Rapportant sur son site grand public un colloque tenu en 2015 sur la grande alose, l'Onema suggère que la baisse d'un facteur 100 depuis 1990 du recrutement de cette espèce en Garonne et Dordogne pourrait être due aux barrages. Extraordinaire, car ces ouvrages n'ont nullement été construits voici 20 ans, mais plus d'un siècle pour la plupart. Et la baisse s'observe dès l'aval des ouvrages. En fait, on ne sait pas pourquoi le recrutement de l'alose a baissé aussi drastiquement en l'espace de deux décennies. Mais taper sur les barrages, c'est devenu de l'ordre du réflexe à l'Onema.
Le site de l'Onema observe dans cet article : "un autre constat bien plus négatif et sans appel est fait sur l’axe Gironde-Garonne-Dordogne. Une régression de la population est notable : au milieu des années 1990, 700.000 aloses remontaient la Garonne et la Dordogne, aujourd’hui, elles ne sont plus que 5 à 10000. Une des causes mise en avant est la difficulté à passer les ouvrages très présents sur les 2 axes (Mauzac, Tuilières, Bergerac, Golfech …), même lorsqu’ils comportent des passes à poissons."
Le barrage de Mauzac a été construit en 1839, rehaussé en 1921. Une passe à poissons y a été installé en 1986, une autre en 2004. Le barrage de Tuilières a été construit en 1844, puis rehaussé en 1905. Plusieurs passes ou ascenseurs à poissons ont été installés (1989, 1997). Le barrage de Bergerac a été construit en 1839. Des échelles à poissons y ont été construites en 185, 1872, 1887, 1987 et enfin 2010. Le barrage de Golfech (Malause) a été mis en service en 1973. Il a été équipé en 1985 d'un ascenseur à poisons. Tous ces barrages sont gérés par EDF. Le premier obstacle est à 270 km de l'estuaire sur la Garonne, à 190 km sur la Dordogne.
Donc, les rédacteurs de l'Onema rapportent sur deux décennies une baisse d'un facteur 100 de la présence d'aloses dans le bassin Gironde-Garonne-Dordogne, et ils en attribuent la cause probable à des ouvrages qui sont présents pour 3 d'entre eux depuis 100 à 150 ans, qui sont tous équipés de dispositifs de franchissement, qui ont plutôt amélioré leur gestion environnementale ces dernières décennies et qui sont fort à l'amont de l'embouchure. Les aloses étaient encore 700.000 au début des années 1990 et d'un seul coup, elles auraient été terrassées en masse par les barrages présents sur les lits depuis des générations. La baisse soudaine d'un recrutement piscicole attribué à une cause ancienne mais qui exprimerait une sorte d'effet-retard : il faut évidemment un esprit assez tortueux pour avancer cela. Un peu comme la disparition rapide des anguilles à compter des années 1970 que certains attribuent à des moulins présents avant la Révolution française...
Au demeurant, l'étude des présentations du colloque (lien ci-dessous) montre que certaines communications ont analysé la franchissabilité des passes (qui est très médiocre, voir Epidor 2015) sans pour autant attribuer la baisse récente du stock à ce facteur causal (et sans envisager l'hypothèse de l'effacement des ouvrages – ce sont des barrages des amis d'EDF, pas de modestes moulins que l'on peut matraquer en paix). Certains affirment que l'Onema doit être respecté comme "conseiller technique et scientifique du gouvernement" et voudraient même que cela soit marqué comme tel dans une "charte des moulins". Mais l'Onema sera respecté quand il sera respectable. Une approche scientifique des milieux aquatiques, oui, avec dans ce cas toutes les précautions qu'implique la communication des hypothèses de science au grand public et aux décideurs ; un organe de propagande au service du dogme de la destruction des ouvrages, non merci, on a déjà divers lobbies qui excellent dans ce registre bas de gamme.
Au final, personne ne semble avoir la réponse à la question la plus importante : pourquoi donc observe-t-on une telle baisse de la présence de l'alose dans le bassin Adour-Garonne, à l'aval des ouvrages, y compris après le (très tardif) moratoire sur la pêche de 2008 ? Il nous manque manifestement des paramètres dans la compréhension de la variabilité (naturelle ? forcée ?) interannuelle et pluridécennale du recrutement de cette espèce. Cherchons et étudions un peu plus, réglementons, interdisons, aménageons et effaçons un peu moins…
A lire : Actes du colloque Life+ 2015 à Bergerac ; Brochure Life+ Alose
Illustration : déclin récent du recrutement d'aloses en Dordogne-Garonne, extrait de la communication d'A. Chaumel au colloque.
19/03/2016
18/03/2016
Le sénateur Claude Kern interpelle le Ministère sur le blocage complet de la continuité écologique
Le sénateur du Bas-Rhin interpelle la Ministre de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer sur le blocage complet de la politique de continuité écologique : échec de la Charte des moulins dont les termes imposés par la Direction de l'eau et de la biodiversité sont inacceptables, non-application des mesures déjà demandées par le CGEDD en 2012 ayant motivé une nouvelle mission en 2016, chantage des Agences de l'eau qui refusent le financement complet des aménagements non-destructifs alors qu'elles l'accordent généreusement aux effacements, pressions tatillonnes et permanentes de l'administration de plus en plus mal acceptées, succès de la demande de moratoire... Le programme de continuité écologique est d'ores et déjà un échec en raison des dérives maximalistes présidant à sa mise en oeuvre : il faut en faire le diagnostic complet pour trouver des issues, et non pratiquer le déni. Il faut aussi changer les interlocuteurs, car la confiance est définitivement rompue envers ceux qui ont provoqué ce marasme par leur mépris répété des réalités et leur manque systématique d'écoute.
Question écrite n° 20649 – M. Claude Kern attire l'attention de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sur la destruction en cours des 60 000 moulins de France. Le troisième patrimoine historique bâti de France fait l'objet d'une application déraisonnée et excessive de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, suite à l'application de la circulaire du 25 janvier 2010, dite « Borloo » qui prône l'effacement systématique des ouvrages et des seuils des moulins.
Les moulins de France constituent des ressources économiques et énergétiques, un maillage territorial et un patrimoine culturel incontestable. Pourtant, l'administration refuse de considérer la valeur patrimoniale de ces usages en les réduisant à des « obstacles » à la continuité écologique. Or, les propriétaires de moulins ne sont pas opposés au principe de la continuité écologique, mais à l'application excessive qui en est faite.
C'est pourquoi il est absolument nécessaire et urgent de trouver une solution entre la gestion équilibrée de la ressource en eau et la préservation du patrimoine.
La réunion de travail conjointe entre les deux ministères concernés (environnement et culture) n'a abouti à aucune solution concrète pour sauvegarder le patrimoine hydraulique. Alors qu'une nouvelle mission a été demandée au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) actant ainsi l'échec des conclusions de la précédente, dans les territoires la situation continue de se dégrader (échec récent de la signature de la charte des moulins et demande d'un moratoire sur le classement des rivières).
Il souhaite donc connaître ses intentions pour permettre une conciliation harmonieuse des différents usages de l'eau dans le respect du patrimoine et des obligations de la France dans le cadre de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, et remédier enfin aux situations de blocage avec l'administration.
En attente de réponse du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat.
Question écrite n° 20649 – M. Claude Kern attire l'attention de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sur la destruction en cours des 60 000 moulins de France. Le troisième patrimoine historique bâti de France fait l'objet d'une application déraisonnée et excessive de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, suite à l'application de la circulaire du 25 janvier 2010, dite « Borloo » qui prône l'effacement systématique des ouvrages et des seuils des moulins.
Les moulins de France constituent des ressources économiques et énergétiques, un maillage territorial et un patrimoine culturel incontestable. Pourtant, l'administration refuse de considérer la valeur patrimoniale de ces usages en les réduisant à des « obstacles » à la continuité écologique. Or, les propriétaires de moulins ne sont pas opposés au principe de la continuité écologique, mais à l'application excessive qui en est faite.
C'est pourquoi il est absolument nécessaire et urgent de trouver une solution entre la gestion équilibrée de la ressource en eau et la préservation du patrimoine.
La réunion de travail conjointe entre les deux ministères concernés (environnement et culture) n'a abouti à aucune solution concrète pour sauvegarder le patrimoine hydraulique. Alors qu'une nouvelle mission a été demandée au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) actant ainsi l'échec des conclusions de la précédente, dans les territoires la situation continue de se dégrader (échec récent de la signature de la charte des moulins et demande d'un moratoire sur le classement des rivières).
Il souhaite donc connaître ses intentions pour permettre une conciliation harmonieuse des différents usages de l'eau dans le respect du patrimoine et des obligations de la France dans le cadre de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, et remédier enfin aux situations de blocage avec l'administration.
En attente de réponse du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat.
Adour-Garonne: scandaleuse prime à la casse des ouvrages hydrauliques sur argent public
L'Agence de l'eau Adour-Garonne avait la réputation d'être plutôt une "bonne élève" dans la gestion des ouvrages hydrauliques, avec des positions moins caricaturales et inégales que ses consoeurs de Loire-Bretagne et Seine-Normandie, notamment des financements de passes à poissons pouvant atteindre 80%. Mais voilà que cette Agence lance un "appel à projets continuité écologique" avec financement à 100% des seules destructions de seuils, barrages et autres ouvrages en rivière. On y débloque 5 millions d'euros d'argent public à une condition : la suppression totale. Jusqu'où s'abaissera l'administration en charge de l'eau dans son programme insensé de destruction du patrimoine hydraulique français aux frais du contribuable et au mépris de ce que demandent réellement nos lois?
Le diagnostic : généralités et assertions sans preuve
"1200 à 1400 ouvrages présents sur les cours d’eau du bassin doivent faire l’objet de travaux pour restaurer la circulation des poissons et des sédiments d’ici 2018 ; cette obligation s’applique sur les rivières classées prioritaires en matière de restauration de la continuité écologique par le Code de l’environnement (L214-17 liste 2). Certains seuils sont aujourd’hui sans usage et parfois en mauvais état. Cette action de restauration de la continuité écologique contribue à améliorer de manière significative le fonctionnement naturel du cours d’eau et la qualité générale des milieux aquatiques. Cet appel à projets vise à apporter un soutien financier décisif aux propriétaires désireux de s’engager dans l’effacement de leurs seuils."
Que la restauration de continuité écologique améliore de "manière significative" la qualité des milieux est une affirmation qui appelle des preuves. Car les travaux scientifiques émettent les plus grandes réserves sur ce point (voir cette synthèse d'une vingtaine de publications couvrant des milliers d'opérations en rivière, voir aussi Morandi et al 2014 en détail sur 44 projets français de restauration de rivière, dont des effacements de seuils).
Sans parler d'une analyse scientifique pour l'instant inexistante, les Agences de l'eau doivent a minima publier les scores de qualité chimique et écologique DCE 2000 des tronçons ayant bénéficié d'aménagements de continuité, afin que l'on vérifie si ces scores se sont améliorés, stabilisés, aggravés, et sur quels compartiments, avant et après la supposée "restauration". Mais d'après le rapport Dubois-Vigier, qui s'en agaçait assez clairement, l'administration française n'est pas capable de produire aux parlementaires une telle base de données – elle n'est même pas capable de dire combien de chantiers sont réalisés, a fortiori de croiser ces chantiers avec une analyse de qualité des eaux et un suivi scientifique un tant soit peu sérieux.
Il est donc insupportable que les citoyens français paient de leur poche ces pratiques d'apprentis-sorciers à grande échelle. Ce n'est au demeurant que la partie émergée de l'iceberg : c'est tout notre rapportage sur la qualité des eaux de surface à Bruxelles qui paraît vicié par des mesures incomplètes, des données manquantes, des évaluations à dire d'expert ou de modèle à faible niveau de confiance.
Le chantage : tout est payé si tout est détruit, prime à la casse sur argent public
"Les aides de l’Agence portent sur les projets d’effacement d’ouvrages c’est-à-dire de suppression totale ou d’arasement permettant un franchissement naturel par les poissons, dans la limite d’une enveloppe globale de 5 millions d’euros. (…) Les projets retenus dans le cadre de cet appel à projets pourront bénéficier d’un taux d’aide allant jusqu’à 100% des dépenses éligibles. Des acomptes seront versés au démarrage afin de faciliter le déroulement du projet."
Rappelons que la loi française (LEMA 2006 et Grenelle 2009) n'a jamais prévu l'effacement des ouvrages, mais demandé qu'ils soient "gérés, entretenus, équipés" ou que leur "aménagement" soit "mis à l'étude" pour "les plus problématiques" d'entre eux. Rappelons aussi que, de dérives en dérives, l'administration a interprété dans un sens maximaliste et doctrinaire la continuité écologique. Au nom de quoi une Agence de l'eau dont le Comité de bassin n'intègre même pas les représentants des moulins et des riverains premiers concernés, dont la légitimité démocratique ne repose nullement sur le suffrage, mais sur le bon-vouloir de nomination des Préfets, et dont la place dans la hiérarchie des normes juridiques est fort basse se permet-elle de réécrire la loi française et de proposer des "solutions" que les parlementaires ont exclues dans leurs délibérations? Sans parler de la réglementation européenne qui n'a jamais exigé le moindre effacement de barrage.
Les Agences de l'eau engagent l'argent des Français pour détruire tout un pan de leur patrimoine historique, paysager et culturel. Les ouvrages et leurs écosystèmes aménagés rendent de nombreux services qui sont systématiquement écartés, niés, minimisés, au profit de cette idéologie folle de la destruction portée par une minorité de bureaucrates et de lobbyistes estimant qu'elle n'a de comptes à rendre à personne.
Cette dérive doit cesser. Nous appelons nos consoeurs associatives d'Adour-Garonne à interpeller leurs élus du Comité de bassin pour savoir s'ils cautionnent cet appel à la casse du patrimoine sur fonds publics, à exiger de M. le Préfet de bassin qu'il justifie ce financement différentiel pour une option totalement absente des lois françaises et européennes, à informer Mme la Ministre de l'Ecologie de cette incitation à l'effacement dont elle a pourtant déploré à plusieurs reprises, récemment encore de la manière la plus claire, les effets négatifs sur le patrimoine et sur le potentiel de développement de l'énergie renouvelable.
Nota : plus que jamais, nos lecteurs doivent diffuser l'appel à moratoire sur la continuité écologique pour requérir la signature des élus, des associations et des personnalités de la société civile. Les derniers mois ont montré que cette initiative unitaire commence à porter ses fruits et oblige les politiques à prendre en considération la crise démocratique que représente la dérive autoritaire et agressive de l'administration en charge de l'eau. La pression du moratoire comme la saisine de la Ministre de l'Ecologie et des parlementaires doivent continuer tant que des décisions posant clairement un nouveau cap n'ont pas été actées dans le domaine de la continuité écologique.
Le diagnostic : généralités et assertions sans preuve
"1200 à 1400 ouvrages présents sur les cours d’eau du bassin doivent faire l’objet de travaux pour restaurer la circulation des poissons et des sédiments d’ici 2018 ; cette obligation s’applique sur les rivières classées prioritaires en matière de restauration de la continuité écologique par le Code de l’environnement (L214-17 liste 2). Certains seuils sont aujourd’hui sans usage et parfois en mauvais état. Cette action de restauration de la continuité écologique contribue à améliorer de manière significative le fonctionnement naturel du cours d’eau et la qualité générale des milieux aquatiques. Cet appel à projets vise à apporter un soutien financier décisif aux propriétaires désireux de s’engager dans l’effacement de leurs seuils."
Que la restauration de continuité écologique améliore de "manière significative" la qualité des milieux est une affirmation qui appelle des preuves. Car les travaux scientifiques émettent les plus grandes réserves sur ce point (voir cette synthèse d'une vingtaine de publications couvrant des milliers d'opérations en rivière, voir aussi Morandi et al 2014 en détail sur 44 projets français de restauration de rivière, dont des effacements de seuils).
Sans parler d'une analyse scientifique pour l'instant inexistante, les Agences de l'eau doivent a minima publier les scores de qualité chimique et écologique DCE 2000 des tronçons ayant bénéficié d'aménagements de continuité, afin que l'on vérifie si ces scores se sont améliorés, stabilisés, aggravés, et sur quels compartiments, avant et après la supposée "restauration". Mais d'après le rapport Dubois-Vigier, qui s'en agaçait assez clairement, l'administration française n'est pas capable de produire aux parlementaires une telle base de données – elle n'est même pas capable de dire combien de chantiers sont réalisés, a fortiori de croiser ces chantiers avec une analyse de qualité des eaux et un suivi scientifique un tant soit peu sérieux.
Il est donc insupportable que les citoyens français paient de leur poche ces pratiques d'apprentis-sorciers à grande échelle. Ce n'est au demeurant que la partie émergée de l'iceberg : c'est tout notre rapportage sur la qualité des eaux de surface à Bruxelles qui paraît vicié par des mesures incomplètes, des données manquantes, des évaluations à dire d'expert ou de modèle à faible niveau de confiance.
Le chantage : tout est payé si tout est détruit, prime à la casse sur argent public
"Les aides de l’Agence portent sur les projets d’effacement d’ouvrages c’est-à-dire de suppression totale ou d’arasement permettant un franchissement naturel par les poissons, dans la limite d’une enveloppe globale de 5 millions d’euros. (…) Les projets retenus dans le cadre de cet appel à projets pourront bénéficier d’un taux d’aide allant jusqu’à 100% des dépenses éligibles. Des acomptes seront versés au démarrage afin de faciliter le déroulement du projet."
Rappelons que la loi française (LEMA 2006 et Grenelle 2009) n'a jamais prévu l'effacement des ouvrages, mais demandé qu'ils soient "gérés, entretenus, équipés" ou que leur "aménagement" soit "mis à l'étude" pour "les plus problématiques" d'entre eux. Rappelons aussi que, de dérives en dérives, l'administration a interprété dans un sens maximaliste et doctrinaire la continuité écologique. Au nom de quoi une Agence de l'eau dont le Comité de bassin n'intègre même pas les représentants des moulins et des riverains premiers concernés, dont la légitimité démocratique ne repose nullement sur le suffrage, mais sur le bon-vouloir de nomination des Préfets, et dont la place dans la hiérarchie des normes juridiques est fort basse se permet-elle de réécrire la loi française et de proposer des "solutions" que les parlementaires ont exclues dans leurs délibérations? Sans parler de la réglementation européenne qui n'a jamais exigé le moindre effacement de barrage.
Les Agences de l'eau engagent l'argent des Français pour détruire tout un pan de leur patrimoine historique, paysager et culturel. Les ouvrages et leurs écosystèmes aménagés rendent de nombreux services qui sont systématiquement écartés, niés, minimisés, au profit de cette idéologie folle de la destruction portée par une minorité de bureaucrates et de lobbyistes estimant qu'elle n'a de comptes à rendre à personne.
Cette dérive doit cesser. Nous appelons nos consoeurs associatives d'Adour-Garonne à interpeller leurs élus du Comité de bassin pour savoir s'ils cautionnent cet appel à la casse du patrimoine sur fonds publics, à exiger de M. le Préfet de bassin qu'il justifie ce financement différentiel pour une option totalement absente des lois françaises et européennes, à informer Mme la Ministre de l'Ecologie de cette incitation à l'effacement dont elle a pourtant déploré à plusieurs reprises, récemment encore de la manière la plus claire, les effets négatifs sur le patrimoine et sur le potentiel de développement de l'énergie renouvelable.
Nota : plus que jamais, nos lecteurs doivent diffuser l'appel à moratoire sur la continuité écologique pour requérir la signature des élus, des associations et des personnalités de la société civile. Les derniers mois ont montré que cette initiative unitaire commence à porter ses fruits et oblige les politiques à prendre en considération la crise démocratique que représente la dérive autoritaire et agressive de l'administration en charge de l'eau. La pression du moratoire comme la saisine de la Ministre de l'Ecologie et des parlementaires doivent continuer tant que des décisions posant clairement un nouveau cap n'ont pas été actées dans le domaine de la continuité écologique.
17/03/2016
Le Conseil départemental de la Sarthe ne sait toujours pas pourquoi il construit des passes à poissons
Pierre-Antoine de Chambrun (Association Vègre, Deux Fonts, Gée ) avait saisi le Conseil départemental de la Sarthe pour s'enquérir de l'utilité du coûteux programme de passes à poissons sur la rivière (4 M€ en coût prévisionnel pour 7 ouvrages). Il posait des questions précises. M. Dominique Le Mèner, président du Conseil départemental, lui a répondu (voir courrier pdf).
On peut constater que cette réponse :
Les rares chantiers de continuité écologique effectivement engagés sont souvent réalisés sur des ouvrages dont les collectivités territoriales (ou leurs établissements intercommunaux de gestion des rivières) sont propriétaires ou gestionnaires. Et pour cause, les Agences de l'eau ont sur ces collectivités tous les moyens de pratiquer un chantage financier permanent pour accomplir leur programme ordonné par le Ministère, et dilapider ainsi l'argent public. L'Agence Loire-Bretagne (AELB) est connue pour être l'une des plus extrémistes dans ce domaine de la continuité écologique (voir la lettre ouverte au Président Joël Pélicot). Elle est aussi connue pour avoir un progrès quasi nul en 10 ans dans le domaine de la qualité écologique et chimique de ses eaux, cette absence totale d'efficacité des milliards d'euros dépensés ne provoquant aucune remise en cause des choix opérés, notamment en hydromorphologie où l'Agence se flatte d'être pionnière. L'AELB est même incapable de dresser un bilan de qualité chimique (pourtant obligatoire vis-à-vis de l'Europe et de la bonne information environnementale des citoyens) à l'occasion de l'état des lieux 2013 du bassin appuyant le SDAGE 2015 : on n'a entendu ni les élus ni les lobbies du comité de bassin s'émouvoir de cet incroyable aveu d'incompétence et d'impuissance face aux pollutions.
M. Le Mèner admet pour conclure : "je partage certaines de vos interrogations…" Tout le monde s'interroge mais la gabegie continue malgré tout, parce que nous ne sommes pas capables d'instruire au Parlement le procès d'une politique de l'eau catastrophique. Près de 1200 élus ont déjà signé l'appel à moratoire sur la continuité écologique : nous appelons plus que jamais à un sursaut démocratique au bord des rivières !
Illustration : panneau officiel près de la passe à poissons de Juigné-sur-Sarthe, indiquant le coût public de 484 680 TTC (pour un dispositif qui se trouve inopportunément hors d'eau, ce qui n'est pas très pédagogique, à moins que ce ne soit prémonitoire). En dessous, un article de Ouest France paru le 11 mars 2016 rappelle que le CD de la Sarthe est obligé de chercher des économies du fait de la baisse des dotations d'Etat aux collectivités et de la hausse des dépenses sociales. Qu'à cela ne tienne, continuons d'utiliser l'argent public pour des anguilles qui étaient encore présentes sur la plupart des bassins jusque dans les années 1960-1970, malgré de nombreux seuils et barrages. A l'époque, les pêcheurs et "protecteurs du milieu aquatique" avaient même pour ordre de les tuer comme nuisibles en rivière de première catégorie...
On peut constater que cette réponse :
- rappelle pour l'essentiel les contraintes administratives et réglementaires auxquelles sont soumis les élus,
- ne donne aucune indication sur le nombre et la nature des poissons ayant emprunté les passes déjà construites,
- ne précise aucune analyse coût-bénéfice préalable à cette lourde dépense, alors que le CD de la Sarthe, comme tant d'autres, admet qu'il doit restreindre ses investissements,
- ne montre en rien que les passes à poissons contribueront au bon état chimique et écologique des masses d'eau, notre seule et vraie obligation DCE 2000 (outre les nitrates, les eaux usées, les pesticides et l'ensemble des pollutions où nous accumulons des retards et des amendes, l'Europe étant de plus en plus dubitative sur le rapportage français en ce domaine).
Les rares chantiers de continuité écologique effectivement engagés sont souvent réalisés sur des ouvrages dont les collectivités territoriales (ou leurs établissements intercommunaux de gestion des rivières) sont propriétaires ou gestionnaires. Et pour cause, les Agences de l'eau ont sur ces collectivités tous les moyens de pratiquer un chantage financier permanent pour accomplir leur programme ordonné par le Ministère, et dilapider ainsi l'argent public. L'Agence Loire-Bretagne (AELB) est connue pour être l'une des plus extrémistes dans ce domaine de la continuité écologique (voir la lettre ouverte au Président Joël Pélicot). Elle est aussi connue pour avoir un progrès quasi nul en 10 ans dans le domaine de la qualité écologique et chimique de ses eaux, cette absence totale d'efficacité des milliards d'euros dépensés ne provoquant aucune remise en cause des choix opérés, notamment en hydromorphologie où l'Agence se flatte d'être pionnière. L'AELB est même incapable de dresser un bilan de qualité chimique (pourtant obligatoire vis-à-vis de l'Europe et de la bonne information environnementale des citoyens) à l'occasion de l'état des lieux 2013 du bassin appuyant le SDAGE 2015 : on n'a entendu ni les élus ni les lobbies du comité de bassin s'émouvoir de cet incroyable aveu d'incompétence et d'impuissance face aux pollutions.
M. Le Mèner admet pour conclure : "je partage certaines de vos interrogations…" Tout le monde s'interroge mais la gabegie continue malgré tout, parce que nous ne sommes pas capables d'instruire au Parlement le procès d'une politique de l'eau catastrophique. Près de 1200 élus ont déjà signé l'appel à moratoire sur la continuité écologique : nous appelons plus que jamais à un sursaut démocratique au bord des rivières !
Illustration : panneau officiel près de la passe à poissons de Juigné-sur-Sarthe, indiquant le coût public de 484 680 TTC (pour un dispositif qui se trouve inopportunément hors d'eau, ce qui n'est pas très pédagogique, à moins que ce ne soit prémonitoire). En dessous, un article de Ouest France paru le 11 mars 2016 rappelle que le CD de la Sarthe est obligé de chercher des économies du fait de la baisse des dotations d'Etat aux collectivités et de la hausse des dépenses sociales. Qu'à cela ne tienne, continuons d'utiliser l'argent public pour des anguilles qui étaient encore présentes sur la plupart des bassins jusque dans les années 1960-1970, malgré de nombreux seuils et barrages. A l'époque, les pêcheurs et "protecteurs du milieu aquatique" avaient même pour ordre de les tuer comme nuisibles en rivière de première catégorie...
16/03/2016
Cartographie: un bief classé cours d'eau ne devrait plus être soumis au débit minimum biologique
Si l'administration persistait à classer par défaut les biefs comme cours d'eau – ce que nous ne souhaitons pas, sauf exception motivée par la renaturation complète du bief après son abandon ou des cas hydrologiques très particuliers –, elle devrait admettre que l'obligation de débit minimum biologique ne s'applique plus à l'ouvrage. Un bief réputé cours d'eau aurait en effet le droit de capter (et turbiner) tout le débit en étiage, puisqu'il est ipso facto considéré comme l'un des deux bras de la rivière, aussi "naturel" que le lit mineur d'origine. Voilà qui promet de belles complications, dans une réglementation déjà illisible et inapplicable à force d'exprimer l'obsession de contrôle administratif sur chaque action au bord des rivières.
Notre association considère par défaut les biefs et autres écoulements dérivés de moulins ou usines à eau (canaux de décharge ou de vidange, exutoires des déversoirs) comme n'étant pas des cours d'eau. Il y manque en effet un élément essentiel de la jurisprudence, l'origine naturelle de l'écoulement. Le bief est un canal artificiel créé de main d'homme : il n'a pas la même hydraulicité que la rivière, pas les mêmes besoins d'entretien ni le même régime d'autorisation et de propriété. Le bief n'a donc pas à être soumis aux mêmes règles de gestion que le lit mineur du cours d'eau. Cela reste vrai même s'il abrite diverses espèces (en contradiction avec la doxa les réputant comme habitats très dégradés) dont l'existence n'est pas spécialement menacée par la reconnaissance du caractère artificiel de l'écoulement.
Ce qui aurait dû être simple – naturel ou pas naturel, c'est facile à déterminer par la présence du moulin – devient immanquablement compliqué avec l'administration française en charge de l'eau. Aussi nombre de biefs ont-ils été classés comme cours d'eau dans les premières cartographies publiées, à ce jour sans explication ni motivation aux propriétaires et à leurs associations par les DREAL et les DDT. Nous n'acceptons pas ce classement a priori, et nous déplorons surtout cette nouvelle manifestation d'indifférence envers les riverains. Nous attendons un service public de l'eau destiné à aider les citoyens en concertation avec leurs besoins, pas un organe arbitraire de contrôle et de répression dont le seul horizon semble être devenu l'imposition de contraintes imprévisibles et de règles illisibles.
Sur cette question de la cartographie, nous signalons ici un point qui n'a éventuellement pas été envisagé par les services de l'Etat : tant qu'un bief est classé comme cours d'eau, nous considérons qu'il n'a plus à respecter le débit minimum biologique (art L 214-18 CE), c'est-à-dire s'obliger à garantir 10% du module dans le lit mineur de la rivière.
Assimiler un bief à un cours d'eau, c'est en effet considérer que la rivière se sépare en deux bras créés au droit de l'ouvrage répartiteur (le lit mineur et le bief). Peu importe dans ce cas qu'un bras soit à sec (y compris le lit mineur naturel) pourvu que l'autre soit en eau. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux, essayer de naturaliser un bief tout en prétendant ensuite qu'il n'est pas vraiment naturel et ne mérite pas d'avoir un débit préférentiel à l'étiage. Si les services de l'Etat cherchent vraiment des complications, on voit qu'ils ne vont pas manquer d'en trouver. Mais tout le monde gagnerait à la simplicité.
L'incapacité de l'actuelle Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Ecologie, de ses services déconcentrés et de ses agences administratives à produire une gouvernance apaisée et concertée devrait quand même alerter le gouvernement et les parlementaires sur le dysfonctionnement manifeste de l'Etat. D'autant que la Cour des comptes a déjà dénoncé à plusieurs reprises la gestion défaillante des mêmes administrations. La fronde des moulins, c'est plus que jamais le signal d'alerte d'une dérive grave qui, bien au-delà du cas particulier des ouvrages hydrauliques, concerne le manque d'efficience et de transparence de la gestion publique de l'eau, ainsi que ses inquiétantes pulsions autoritaires.
A lire en complément
Cartographie des cours d'eau: gare aux qualifications arbitraires des biefs comme rivières
Cartographie des cours d'eau: où est la concertation?
Illustration : départ de bief sur la Seine en Châtillonnais, avec ouvrage répartiteur sur la droite. Si le bief est classé cours d'eau et donc bras de la rivière au même titre que le lit d'origine dans la cartographie, il devient légitime qu'il prenne si nécessaire tout le débit à l'étiage. Il faudrait alors faire exception à la règle du débit minimum biologique, qui perd son sens. C'est le genre de complication où peut mener le refus par l'administration de classer les biefs comme canaux artificiels, avec des règles très simplifiées de gestion permettant leur bon entretien. Mais le mot "simplifiées" heurte à n'en pas douter les principes de certains hauts fonctionnaires du Ministère de l'Ecologie, dont l'objectif est manifestement de multiplier les normes, règles, contraintes et contrôles inapplicables pour mieux prétendre ensuite que les moulins sont mal gérés et que leur destruction est une issue désirable.
Notre association considère par défaut les biefs et autres écoulements dérivés de moulins ou usines à eau (canaux de décharge ou de vidange, exutoires des déversoirs) comme n'étant pas des cours d'eau. Il y manque en effet un élément essentiel de la jurisprudence, l'origine naturelle de l'écoulement. Le bief est un canal artificiel créé de main d'homme : il n'a pas la même hydraulicité que la rivière, pas les mêmes besoins d'entretien ni le même régime d'autorisation et de propriété. Le bief n'a donc pas à être soumis aux mêmes règles de gestion que le lit mineur du cours d'eau. Cela reste vrai même s'il abrite diverses espèces (en contradiction avec la doxa les réputant comme habitats très dégradés) dont l'existence n'est pas spécialement menacée par la reconnaissance du caractère artificiel de l'écoulement.
Ce qui aurait dû être simple – naturel ou pas naturel, c'est facile à déterminer par la présence du moulin – devient immanquablement compliqué avec l'administration française en charge de l'eau. Aussi nombre de biefs ont-ils été classés comme cours d'eau dans les premières cartographies publiées, à ce jour sans explication ni motivation aux propriétaires et à leurs associations par les DREAL et les DDT. Nous n'acceptons pas ce classement a priori, et nous déplorons surtout cette nouvelle manifestation d'indifférence envers les riverains. Nous attendons un service public de l'eau destiné à aider les citoyens en concertation avec leurs besoins, pas un organe arbitraire de contrôle et de répression dont le seul horizon semble être devenu l'imposition de contraintes imprévisibles et de règles illisibles.
Sur cette question de la cartographie, nous signalons ici un point qui n'a éventuellement pas été envisagé par les services de l'Etat : tant qu'un bief est classé comme cours d'eau, nous considérons qu'il n'a plus à respecter le débit minimum biologique (art L 214-18 CE), c'est-à-dire s'obliger à garantir 10% du module dans le lit mineur de la rivière.
Assimiler un bief à un cours d'eau, c'est en effet considérer que la rivière se sépare en deux bras créés au droit de l'ouvrage répartiteur (le lit mineur et le bief). Peu importe dans ce cas qu'un bras soit à sec (y compris le lit mineur naturel) pourvu que l'autre soit en eau. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux, essayer de naturaliser un bief tout en prétendant ensuite qu'il n'est pas vraiment naturel et ne mérite pas d'avoir un débit préférentiel à l'étiage. Si les services de l'Etat cherchent vraiment des complications, on voit qu'ils ne vont pas manquer d'en trouver. Mais tout le monde gagnerait à la simplicité.
L'incapacité de l'actuelle Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Ecologie, de ses services déconcentrés et de ses agences administratives à produire une gouvernance apaisée et concertée devrait quand même alerter le gouvernement et les parlementaires sur le dysfonctionnement manifeste de l'Etat. D'autant que la Cour des comptes a déjà dénoncé à plusieurs reprises la gestion défaillante des mêmes administrations. La fronde des moulins, c'est plus que jamais le signal d'alerte d'une dérive grave qui, bien au-delà du cas particulier des ouvrages hydrauliques, concerne le manque d'efficience et de transparence de la gestion publique de l'eau, ainsi que ses inquiétantes pulsions autoritaires.
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