Andreas Rick (ingénieur) nous a fait parvenir une intéressante étude critique sur la mortalité des anguilles en turbine telle qu'elle est aujourd'hui considérée par les services instructeurs de l'Onema. Son analyse met notamment en lumière la faible robustesse (voir non significativité) statistique de certains modèles de mortalité présentés comme références. Elle souligne aussi que ces études concernent des sites de puissances importantes, sans commune mesure avec les équipements modestes des moulins. Ce dernier point est un travers fréquent des travaux menés sur l'hydraulique en lien avec l'environnement, travaux qui ont souvent été réalisés sur des grands sites dont l'hydraulicité n'est pas représentative de la problématique des seuils, chaussées et glacis.
A lire : Rick A (2015), Mortalité des anguilles dans les turbines : les conclusions de l’Onema sont-elles robustes et applicables aux moulins ? (pdf)
14/05/2015
09/05/2015
Rivières de Seine-Normandie: 50% des déclassements biologiques associés à l'indice diatomées (13% aux poissons)
Les diatomées sont des algues unicellulaires brunes, dont la taille varie de 5 à 500 µm. Ce sont elles qui forment, par agrégation d'autres éléments microbiens, les biofilms visqueux autour des pierres de fond de rivière. Les diatomées sont utilisées pour évaluer la qualité des cours d'eau à travers l'Indice biologique diatomées (IBD) et l'Indice de polluosensibilité spécifique (IPS).
Leur propriété de bio-indicateurs s'explique par un cycle de vie rapide (permettant de déceler des pollutions ponctuelles), une forte sensibilité aux nutriments (azote, phosphore) et aux matières organiques, une variabilité selon le pH et le taux d'oxygénation. Dans l'ensemble, les diatomées sont considérées comme des indicateurs d'eutrophisation selon la répartition des espèces que l'on retrouve dans l'échantillon d'analyse. La qualité de l'indice sera inversement proportionnelle à la surface agricole cultivée des sols versants, à l'absence de peuplement forestier, à l'altération de la bande riveraine.
A la lumière de ces informations, il est particulièrement intéressant d'observer que dans l'Etat des lieux 2013 du bassin Seine-Normandie – dernier exercice disponible et texte de référence pour le SDAGE en cours de discussion –, les diatomées représentent à elles seules 50% des cas de non-atteinte du bon état écologique des rivières au sein des seuls indicateurs biologiques. Rappelons que la méthode d'analyse de l'état écologique d'une rivière consiste d'abord à mesurer ses indices biologiques (diatomées, poissons, macrophytes, invertébrés, phytobenthos), et si ceux-ci sont dégradés, à vérifier les indices de pollution chimique ou d'altération physico-chimique.
Le même Etat des lieux indique que 37% des rivières déclassée pour cause biologique le sont à cause des invertébrés, et 13 % seulement des poissons. On en déduira (une fois de plus) que le dogme selon lequel les obstacles à la continuité longitudinale (seuils et barrages) sont une cause majeure de dégradation des rivières est mis à mal sur ce bassin. Comme il l'est au demeurant sur la plupart des rivières d'Europe au regard des premières analyses quantitatives à grande échelle dont nous disposons dans la littérature scientifique.
A lire en complément : Auto-épuration des rivières, quand l'Onema contredit l'Onema (pour répondre à l'argument assez aberrant selon lequel l'excès de pollution en rivière serait imputable… aux seuils et barrages)
Illustration : in AE/Artois-Picardie, DR
Source : Agence de l'eau Seine-Normandie, Etat des lieux 2013
Leur propriété de bio-indicateurs s'explique par un cycle de vie rapide (permettant de déceler des pollutions ponctuelles), une forte sensibilité aux nutriments (azote, phosphore) et aux matières organiques, une variabilité selon le pH et le taux d'oxygénation. Dans l'ensemble, les diatomées sont considérées comme des indicateurs d'eutrophisation selon la répartition des espèces que l'on retrouve dans l'échantillon d'analyse. La qualité de l'indice sera inversement proportionnelle à la surface agricole cultivée des sols versants, à l'absence de peuplement forestier, à l'altération de la bande riveraine.
A la lumière de ces informations, il est particulièrement intéressant d'observer que dans l'Etat des lieux 2013 du bassin Seine-Normandie – dernier exercice disponible et texte de référence pour le SDAGE en cours de discussion –, les diatomées représentent à elles seules 50% des cas de non-atteinte du bon état écologique des rivières au sein des seuls indicateurs biologiques. Rappelons que la méthode d'analyse de l'état écologique d'une rivière consiste d'abord à mesurer ses indices biologiques (diatomées, poissons, macrophytes, invertébrés, phytobenthos), et si ceux-ci sont dégradés, à vérifier les indices de pollution chimique ou d'altération physico-chimique.
Le même Etat des lieux indique que 37% des rivières déclassée pour cause biologique le sont à cause des invertébrés, et 13 % seulement des poissons. On en déduira (une fois de plus) que le dogme selon lequel les obstacles à la continuité longitudinale (seuils et barrages) sont une cause majeure de dégradation des rivières est mis à mal sur ce bassin. Comme il l'est au demeurant sur la plupart des rivières d'Europe au regard des premières analyses quantitatives à grande échelle dont nous disposons dans la littérature scientifique.
A lire en complément : Auto-épuration des rivières, quand l'Onema contredit l'Onema (pour répondre à l'argument assez aberrant selon lequel l'excès de pollution en rivière serait imputable… aux seuils et barrages)
Illustration : in AE/Artois-Picardie, DR
Source : Agence de l'eau Seine-Normandie, Etat des lieux 2013
07/05/2015
Lettre ouverte FNE-FNPF sur les rivières: répéter 1000 fois un slogan n'en fait pas une vérité
France Nature Environnement (FNE) et la Fédération nationale de la pêche (FNPF) estiment que les rivières de France encourent de graves dangers. Elles ont adressé au Président de la République une lettre ouverte à ce sujet, signée de leurs deux présidents (Denez L'Hostis et Claude Roustan).
Hélas, la première partie consacrée à la morphologie des rivières, à la continuité écologique et à l'hydro-électricité est un tissu d'approximations et de contre-vérités. Il est assez frappant d'observer combien le ton de ces deux lobbies se radicalise et dégénère dans le slogan autoréférencé à mesure que la science se montre au contraire plus posée et plus nuancée dans ses travaux (voir ce qu'il en est réellement en lisant cet article, et plus généralement notre rubrique science).
Ce dérapage n'est pas un accident, c'est une routine : nous avions déjà corrigé les désinformations de FNE sur les moulins voici quelques mois (voir ici et ici). Quant aux pêcheurs – du moins aux représentants officiels des pêcheurs car sur le terrain, le discours est bien différent –, ils ne doivent qu'à de vieilles complicités dans l'appareil d'Etat d'avoir échappé jusqu'à présent à un vrai bilan scientifique de l'impact cumulé de leurs pratiques depuis des siècles (empoissonnements anarchiques, introduction d'espèces invasives ou porteuses de pathogènes, surpêches, etc.). Mais l'Onema est l'ancien Conseil supérieur de la pêche (dissous suite à un rapport Cour des comptes sur les dérives de gestion), n'est-ce pas, donc ce petit monde a l'habitude de penser ensemble en rond dans les couloirs du Ministère et des Agences.
Beaucoup d'entre nous se demandent : "Mais comment donc l'obsession de la continuité écologique a-t-elle pu tenir lieu de politique publique pendant quelques années, et représenter une dépense publique aussi élevée?" Cela alors que l'évidence de la dégradation chimique et de ses effets biologiques est massive, que la France est déjà très en retard sur ces obligations plus anciennes, qu'au sein de la morphologie les seuils et barrages sont moins impactants que bien d'autres pratiques (bétonnage de berges, rectification de lit, destruction de ripisylves, extraction de granulats, excès de fines par érosion des sols versants, etc.).
La lettre ouverte de FNPF et FNE apporte un élément de réponse parmi d'autres. En propageant la confusion et en trompant sur les ordres de grandeur des impacts sur nos rivières, ces lobbies entretiennent l'incohérence et l'impuissance qu'ils prétendent combattre, mais à laquelle ils participent en réalité depuis des décennies dans les Comités de bassin. Rappelons par exemple que le bassin Loire-Bretagne est le "terrain historique" de France Nature Environnement (combat pour la Loire vivante) et que ce bassin se trouve être aussi celui qui admet être incapable de dresser un état chimique de ses eaux en 2015, reconnaît une avancée nulle sur l'état écologique des rivières depuis 2006, tout en publiant des chiffrages fantaisistes sur la morphologie. Voilà où mènent les mauvais diagnostics des idéologues et les jeux de lobbies en coulisses...
Nous appelons évidemment les pêcheurs sincères et les naturalistes lucides à dénoncer les positions caricaturales de ceux qui se prétendent encore leurs représentants, pour travailler sur le terrain à des solutions plus respectueuses des patrimoines naturel et culturel de nos rivières.
Pour aller au-delà des slogans et creuser ces questions, prenez le temps de quelques lectures :
Hélas, la première partie consacrée à la morphologie des rivières, à la continuité écologique et à l'hydro-électricité est un tissu d'approximations et de contre-vérités. Il est assez frappant d'observer combien le ton de ces deux lobbies se radicalise et dégénère dans le slogan autoréférencé à mesure que la science se montre au contraire plus posée et plus nuancée dans ses travaux (voir ce qu'il en est réellement en lisant cet article, et plus généralement notre rubrique science).
Ce dérapage n'est pas un accident, c'est une routine : nous avions déjà corrigé les désinformations de FNE sur les moulins voici quelques mois (voir ici et ici). Quant aux pêcheurs – du moins aux représentants officiels des pêcheurs car sur le terrain, le discours est bien différent –, ils ne doivent qu'à de vieilles complicités dans l'appareil d'Etat d'avoir échappé jusqu'à présent à un vrai bilan scientifique de l'impact cumulé de leurs pratiques depuis des siècles (empoissonnements anarchiques, introduction d'espèces invasives ou porteuses de pathogènes, surpêches, etc.). Mais l'Onema est l'ancien Conseil supérieur de la pêche (dissous suite à un rapport Cour des comptes sur les dérives de gestion), n'est-ce pas, donc ce petit monde a l'habitude de penser ensemble en rond dans les couloirs du Ministère et des Agences.
Beaucoup d'entre nous se demandent : "Mais comment donc l'obsession de la continuité écologique a-t-elle pu tenir lieu de politique publique pendant quelques années, et représenter une dépense publique aussi élevée?" Cela alors que l'évidence de la dégradation chimique et de ses effets biologiques est massive, que la France est déjà très en retard sur ces obligations plus anciennes, qu'au sein de la morphologie les seuils et barrages sont moins impactants que bien d'autres pratiques (bétonnage de berges, rectification de lit, destruction de ripisylves, extraction de granulats, excès de fines par érosion des sols versants, etc.).
La lettre ouverte de FNPF et FNE apporte un élément de réponse parmi d'autres. En propageant la confusion et en trompant sur les ordres de grandeur des impacts sur nos rivières, ces lobbies entretiennent l'incohérence et l'impuissance qu'ils prétendent combattre, mais à laquelle ils participent en réalité depuis des décennies dans les Comités de bassin. Rappelons par exemple que le bassin Loire-Bretagne est le "terrain historique" de France Nature Environnement (combat pour la Loire vivante) et que ce bassin se trouve être aussi celui qui admet être incapable de dresser un état chimique de ses eaux en 2015, reconnaît une avancée nulle sur l'état écologique des rivières depuis 2006, tout en publiant des chiffrages fantaisistes sur la morphologie. Voilà où mènent les mauvais diagnostics des idéologues et les jeux de lobbies en coulisses...
Nous appelons évidemment les pêcheurs sincères et les naturalistes lucides à dénoncer les positions caricaturales de ceux qui se prétendent encore leurs représentants, pour travailler sur le terrain à des solutions plus respectueuses des patrimoines naturel et culturel de nos rivières.
Pour aller au-delà des slogans et creuser ces questions, prenez le temps de quelques lectures :
- 20 études scientifiques sur la morphologie et la continuité écologique
- Qualité de l'eau: 5 graphiques pour comprendre l'échec de la politique française (et l'absurdité de la destruction des moulins)
- Les moulins à eau et la transition énergétique: faits et chiffres 2015
- DCE 2000 et politique de l'eau: la France manque de transparence, de justice et d'efficacité
- Etat chimique et écologique de nos rivières: où sont donc les mesures ?
Complément (MAJ 7 mai 2015)
- Lire le communiqué de presse de France Hydro Electricité, qui dénonce une attitude "dogmatique" de FNE et de FNPF.
28/04/2015
Les effets des pesticides en rivières sont-ils sous-estimés ? (Stehle et Schulz 2015)
Environ 40% des terres arables (soit 15 millions de km2) sont exploitées dans le monde par l'agriculture, ce qui fait de cette activité le premier facteur de changement d'usage des sols et de modification de certains cycles naturels en zone continentale (eau, azote, phosphore). L'expansion et l'intensification de l'agriculture a entraîné une hausse de la production de pesticides de 75% entre 1955 et 2000, pour un marché mondial estimé à 50 milliards de dollars.
Des études régionales (comme Besketov 2013 en Europe) ont montré que la charge en pesticide peut réduire de plus de 40% la biodiversité de certaines classes (comme les invertébrés d'eaux courantes). En moyenne, quand on atteint le seuil réglementaire toléré, la perte est de 30%. Elle est encore de 12% quand on est à 10% du seuil de tolérance (illustration ci-dessous, cliquer pour agrandir : à gauche, réponse de diversité des familles de macro-invertébrés à la dose de concentration ; à droite, courbes de concentration sur les sites où des pesticides ont été détectés dans l'étude ici commentée).
Près de 90% des surfaces impactées ne font pas l'objet de suivi
Sebastian Stehle et Ralf Schulz (Institut des sciences de l'environnement de l'Université de Coblence-Landau) viennent de publier la première méta-analyse à échelle mondiale sur cette question des pesticides en lien avec les milieux aquatiques. Les chercheurs ont suivi 28 substances parmi les plus répandues. Leur travail a concerné 833 études antérieures (toutes "revues par des pairs", ie scientifiques), concernant plus de 2500 sites répartis dans 73 pays. La bonne nouvelle (à peu près la seule) est que la plupart des mesures (97,4%) ne parviennent pas à détecter un niveau de concentration. Mais le chiffre peut être trompeur : malgré l'ampleur de cette étude, l'information n'est disponible que pour 1,6 millions de km2, c'est-à-dire que 90% des terres servant à la culture ou à l'élevage ne disposent d'aucun mécanisme de surveillance fiable de la charge en pesticide.
Parmi les sites ayant détecté des concentrations de pesticides, 9910 mesures sont faites en eaux vives et 1390 en eaux estuariennes. En leur sein, 8166 concerne l'eau et 3134 les sédiments. Le résultat le plus important de l'étude est que sur 11300 mesures de concentrations détectées, 52,4% montrent des quantités au-delà du seuil de tolérance. Le chiffre atteint 82,5% quand on examine les seules contaminations des sédiments.
"En concert avec les nutriments et la dégradation des habitats, l'utilisation agricole d'insecticide est probablement l'un des moteurs de la perte de biodiversité des écosystèmes aquatiques impactés par l'agriculture", soulignent les chercheurs. Et ils ajoutent : "l'importance des pesticides agricoles peut avoir été sous-estimée du fait d'un manque d'analyse quantitative".
Des substances difficiles à mesurer, des effets encore mal connus
Sebastian Stehle et Ralf Schulz rappellent notamment quelques motifs de penser que l'effet de la charge en pesticide sur la biodiversité aquatique est effectivement sous-estimé :
Et la France ?
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le niveau de dépassement (au sein des détections) est assez comparables dans les pays développés à fortes normes environnementales (39,9%) que dans ceux présentant des règlementations moins strictes (42,2%). Mais le travail de Stehle et Schulz ne donne pas de classement par pays.
En importance relative de surface et d'emploi, la France reste l'une des première nations agricoles en Europe et dans le monde, et le premier consommateur européen de pesticide. Le modèle productiviste y a été fortement encouragé à partir des années 1950 (dans le cadre de la "grande accélération" dont nous avons parlé sur ce site). Notre pays dispose certes d'un réseau de contrôle de qualité des eaux vives (cf illustration ci-dessus extraite de Onema 2010) mais il faut compter avec 500.000 km de linéaire d'eaux de surface en métropole, et des mesures ponctuelles plutôt que continues. Il y a en moyenne un point de mesure pour 200 km de linéaire de cours d'eau. Autant dire que le niveau de connaissance des contaminations reste perfectible, sans parler ensuite de l'évaluation complète de leurs effets biologiques sur la chaine trophique.
La dernière synthèse du CGDD, mise à jour 2014, avait montré que 7% seulement des rivières françaises surveillées sont exemptes de détection d'au moins un pesticide, les données manquent encore dans 34 des 222 entités hydrographiques de contrôle pour les eaux de surface (cf illustration ci-dessous). La précédente campagne de 2007-2009 visant à analyser la présence de 950 molécules en rivières avait révélé de chiffres comparables, avec 91% des rivières et 75% des plans d'eau présentant au moins une substance (CGDD 2011). Cette campagne avait aussi révélé la diversité des pollutions par pesticide : 413 molécules différentes retrouvées au moins une fois dans les cours d’eau (soit 80% des 516 molécules recherchées dans le volet pesticide).
En conclusion
Le travail de Stehle et Schulz rappelle que parmi les facteurs connus de dégradation des écosystèmes aquatiques d'eaux douces (réchauffement climatique, pollution, surexploitation, prélèvement quantitatif de la ressource, espèces invasives, dégradation des habitats), la pollution par les molécules issues de la chimie de synthèse et en particulier par les pesticides est loin d'être la mieux surveillée et la mieux comprise. Voilà en enjeu de bien commun qui devrait inspirer plus d'efforts de la part des autorités et gestionnaires en charge de l'eau, au lieu des démantèlements de seuils de moulins centenaires puérilement présentés comme des avancées décisives pour la qualité de l'eau. Rappelons que dans le dernier budget français connu pour le suivi de l'état écologique et chimique des rivières au titre de la DCE 2000, la France a provisionné 3 milliards d'euros pour la restauration morphologique mais… 170 millions d'euros seulement pour la qualité de son réseau de mesure et de suivi des pollutions. Ce n'est donc pas un problème de moyens, mais de cohérence et de clairvoyance dans nos choix publics.
Référence : Stehle S et Schulz R (2015), Agricultural insecticides threaten surface waters at the global scale, PNAS, epub before print, doi: 10.1073/pnas.1500232112
Des études régionales (comme Besketov 2013 en Europe) ont montré que la charge en pesticide peut réduire de plus de 40% la biodiversité de certaines classes (comme les invertébrés d'eaux courantes). En moyenne, quand on atteint le seuil réglementaire toléré, la perte est de 30%. Elle est encore de 12% quand on est à 10% du seuil de tolérance (illustration ci-dessous, cliquer pour agrandir : à gauche, réponse de diversité des familles de macro-invertébrés à la dose de concentration ; à droite, courbes de concentration sur les sites où des pesticides ont été détectés dans l'étude ici commentée).
Près de 90% des surfaces impactées ne font pas l'objet de suivi
Sebastian Stehle et Ralf Schulz (Institut des sciences de l'environnement de l'Université de Coblence-Landau) viennent de publier la première méta-analyse à échelle mondiale sur cette question des pesticides en lien avec les milieux aquatiques. Les chercheurs ont suivi 28 substances parmi les plus répandues. Leur travail a concerné 833 études antérieures (toutes "revues par des pairs", ie scientifiques), concernant plus de 2500 sites répartis dans 73 pays. La bonne nouvelle (à peu près la seule) est que la plupart des mesures (97,4%) ne parviennent pas à détecter un niveau de concentration. Mais le chiffre peut être trompeur : malgré l'ampleur de cette étude, l'information n'est disponible que pour 1,6 millions de km2, c'est-à-dire que 90% des terres servant à la culture ou à l'élevage ne disposent d'aucun mécanisme de surveillance fiable de la charge en pesticide.
Parmi les sites ayant détecté des concentrations de pesticides, 9910 mesures sont faites en eaux vives et 1390 en eaux estuariennes. En leur sein, 8166 concerne l'eau et 3134 les sédiments. Le résultat le plus important de l'étude est que sur 11300 mesures de concentrations détectées, 52,4% montrent des quantités au-delà du seuil de tolérance. Le chiffre atteint 82,5% quand on examine les seules contaminations des sédiments.
"En concert avec les nutriments et la dégradation des habitats, l'utilisation agricole d'insecticide est probablement l'un des moteurs de la perte de biodiversité des écosystèmes aquatiques impactés par l'agriculture", soulignent les chercheurs. Et ils ajoutent : "l'importance des pesticides agricoles peut avoir été sous-estimée du fait d'un manque d'analyse quantitative".
Des substances difficiles à mesurer, des effets encore mal connus
Sebastian Stehle et Ralf Schulz rappellent notamment quelques motifs de penser que l'effet de la charge en pesticide sur la biodiversité aquatique est effectivement sous-estimé :
- les pics de concentration de pesticides sont transitoires (3 à 4 heures par jour, quelques jours par an, correspondant aux épandages) et difficile à identifier en absence de monitorage permanent;
- la toxicité intrinsèque des molécules concernées fait que l'exposition courte à une forte charge se traduit ensuite par des dérèglements durables, même quand les concentrations ne sont plus présentes dans le milieu ambiant;
- la plupart des sites montrent l'exposition à d'autres molécules (jusqu'à 31) et la dynamique synergistique de l'exposition aux substances a un effet biologique assez largement méconnu;
- il n'y a pas vraiment d'effet de seuil connu pour les molécules analysées, de sorte que même les expositions en dessous du seuil de tolérance réglementaire ont des effets biologiques.
Et la France ?
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le niveau de dépassement (au sein des détections) est assez comparables dans les pays développés à fortes normes environnementales (39,9%) que dans ceux présentant des règlementations moins strictes (42,2%). Mais le travail de Stehle et Schulz ne donne pas de classement par pays.
En importance relative de surface et d'emploi, la France reste l'une des première nations agricoles en Europe et dans le monde, et le premier consommateur européen de pesticide. Le modèle productiviste y a été fortement encouragé à partir des années 1950 (dans le cadre de la "grande accélération" dont nous avons parlé sur ce site). Notre pays dispose certes d'un réseau de contrôle de qualité des eaux vives (cf illustration ci-dessus extraite de Onema 2010) mais il faut compter avec 500.000 km de linéaire d'eaux de surface en métropole, et des mesures ponctuelles plutôt que continues. Il y a en moyenne un point de mesure pour 200 km de linéaire de cours d'eau. Autant dire que le niveau de connaissance des contaminations reste perfectible, sans parler ensuite de l'évaluation complète de leurs effets biologiques sur la chaine trophique.
La dernière synthèse du CGDD, mise à jour 2014, avait montré que 7% seulement des rivières françaises surveillées sont exemptes de détection d'au moins un pesticide, les données manquent encore dans 34 des 222 entités hydrographiques de contrôle pour les eaux de surface (cf illustration ci-dessous). La précédente campagne de 2007-2009 visant à analyser la présence de 950 molécules en rivières avait révélé de chiffres comparables, avec 91% des rivières et 75% des plans d'eau présentant au moins une substance (CGDD 2011). Cette campagne avait aussi révélé la diversité des pollutions par pesticide : 413 molécules différentes retrouvées au moins une fois dans les cours d’eau (soit 80% des 516 molécules recherchées dans le volet pesticide).
En conclusion
Le travail de Stehle et Schulz rappelle que parmi les facteurs connus de dégradation des écosystèmes aquatiques d'eaux douces (réchauffement climatique, pollution, surexploitation, prélèvement quantitatif de la ressource, espèces invasives, dégradation des habitats), la pollution par les molécules issues de la chimie de synthèse et en particulier par les pesticides est loin d'être la mieux surveillée et la mieux comprise. Voilà en enjeu de bien commun qui devrait inspirer plus d'efforts de la part des autorités et gestionnaires en charge de l'eau, au lieu des démantèlements de seuils de moulins centenaires puérilement présentés comme des avancées décisives pour la qualité de l'eau. Rappelons que dans le dernier budget français connu pour le suivi de l'état écologique et chimique des rivières au titre de la DCE 2000, la France a provisionné 3 milliards d'euros pour la restauration morphologique mais… 170 millions d'euros seulement pour la qualité de son réseau de mesure et de suivi des pollutions. Ce n'est donc pas un problème de moyens, mais de cohérence et de clairvoyance dans nos choix publics.
Référence : Stehle S et Schulz R (2015), Agricultural insecticides threaten surface waters at the global scale, PNAS, epub before print, doi: 10.1073/pnas.1500232112
21/04/2015
Continuité écologique et restauration morphologique des rivières : 20 études scientifiques face aux mensonges et omissions d'Etat
La France, déjà condamnée par l'Europe parce qu'elle n'applique pas correctement les Directives nitrates et ERU, s'enferre dans le dogme de la destruction des moulins et usines à eau au motif de continuité écologique. Un nombre croissant d'études scientifiques montre pourtant que ces mesures ont une efficacité limitée (voire nulle) pour un coût considérable. En voici une synthèse (provisoire), à diffuser sans modération auprès des acteurs concernés : DDT, Onema, Dreal, syndicats de rivière et parc régionaux, commission locale de l'eau des SAGE, comité de bassin des Agences de l'eau, élus, associations, etc. Jusqu'au Ministère bien sûr, où Mme Ségolène Royal assure qu'elle désapprouve l'écologie tracassière et dépensière, mais ne désavoue en rien pour le moment la dérive gravissime de sa Direction de l'eau.
Ci-dessous, nous publions des résumés en français et les liens de 20 études scientifiques récentes (2005-2015). Ces études suggèrent que :
- il n'existe à ce jour aucun consensus dans la communauté scientifique internationale sur le poids exact des facteurs de dégradation des rivières, sur les causes anthropiques ou naturelles de variabilité des indices biologiques des milieux aquatiques ni sur les choix optimaux de leur restauration ;
- les opérations de restauration écologique / morphologique des rivières souffrent d'un manque général de préparation scientifique dans leur programmation, de suivi scientifique dans leurs effets, d'analyse coût-avantage ou coût-efficacité ;
- dans les cas où le suivi est réalisé, on observe une efficacité faible à nulle de ces opérations (voire des effets négatifs parfois), en particulier à l'échelle des tronçons (au-delà des effets prévisibles sur le seul périmètre du site restauré, qui ne représente généralement pas grand chose par rapport au linéaire total de la masse d'eau) ;
- il existe en particulier quelques solides raisons de penser que les opérations de restauration morphologique ne permettront pas d'atteindre le bon état écologique au sens de la DCE 2000, et exposeront notre pays à des condamnations en raison des retards que nous prenons d'ores et déjà sur les autres facteurs de dégradation de l'eau ;
- une politique fondée sur la preuve scientifique, et non l'improvisation en fonction du poids des lobbies et des modes du moment, exigerait une modélisation des différents impacts anthropiques aux différentes échelles (sites, tronçons, bassins versants) afin de prioriser les actions et d'anticiper leurs résultats ;
- les seuils et barrages en particulier (obstacles à la continuité écologique longitudinale) ont une corrélation faible à nulle avec les indices de biodiversité à l'échelle des tronçons et bassins versants ainsi qu'avec les indices de qualité piscicole, ce qui n'exclut pas des influences localement fortes ;
- les premiers facteurs d'impact sur la qualité chimique et écologique des rivières sont dans la plupart des études quantitatives les pollutions (agriculture intensive, assainissements défaillants, rejets industriels) et les changements d'usage des sols (urbanisation, déforestation, agriculture), les indices de qualité biologique de la DCE 2000 se montrant beaucoup plus sensibles à ces variables. A quoi s'ajoute le facteur de premier ordre à long terme, le réchauffement climatique (non étudié dans cette revue).
En conséquence, nous maintenons que :
- la politique française de continuité écologique, décidée en absence de concertation démocratique comme de contrôle parlementaire et d'évaluation scientifique indépendante, représente une dépense considérable d'argent public n'ayant que peu d'effets probables sur nos engagements européens en matière de qualité de l'eau ;
- cette politique est une tragédie pour le patrimoine historique des moulins et usines à eau et une absurdité à l'heure où la transition énergétique commande d'équiper ces moulins et usines au lieu de les détruire ;
- cette politique, décidée pour l'essentiel en comités fermés, doit faire l'objet d'une enquête parlementaire puisqu'elle représente une dérive antidémocratique manifeste en même temps qu'elle a déjà abouti à de multiples condamnations de la France pour non-respect de toutes les directives (dont certaines plus anciennes) de protection de la ressource en eau ;
- les instruments de cette politique, en particulier les SDAGE en cours de consultation publique, doivent être dénoncés s'ils n'intègrent pas l'état réel de nos connaissances, s'ils manquent d'analyse coût-efficacité réelle de la dépense publique pour l'eau et s'ils persistent en particulier à subventionner la scandaleuse destruction des ouvrages hydrauliques en rivière.
Il est temps d'engager une redéfinition complète de la gouvernance, des objectifs et des méthodes du volet morphologique des politiques de restauration du bon état des rivières. Et déjà de prononcer un moratoire à effet immédiat sur l'application du classement des cours d'eau, dont la conséquence est de menacer l'existence de près de 20.000 ouvrages hydrauliques sur nos territoires et de modifier des écoulements sans aucune certitude quant à l'absence de risques pour les personnes, les biens et les milieux.
2005-2015 : 20 études sur la continuité écologique et la morphologie en lien à la dégradation ou à la restauration des rivières
Dans cet article très cité de la littérature, les auteurs soulignent que la restauration écologique des cours d'eau est un outil de plus en plus apprécié des gestionnaires, et que des milliards de dollars (aux Etats-Unis) sont dépensés pour les rivières et fleuves depuis les années 1980. Mais ils pointent le défaut manifeste de suivi scientifique, de protocole normalisé de mesure et d'accord entre experts sur la définition d'un succès écologique. Sans l'adoption de standards partagés, il n'y aura pas de progrès dans la pratique de restauration écologique.
Journal of Applied Ecology, 42, 2, 208-217
Doyle MW et al (2005), Stream ecosystem response to small dam removal: Lessons from the Heartland
Les auteurs analysent l'effet des suppression de petits barrages sur la végétation rivulaire, les poisons, les macro-invertébrés, les moules et la dynamique des nutriments. Ils discernent deux trajectoires : une restauration totale des écosystèmes, qui reste "improbable dans beaucoup de cas" et demande diverses échelles de temps selon les groupes concernés ; une restauration partielle tenant au fait qu'il existe d'autres impacts sur le bassin versant ou que les barrages ont modifié durablement l'équilibre local. Selon ce travail, gestionnaires et chercheurs devraient étudier avant tout effacement de barrage le potentiel réel de restauration afin d'évaluer correctement le bénéfice écologique pour chaque communauté de l'écosystème.
Geomorphology, 71, 1-2, 1, 227-244
Lejon AGC et al (2009), Conflicts associated with dam removal in Sweden
La suppression des barrages peut être motivée par la sécurité, la réglementation, l'écologie ou l'économie. Mais les auteurs soulignent que ces opérations sont controversées. Analysant 17 projets en Suède, ils montrent que trois critères sont à prendre en considération dans l'opposition aux effacements : le financement, les valeurs historiques ou culturelles, les espèces mises en danger. Ils en concluent que toutes les parties prenantes doivent être associées et informées, des solutions de compromis étant souvent l'issue de choix.
Ecology and Society, 14, 2, 4
Palmer MA et al (2010), River restoration, habitat heterogeneity and biodiversity: a failure of theory or practice?
Les auteurs étudient le présupposé central des opérations de restauration écologique de rivière selon lequel l'hétérogénéité des habitats (facteur morphologie) régule la biodiversité. Analysant 78 opérations des restauration menées par 18 groupes indépendants, les auteurs montrent que 2 seulement permettent de conclure de manière robuste à une amélioration significative de la biodiversité (analyse des macro-invertébrés).
Freshwater Biology, 55, s1, 205-222
Bernhardt ES et Palmer MA (2011), River restoration: the fuzzy logic of repairing reaches to reverse catchment scale degradation
Les deux chercheurs montrent, à travers une synthèse de la littérature, que la restauration de rivière est une pratique ayant connu une croissance exponentielle depuis quelques décennies, mais n'ayant pas évalué ses propres objectifs ni leur succès, soit individuellement soit cumulativement. Si les chenaux traités ont moins d'incision et plus de sinuosité que les chenaux dégradés, les facteurs physiques, chimiques et hydrologiques responsables de la perte des taxa d'intérêt à l'échelle du bassin versant ne sont pas traités pour autant.
Ecological Applications, 21, 1926-1931
Jähnig SC et al (2011), River restoration success: a question of perception
Le succès de la restauration écologique est affaire de perception : objective quand il s'agit de paramètres quantifiés (mesures de qualité) ; subjective quand on parle d'esthétique du paysage ou de valeur récréative. Après étude de 26 projets de restauration en Allemagne, les auteurs soulignent que si les paramètres morphologiques sont améliorés, les résultats sur les populations de poissons ou les invertébrés benthiques sont moins probants. Ainsi, 40% des répondants à leur enquête admettent que le succès est une affaire de goût, et 45% seulement des objectifs de la restauration sont l'objet d'une mesure. Ce manque de mesure objective implique pour les chercheurs une incapacité à évaluer l'efficacité réelle des interventions morphologiques.
Ecological Applications, 21, 2007-2015
Louhi P et al (2011), Twenty years of stream restoration in Finland: little response by benthic macroinvertebrate communities
Les opérations visant à restaurer des habitats pour salmonidés dont fréquentes en Finlande, mais leur suivi scientifique est pauvre, et plus pauvre encore pour les espèces qui ne sont pas directement visées par la restauration. Une analyse before-after-ontrol-impact (BACI) à 3 ans avant / 3 après et une étude témoin à 20 ans montrent que l'impact de la restauration des habitats sur les communautés d'invertébrés est faible, et parfois négatif. Pour les chercheurs, ce résultat peut s'expliquer en partie par les caractéristiques propres des cours d'eau finnois. Néanmoins, ils insistent sur la nécessité d'une analyse plus rigoureuse de la biodiversité en cours d'eau ou rives restaurés.
Ecological Applications, 21, 1950-1961
Wang L et al (2011), Effects of dams in river networks on fish assemblages in non-impoundment sections of rivers in Michigan and Wisconsin, USA
Cette étude, réalisée dans le contexte nord-américain, est notamment intéressante par le nombre de tronçons concernés (690 dans le Michigan et 537 dans le Wisconsin) ainsi que le nombre de barrages retenus (1553 dans le Michigan, 3662 dans le Wisconsin), l'exclusion des tronçons ayant des impacts anthropiques trop manifestes (pas plus de 60% de terres agricoles ni de 10% de terres urbanisées dans le bassin), la précision des descripteurs des ouvrages (nombre total amont et aval, densité sur le linéaire, longueur libre entre deux ouvrages), la diversité des descripteurs des poissons (39 variables au total). Les auteurs trouvent que l'influence des barrages est globalement négative sur l'intégrité et la diversité biotiques. Mais l'information majeure de l'étude est que l'influence des barrages seuls sur les indices est relativement faible. La variance expliquée des populations piscicoles est de 16% pour l'intégrité biotique et 19% pour les préférences d'habitat. "Sans la prise en compte des co-facteurs d'influence, les évaluations [d'impact des barrages] seront inadéquates et induiront potentiellement en erreur".
River Research and Applications, 27, 4, 473-487
Marzin A et al (2012), Ecological assessment of running waters: Do macrophytes, macroinvertebrates, diatoms and fish show similar responses to human pressures?
Les auteurs étudient quatre indices de qualité biologique - macrophytes, diatomées, macro-invertébrés, poissons, 93 métriques au total - dans 290 rivières françaises où sont répertoriés des facteurs de dégradation à échelle du tronçon (18 facteurs, quatre classes : qualité chimique, hydrologie, morphologie, présence de retenues). Les auteurs analysent également des facteurs physiographiques qui ne dépendant pas de l'homme (altitude, pente, superficie de bassin versant, etc.). Les résultats montrent d'abord une variabilité des indices de qualité biologiques selon les données physiographiques. La dégradation de la qualité de l'eau est le facteur à plus forte intensité et sensibilité dans la réponse biologique. Les poissons répondent au facteur morphologique, comme les macrophytes et diatomée, mais à partir d'un niveau de dégradation élevée. 55 métriques varient en présence de barrages et retenues, la plupart des métriques piscicoles répondant avec une intensité moyenne (41%). La restauration des cours d'eau implique une mesure préalable et précise des impacts ainsi que de leur effets combinés (additifs, multiplicatifs ou opposés).
Ecological Indicators, 23, 56-65
Stanrko SA et al (2012), Comparing the fish and benthic macroinvertebrate diversity of restored urban streams to reference streams
Aux Etats-Unis (côte Atlantique), les auteurs analysent 5 mesures de qualité biologique pour les poissons et les macro-invertébrés entre des sites urbains ayant connu une restauration morphologique, des sites urbains non restaurés et des sites naturels en bon état écologique. Ils observent que les sites restaurés et non-restaurés ne présentent pas de différence significative de qualité, et concluent qu'il faut radicalement changer d'approche en travaillant sur les facteurs de dégradation à échelle du bassin versant.
Restoration Ecology, 20, 6, 747-755
Dahm V. et al. (2013), Effects of physico-chemistry, land use and hydromorphology on three riverine organism groups: a comparative analysis with monitoring data from Germany and Austria
Les auteurs ont sélectionné 2302 sites de mesure en Allemagne et en Autriche, qui présentent des résultats assez cohérents pour permettre l'analyse des populations de poissons (n=713), de macro-invertébrés (n=1753) et de diatomées (n=808). Les sites en question ont été subdivisés en rivières de plaine et rivières de montagne. L'indice multimétrique prédictif utilisé pour la faune piscicole est l'EFI + (European Fish Index). Au sein de l'EFI+, onze facteurs sont pris en compte qui indiquent la plus ou moins grande tolérance des espèces à des environnements dégradés. Les chercheurs ont ensuite croisé ces mesures de qualité biologique avec les données disponibles sur quatre causes connues d'impact : l'hydromorphologie, la qualité physico-chimique, l'occupation des sols en rive, l'usage des sols sur le bassin versant. Il en ressort que la corrélation positive avec la dégradation de l'indice est deux à trois fois plus prononcée pour la physico-chimie que pour l'hydromorphologie. "L'excès de nutriment et l'occupation des sols sur le bassin versant sont les deux facteurs de stress discriminant pour tous les groupes d'organisme, dépassant les effets du stress hydromorphologique à l'échelle des sites (...) Nos résultats suggèrent que beaucoup de rivières sont encore considérablement affectées par l'excès de nutriments (eutrophisation), ce qui peut être directement relié à l'usage des sols sur leur bassin versant".
Hydrobiologia, 704, 1, 389-415
Joergensen D et Renoefält B (2013), Damned If You Do, Dammed If You Don't: Debates on Dam Removal in the Swedish Media
Les deux chercheuses suédoises ont analysé les débats autour de la suppression des barrages dans quatre villes de leur pays (Alby, Hallstahammar, Orsa et Tallaesen). Leur principale conclusion est que l'opposition à l'effacement des ouvrages hydrauliques ne résulte pas d'un manque de connaissances, c'est-à-dire d'une ignorance sur les effets environnementaux. Plus simplement, les gens ne valorisent pas la même chose : les partisans de l'effacement accordent une grande importance au retour de rivières naturelles, ce qui inclut aussi l'intérêt pour certaines formes de pêche ; les opposants apprécient la dimension esthétique et historique des barrages, ainsi que les activités rendues possibles par leurs retenues.
Ecology and Society, 18, 1, 18.
Lorenz AW et Feld CK (2013), Upstream river morphology and riparian land use overrule local restoration effects on ecological status assessment
Les chercheurs étudient 46 projets de restauration de rivières à la lumière de l'influence amont sur le bassin versant. Trois critères sont pris en compte, l'état des berges, la qualité physique de l'habitat sur différentes longueurs de linéaire amont, l'usage des sols sur l'ensemble des bassins versants. Les indicateurs de réponse biologique concernent les macrophytes, les macro-invertébrés et les poissons. Leur résultat : l'influence du bassin amont est prépondérante par rapport aux amélioration locale des sites ou des tronçons. Poissons et invertébrés répondent au maintien des forêts en amont, et la qualité physique de l'habitat sur les 5 km au-dessus de la restauration présente un fort lien avec la bonne santé biologique. Leur conclusion : une restauration écologique de site a de grand risque d'être un échec si le bassin versant amont est toujours dégradé.
Hydrobiologia, 704, 1, 489-501
Marzin et al (2013), The relative influence of catchment, riparian corridor, and reach-scale anthropogenic pressures on fish and macroinvertebrate assemblages in French rivers
Sur 301 sites français les auteurs analysent des données 2005-2008 sur l'environnement naturel, l'usage des sols bassin versant et tronçon, les modifications anthropiques et les populations (poissons, macro-invertébrés). A échelle du tronçon, la variabilité des communautés biologiques est liée à une retenue ou la qualité de l'eau. A échelle plus large sur la bassin versant, elle est associée au gradient entre forêts et terres agricoles. Une proportion large de la variabilité à toutes échelles est due à des interactions entre facteurs (40%) et à la variabilité naturelle (30%). L'usage des sols sur le bassin versant reflète mieux la qualité locale de l'eau que les dégradations hydromorphologiques. La compréhension et la gestion des rivières demandent des analyses plus fines de l'interaction des facteurs anthropiques à différentes échelles spatiales.
Hydrobiologia, 704, 1, 375-388
Sundermann A et al (2013), Stressor prioritisation in riverine ecosystems: Which environmental factors shape benthic invertebrate assemblage metrics?
Les chercheurs ont analysé les communautés d'invertébrés benthiques dans 83 site (25 métriques) et ont sélectionné sur ces sites 27 facteurs environnementaux (10 sur la qualité de l'eau, 4 sur l'usage des sols en bassin versant, 10 sur la qualité de l'habitat au niveau des sites). Des modèles en régression linéaire simples et multiples montre que la qualité de l'eau et les usages des sols du bassin versant sont les principaux paramètres de dégradation, en particulier oxygène, chlorure, carbone organique total, niveau de terres artificialisées et/ou arables. Les critères relatifs à l'habitat ou à la morphologie sont de moins bons prédicteurs de dégradation. Conclusion des chercheurs : restaurer l'habitat au niveau local (site, tronçon) peut produire un faible rapport coût-bénéfice car les facteurs de dégradation concernent d'abord les bassins versants et la qualité de l'eau.
Ecological Indicators, 27, 83-96
Verdonschot PFM et al (2013), A comparative review of recovery processes in rivers, lakes, estuarine and coastal waters
La DCE 2000 impose l'atteinte du bon état écologique des rivières, ce qui implique de connaître la réponse des communautés aquatiques après les mesures de restauration. Analysant les typologies de masses d'eau (rivières, lacs, eaux de transition et côtières), les auteurs remarquent que peu d'études répertorient les connaissances écologiques nécessaires au succès des opérations d'amélioration des milieux. Les facteurs majeurs de dégradation sont la croissance de population humaine, ainsi que les changement d'usage des sols et des eaux. Les points critique pour la restauration sont souvent le manque de données, le fait que ces données sont spécifiques (à un site, un ensemble d'organismes, une période de temps), le délai très variable d'effet des opérations de restauration.
Hydrobiologia, 704, 1, 453-474
Morandi B. at al (2014), How is success or failure in river restoration projects evaluated? Feedback from French restoration projects
Les auteurs ont analysé 44 projets français de restauration des rivières incluant une procédure d'évaluation. Leurs résultats montrent que la qualité de la stratégie d'évaluation reste souvent trop pauvre pour comprendre correctement le lien entre projet de restauration et changement écologique. Dans de nombreux cas, les conclusions tirées sont contradictoires, rendant difficile de déterminer le succès ou l'échec du projet de restauration. Les projets avec les stratégies d'évaluation les plus pauvres ont généralement les conclusions les plus positives sur les effets de la restauration. Recommandation des chercheurs : que l'évaluation soit intégrée très tôt dans le projet et qu'elle soit fondée sur des objectifs clairement définis.
Journal of Environmental Management, 137, 178-188
Nilsson C et al (2014), Riparian and instream restoration of boreal streams and rivers: success or failure?
Pour évaluer l'efficacité des opération de restauration morphologique, les chercheurs scandinaves ont sélectionné 18 études de rivières présentant le même profil. Les facteurs pris en compte ont été la réponse abiotique (complexité / rugosité de l'écoulement vitesse de l'eau, capacité de rétention sédimentaire) et la réponse biotique (poissons, macro-invertébrés, végétation aquatique et rivulaire). Le temps de réponse du milieu allait de 1 mois à 24 ans dans ces études. Résultat : la majorité des études constatent un effet abiotique c'est-à-dire un changement dans la dynamique et la morphologie (vitesse plus lente de l'eau, écoulements plus variés, rugosité plus forte du lit, etc.). Mais la réponse du vivant est beaucoup moins évidente : une seule étude sur 8 montre un résultat sur les invertébrés ; une sur 5 une réponse positive des populations piscicoles ; la végétation est un peu plus "répondante" avec 2 succès sur 4. Sept pistes de travail sont proposées pour comprendre les échecs : objectifs de restauration trop médiocrement définis; facteurs limitants des populations cibles trop mal connus ou pris en compte ; méthodes standardisées de suivis et mesures non prévues (ou non respectées) ; espèces choisies non représentatives / indicatives des communautés d'intérêt ; pools de population susceptibles de recoloniser le milieu non présents à taille critique ; temps écoulé depuis la restauration trop court ; retour à l'équilibre biotique déjà réalisé (populations présentes au moment de la restauration à l'optimum des sites concernés).
Ecohydrology, doi: 10.1002/eco.1480
Van Looy K et al (2014), Disentangling dam impacts in river networks
Dans le bassin de Loire, les auteurs ont sélectionné un réseau de 17.000 km de linéaire, divisés en 4930 segments homogènes du point de vue géomorphologique. Sur ces 4930 points d'étude, les auteurs ont estimé les impacts à partir du référentiel SYRAH sur les pressions hydromorphologiques d'origine anthropique et naturelle, et de la banque de données CORINE sur les usages des sols. Plus particulièrement, les trois chercheurs ont utilisé le ROE (Référentiel des obstacles à l'écoulement) de l'Onema afin de construire un modèle fin d'impact des seuils et barrages : plus de 5500 de ces obstacles à l'écoulement sont présents sur le linéaire étudié. Du côté des indicateurs biologiques, deux métriques sont utilisées : l'Indice Poissons Rivières (IPR), qui mesure la qualité piscicole, et l'Indice Invertébrés Multimétrique (I2M2), qui mesure la réponse des invertébrés (mollusques, bryozoaires, amphipodes, trichoptères, plécoptères, etc.) aux pressions. Le score global IPR ou I2M2 ne montre aucune corrélation significative (p<0.05) avec la densité locale de barrages. La corrélation n'apparaît qu'avec l'échelle supérieure de densité régionale (sur le bassin versant). La variance globale des scores (R2) n'est que faiblement associée à la densité des barrages : 25% pour les macro-invertébrés, mais 12% seulement pour les poissons. Au sein des indices, les métriques de la biodiversité (NTE et DTI pour l'IPR, indice de Shannon et richesse taxonomique pour l'I2M2) ne répondent pas à la présence des barrages par des variations significatives. Au sein de l'IPR, ce sont les espèces rhéophiles et lithophiles qui expliquent l'essentiel de la réponse observée (12%).
Ecological Indicators, 37, 10-20
Villeneuve B et al (2015), Can we predict biological condition of stream ecosystems? A multi-stressors approach linking three biological indices to physico-chemistry, hydromorphology and land use
Les auteurs ont développé un modèle explicatif et prédictif de l'état des masses d'eau. Pour cela, les auteurs ont pris en considération trois échelles spatiales : le bassin versant, le tronçon (partie du linéaire ayant une cohérence hydrologique) et le site. A chaque échelle spatiale, ils ont mobilisé des bases de données existantes pour intégrer des informations sur les pressions, les usages des sols, les altérations morphologiques et les mesures physico-chimiques. En face de ces données d'impact, les scientifiques ont collecté sur 1100 sites répartis dans les 22 hydro-éco-régions françaises des mesures de qualité biologique (2008-2009) : macro-invertébrés (indice I2M2), diatomées (indice IBD) et poissons (indice IPR+). L'ensemble des variables de pression explique 41% de la variabilité de l'I2M2, 26% de la variabilité de l'IBD2007 et 24% de la variabilité de l'IPR+. Le profil de réponse est similaire pour les 3 indices. En terme d'intensité de la réponse, les variables physicochimiques ont les plus hauts coefficients, suivi par les variables d'usages des sols et, finalement, les variables hydromorphologiques. Les variables à effet négatif sur les trois indices sont : les concentrations de nutriments et matières organiques, l'urbanisation et la proportion d'agriculture intensive dans le bassin versant. La densité de barrage en particulier n'est qu'en 13e position des facteurs explicatifs de la variance des indicateurs piscicoles.
Ecological Indicators, 48, 88-98
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