès ou l'échec du projet de restauration ; 3) les projets avec les stratégies d'évaluation les plus pauvres ont généralement les conclusions les plus positives sur les effets de la restauration."

Recommandation des chercheurs : que l'évaluation soit intégrée très tôt dans le projet et qu'elle soit fondée sur des objectifs clairement définis.

Conclusion de notre association : sous les mantras de continuité écologique et de restauration morphologique, la France dépense à l'aveugle et sans cohérence de bassin des sommes considérables d'argent public, pendant que les facteurs physico-chimiques impactant la qualité de l'eau ne sont pas correctement traités et nous valent des remontrances de l'Union européenne. Plus fondamentalement, le poids réel des facteurs morphologiques (souvent la cible des restaurations de rivières) et le gain environnemental de leur traitement restent à estimer avec une méthodologie scientifique rigoureuse, cela sur tous les bassins versants. Ce serait éminemment préférable à la boule de cristal de quelques hauts fonctionnaires de la Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'écologie, qui nous mènent dans le mur depuis 10 ans (sans aucune sanction de leurs ministres successifs de tutelle).

Référence
Morandi B. at al (2014), How is success or failure in river restoration projects evaluated? Feedback from French restoration projects, Journal of Environmental Management, 137, 178–188

Image : le Serein en amont de l'usine de Montberthault. De part et d'autre des seuils, nos rivières morvandelles retrouvent vite leurs écoulements naturels propices à la diversité des habitats.

01/01/2015

Hydromorphologie: l'influence des seuils et barrages est modeste en proportion du linéaire total des rivières

La morphologie d’une rivière désigne la manière dont celle-ci auto-organise son débit liquide et solide, dessinant ainsi ses « formes » (d’où la morphologie).  Une rivière travaille de manière latérale entre son lit mineur (cours normal) et son lit majeur (espace de débordement lors des crues). Elle se crée des méandres, des bras et diverses annexes hydrauliques, permanentes ou provisoires.  De manière longitudinale, elle transporte des sédiments solides par érosion (prélèvement) et sédimentation (dépôt), dessinant ainsi dans son lit des écoulements variés (mouilles, fosses, radiers, torrents, chutes, etc.).

La rivière, un flux qui construit son équilibre
La rivière cherche donc en permanence à équilibrer son bilan énergétique entre forces d’écoulement et forces de frottement.  L’étude de ce phénomène, appelée hydromoprhologie, est une discipline scientifique tout à fait passionnante où la recherche française occupe une honorable place au sein des publications internationales. Les propriétaires d’ouvrages hydrauliques gagnent à connaître des rudiments de morphologie, car ce savoir est utile pour optimiser le transport des sédiments (vase, argiles, limons, sables, graviers voire galets) dans la retenue et le bief, en limitant le nombre des curages toujours problématiques et coûteux.

Si la recherche hydromorphologique est très intéressante dans ses méthodes et résultats, son exploitation dans le cadre de la politique de l’eau est en revanche assez décevante. On sait en effet que la France a sauté de manière quelque peu précipitée des analyses scientifiques aux choix politiques. Des gouvernements et établissements publics ont répandu à la hâte l’idée que la morphologie serait la première cause de dégradation des rivières – un « storyteling » bien pratique puisque le dossier de la pollution chimique des milieux aquatiques est explosif et que l’Union européenne doute de la bonne volonté française en écologie des rivières.  La morphologie a pu apparaître à certains comme « la » voie de secours d’une politique de l’eau décrite comme « à bout de souffle » par de récents rapports d’évaluation

Peut-on estimer l’impact global des obstacles sur l’écoulement ?
Nous nous sommes posés une question : quelle est donc l’influence des obstacles à l’écoulement longitudinal, c’est-à-dire des seuils et barrages en lit mineur ? Les études locales des sites peuvent et doivent l’analyser, mais cette analyse des singularités reste circonscrite sur un court linéaire de rivière, celui qui est impacté par le seuil ou barrage analysé. On peut préférer une approche globale par ordre de grandeur.

Dans le tableau suivant, nous proposons une estimation de ce type. Le Référentiel des obstacles à l’écoulement (ROE) de l’Onema totalise 69137 ouvrages. La hauteur moyenne, documentée sur 14634 d’entre eux, est de 1,8 m. Sur la base d’une pente moyenne de 3‰ (pour représenter l’ensemble des écoulements, du torrent ou cours d’eau à forte pente de la tête de bassin jusqu’à la rivière lente de plaine alluviale), le remous liquide / solide (influence amont sur la ligne de charge) moyen est de 600 m. Pour l’influence aval (ressaut hydraulique avant reprise de la ligne d’eau non influencée), on prend un facteur 10 de la hauteur en moyenne (option assez large, l’influence est souvent moindre). Voici le résultat (cliquer pour agrandir) :



Le résultat obtenu est de 46.875 km. Chiffre qui paraît impressionnant mais qui doit être comparé aux 505.016 km de linéaire de rivières identifiés par le Cemagref dans le diagnostic des masses d’eaux françaises fait à l’époque de la loi sur l’eau (in Wasson 2006).

Cela signifie que moins de 10% du linéaire des rivières est sous l’emprise d’un obstacle à l’écoulement longitudinal de type seuil ou barrage. Ou, dans l’autre sens, que plus de 90% du linéaire des masses d’eau françaises ne subit pas cette influence locale des ouvrages hydrauliques.

Bien sûr, les impacts sur la morphologie ne se limitent pas aux seuils et barrages : les digues, les remblais, les rectifications de ruisseaux et rivières, les drainages, les extractions de sables, graviers et galets, les changements d’usage des sols du bassin versant associés à l’urbanisation et à l’agriculture comptent aussi bien. Mais tous ces facteurs relèvent d'une autre politique que « l’effacement des seuils et barrages », qui est présenté comme l’alpha et l’oméga de la reconquête des milieux aquatiques par certains gestionnaires de rivières.

L’exemple du bassin versant de l’Armançon
Cette influence somme toute assez faible des seuils et barrages a pu être par exemple vérifiée en 2007 par l’analyse complète de la morphologie de l’Armançon (affluent bourguignon de l’Yonne) et de son bassin versant dans une étude menée par le bureau Hydratec, sous la direction de Jean-René Malavoi.

Malgré l’influence anthropique ancienne sur les rivière, y compris deux barrages de classe A (Pont-et-Massène sur l'Armançon, Grosbois-en-Montagne sur la Brenne), plusieurs barrages de classe D et des dizaines de seuils,  on n’observait pas d’impact grave sur la dynamique fluviale dans la conclusion de ces travaux :

« Le bassin de l’Armançon présente environ 400 km de rivières importantes : l’Armançon lui-même (200 Km) et ses principaux affluents et sous-affluents (Brenne, Oze, Ozerain et Armance). D’un point de vue géodynamique, ces rivières, bien que très influencées par les activités anthropiques (nombreux barrages, anciens rescindements de méandres et travaux divers liés notamment à la construction du canal de Bourgogne, nombreuses protection de berges « rustiques » (dominantes) ou très « lourdes » (plutôt rares) présentent une activité géodynamique assez importante. Les érosions de berges, plus ou moins actives selon les secteurs, sont à l’origine d’une charge alluviale importante qui garantit, malgré la présence de barrages « piégeurs d’alluvions », un équilibre sédimentaire. Cette fourniture de charge alluviale évite notamment les incisions du lit, dommageables pour les ouvrages d’art (ponts, digues, protections de berges sur des secteurs à enjeux). (…)Cette activité géodynamique permet aussi le maintien de milieux intéressant du point de vue écologique. »

Conclusion
Les impacts morphologiques des seuils, barrages et autres obstacles longitudinaux à l’écoulement sont réels, mais ils sont modestes et ne représentent généralement que des perturbations très localisées des flux de transport liquide et solide. Globalement, moins du 10% du linéaires des masses d’eau française paraît concerné par ces impacts. Les gestionnaires de rivières comme les autorités en charge de l’eau doivent intégrer cette approche quand ils cherchent à définir les mesures prioritaires, efficaces et proportionnées pour améliorer la qualité de l’eau.

Références citées : 
Wasson JG et al. (2006) Appui scientifique à la mise en œuvre de la Directive Européenne Cadre sur l’Eau. Typologie des cours d’eau de France métropolitaine, Cemagref (Irstea), 62 p.
HYDRATEC, Malavoi JR (2007), Etude de la dynamique fluviale et des potentialités de régulation hydrologique de l'Armançon, PAPI-SIRTAVA.

Pour aller plus loin : vous pouvez consulter le très intéressant MOOC Des rivières et des hommes, qui expose de manière didactique quelques bases, concepts et méthodes de l’hydromorphologie. Voir aussi l’ouvrage Malavoi JR, Garnier CC, Landon N, Recking A, Baran P, (2011), Eléments de connaissance pour la gestion du transport solide en rivière, Onema, 216 p.

Illustration : seuil de l'ancienne scierie de Montbard (21) sur la Brenne. Le SIRTAVA étudie actuellement l'aménagement de cette rivière :  le syndicat dépensera-t-il l'argent public dans des mesures réellement utiles pour la qualité de l'eau ou persistera-t-il dans la cosmétique des effacements spectaculaires et inefficaces?

21/12/2014

Nilsson et al 2014: pourquoi la restauration écologique des rivières produit-elle des échecs?

Le Pr Christer Nilsson nous a fait parvenir une intéressante étude de son groupe de recherche à l'Université d'Umel, Suède (Département d'écologie et science de l'environnement). Le travail a consisté à examiner l'efficacité des opérations de restauration écologique menées sur des petites rivières boréales, en région finlandaise et suédoise.

Pourquoi cet objectif de recherche ? C. Nilsson et ses collègues rappellent qu'un certain nombre d'études récentes ont questionné l'efficacité de la réponse biotique aux opérations de restauration morphologique. Ainsi Jähnig et al 2010 comme Palmer et al 2010 ont dressé des constats d'échec partiel sur les effets l'ingénierie hydromorphologique – par exemple, deux rivières seulement sur 104 qui montrent une réponse des macro-invertébrés.

Analyser la réponse des milieux dans le cas des cours d'eau scandinaves
Poursuivant dans cette veine d'analyse critique de la restauration des rivières telle qu'elle est incitée par certaines interprétations de la Directive cadre européenne sur l'eau 2000, les chercheurs scandinaves ont sélectionné 18 études de rivières présentant le même profil : jadis modifiées pour le flottage du bois, ces rivières ont ensuite été abandonnées à elles-mêmes, puis ont fait l'objet de restauration fonctionnelle. Leur environnement ne montre plus d'impact anthropique majeur.

Les facteurs pris en compte ont été la réponse abiotique (complexité / rugosité de l'écoulement vitesse de l'eau, capacité de rétention sédimentaire) et la réponse biotique (poissons, macro-invertébrés, végétation aquatique et rivulaire). Le temps de réponse du milieu allait de 1 mois à 24 ans dans ces études.

Résultat : la majorité des études constatent un effet abiotique c'est-à-dire un changement dans la dynamique et la morphologie (vitesse plus lente de l'eau, écoulements plus variés, rugosité plus forte du lit, etc.). Mais la réponse du vivant est beaucoup moins évidente : une seule étude sur 8 montre un résultat sur les invertébrés ; une sur 5 une réponse positive des populations piscicoles ; la végétation est un peu plus "répondante" avec 2 succès sur 4.

Pas de réponse consistante sur une période de 24 ans... 7 hypothèses
Et les auteurs de conclure : "Bien que les chenaux restaurés au nord de la Fennoscandie soit devenus plus larges avec une rugosité plus marquée et des vitesses d'écoulement moindres, la communauté biotique n'a pas montré de réponse consistante sur la période examinée de 24 ans".

De manière très intéressante, Christer Nilsson et ses co-auteurs proposent à la communauté scientifique 7 pistes de travail pour analyser ces situations d'échec, en forme d'hypothèses non excluisves :
- les objectifs de restauration sont trop médiocrement définis;
- les facteurs limitants des populations cibles sont trop mal connus ou pris en compte ;
- des méthodes standardisées de suivis et mesures n'ont pas été prévues (ou respectées) ;
- les espèces choisies ne sont pas représentatives / indicatives des communautés d'intérêt ;
- des pools de population susceptibles de recoloniser le milieu n'étaient pas présents à taille critique ;
- le temps écoulé depuis la restauration est trop court ;
- le retour à l'équilibre biotique a déjà eu lieu (les populations présentes au moment de la restauration étaient à l'optimum des sites concernés).

Ces travaux sont passionnants pour la recherche comme pour les amoureux des rivières. Nous l'avons dit et répété ici, hydro-écologie hydrobiologie et hydromorphologie sont encore des disciplines jeunes, qui ont beaucoup à apprendre comme à nous apprendre en vue de mieux respecter les équilibres des milieux naturels aquatiques.

La politique française de l'eau doit sortir de son dogmatisme 
Mais on se permettra bien sûr une conclusion plus concrète sur la politique de l'eau. En effet, rappelons qu'outre les travaux cités dans cet article, les études montrant l'impact relativement faible du volet morphologique sur la volet biologique de qualité de l'eau s'accumulent désormais (voir ici Dahm et L 2013, Haase 2013 ou ici Van Looy 2014), et cela alors même qu'en France, les Agences de l'eau ont engagé un budget de plus de 2 milliards d'euros sur la restauration fonctionnelle des rivières. En particulier, le patrimoine hydraulique formé par des dizaines de milliers de seuils, chaussées et barrages de moulins est menacé aujourd'hui de destruction pure et simple, à la pelleteuse et au bulldozer. Cela pour des résultats écologiques manifestement non garantis, avec une probable non-atteinte des critères de qualité DCE 2000 (condamnation à venir de la France, comme déjà pour la directive nitrates) et au prix d'une incroyable perte de valeur en terme patrimonial, paysager et énergétique.

La Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Ecologie doit immédiatement réviser ses priorités sur les rivières si elle ne veut pas être tenue plus longtemps pour responsable de ce naufrage français en matière de qualité de l'eau et des milieux aquatiques. Et toute restauration morphologique impliquant des destructions doit faire l'objet d'un moratoire, le temps que des analyses coût-bénéfice plus sérieuses soient menées sur ces questions. Après le dogme administratif, la cécité idéologique et la pression lobbyiste, place à la prudence, au doute et à l'enquête scientifiques dans un climat plus serein. Avec toujours à l'esprit les mesures les plus efficaces et les plus responsables pour améliorer l'état de nos cours d'eau.

Référence : Nilsson C et al (2014), Riparian and instream restoration of boreal streams and rivers: success or failure?, Ecohydrology, doi: 10.1002/eco.1480

Illustrations : ©Nilsson et al 2014, extraits de l'article de recherche montrant quelques exemples des hydrosystèmes analysés.