Mise à jour février 2016 : depuis la rédaction de cet article, la loi a évolué sur 3 points importants
- délai de 5 ans pour faire des travaux de continuité en rivière L2
- protection du patrimoine hydraulique sur les sites classées et leurs abords
- exemption de continuité écologique en rivière L2 pour les moulins producteurs.
Ces 3 articles sont à lire en complément de celui-ci pour éviter tout abus de pouvoir et défendre efficacement les propriétaires face au chantage à l'effacement.
Mode d'emploi : en cas de chantier d'effacement, vous pouvez saisir l'administration (DDT-M) par courrier recommandé, en copie au maître d'ouvrage (généralement un syndicat de rivière ou une collectivité), afin d'exiger le respect des points énumérés dans cet article (sous la forme d'une étude d'impact apportant l'ensemble des garanties demandées).
Régime d'autorisation : tous les travaux en rivière sont soumis à déclaration ou autorisation, selon l'article R-214-1 du Code de l'environnement. Un effacement modifie en général le profil en long et en travers de la rivière sur plus de 100 m. En cela, il relève de la catégorie 3.1.2.0. "Installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3.1.4.0, ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau : 1° Sur une longueur de cours d'eau supérieure ou égale à 100 m (A)". Le régime d'autorisation implique pour le maître d'ouvrage une étude d'impact (termes précisés dans l'article R-214-6 Code de l'environnement) puis pour le préfet une enquête publique (article R-214-8 Code de l'environnement). C'est dans ce cadre que vous intervenez, afin que l'étude d'impact ne soit pas bâclée et que l'enquête publique respecte pleinement la procédure contradictoire.
Un effacement d’ouvrage doit garantir la non-détérioration écologique ou chimique d’une masse d’eau au sens de la DCE 2000
Obligation : un Etat-membre ne peut autoriser une opération en rivière si elle est susceptible de détériorer l’état chimique et écologique tel que défini par le DCE 2000.
Cour de Justice de l’Union européenne, C461/13, arrêt 01/07/2015
« l’article 4, paragraphe 1, sous a), i) à iii), de la directive 2000/60 doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus, sous réserve de l’octroi d’une dérogation, de refuser l’autorisation d’un projet particulier lorsqu’il est susceptible de provoquer une détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface ou lorsqu’il compromet l’obtention d’un bon état des eaux de surface ou d’un bon potentiel écologique et d’un bon état chimique de telles eaux »
Un effacement d'ouvrage doit justifier son fondement juridique car la loi demande l'équipement
Obligation : la loi sur l'eau 2006 et l'article L-214-17 C env imposent l'obligation en rivière classée liste 2 de la continuité écologique que l'ouvrage soit "géré, entretenu et équipé". Il en va de même pour la loi dite de Grenelle 2009 qui demande un "aménagement". L'effacement est donc une mesure qu'il faut d'abord justifier par rapport à l'impossibilité d'un aménagement ou d'un équipement.
Article L 214-17 Code de l'environnement
I.-Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : (…)
2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant.
LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (1)
Article 29
La trame bleue permettra de préserver et de remettre en bon état les continuités écologiques des milieux nécessaires à la réalisation de l'objectif d'atteindre ou de conserver, d'ici à 2015, le bon état écologique ou le bon potentiel pour les masses d'eau superficielles ; en particulier, l'aménagement des obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons sera mis à l'étude. Cette étude, basée sur des données scientifiques, sera menée en concertation avec les acteurs concernés.
Un effacement d’ouvrage doit procéder à une étude d’impact
Obligation : le changement substantiel du biotope local, des phénomènes d’érosion régressive / progressive, des processus d'épuration azote/phosphore et des écoulements sur les propriétés riveraines justifie une analyse approfondie. Il n'est pas acceptable de se contenter d'un simple avant-projet sommaire sans estimation complète des incidences sur les personnes, sur les biens et sur les milieux.
Article L122-1 Code de l’environnement
I. ― Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact.
Un effacement d’ouvrage doit être accompagné d’une abrogation du droit d’eau au terme d’une information complète de l’ayant-droit
Obligation : tout ouvrage légalement autorisé possède un droit d’eau dont l’abrogation doit être prononcée avant son effacement, après une information complète et transparente du propriétaire. L'arrêté préfectoral doit être publié avant le chantier.
Article L214-6 Code de l’environnement
II.-Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.
Un effacement d’ouvrage doit garantir la préservation du droit des tiers
Obligation : toute modification de l’écoulement doit préserver le droit des tiers, ce qui implique notamment une analyse de stabilité des berges et du bâti, une analyse de l’évolution du risque inondation, une analyse de l’enjeu paysager sur toute la zone d’influence de l’ouvrage effacé, une analyse des changements de consistance légale des ouvrages amont et aval.
Article L215-7 Code de l’environnement
L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux.
Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés.
Un effacement d’ouvrage doit garantir qu’il ne détruit pas le milieu particulier d’une espèce protégée
Obligation : les travaux en rivière doivent vérifier qu’ils ne risquent pas de détruire le milieu auquel est inféodé une espèce d’intérêt (faune ou flore)
Article L411-1 Code de l’environnement
I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits :
1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ;
2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ;
3° La destruction, l'altération ou la dégradation du milieu particulier à ces espèces animales ou végétales ;
4° La destruction des sites contenant des fossiles permettant d'étudier l'histoire du monde vivant ainsi que les premières activités humaines et la destruction ou l'enlèvement des fossiles présents sur ces sites.
Un effacement d’ouvrage ne doit pas induire ou faciliter l’introduction d’une espèce indésirable ou d'une épizootie dans un milieu qui en est indemne
Obligation : les travaux en rivière doivent vérifier qu’ils ne conduisent pas à l’introduction d’une espèce invasive dans un milieu qui en est indemne. C'est particulièrement important pour un effacement qui facilite la colonisation immédiate de nouveaux milieux par des espèces non désirables (différentes espèces d'écrevisses américaines, silure, pseudorasbora, perche soleil, etc.), parfois porteuses de pathogènes, et qui peuvent perturber un biotope non accessible à l'amont.
Article L411-3 Code de l’environnement
I. - Afin de ne porter préjudice ni aux milieux naturels ni aux usages qui leur sont associés ni à la faune et à la flore sauvages, est interdite l'introduction dans le milieu naturel, volontaire, par négligence ou par imprudence :
1° De tout spécimen d'une espèce animale à la fois non indigène au territoire d'introduction et non domestique, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, soit du ministre chargé de l'agriculture soit, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;
2° De tout spécimen d'une espèce végétale à la fois non indigène au territoire d'introduction et non cultivée, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, soit du ministre chargé de l'agriculture soit, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;
3° De tout spécimen de l'une des espèces animales ou végétales désignées par l'autorité administrative.
II. - Toutefois, l'introduction dans le milieu naturel de spécimens de telles espèces peut être autorisée par l'autorité administrative à des fins agricoles, piscicoles ou forestières ou pour des motifs d'intérêt général et après évaluation des conséquences de cette introduction.
III. - Dès que la présence dans le milieu naturel d'une des espèces visées au I est constatée, l'autorité administrative peut procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction des spécimens de l'espèce introduite. Les dispositions du II de l'article L. 411-5 s'appliquent à ce type d'intervention.
IV. - Lorsqu'une personne est condamnée pour infraction aux dispositions du présent article, le tribunal peut mettre à sa charge les frais exposés pour la capture, les prélèvements, la garde ou la destruction rendus nécessaires.
IV bis. - Lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages qui leur sont associés justifient d'éviter leur diffusion, sont interdits le transport, le colportage, l'utilisation, la mise en vente, la vente ou l'achat des espèces animales ou végétales dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre chargé de la protection de la nature et soit du ministre chargé de l'agriculture soit, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes.
V. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.
Article L228-3 Code rural et de la pêche
Le fait de faire naître ou de contribuer volontairement à répandre une épizootie chez les vertébrés domestiques ou sauvages, ou chez les insectes, les crustacés ou les mollusques d'élevage, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 75 000 €. La tentative est punie comme le délit consommé.
Le fait, par inobservation des règlements, de faire naître ou de contribuer à répandre involontairement une épizootie dans une espèce appartenant à l'un des groupes définis à l'alinéa précédent est puni d'une amende de 15 000 € et d'un emprisonnement de deux ans.
S'il s'agit de la fièvre aphteuse, la peine d'amende encourue en vertu du premier alinéa est de 150 000 € et celle encourue en vertu du deuxième alinéa est de 30 000 €.
Un effacement d’ouvrage doit procéder à une analyse chimique des sédiments risquant d’être re-mobilisés
Obligation : une opération risquant de perturber le milieu aquatique doit faire l’objet d’une analyse de qualité chimique des rejets et sédiments
Arrêté du 9 août 2006 relatif aux niveaux à prendre en compte lors d'une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d'eau ou canaux relevant respectivement des rubriques 2.2.3.0, 4.1.3.0 et 3.2.1.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement
« Lorsque, pour apprécier l'incidence de l'opération sur le milieu aquatique (ou pour apprécier l'incidence sur le milieu aquatique d'une action déterminée), une analyse est requise en application du décret nomenclature :
- la qualité des rejets dans les eaux de surface est appréciée au regard des seuils de la rubrique 2.2.3.0 de la nomenclature dont les niveaux de référence R 1 et R 2 sont précisés dans le tableau I ;
- la qualité des sédiments marins ou estuariens est appréciée au regard des seuils de la rubrique 4.1.3.0 de la nomenclature dont les niveaux de référence N 1 et N 2 sont précisés dans les tableaux II et III ;
- la qualité des sédiments extraits de cours d'eau ou canaux est appréciée au regard des seuils de la rubrique 3.2.1.0 de la nomenclature dont le niveau de référence S 1 est précisé dans le tableau IV. »
Un effacement d’ouvrage doit procéder à toute sauvegarde archéologique et étude préalable sur l’intérêt de cette sauvegarde
Obligation : une opération risquant de détruire un ouvrage d’intérêt historique, culturel et patrimonial doit faire l’objet d’une évaluation et si nécessaire d’une fouille préventive.
Loi 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Article 1er
L'archéologie préventive, qui relève de missions de service public, est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique. Elle a pour objet d'assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l'aménagement. Elle a également pour objet l'interprétation et la diffusion des résultats obtenus.
Article 2
L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique, désigne le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations.
Document technique d'appoint : l'Onema a publié un texte précisant une partie des angles exposés ci-dessus. Il est très utile d'en joindre copie aux autorités. Malavoi JR, Salgues D (2011), Arasement et dérasement de seuils. Aide à la définition de cahier des charges pour les études de faisabilité, Onema. Attention : ce texte s'intéresse surtout aux aspects biologiques et morphologiques. C'est en effet indispensable. Mais dans le domaine des milieux, il convient aussi insister sur l'aspect chimique (analyse des sédiments de la retenue du seuil ou barrage, gestion en décharge spéciale s'ils sont pollués, attribution claire de la responsabilité sur ces déchets). Outre la question de la protection des milieux lors d'un effacement, il faut y ajouter les dimensions culturelles et patrimoniales, ainsi que le respect du droit des tiers sur toutes les parcelles riveraines, comme indiqué ci-dessus. Le vrai cahier des charges d'une étude de faisabilité d'effacement est donc plus complexe que les indications de MM Malavoi et Salgues dans le guide en lien.
Outil complémentaire : en direction des bureaux d'études chargés d'un effacement (et des syndicats qui font généralement un appel d'offres pour ce BE), aide-mémoire permettant de vérifier qu'aucune dimension importante n'est négligée.
A lire également
Vade-mecum du propriétaire d'ouvrage hydraulique en rivière classée L2 (continuité écologique)