Eaufrance, service public d’information sur l’eau, vient de publier un état des eaux de surface et des eaux souterraines en France. La publication compare les données 2010 et 2013 transmises par les services des Agences de l'eau. Rappelons que le système d’évaluation de l’état des eaux (SEEE) est issu d’un travail commun entre les autorités de bassins (agences et offices de l’eau, DREAL et DEAL), responsables de l’évaluation de l’état des eaux, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) pour le pilotage du système sous l’autorité du Ministère de l’Ecologie et des organismes scientifiques (Ifremer, CNRS, Ineris, BRGM, Irstea, universités) pour la conception des méthodes et l’alimentation en données.
Etat chimique : les incertitudes ont augmenté
L'analyse de l'état chimique montre que le niveau de masses d'eau de surface (plans d'eau ou rivières) en information insuffisante pour donner un état a augmenté entre 2010 (34%) et 2013 (35,9%). En particulier, et comme on le voit dans la carte ci-dessus (zone grisée), l'Agence de Loire Bretagne n'est plus capable de préciser un état sur ses rivières, alors que le bassin est le plus important en terme de linéaire (voir notre article à ce sujet). Cette situation de dégradation du niveau de connaissance sur les pollutions chimiques n'est évidemment pas acceptable. La liste des substances chimiques à contrôler est réglementairement fixée depuis une dizaine d'années dans le processus de mise en oeuvre de la Directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000). Cette liste est relativement modeste par rapport à la réalité des pollutions : elle ne compte qu'une quarantaine de molécules, alors que les enquêtes toxicologiques ont montré qu'en réalité, les eaux française subissent plus de 400 substances considérées comme polluantes (voir aussi la question des mesures de pesticides). Cela pose évidemment question sur le chiffre de 48,2% des masses d'eau supposées être en bon état chimique, sans certitude réelle que ce soit le cas.
Etat écologique : pas de progrès notable
La proportion de masses d’eau de surface en bon état écologique en France est assez comparable à la moyenne européenne de 38,8%. Cela situe la France en 14e position. Entre 2010 et 2013, comme le montre le schéma ci-dessus, on n'observe pas de progrès notable : 41,4% des masses d’eau de surface, toutes catégories d’eau confondues, sont au moins en bon état écologique en 2010 et 43,4% en 2013. Comme le précise Eaufrance, "cet état semble globalement stable : 24,6% des masses d’eau évaluées sur les deux périodes voient leur état s’améliorer, 52,6% stagner, et seulement 20,1% se dégrader". Ces données montrent qu'il n'existe pas de maîtrise réelle des facteurs de dégradation écologique d'une masse d'eau, soit parce que la mesure de la dégradation présente une variation interannuelle forte (par exemple une année en bon état, une année en état moyen), soit parce que les facteurs de dégradation eux-mêmes ne sont pas contrôlés.
Conclusions
Comme nous le dénonçons depuis plusieurs années, la France n'est pas capable de définir sur chaque masse d'eau de surface (11 523 au total) l'ensemble des paramètres de qualité définis par la DCE 2000, dans les volets biologique, physico-chimique, chimique et morphologique. Les données brutes et corrigées, agrégées sur chaque masse d'eau, sont d'ailleurs à peu près inaccessibles pour les associations (dispersion extrême des sources, des formats, des dates de mise à jour), ce qui interdit un contrôle citoyen de l'action publique (voir le premier travail d'Anne Spiteri en ce sens, interrompu pour le moment face à l'incroyable inertie de la machine bureaucratique). Les Agences de l'eau disposent d'un budget quinquennal de l'ordre de 15 milliards d'euros : à qui veut-on faire croire qu'il n'est pas possible de financer au sein de ce budget des laboratoires publics d'analyse dignes de ce nom?
Par ailleurs, la France n'atteint pas l'objectif de deux-tiers des masses d'eau en bon état 2015, comme elle s'y était engagée vis-à-vis de la DCE 2000, et au regard du peu de progrès depuis 15 ans, elle n'est évidemment pas en situation de garantir 100 % de ces masses d'eau en bon état à l'horizon 2021 ou 2027 (délais prévus par la DCE 2000). Rappelons que la France est déjà condamnée pour non-application de directives européennes plus anciennes (nitrates 1991, eaux usées 1991).
La politique de l'eau est donc en situation d'échec. Dans ces conditions, la prétention du Ministère de l'Ecologie (direction de l'eau et de la biodiversité) comme des Agences de l'eau à définir ce qui fait et défait le bon état d'une rivière est pour le moins douteuse. Au lieu de l'avalanche réglementaire de textes toujours plus complexes et inapplicables, entraînant un blocage bureaucratique croissant dans la gestion de l'eau, et au lieu du jeu obscur des lobbies en comités de bassins des Agences de l'eau, on attend de l'action publique qu'elle garantisse d'abord de manière transparente et efficace les connaissances élémentaires sur l'état des rivières et sur les facteurs qui les dégradent.
Référence : Eaufrance (2015), L’état des eaux de surface et des eaux souterraines, Les Synthèses, 12, juin 2015, 12 p. (lien pdf)
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28/09/2015
19/09/2015
Taux d'étagement et de fractionnement: ces indicateurs ne peuvent en aucun cas fonder des objectifs sur les rivières
Faut-il une rivière étagée par les seuils et barrages à 10%, 20%, 40%... de sa pente? Est-ce un problème si l'étagement est à 38%, 56%, 74% ? Ce genre de question incongrue risque de devenir de plus en plus courant. En effet, certains gestionnaires de bassin entendent faire des taux d'étagement et de fractionnement des rivières des outils décisionnels inscrits dans les SDAGE et préconisés pour les SAGE, notamment en Loire-Bretagne et en Seine-Normandie. Cette tentative est caractéristique des dérives de la politique de l'eau dans le domaine de la continuité écologique : on se précipite sur une science encore balbutiante pour imposer des objectifs qui deviennent vite des dogmes, en brandissant des chiffres fétiches et des outils gadgets, sur fond d'endormissement général de l'esprit critique.
Quelques indicateurs pour décrire les obstacles à l'écoulement
Il existe plusieurs indicateurs permettant de décrire l'impact cumulé des ouvrages hydrauliques sur la morphologie d'une rivière ou sa franchissabilité. Rappelons d'abord les principaux.
Taux d'étagement : rapport de la somme des hauteurs des seuils sur la hauteur totale du dénivelé naturel (en %). Il est actuellement préconisé en rivière à faible pente.
Taux de fractionnement : rapport de la somme des hauteurs des seuils sur le linéaire total (en m/km). Il est plutôt préconisé pour les têtes de bassin.
Taux de linéaire contrôlé : rapport de la somme des longueurs de remous hydraulique sur le linéaire total (en %).
Densité d'ouvrage : rapport du nombre d'ouvrages sur le linéaire total (en ouvrage/km).
S'y ajoutent les taux de fragmentation des migrateurs, plus complexes, calculant les franchissabilités des obstacles de l'embouchure vers l'amont (espèces amphihalines) ou la dimension relative des espaces de circulation (libre-accès aux habitats) cloisonnés par des ouvrages au sein d'un tronçon.
Taux d'étagement et de fractionnement : pas de base fiable sur leur valeur explicative
Certains SDAGE en cours de formalisation (Seine-Normandie, Loire-Bretagne) préconisent d'utiliser les taux de fractionnement ou d'étagement comme des outils d'objectif et de décision pour les gestionnaires. Cette orientation n'est pas acceptable, et nous appelons d'ores et déjà les associations / syndicats concernés à opposer un refus de principe à l'adoption de ces taux comme indicateurs d'objectif, aussi bien dans les SDAGE que dans les SAGE ou autres contrats de gestion de rivière.
A notre connaissance, le seul travail ayant tenté de quantifier l'effet du taux d'étagement sur la qualité écologique de la rivière est un mémoire de master (Chaplais 2010), ayant suivi la proposition d'usage de cet indice (Steinbach 2009, voir Huger et Schwabb 2011). Ce travail est intéressant en soi, mais il montre d'évidentes limitations : faible échantillonnage (2 bassins et 2 hydro-écorégions), faible pouvoir explicatif (analyse bivariée ne prenant pas en compte toutes les variables d'impact sur la qualité de l'eau, formant autant de facteurs confondants quand on cherche une causalité), 70 à 80% de la variance piscicole non expliquée par l'analyse, limitation à l'IPR et à certaines de ses sous-composantes, etc. (voir ici notamment).
Absence de lien déterministe entre l'état écologique et les seuils
Des travaux récents parus dans la littérature scientifique "revue par les pairs" et ayant utilisé la densité d'ouvrages ont montré que seule une faible variance de l'IPR s'explique par cet indicateur (Van Looy et al 2014 ; Villeneuve et al 2015), la biodiversité totale des rivières n'étant généralement pas impactée (Shannon, richesse spécifique). A tout le moins, on attend du gestionnaire de rivière qu'il choisisse des indicateurs ayant fait déjà l'objet d'une analyse scientifique assez avancée, en particulier quand ils sont appelés à avoir des impacts considérables sur la vie des riverains.
Les taux d'étagement et de fractionnement, comme les autres indicateurs de morphologie cités en début de cet article, doivent faire l'objet d'analyse scientifique approfondie. Ils peuvent être des outils intéressants, mais il faut préalablement travailler sur leur capacité descriptive et prédictive. Le mémoire de S. Chaplais précité indiquait l'imminence d'une étude à grande échelle dirigée par D. Salgues : à notre connaissance, ses résultats ne sont pas publiés. Commençons donc par là.
Même sur la seule base des travaux connus sur le taux d'étagement, il est avéré qu'il existe des rivières en bon état écologique avec des étagements compris entre 80 et 100%, des rivières en mauvais état écologique avec des étagements compris 0 et 20%. L'idée de fixer un objectif a priori au niveau d'un bassin versant ou d'une rivière n'a donc aucun sens : il faut d'abord définir l'état écologique, chimique et morphologique de chaque masse d'eau, ensuite analyser les causes de dégradation dans l'hypothèse d'un état moyen à mauvais, enfin seulement agir sur les causes identifiées.
Les mesures DCE (inexistantes ou incomplètes sur nombre de masses d'eau) plus importantes que les "gadgets" des effaceurs
Le taux d'étagement et le taux de fractionnement peuvent être utilisés comme des indicateurs descriptifs de la rivière parmi d'autres, en aucun cas ils ne sauraient être porteurs par eux-mêmes d'un objectif de score induisant des obligations d'aménagement (ou même des choix de priorisation sans analyse complète des pressions du bassin versant).
Il serait urgent que les gestionnaires de l'eau passent moins de temps à formaliser des "gadgets" visant in fine à justifier leur doctrine a priori de suppression des seuils, et davantage d'efforts à satisfaire nos obligations européennes de connaissance des milieux, à savoir la mesure systématique et continue dans le temps de l'intégralité des indicateurs de qualité biologique, physico-chimique, morphologique et chimique des masses d'eau. Ce qui est très loin d'être acquis, en particulier sur des bassins comme Loire-Bretagne et Seine-Normandie ayant la prétention d'aménager de manière autoritaire les seuils sans même prendre la précaution élémentaire de mesurer et modéliser l'état de leurs rivières.
Note juridique : au plan du droit, il paraît douteux que ces taux d'étagement ou de fractionnement soient en mesure de fonder des mesures de police administrative. On ne peut contraindre à des aménagements qu'en référence à des lois ou des règlements, pas en sortant du chapeau un critère défini dans un bureau. Si une association est confrontée à une tentative pour imposer ces taux comme outil de gestion impliquant des obligations sur un bassin versant, il conviendra de saisir le Préfet (le cas échéant le tribunal administratif) afin de clarifier leur statut.
Quelques indicateurs pour décrire les obstacles à l'écoulement
Il existe plusieurs indicateurs permettant de décrire l'impact cumulé des ouvrages hydrauliques sur la morphologie d'une rivière ou sa franchissabilité. Rappelons d'abord les principaux.
Taux d'étagement : rapport de la somme des hauteurs des seuils sur la hauteur totale du dénivelé naturel (en %). Il est actuellement préconisé en rivière à faible pente.
Taux de fractionnement : rapport de la somme des hauteurs des seuils sur le linéaire total (en m/km). Il est plutôt préconisé pour les têtes de bassin.
Taux de linéaire contrôlé : rapport de la somme des longueurs de remous hydraulique sur le linéaire total (en %).
Densité d'ouvrage : rapport du nombre d'ouvrages sur le linéaire total (en ouvrage/km).
S'y ajoutent les taux de fragmentation des migrateurs, plus complexes, calculant les franchissabilités des obstacles de l'embouchure vers l'amont (espèces amphihalines) ou la dimension relative des espaces de circulation (libre-accès aux habitats) cloisonnés par des ouvrages au sein d'un tronçon.
Taux d'étagement et de fractionnement : pas de base fiable sur leur valeur explicative
Certains SDAGE en cours de formalisation (Seine-Normandie, Loire-Bretagne) préconisent d'utiliser les taux de fractionnement ou d'étagement comme des outils d'objectif et de décision pour les gestionnaires. Cette orientation n'est pas acceptable, et nous appelons d'ores et déjà les associations / syndicats concernés à opposer un refus de principe à l'adoption de ces taux comme indicateurs d'objectif, aussi bien dans les SDAGE que dans les SAGE ou autres contrats de gestion de rivière.
A notre connaissance, le seul travail ayant tenté de quantifier l'effet du taux d'étagement sur la qualité écologique de la rivière est un mémoire de master (Chaplais 2010), ayant suivi la proposition d'usage de cet indice (Steinbach 2009, voir Huger et Schwabb 2011). Ce travail est intéressant en soi, mais il montre d'évidentes limitations : faible échantillonnage (2 bassins et 2 hydro-écorégions), faible pouvoir explicatif (analyse bivariée ne prenant pas en compte toutes les variables d'impact sur la qualité de l'eau, formant autant de facteurs confondants quand on cherche une causalité), 70 à 80% de la variance piscicole non expliquée par l'analyse, limitation à l'IPR et à certaines de ses sous-composantes, etc. (voir ici notamment).
Absence de lien déterministe entre l'état écologique et les seuils
Des travaux récents parus dans la littérature scientifique "revue par les pairs" et ayant utilisé la densité d'ouvrages ont montré que seule une faible variance de l'IPR s'explique par cet indicateur (Van Looy et al 2014 ; Villeneuve et al 2015), la biodiversité totale des rivières n'étant généralement pas impactée (Shannon, richesse spécifique). A tout le moins, on attend du gestionnaire de rivière qu'il choisisse des indicateurs ayant fait déjà l'objet d'une analyse scientifique assez avancée, en particulier quand ils sont appelés à avoir des impacts considérables sur la vie des riverains.
Les taux d'étagement et de fractionnement, comme les autres indicateurs de morphologie cités en début de cet article, doivent faire l'objet d'analyse scientifique approfondie. Ils peuvent être des outils intéressants, mais il faut préalablement travailler sur leur capacité descriptive et prédictive. Le mémoire de S. Chaplais précité indiquait l'imminence d'une étude à grande échelle dirigée par D. Salgues : à notre connaissance, ses résultats ne sont pas publiés. Commençons donc par là.
Même sur la seule base des travaux connus sur le taux d'étagement, il est avéré qu'il existe des rivières en bon état écologique avec des étagements compris entre 80 et 100%, des rivières en mauvais état écologique avec des étagements compris 0 et 20%. L'idée de fixer un objectif a priori au niveau d'un bassin versant ou d'une rivière n'a donc aucun sens : il faut d'abord définir l'état écologique, chimique et morphologique de chaque masse d'eau, ensuite analyser les causes de dégradation dans l'hypothèse d'un état moyen à mauvais, enfin seulement agir sur les causes identifiées.
Les mesures DCE (inexistantes ou incomplètes sur nombre de masses d'eau) plus importantes que les "gadgets" des effaceurs
Le taux d'étagement et le taux de fractionnement peuvent être utilisés comme des indicateurs descriptifs de la rivière parmi d'autres, en aucun cas ils ne sauraient être porteurs par eux-mêmes d'un objectif de score induisant des obligations d'aménagement (ou même des choix de priorisation sans analyse complète des pressions du bassin versant).
Il serait urgent que les gestionnaires de l'eau passent moins de temps à formaliser des "gadgets" visant in fine à justifier leur doctrine a priori de suppression des seuils, et davantage d'efforts à satisfaire nos obligations européennes de connaissance des milieux, à savoir la mesure systématique et continue dans le temps de l'intégralité des indicateurs de qualité biologique, physico-chimique, morphologique et chimique des masses d'eau. Ce qui est très loin d'être acquis, en particulier sur des bassins comme Loire-Bretagne et Seine-Normandie ayant la prétention d'aménager de manière autoritaire les seuils sans même prendre la précaution élémentaire de mesurer et modéliser l'état de leurs rivières.
Note juridique : au plan du droit, il paraît douteux que ces taux d'étagement ou de fractionnement soient en mesure de fonder des mesures de police administrative. On ne peut contraindre à des aménagements qu'en référence à des lois ou des règlements, pas en sortant du chapeau un critère défini dans un bureau. Si une association est confrontée à une tentative pour imposer ces taux comme outil de gestion impliquant des obligations sur un bassin versant, il conviendra de saisir le Préfet (le cas échéant le tribunal administratif) afin de clarifier leur statut.
17/09/2015
Adepte de l'écologie explosive, Rivières sauvages efface les seuils, mais pas ses contradictions
Le projet Rivières sauvages se donne pour ambition de "sauver les dernières rivières sauvages en France et en Europe", tout en reconnaissant par ailleurs sur son site : "à proprement parler, il n’y a plus de rivières totalement sauvages, ni en France, ni en Europe". On n'est pas à une petite entorse près avec la rigueur quand il s'agit de promouvoir les idées à la mode (avec un généreux soutien public comme il se doit).
Le principal outil est un label "site rivières sauvages" qu'il s'agit de vendre à des partenaires publics ou privés.
Dans le cadre de notre revue de presse sur Twitter, nous observions que Rivières sauvages se félicite de la destruction d'un seuil de 1 m sur la rivière Valserine (destruction à la dynamite nous apprend Le Dauphiné), opération dont il a assuré "l'animation" (car il faut certainement "animer" les chantiers de BTP afin de les verdir en "sauvetage" de rivières). Image ci-contre de la pose des explosifs par Le Progrès.
L'argument pour cette destruction est que "la franchissabilité piscicole était difficile pour les truites. Seuls certains adultes pouvaient rejoindre le secteur amont." Comme les comportements migratoires de la fario concernent la truite adulte dans sa période de reproduction, on est quelque peu dubitatif sur la gravité de l'impact de ce modeste ouvrage, surtout au regard de son profil aval. D'autant que le même texte précise : "Les poissons sont abondants sur ce secteur comme ont pu le prouver les résultats de la pêche électrique de sauvetage".
Faire de la Valserine une "rivière sauvage", c'est un peu douteux. Les passionnés de l'hydro-électricité se souviennent que le site de Bellegarde-sur-Valserine est considéré comme l'une des premières usines hydro-électriques de France (février 1884, ouverture de la centrale par Louis et Pierre Dumont, qui étaient des industriels suisses). Le ROE de l'Onema note d'ailleurs trois obstacles non loin de la confluence avec la Rhône, de sorte que le peuplement de la rivière est anthropisé du fait de sa déconnexion ancienne d'avec le fleuve. Ce qui n'empêche pas la haute vallée de la rivière de présenter une très bonne qualité (et de magnifiques paysages). Mais peu importe, même quand les bio-indicateurs d'une rivière sont bons, les dynamiteurs estiment qu'il faut intervenir malgré tout. C'est leur côté "sauvages", sans doute, cette manie de casser...
Les contradictions ne s'arrêtent pas là, en voici une dernière. Un lecteur attentif (merci dB) a noté sur le site de Rivières sauvages le logo "site électriquement vert". En cliquant, on s'aperçoit que l'électricité du site provient de… "l'énergie de l'eau" ! (cf. ci-dessus). C'est pour le moins curieux d'utiliser une source d'énergie renouvelable dont on déplore le supposé impact et dont on promeut la destruction.
Donc résumons, grâce à Rivières sauvages et à son label : on défend des rivières sauvages bien qu'il n'existe plus de rivières sauvages ; on détruit des seuils bien que les poissons soient abondants et la rivière de qualité ; on utilise l'énergie de l'eau en condamnant les usages anthropiques de l'eau.
Le principal outil est un label "site rivières sauvages" qu'il s'agit de vendre à des partenaires publics ou privés.
Dans le cadre de notre revue de presse sur Twitter, nous observions que Rivières sauvages se félicite de la destruction d'un seuil de 1 m sur la rivière Valserine (destruction à la dynamite nous apprend Le Dauphiné), opération dont il a assuré "l'animation" (car il faut certainement "animer" les chantiers de BTP afin de les verdir en "sauvetage" de rivières). Image ci-contre de la pose des explosifs par Le Progrès.
L'argument pour cette destruction est que "la franchissabilité piscicole était difficile pour les truites. Seuls certains adultes pouvaient rejoindre le secteur amont." Comme les comportements migratoires de la fario concernent la truite adulte dans sa période de reproduction, on est quelque peu dubitatif sur la gravité de l'impact de ce modeste ouvrage, surtout au regard de son profil aval. D'autant que le même texte précise : "Les poissons sont abondants sur ce secteur comme ont pu le prouver les résultats de la pêche électrique de sauvetage".
Faire de la Valserine une "rivière sauvage", c'est un peu douteux. Les passionnés de l'hydro-électricité se souviennent que le site de Bellegarde-sur-Valserine est considéré comme l'une des premières usines hydro-électriques de France (février 1884, ouverture de la centrale par Louis et Pierre Dumont, qui étaient des industriels suisses). Le ROE de l'Onema note d'ailleurs trois obstacles non loin de la confluence avec la Rhône, de sorte que le peuplement de la rivière est anthropisé du fait de sa déconnexion ancienne d'avec le fleuve. Ce qui n'empêche pas la haute vallée de la rivière de présenter une très bonne qualité (et de magnifiques paysages). Mais peu importe, même quand les bio-indicateurs d'une rivière sont bons, les dynamiteurs estiment qu'il faut intervenir malgré tout. C'est leur côté "sauvages", sans doute, cette manie de casser...
Les contradictions ne s'arrêtent pas là, en voici une dernière. Un lecteur attentif (merci dB) a noté sur le site de Rivières sauvages le logo "site électriquement vert". En cliquant, on s'aperçoit que l'électricité du site provient de… "l'énergie de l'eau" ! (cf. ci-dessus). C'est pour le moins curieux d'utiliser une source d'énergie renouvelable dont on déplore le supposé impact et dont on promeut la destruction.
Donc résumons, grâce à Rivières sauvages et à son label : on défend des rivières sauvages bien qu'il n'existe plus de rivières sauvages ; on détruit des seuils bien que les poissons soient abondants et la rivière de qualité ; on utilise l'énergie de l'eau en condamnant les usages anthropiques de l'eau.
16/09/2015
1,8 milliard d'euros de passes à poissons: exorbitant pour les propriétaires, pas pour les Agences de l'eau
Quel serait le coût d'aménagement de passes à poissons sur les seuils et barrages en rivières classées au titre de la continuité écologique (rivières en liste 2 de l'art 214-17 C env.)? Pour répondre à cette question, on ne peut faire qu'un calcul d'ordre de grandeur : les données précises ne sont en effet pas disponibles, que ce soit le nombre d'ouvrages, leur hauteur ou les coûts de chantier. L'indisponibilité de ces informations indique d'ailleurs le caractère opaque, précipité et désordonné du classement des rivières, décidé en 2012-2013 alors même qu'il n'existe pas encore de retour d'expérience sur les 1300 ouvrages prioritaires dits "Grenelle" du Plan d'action de 2009.
Estimation du coût d'aménagement : 1,8 milliard d'euros
Pour le nombre d'ouvrages en rivières classées L2 (celles qui ont une obligation d'aménagement), les chiffres de 10.000 à 20.000 circulent depuis un séminaire administratif dédié à cette question voici quelques mois. Nous prendrons le chiffre de 20.000, pour une estimation large.
Pour la hauteur moyenne, nous disposons d'une version documentée du ROE de l'Onema où les hauteurs sont indiquées pour 14.634 seuils et barrages. On peut raisonnablement considérer que cet échantillon (env. 20% des obstacles référencés) reflète la diversité des obstacles en rivière classée. La hauteur moyenne est de 1,8 m.
Pour les coûts d'aménagement, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerrannée-Corse tient un observatoire. La fiabilité des données est considérée comme "moyenne", néanmoins c'est la seule base dont on dispose. Le mètre de hauteur de chute à aménager en passe à poissons a un coût moyen de 50 k€.
Nous avons donc les trois ingrédients pour estimer un ordre de grandeur : l'aménagement de 20.000 ouvrages d'une hauteur moyenne de 1,8 m et à raison de 50 k€ le mètre représenterait un coût global de 1,8 milliard €.
Un coût exorbitant pour 20.000 foyers, mais accessible pour le financement public
Ce montant montre combien le classement des rivières engendre des coûts d'équipement exorbitants et inaccessibles à la plupart des 20.000 foyers concernés par la propriété d'un ouvrage hydraulique, dont la très grande majorité (plus de 80%) n'en tire aujourd'hui aucun revenu industriel ou commercial. Faire peser sur les épaules d'un très petit nombre de citoyens une charge d'intérêt général de cette ampleur, et dans un délai de 5 ans, c'est évidemment impensable.
En revanche, la somme de 1,8 milliard d'euros pour l'aménagement de la totalité des ouvrages classés au titre de la continuité écologique s'intègre plus raisonnablement dans les dépenses publiques de l'eau. Les Agences de l'eau financent actuellement à 80% les opérations de destruction de seuils et barrages. Si ce barème est appliqué à la construction de passe à poissons, le coût pour les Agences s'élève à 1,44 milliard d'euros. Cela représente un peu plus de 10% du budget du 10e programme 2013-2018 de ces Agences.
Si, comme l'affirment certaines de ces Agences, la restauration de continuité écologique est une cause de première importance pour la rivière, il n'y aurait rien d'absurde à y consacrer 10% de leur budget. Ce serait toujours bien moins que les sommes dépensées chaque année (et sans effet optimal tant s'en faut) pour diminue l'impact de l'agriculture intensive.
Le coût des destructions risque d'exploser en raison des dommages matériels et moraux induits
L'aménagement de dispositifs de franchissement (passes à poissons évoquées ici, mais aussi rivière de contournement, rampes enrochées, simples vannages sur les petits ouvrages, etc.) n'est pas l'option favorite des Agences de l'eau, des services de l'Etat et des syndicats de rivière. Pourtant, elle a de bonnes chances de s'imposer dans les années à venir.
En effet, la mise en oeuvre de la continuité écologique a commencé par les ouvrages "faciles" : ceux qui étaient ruinés, ceux qui étaient propriétés de collectivités (communes, conseils départementaux), de syndicats de rivière ou de fédérations de pêche. Dans ces cas-là, l'effacement s'impose plus facilement, et il se réalise avec moins de contraintes (voire moins de vigilance sur les conditions optimales d'un effacement).
Mais nous arrivons aux cas nettement moins simples : des propriétés privées de particuliers qui n'ont aucune envie se voir imposer le ballet destructeur des pelleteuses en rivière. Sans compter la vigilance nettement accrue des associations de propriétaires ou de riverains, ainsi que des élus locaux.
Si l'Etat et les Agences de l'eau veulent passer en force (mise en demeure de destruction d'ouvrage), ils se verront opposer de manière probablement contentieuse des demandes d'indemnités conséquentes sur chaque seuil. La destruction implique en effet la perte du droit d'eau et du potentiel de revenus énergétiques, la dégradation de valeur paysagère et foncière du bien (assec du bief, disparition du miroir d'eau), diverses prises de risque (changements d'écoulement, mise en danger des fondations du bâti). Transformer un moulin en simple maison de zone inondable impliquera selon les cas des dizaines à des centaines de milliers d'euros de moins-value pour le propriétaire. A ce dommage matériel s'ajoutent les dommages moraux (dégradation esthétique, préjudice d'agrément, choc psychologique lié à la défiguration de lieux souvent chargés d'histoire familiale et personnelle) que ne manqueront pas de faire valoir les experts mobilisés par les propriétaires et leurs associations.
En conclusion
Par un simple calcul d'ordre de grandeur, on montre que le financement des dispositifs écologiques de franchissement en rivière représente des dépenses non exceptionnelles pour les financeurs publics, en particulier les Agences de l'eau. Choisir des modes doux d'aménagement plutôt que des solutions radicales et destructives n'est donc pas en soi une impossibilité économique, au regard des milliards d'euros d'argent public collectés et dépensés chaque années par les Agences de bassin. Ce choix a de nombreux avantages : amélioration de franchissement piscicole et du transit sédimentaire bien sûr, mais aussi meilleur consensus social, préservation du patrimoine historique, du potentiel énergétique, des usages socio-économiques et récréatifs associés aux seuils et barrages.
Même si les coûts des passes à poissons représentent une proportion raisonnable du budget des Agences de l'eau, ils induisent une dépense conséquente à l'heure où les besoins pour la qualité de l'eau sont immenses. La mobilisation de ces fonds ne se fera pas dans le court délai imposé par la règlementation (2017-2018) Il paraît donc en tout état de cause plus raisonnable de remettre à plat la question du classement des cours d'eau et d'entamer une concertation qui n'a jamais réellement eu lieu, dans le cadre d'un moratoire sur la continuité écologique.
Illustrations : en haut, modèle de passes dites "naturelles" ou "rustiques" (source Larinier et al 2006, DR); en bas, destruction du barrage de Châlette-sur-Loing, 144 k€, 95% de financement public (source France3, DR).
Estimation du coût d'aménagement : 1,8 milliard d'euros
Pour le nombre d'ouvrages en rivières classées L2 (celles qui ont une obligation d'aménagement), les chiffres de 10.000 à 20.000 circulent depuis un séminaire administratif dédié à cette question voici quelques mois. Nous prendrons le chiffre de 20.000, pour une estimation large.
Pour la hauteur moyenne, nous disposons d'une version documentée du ROE de l'Onema où les hauteurs sont indiquées pour 14.634 seuils et barrages. On peut raisonnablement considérer que cet échantillon (env. 20% des obstacles référencés) reflète la diversité des obstacles en rivière classée. La hauteur moyenne est de 1,8 m.
Pour les coûts d'aménagement, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerrannée-Corse tient un observatoire. La fiabilité des données est considérée comme "moyenne", néanmoins c'est la seule base dont on dispose. Le mètre de hauteur de chute à aménager en passe à poissons a un coût moyen de 50 k€.
Nous avons donc les trois ingrédients pour estimer un ordre de grandeur : l'aménagement de 20.000 ouvrages d'une hauteur moyenne de 1,8 m et à raison de 50 k€ le mètre représenterait un coût global de 1,8 milliard €.
Un coût exorbitant pour 20.000 foyers, mais accessible pour le financement public
Ce montant montre combien le classement des rivières engendre des coûts d'équipement exorbitants et inaccessibles à la plupart des 20.000 foyers concernés par la propriété d'un ouvrage hydraulique, dont la très grande majorité (plus de 80%) n'en tire aujourd'hui aucun revenu industriel ou commercial. Faire peser sur les épaules d'un très petit nombre de citoyens une charge d'intérêt général de cette ampleur, et dans un délai de 5 ans, c'est évidemment impensable.
En revanche, la somme de 1,8 milliard d'euros pour l'aménagement de la totalité des ouvrages classés au titre de la continuité écologique s'intègre plus raisonnablement dans les dépenses publiques de l'eau. Les Agences de l'eau financent actuellement à 80% les opérations de destruction de seuils et barrages. Si ce barème est appliqué à la construction de passe à poissons, le coût pour les Agences s'élève à 1,44 milliard d'euros. Cela représente un peu plus de 10% du budget du 10e programme 2013-2018 de ces Agences.
Si, comme l'affirment certaines de ces Agences, la restauration de continuité écologique est une cause de première importance pour la rivière, il n'y aurait rien d'absurde à y consacrer 10% de leur budget. Ce serait toujours bien moins que les sommes dépensées chaque année (et sans effet optimal tant s'en faut) pour diminue l'impact de l'agriculture intensive.
Le coût des destructions risque d'exploser en raison des dommages matériels et moraux induits
L'aménagement de dispositifs de franchissement (passes à poissons évoquées ici, mais aussi rivière de contournement, rampes enrochées, simples vannages sur les petits ouvrages, etc.) n'est pas l'option favorite des Agences de l'eau, des services de l'Etat et des syndicats de rivière. Pourtant, elle a de bonnes chances de s'imposer dans les années à venir.
En effet, la mise en oeuvre de la continuité écologique a commencé par les ouvrages "faciles" : ceux qui étaient ruinés, ceux qui étaient propriétés de collectivités (communes, conseils départementaux), de syndicats de rivière ou de fédérations de pêche. Dans ces cas-là, l'effacement s'impose plus facilement, et il se réalise avec moins de contraintes (voire moins de vigilance sur les conditions optimales d'un effacement).
Mais nous arrivons aux cas nettement moins simples : des propriétés privées de particuliers qui n'ont aucune envie se voir imposer le ballet destructeur des pelleteuses en rivière. Sans compter la vigilance nettement accrue des associations de propriétaires ou de riverains, ainsi que des élus locaux.
Si l'Etat et les Agences de l'eau veulent passer en force (mise en demeure de destruction d'ouvrage), ils se verront opposer de manière probablement contentieuse des demandes d'indemnités conséquentes sur chaque seuil. La destruction implique en effet la perte du droit d'eau et du potentiel de revenus énergétiques, la dégradation de valeur paysagère et foncière du bien (assec du bief, disparition du miroir d'eau), diverses prises de risque (changements d'écoulement, mise en danger des fondations du bâti). Transformer un moulin en simple maison de zone inondable impliquera selon les cas des dizaines à des centaines de milliers d'euros de moins-value pour le propriétaire. A ce dommage matériel s'ajoutent les dommages moraux (dégradation esthétique, préjudice d'agrément, choc psychologique lié à la défiguration de lieux souvent chargés d'histoire familiale et personnelle) que ne manqueront pas de faire valoir les experts mobilisés par les propriétaires et leurs associations.
En conclusion
Par un simple calcul d'ordre de grandeur, on montre que le financement des dispositifs écologiques de franchissement en rivière représente des dépenses non exceptionnelles pour les financeurs publics, en particulier les Agences de l'eau. Choisir des modes doux d'aménagement plutôt que des solutions radicales et destructives n'est donc pas en soi une impossibilité économique, au regard des milliards d'euros d'argent public collectés et dépensés chaque années par les Agences de bassin. Ce choix a de nombreux avantages : amélioration de franchissement piscicole et du transit sédimentaire bien sûr, mais aussi meilleur consensus social, préservation du patrimoine historique, du potentiel énergétique, des usages socio-économiques et récréatifs associés aux seuils et barrages.
Même si les coûts des passes à poissons représentent une proportion raisonnable du budget des Agences de l'eau, ils induisent une dépense conséquente à l'heure où les besoins pour la qualité de l'eau sont immenses. La mobilisation de ces fonds ne se fera pas dans le court délai imposé par la règlementation (2017-2018) Il paraît donc en tout état de cause plus raisonnable de remettre à plat la question du classement des cours d'eau et d'entamer une concertation qui n'a jamais réellement eu lieu, dans le cadre d'un moratoire sur la continuité écologique.
Illustrations : en haut, modèle de passes dites "naturelles" ou "rustiques" (source Larinier et al 2006, DR); en bas, destruction du barrage de Châlette-sur-Loing, 144 k€, 95% de financement public (source France3, DR).
14/09/2015
Sur l'aménagement des moulins dans les rivières en bon état écologique
Discours entendu, et plusieurs fois rapporté par d'autres associations en France, quand on fait observer que les moulins ne dégradent pas l'eau : "les indices de qualité écologique de la rivière sont peut-être bons, mais cela ne concerne pas les poissons migrateurs ; or, c'est en raison des migrateurs qu'il faut supprimer ou aménager votre ouvrage hydraulique".
Un mauvais argument
D'abord, cet argument est une réponse gênée à un constat massif : presque toutes les rivières classées en liste 1 pour leur qualité biologique ont des seuils de moulins ou des barrages sur leurs cours ; et beaucoup d'autres en liste 2 ont un score de qualité piscicole (Indice Poissons Rivières de la directive-cadre européenne) "bon" voire "excellent" en dépit des ouvrages hydrauliques. Cela contredit évidemment le dogme des autorités et gestionnaires de rivières, selon lequel la présence d'obstacles à l'écoulement implique nécessairement une dégradation grave des milieux aquatiques. C'est tout simplement faux.
Ensuite, il est inexact de dire que les scores de qualité piscicole comme l'IPR ne tiennent pas compte des migrateurs. Certes, l'IPR n'a pas été conçu à cette fin (c'est un bio-indicateur de qualité générale créé pour la mise en oeuvre de la directive cadre européenne), mais dans les poissons que cet Indice comptabilise, on relève bel et bien certains migrateurs amphibiotiques (anguille, saumon) ou des assimilés migrateurs holobiotiques (truite). Voir la fiche technique Onema à ce sujet (pdf).
Enfin, le classement des rivières devait initialement ne concerner que les migrateurs amphibiotiques (vivant en eau douce et salée dans leur cycle de vie), mais l'administration a ajouté toutes sortes d'espèces à la motivation de ce classement, y compris des espèces non migratrices (lamproie de Planer, cyprinidés rhéophiles, etc.). Ces espèces sont bel et bien comptabilisées dans l'Indice Poissons Rivières.
On peut donc considérer que dans la plupart des rivières, un score IPR de bonne qualité rend très douteuse la nécessité d'aménagements de franchissement piscicole. Et a fortiori inacceptable le choix extrémiste de la destruction des ouvrages.
Ne pas se laisser faire
Si vous êtes propriétaire d'ouvrage dans une situation de ce type et en rivière classée Liste 2, il ne faut pas se laisser écraser par le poids des "sachants" qui manipulent à dessein des jargons compliqués afin d'éviter toute remise en cause de leurs exigences exorbitantes.
Vous devez demander à l'administration (DDT-M) et subsidiairement au syndicat de rivière (souvent maître d'ouvrage des études), par courrier recommandé, les éléments suivants :
- données complètes de l'état piscicole de la rivière
- justification de la présence historique des espèces cibles du classement de la rivière
- proposition d'aménagements et motivation de leur proportionnalité à l'enjeu / à l'impact de l'ouvrage
L'administration ne sera pas en position de vous adresser une mise en demeure d'équipement au terme légal du délai prévu par le classement si elle n'a pas correctement rempli son rôle. Outre des demandes spécifiques,il est aussi conseillé d'envoyer le questionnaire global de motivation, téléchargeable à cette adresse (pdf).
Si l'on refuse de vous répondre ou si l'on vous fait une réponse dilatoire, alors l'administration se met en défaut au regard du texte de loi (en rivière classée L2, la partie législative du Code de l'environnement dit expressément : "Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant"). L'autorité doit donc poser des règles d'équipement, gestion et entretien, avant cela poser leur nécessité biologique, leur proportionnalité et leur caractère raisonnable (le fait que ces règles ne sont pas une "charge spéciale et exorbitante", ce que le législateur a aussi prévu). Cela dans le cadre d'une procédure contradictoire, et pour chaque seuil (pas des études de rivière indiscriminées).
Enfin, ce point est également à faire-valoir si un bureau d'études a été mandaté pour analyser la rivière et votre ouvrage en particulier : ce BE doit faire une analyse complète et vous ne devez pas laisser passer une rédaction qui vous paraît inappropriée, imprécise ou inexacte. Si vous avez un doute, vous pouvez envoyer le pdf (complet) de l'étude à notre association (délai non garanti, mais nous lisons et analysons toujours avec plaisir ce type d'étude).
Illustration: seuil sur le Trinquelin. La notion uniforme d'obstacle à l'écoulement ne rend aucune justice à la diversité des ouvrages en rivières, dont beaucoup sont plusieurs fois centenaires et n'ont qu'un impact extrêmement faible sur la faune et les sédiments.
Un mauvais argument
D'abord, cet argument est une réponse gênée à un constat massif : presque toutes les rivières classées en liste 1 pour leur qualité biologique ont des seuils de moulins ou des barrages sur leurs cours ; et beaucoup d'autres en liste 2 ont un score de qualité piscicole (Indice Poissons Rivières de la directive-cadre européenne) "bon" voire "excellent" en dépit des ouvrages hydrauliques. Cela contredit évidemment le dogme des autorités et gestionnaires de rivières, selon lequel la présence d'obstacles à l'écoulement implique nécessairement une dégradation grave des milieux aquatiques. C'est tout simplement faux.
Ensuite, il est inexact de dire que les scores de qualité piscicole comme l'IPR ne tiennent pas compte des migrateurs. Certes, l'IPR n'a pas été conçu à cette fin (c'est un bio-indicateur de qualité générale créé pour la mise en oeuvre de la directive cadre européenne), mais dans les poissons que cet Indice comptabilise, on relève bel et bien certains migrateurs amphibiotiques (anguille, saumon) ou des assimilés migrateurs holobiotiques (truite). Voir la fiche technique Onema à ce sujet (pdf).
Enfin, le classement des rivières devait initialement ne concerner que les migrateurs amphibiotiques (vivant en eau douce et salée dans leur cycle de vie), mais l'administration a ajouté toutes sortes d'espèces à la motivation de ce classement, y compris des espèces non migratrices (lamproie de Planer, cyprinidés rhéophiles, etc.). Ces espèces sont bel et bien comptabilisées dans l'Indice Poissons Rivières.
On peut donc considérer que dans la plupart des rivières, un score IPR de bonne qualité rend très douteuse la nécessité d'aménagements de franchissement piscicole. Et a fortiori inacceptable le choix extrémiste de la destruction des ouvrages.
Ne pas se laisser faire
Si vous êtes propriétaire d'ouvrage dans une situation de ce type et en rivière classée Liste 2, il ne faut pas se laisser écraser par le poids des "sachants" qui manipulent à dessein des jargons compliqués afin d'éviter toute remise en cause de leurs exigences exorbitantes.
Vous devez demander à l'administration (DDT-M) et subsidiairement au syndicat de rivière (souvent maître d'ouvrage des études), par courrier recommandé, les éléments suivants :
- données complètes de l'état piscicole de la rivière
- justification de la présence historique des espèces cibles du classement de la rivière
- proposition d'aménagements et motivation de leur proportionnalité à l'enjeu / à l'impact de l'ouvrage
L'administration ne sera pas en position de vous adresser une mise en demeure d'équipement au terme légal du délai prévu par le classement si elle n'a pas correctement rempli son rôle. Outre des demandes spécifiques,il est aussi conseillé d'envoyer le questionnaire global de motivation, téléchargeable à cette adresse (pdf).
Si l'on refuse de vous répondre ou si l'on vous fait une réponse dilatoire, alors l'administration se met en défaut au regard du texte de loi (en rivière classée L2, la partie législative du Code de l'environnement dit expressément : "Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant"). L'autorité doit donc poser des règles d'équipement, gestion et entretien, avant cela poser leur nécessité biologique, leur proportionnalité et leur caractère raisonnable (le fait que ces règles ne sont pas une "charge spéciale et exorbitante", ce que le législateur a aussi prévu). Cela dans le cadre d'une procédure contradictoire, et pour chaque seuil (pas des études de rivière indiscriminées).
Enfin, ce point est également à faire-valoir si un bureau d'études a été mandaté pour analyser la rivière et votre ouvrage en particulier : ce BE doit faire une analyse complète et vous ne devez pas laisser passer une rédaction qui vous paraît inappropriée, imprécise ou inexacte. Si vous avez un doute, vous pouvez envoyer le pdf (complet) de l'étude à notre association (délai non garanti, mais nous lisons et analysons toujours avec plaisir ce type d'étude).
Illustration: seuil sur le Trinquelin. La notion uniforme d'obstacle à l'écoulement ne rend aucune justice à la diversité des ouvrages en rivières, dont beaucoup sont plusieurs fois centenaires et n'ont qu'un impact extrêmement faible sur la faune et les sédiments.
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