16/04/2016

Quand des obstacles infranchissables ne posent pas problème à la rivière...

Le réseau Rivières Sauvages, dont nous avons déjà exposé la conception très explosive de la continuité écologique, vient de labelliser deux nouvelles rivières dans l'Ain, la Dorches et la Vézéronce. Ces rivières sont deux affluents rive droite du Rhône. De manière assez amusante, l'une et l'autre présentent deux obstacles naturels tout à fait infranchissables pour les poissons, crustacés, mollusques et autres espèces aquatiques : cascade du château de la Dorches et chute du Pain de sucre sur la Vézéronce (image ci-dessous).


Sources image : IGN; Office du tourisme Ain ; Mark Reeve droits réservés. 

Si l'on en croit la doxa, un tel obstacle infranchissable (naturel ou artificiel) produit un isolement génétique des populations, une pression démographique, une perte de capacité à s'adapter à des altérations ponctuelles et à se repeupler à partir d'un pool externe de recolonisation du lit. Depuis le temps que la nature a placé ces barrières, on devrait donc observer des rivières devenues des quasi-déserts biologiques où survivent de rares populations dégénérées. Pourtant, au regard des critères européens de qualité, les deux rivières sont considérées comme en bon ou très bon état biologique. C'est assez mystérieux. Espérons en tout cas que Rivières sauvages ne "supervise" pas le dynamitage de ces deux obstacles naturels, comme il l'a fait avec un obstacle artificiel (autrement plus modeste) sur la Valserine.

On peut nourrir quelques craintes pour la suite des opérations dans l'Ain. Il est en effet exposé dans le communiqué de Rivières sauvages : "à l’horizon 2018, le Département de l’Ain ambitionne d’obtenir le label 'site rivières sauvages' sur trois nouveaux cours d’eau :  la Semine (affluent de la Valserine), la Pernaz (affluent du Rhône), l’Arvière (affluent du Séran), qui présentent toutes des qualités remarquables mais qui nécessitent un programme de restauration et de conservation  pour répondre à tous les critères du label". Comme toujours, on nage dans la contradiction : il s'agit de promouvoir des cours d'eau soi-disant "sauvages", mais ces cours d'eau demandent quand même des chantiers humains de recalibrage. Autant dire qu'ils ont été modifiés hier par l'homme dans une direction, le seront demain dans une autre direction, et que tout cela n'a pas grand chose à voir avec le caractère "sauvage" de la rivière : c'est simplement ce qu'une société humaine décide de valoriser à un moment donné de son histoire. Au demeurant, il est tout à fait légitime de valoriser des espaces naturels et récréatifs, si cela ne pose pas de problèmes à la population locale. Mais est-il très pédagogique d'ajouter la confusion de la référence au "sauvage"? La valorisation du naturel passera-t-elle demain par une approche intégriste visant à effacer toute présence humaine permanente en rives?

A noter : d'après certains échanges sur les forums de canyoning, les habitants de Surjoux et alentours (Vézéronce) n'ont pas toujours été tout à fait ravis des hordes de touristes "verts" et de leurs effets sur les milieux ou les propriétés ; quant aux canyoners, ils se plaignent de leur côté des pollutions visibles de l'eau par rejets non conformes. C'est finalement le côté humain, très humain, de ces rivières que l'on prétend "sauvages"...

15/04/2016

Loi Patrimoine et protection des moulins: où en est-on?

La loi "Liberté de création, architecture et patrimoine", dite plus simplement loi Patrimoine ou loi PAC, est en cours d'élaboration à l'Assemblée nationale et au Sénat. Plusieurs amendements ont été défendus par des élus, mais les plus intéressants ont été censurés par les députés. Point sur la suite des délibérations parlementaires.

En mars, à l'occasion de la seconde lecture de la loi Patrimoine, l'Assemblée nationale a supprimé un article proposé en amendement qui assurait l'introduction des "systèmes hydrauliques" comme "élément du patrimoine culturel, historique et paysager" protégé de la France. Les députés ont également écarté une modification de l'article L 211-1 du Code de l'environnement  visant à garantir que la "gestion équilibrée et durable" de la ressource en eau assure la préservation de ce patrimoine. Il est assez dramatique que nos élus ne conçoivent pas la protection du patrimoine bâti des rivières comme une condition d'équilibre de leur gestion: veut-on signer un blanc-seing au lobby du BTP qui, sous couvert d'un pseudo-progrès pseudo-écologique, se frotte les mains face à la multiplication des chantiers à financement public de destruction et démantèlement d'ouvrages? Va-t-on rester passif face à cette mode absurde qui prétend effacer dix siècles d'histoire sans même être capable de garantir le moindre objectif de résultat vis-à-vis de nos vraies obligations sur la qualité biologique, chimique et physique de l'eau?


Le seul élément de protection qui a pour le moment échappé à la lecture en forme de censure de l'Assemblée concerne l'article L 214-17 CE. Les exigences de la continuité écologique (transport suffisant des sédiments et circulation des poissons migrateurs) doivent être "mises en oeuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L151-19 du code de l'urbanisme", dans la formulation actuellement retenue en amendement.

Dans l'hypothèse où cette protection serait maintenue, il resterait à définir sa concrétisation : un groupe de travail, mis en place par le Ministère de la Culture, doit examiner la manière de concilier les objectifs de continuité écologique et la problématique des chaussées de moulins. Espérons que le remède ne soit pas pire que le mal et n'ajoute pas un peu plus de complications sur un dossier déjà ingérable pour les propriétaires à force d'inflation réglementaire depuis 10 ans...

La seconde lecture de la loi Patrimoine au Sénat reprend le 24 mai prochain. Il faut que les associations de moulins, riverains et protecteurs du patrimoine se mobilisent en écrivant à leurs élus pour revenir à un texte garantissant une meilleure défense des ouvrages hydrauliques.

Chercher des solutions simples, et déjà sortir de l'idéologie destructrice de la "renaturation"
Sur le fond, la conciliation de la continuité écologique et du patrimoine est assez simple : il suffit (quand c'est réellement nécessaire) de financer des passes à poissons ou rivières de contournement, permettant de restaurer la franchissabilité piscicole tout en préservant les sites et leur vocation hydraulique. Sachant que l'enjeu sédimentaire d'un ouvrage modeste est à peu près nul.

Mais voilà, le non-dit de toute cette affaire, c'est que la Direction de l'eau et la biodiversité du Ministère de l'Environnement, l'Onema et les Agences de l'eau ont développé depuis 10 ans un programme de destruction de seuils et barrages allant bien au-delà des exigences de la loi. Cette idéologie de la renaturation ne veut pas seulement assurer le franchissement des poissons, elle entend faire disparaître tout bief, toute retenue, tout obstacle à l'écoulement. Fonctionnant comme réductionnisme écologique appauvri, cette vision est incapable de concevoir que les rivières, leurs ouvrages, leurs usages sont aussi des faits historiques et sociaux, que l'on ne peut pas réduire à une simple naturalité (encore moins quand cette naturalité confine au fantasme de la "rivière sauvage" ou de l'"intégrité biotique", avec comme horizon des peuplements "natifs" indéfiniment stables dans l'évolution, voir les critiques de Lévêque 2013, Bouleau et Pont 2015.)

Tant que cette dérive ne sera pas identifiée et combattue, les problèmes persisteront dans la mise en oeuvre de la continuité écologique. Et les milieux aquatiques continueront de se dégrader des multiples agressions dont ils sont victimes, l'effet des seuils de moulins étant le plus souvent négligeable par rapport aux autres impacts, outre les nombreux services rendus par les écosystèmes aménagés par rapport à des rivières "sauvages".

14/04/2016

7 députés écrivent à Ségolène Royal sur les moulins menacés par l'interprétation extrémiste de la continuité écologique

Depuis début avril, ce ne sont pas moins de 7 députés de toutes tendances et de quatre régions qui ont déjà écrit à la Ministre de l'Environnement pour connaître sa position sur l'avenir des ouvrages hydrauliques, menacés de destruction par une interprétation radicale et abusive de la réforme de continuité écologique. La mobilisation ne faiblit pas, car les belles paroles ministérielles ne sont pas suivies d'effet : les Agences de l'eau continuent de financer en priorité les solutions d'effacement, les syndicats continuent de vanter la soi-disant "renaturation" intégrale des écoulements, les services instructeurs continuent d'envoyer des courriers menaçants aux maîtres d'ouvrage.  

Ainsi, Marianne Dubois (Les Républicains, Loiret, QE 94906), Alain Tourret (Radical, républicain, démocrate et progressiste, Calvados, QE 94905), Jean-Pierre Barbier (Les Républicains, Isère, QE 94698), Richard Ferrand (Socialiste, républicain et citoyen, Finistère, QE 94697), Jean-Charles Taugourdeau (Les Républicains, Maine-et-Loire, QE 94696), Marie-Thérèse Le Roy (Socialiste, républicain et citoyen, Finistère, QE 94695) et Jean-Marie Sermier (Les Républicains, Jura, QE 94694) ont demandé à Ségolène Royal de préciser ses positions sur la mise en oeuvre du classement des rivières.

Rappelons que :


Répétons-le : la confiance des propriétaires d'ouvrages hydrauliques et des riverains de leurs retenues est aujourd'hui rompue, tant il est manifeste que la destruction des ouvrages reste une priorité, la seule correctement financée et systématiquement promue. Nous attendons du Ministère de l'Environnement des orientations claires: Ségolène Royal a demandé que cesse la destruction des moulins, et nous avons salué cette lucidité. La Ministre doit maintenant exiger de son administration (Direction de l'eau et de la biodiversité, services instructeurs DDT-Onema, Agences de l'eau) que les conditions concrètes d'un aménagement écologique non destructif des ouvrages hydrauliques soient mises en oeuvre.

D'ici là, nous appelons toutes nos consoeurs associatives à diffuser sans relâche la demande de moratoire sur la continuité écologique. Et à préparer les contentieux judiciaires qui, faute d'un changement de cap, accompagneront inévitablement toute mise en demeure de détruire un ouvrage ou d'être poussé à la ruine pour son équipement de passe à poisson au coût exorbitant.

12/04/2016

Vallée de la Sélune en lutte (4) : bilan coût-bénéfice déplorable de la destruction des barrages

Faudrait-il construire aujourd'hui de grands barrages infranchissables comme ceux de la Sélune sur des rivières à saumons? Non. Nos connaissances évoluent, notre souci de l'environnement aussi, l'énergie hydraulique peut et doit se montrer plus respectueuse des milieux. Mais nous parlons ici de destruction, et non de construction. Les barrages de la Sélune existent, ils sont en état correct et ils produisent de l'énergie. Une vie sociale et économique s'est construite autour d'eux, un paysage de lac a émergé, une biodiversité propre aux retenues, vasières et zones humides attenantes s'est installée. Le bilan coût-bénéfice de la destruction des ouvrages de la Sélune est mauvais, y compris pour des causes d'intérêt général que sont l'énergie, le climat, l'environnement, la préservation durable de la ressource en eau et la sécurité des riverains face à l'aléa inondation. Il faut désormais soutenir le projet de reprise des barrages, et se mobiliser pour dénoncer tout retour en arrière vers le calamiteux projet de destruction de la vallée.


Nous avons vu que le projet d'effacement des barrages de la Sélune vise principalement à restaurer la migration du saumon atlantique, subsidiairement d'autres migrateurs (anguilles, truites de mer, etc.). Son autre objectif est de tenter la renaturation morphologique et biologique d'une vallée entière, avec suivi scientifique d'un effacement présenté comme pilote en France pour des chantiers de cette dimension. En soi, ces objectifs sont intéressants, mais certains sont forcément mal vécus (être présenté comme une "expérimentation" signifie être pris comme cobaye, ce que personne ne désire).

Certains mettent en avant la politique de démantèlement des ouvrages aux Etats-Unis, et l'opportunité de développer cette pratique en Europe. C'est oublier que les Etats-Unis et l'Europe n'ont pas du tout les mêmes modes d'occupation et de valorisation des territoires, et surtout qu'ils ont des politiques énergétiques diamétralement opposées : la stratégie nord-américaine a toujours été fondée sur la recherche de l'énergie au meilleur coût, ce qui a conduit à l'exploitation massive des ressources fossiles en sol (charbon, gaz, pétrole) et récemment au développement non moins massif des ressources non conventionnelles (gaz de schiste, pétrole de roche-mère, produits de sables bitumineux). La destruction médiatisée des deux grands barrages de la rivière Elwha depuis 2011 a été décidée par la très pétrolière administration Bush en 1992… car on détruit sans état d'âme ce qui n'est pas rentable par rapport au fossile, surtout si cela procure une image "écologiquement correcte". L'enjeu est très différent en France et en Europe, où l'on observe une politique volontariste et ambitieuse de réduction du fossile en même temps qu'une crise historique de l'alternative nucléaire.

Les avantages de l'effacement des ouvrages de la Sélune doivent être mis en balance avec ses effets négatifs, qui sont bien plus nombreux. En voici une liste probablement non exhaustive (la plupart sont dans l'étude Artelia 2014).

Economie
  • coût considérable pour la dépense publique (minimum 50 M€)
  • perte d’activité des installations touristiques en lien direct avec la retenue (village de gîtes du Bel Orient, base de Mazure, parc de l'Ange Michel, etc.)
  • perte de retombées socio-économiques pour les collectivités locales destinataires de la taxe foncière et professionnelle liée aux barrages
  • risque de ne jamais retrouver des activités durables vu le caractère encaissé de la vallée (au droit des retenues) et des fréquentes inondations rendant difficile l'aménagement des berges
  • risque de coûts supplémentaires et conséquents si le saumon trouve des eaux trop polluées et trop fragmentées, des habitats trop dégradés pour coloniser efficacement la tête de basin et le chevelu amont
Energie et climat
  • perte d'une production d'énergie hydroélectrique en place (18% du parc des énergies renouvelables de la Manche), qui a le meilleur bilan carbone en zone tempérée (25 GWh/an, émission de 7 g éqCO2/kWh en comparaison des 45 g éqCO2/kWh de l’électricité produite en France)
  • émissions de gaz à effet de serre (GES) supplémentaires en contradiction avec la lutte contre le réchauffement climatique (émission lors de la phase travaux, perte de la fonction puits carbone de la retenue, perte du productible énergétique bas-carbone et fin prématurée du cycle de vie de l'équipement, coût carbone de la reconstruction d'un productible équivalent, à durée de vie moindre que des barrages)
Sécurité, services et régulation
  • fin de l'écrêtement des crues les plus fréquentes et de la prévention des inondations aval (ralentissement de la cinétique des crues)
  • reprise d'érosion régressive, fragilisation des berges, risque de glissements de terrain en amont du barrage lors de la phase de vidange et au-delà (disparition des pontons, cabanons et autres bâtis d'aménagement)
  • disparition de la réserve d'eau et de son captage (43 communes)
  • risque sur l'approvisionnement durable en eau (hydrogéologie du socle ne permettant pas de grands aquifères, pollution de l'alternative Beuvron, changement climatique et baisse tendancielle des débits)
Environnement
  • perte de la fonction d'épuration chimique de l'eau polluée par les activités amont
  • risque de pollution des eaux et berges à l'aval, risque de "marée verte" sur la petite baie du Mont Saint-Michel
  • risque de propagation d’espèces invasives et pathogènes associés
  • réduction de zones favorables aux espèces des milieux lentiques (brème, brochet, gardon, carpe, perche, sandre, tanche)
  • disparition de la réserve d’habitats que peut constituer la retenue en période de très basses eaux dans le cas d'un cours d’eau soumis à des étiages sévères
  • destruction de l’alimentation des zones humides dans les zones déprimées en fond des vallons
  • mortalité d’une partie de la ripisylve de la retenue du barrage dont les racines seront exondées
  • destruction des conditions favorables au développement du phytoplancton et de certaines macrophytes, disparition des vasières et des espèces inféodées à ce milieu (limoselle aquatique, scirpe à inflorescence ovoïde, léersie faux-riz) 
  • perte d'habitat et nourrisserie pour l'avifaune, dont certaines espèces protégées (hirondelle de fenêtre, bergeronnette des ruisseaux, chevalier guignette, grèbe huppé, héron cendré, grand cormoran, bouscarle de Cetti, martin pêcheur d’Europe, troglodyte mignon, bondrée apivore, pic épeichette)
  • perte d'habitat pour les amphibiens et urodèles (grenouille agile, crapaud commun, salamandre tachetée, triton palmé), risque de disparition de certains insectes protégés (gomphe semblable)
  • menace sur les colonies de chiroptères (petit rhinolophe, murin à oreilles échancrées, murin de Daubenton) 
  • risques environnementaux et sanitaires liés aux processus d’érosion et de lixiviation en cas d’une contamination des sédiments exondés
Société, mode de vie et gouvernance
  • modification non désirée du cadre de vie des riverains
  • disparition d'un des seuls plans d'eau de pêche aux carnassiers et blancs de la région (usage majoritaire des 1600 adhérents des associations de pêche locale)
  • disparition des activités festives et sportives liées aux retenues
  • perte du patrimoine industriel local lié à l'existence des barrages
  • opposition quasi unanime de la population de la vallée à la fin imposée des ouvrages, image déplorable de la "continuité écologique" comme mesure autoritaire, non concertée et non rationnelle

La liste des effets adverses de l'effacement est impressionnante. En particulier et du point de vue même de l'environnement qui justifie les destructions, on observe que les lacs de retenue créent une biodiversité importante, dont l'intérêt faunistique et floristique est surtout marqué dans les zones de vasière liées aux marnages et les zones humides des encaissements latéraux. La réduction de l'intérêt écologique au saumon (présent à l'aval des barrages, rappelons-le, comme dans les autres côtiers normands de la baie du Mont Saint-Michel) et aux migrateurs est là encore une lentille déformante du prisme halieutique (intérêt sectoriel pêche), faisant oublier le bilan réel de biodiversité de l'ensemble de l'hydrosystème. Ajoutons que si les scénarios pessimistes de réchauffement climatique se vérifient (et détruire nos sources d'énergie bas-carbone y contribue!), les routes migratoires du saumon devraient se déplacer vers le Nord et nombre de rivières continentales n'offriront plus des conditions thermiques et hydrologiques favorables (Otero 2012, Jonsson et Jonsson 2009, Mills et al 2013).  Autant dire que l'on vise des bénéfices qui se révéleront peut-être de court terme et que l'on masque ainsi aux citoyens les enjeux majeurs et facteurs de premier ordre des évolutions de la biodiversité, à échelle du siècle et de la planète.


Le temps est venu de dire stop !
L'effacement des barrages de la Sélune est une mesure autoritaire et précipitée de l'administration, proclamée pour obtenir un effet de symbole et apaiser des groupes de pression à l'époque du Grenelle de l'environnement. Le bilan coût-bénéfice de ce chantier est médiocre, pour ne pas dire désastreux. Si le site connaît un début de médiatisation nationale, il faut savoir que 15.000 ouvrages hydrauliques plus modestes sont ainsi menacés de destruction en France au nom de la continuité écologique. Il s'agit d'un programme de démantèlement systématique du patrimoine hydraulique, du paysage de vallée aménagée et du potentiel énergétique de notre pays. Cette dérive est désormais dénoncée par plus de 1200 élus, elle a valu à la Ministre de l'Environnement d'être déjà saisie depuis un an par plus d'une centaine de parlementaires scandalisés de ce qu'ils observent dans les territoires. Pour un sujet aussi "spécialisé" que la continuité écologique, c'est le signe d'un profond malaise.

Au point de vue réglementaire, il est parfaitement possible de faire machine arrière : déclassement de la Sélune de la liste 2 art 214-17 CE par arrêté préfectoral, dossier d'exemption DCE 2000 et classement en masse d'eau fortement modifiée. C'est une simple formalité administrative, il est mensonger de prétendre que la DCE 2000 ou la LEMA 2006 n'ont aucune souplesse dans leur mise en oeuvre. La rigidité dans le dossier de la continuité écologique vient entièrement de positions dogmatiques de certains acteurs hexagonaux. Un effet indésirable est que cette continuité écologique, pas inintéressante en soi, est prise en grippe car désormais synonyme de chantage à la destruction et de mépris des riverains au nom de certitudes mal placées. Au lieu de favoriser le retour progressif des migrateurs dans le respect des héritages et des usages de nos cours d'eau, ainsi que des équilibres en place du vivant, des extrémistes de la "renaturation" et de la "rivière sauvage" poussent à la destruction et au conflit. Que ce discours soit parfois repris par des hauts fonctionnaires ou par des services instructeurs signale une grave dérive dans l'impartialité de l'Etat et dans sa capacité à produire la "gestion durable et équilibrée" de l'eau que la loi exige.

Si la Sélune était aujourd'hui libre de ses barrages, faudrait-il les construire à l'identique? Non. Depuis le début du XXe siècle, nos connaissances ont évolué et notre souci de la nature s'est accru, on vise donc à limiter les perturbations des milieux aquatiques et à exploiter l'énergie hydraulique différemment. C'est un progrès pour notre société et pour l'environnement. Mais ces ouvrages existent, il faut partir de leur réalité. Quatre générations humaines ont bâti leur vie autour de Vezins et la Roche-qui-Boit, des espèces ont colonisé les retenues, les barrages produisent une énergie locale et propre. La vallée de la Sélune veut vivre. La vallée de la Sélune doit vivre.

Illustrations : barrages de la Roche-qui-Boit et Vezins, courtoisie des Amis du barrage.

Nos articles sur la Sélune
(1) Le déni démocratique
(2) Bassin pollué et dégradé, risques sur la baie du Mont-Saint-Michel
(3) Le gain réel pour les saumons
(4) Le bilan coût-bénéfice déplorable de la destruction des barrages

Associations, élus, personnalités : comme déjà 2000 représentants des citoyens et de la société civile, nous vous demandons de vous engager aujourd'hui pour défendre les seuils et barrages de France menacés de destruction par une interprétation radicale et absurde de la continuité écologique. En demandant un moratoire sur la destruction des ouvrages, vous appellerez le gouvernement et son administration à cesser la gabegie d'argent public, à prendre en considération le véritable intérêt général au lieu de visions partisanes de la rivière, à chercher des solutions plus concertées pour l'avenir de nos cours d'eau, de leurs milieux et de leurs usages.

11/04/2016

Vallée de la Sélune en lutte (3) : le gain réel pour les saumons

Les partisans de l'effacement des barrages de la Sélune présentent avantageusement le cours d'eau comme "3e rivière à saumons de France". C'est un bon slogan publicitaire pour la pêche, mais cela ne contribue pas à l'intelligence de la situation. Le gain estimé par les experts sur la Sélune est une production supplémentaire de 1300 saumons (chiffre non encore validé scientifiquement), soit 0,04% du stock mondial de saumon sauvage. La seule activité de pêche capture chaque année en France 2 à 3 fois plus de saumons que ce gain attendu sur la Sélune... étrange politique de protection d'une espèce menacée! En terme de linéaire, le gain représente 3,5% du linéaire salmonicole du seul bassin de Seine-Normandie (en excluant la Seine elle-même) – quantité devenant encore plus négligeable si l'on prend l'ensemble des bassins français pouvant accueillir les migrateurs (côtiers aquitains, vendéens, bretons, picards et flamands, grands bassins Adour, Dordogne-Garonne, Loire-Allier, Somme, Rhin...). Le coût du chantier d'effacement étant au minimum de 50 M€, probablement le double s'il faut traiter toutes les altérations chimiques et morphologiques de la zone amont devant accueillir les saumons, il est manifeste que le rapport coût-bénéfice est très mauvais. Mieux vaut un financement par l'exploitant des barrages de mesures compensatoires sur des linéaires salmonicoles bien plus faciles à aménager.


En visite dans la Manche le 4 décembre 2014, la Ministre de l'Ecologie Ségolène Royal avait déclaré à propos du projet d'effacement des barrages de la Sélune: "Il faut que le rapport qualité-prix soit raisonnable. On ne met pas 53 millions d'euros pour faire passer les poissons". Cette observation de bon sens lui fut vertement reprochée par les Amis de la Sélune et le lobby de la destruction (voir le communiqué).

Le principal enjeu de la destruction des barrages de la Sélune est de permettre son franchissement par les grands migrateurs amphihalins, et en particulier par l'espèce-cible qu'est le saumon atlantique (Salmo salar). La Sélune a été présentée comme "3e rivière à saumon de France" par les partisans de l'effacement. Qu'en est-il réellement de cette espèce sur la rivière ?

Un peu d'histoire : la pêche comme première menace sur le saumon
La préoccupation pour les saumons de la Sélune ne date pas de la directive-cadre européenne sur l'eau de 2000 ni de la loi sur l'eau de 2006 – ni même de la construction des barrages dans la première moitié du XXe siècle. On retrouve dans les archives du XIXe siècle mention des problèmes que posait alors la surpêche, sur cette rivière où des pêcheries sont par ailleurs attestées depuis le Moyen Âge (voir cet article de la revue Hypothèses).

Ainsi au Congrès scientifique de France (1860), on s'émeut de la destruction des juvéniles : "La Divette donne quelquefois de petits saumons. Ils y sont extrêmement rares, surtout depuis l'établissement du canal de retenue. Cette espèce, la plus importante sous tous les rapports dans nos rivières, serait abondante dans nos grands cours d'eau, le Couesnon, la Sélune, la Sée, la Sienne, la Vire, l'Ouve, si l'on en surveillait avec soin la pêche, au lieu de laisser, à bien dire, détruire le saumon dès son plus jeune âge, en quantités énormes parfois."

Dans l'Annuaire des cinq départements de la Normandie (1876), le rédacteur s'inquiète des filets posés en baie du Mont Saint-Michel et de la disparition du saumon à l'amont : "La diminution du poisson ne doit pas être attribuée au peu de rigueur avec laquelle on fait payer l'amende aux contrevenants; elle vient surtout de la façon dont on élude la loi dans la disposition des filets. Ceux-ci doivent être posés de façon à laisser un espace pour le passage du poisson, et si tous les filets étaient tendus du même côté, le poisson passerait en effet ; mais les pêcheurs éludent les dispositions protectrices du règlement en croisant leurs filets à distance , de manière à ce que le passage soit laissé tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Ils s'associent entre eux et prennent tout L'an dernier, on a pris à Ducey neuf saumons dans une heure. Il y a 15 ans, les saumons remontaient dans la Sée et dans la Sélune ; il n'y en a plus un seul aujourd'hui. C'est la faute des pêcheurs de la baie du Mont-St-Michel."

Ces alertes anciennes sur la surpêche ne sont indifférentes pour l'avenir. De manière ambivalente, la Fédération de pêche pousse à l'effacement des ouvrages en vue de favoriser un tourisme national voire international de prédation du grand migrateur par la pêche. Ce double discours ne serait pas sans poser problème en cas d'effacement, car si la biodiversité est d'intérêt général, ce n'est pas spécialement pas le cas d'un loisir sectoriel restant très minoritaire dans la population (y compris chez les pêcheurs, pour qui les retenues de Vezins et la Roche-qui-Boit sont les seules zones de pêche au "poisson blanc" de la région).



Avant les barrages, certains moulins bloquaient déjà la remontée
Autre motif de préoccupation au XIXe siècle : les aménagements de rivière, notamment les canalisations et certains moulins ayant augmenté leur hauteur de chute en réponse aux nouveaux besoins d'énergie issus de la révolution industrielle. L'ichtyologue Emile Blanchard le signale dans son classique sur Les poissons des eaux douces de la France (1866) : "Ainsi, l'Aulne, dans le département du Finistère, qui recevait autrefois beaucoup de Saumons, n'en a plus, aujourd'hui que la rivière a été canalisée et pourvue d'écluses. Il en est de même pour le Pensez et les autres cours d'eau, depuis l'établissement de moulins. Des obstacles analogues existent dans l'Ille-et-Vilaine, sur le Couesnon ; dans le département de la Manche, sur la Sée, la Sélune, la Sienne ; dans le Calvados, sur la Touques, la Dives, l'Orne, la Seulle. Sur la Risle, l'affluent de la Seine, où le Saumon était autrefois le plus abondant, tout passage du Poisson est maintenant interdit par le grand barrage éclusé de Pont-Audemer."

Même son de cloche dans le Bulletin de la Société nationale d'acclimatation de France (1884), où un rédacteur pointe en particulier le rôle du moulin de Ducey : "En France, certaines rivières peu importantes, qui se jettent directement dans la mer, étaient jadis très fréquentées par le Saumon; on pourrait citer, comme exemple, de nombreux cours d'eau de la Bretagne, —tels que la rivière de Châteaulin, le Trieux, le Couësnon, etc., — ou de la Normandie, — comme la Sée, laSienne,la Sélune , — dans lesquelles le Saumon était autrefois très abondant", une note précisant : "Je tiens de M. L. Quénault, vice-président de la Société académique du Cotentin, que le Saumon se montre encore tous les ans dans la Sienne ; il remonte également la Sélune jusqu'à Ducey, où il se trouve arrêté par le barrage d'un moulin".

Des barrages infranchissables : les gains attendus pour l'effacement
Les témoignages du passé montrent donc des menaces anciennes sur le saumon dans la Sélune, et des périodes de dépeuplement de ses eaux. Venons-en aux deux barrages de Vezins et la Roche-qui-Boit, construits dans la première partie du XXe siècle. Il ne fait aucun doute qu'ils représentent des obstacles actuellement infranchissables à la montaison des saumons, en raison de leur hauteur. Outre la barrière physique dans le sens de l'accès aux frayères vers l'amont, les barrages créent des lacs de retenue qui ne sont pas des habitats favorables aux juvéniles de saumon. Et leurs turbines provoquent une certaine mortalité quand les saumons rejoignent la mer, sachant que le génie civil des ouvrages n'est pas adéquat pour créer des solutions de dévalaison.

Que nous dit le rapport d'expertise de 2015 mené par le CGEIET / CGEDD concernant le gain attendu pour les saumons si l'on supprime les barrages? "Si l'on retient que sur l'intégralité du bassin de la Sélune, 26 % seulement de la surface potentielle d'habitats favorables à la production de saumon est aujourd'hui accessible, les surfaces de production retrouvées sur le bassin moyen et amont de la Sélune après la suppression des barrages seraient, selon les estimations de Onema et de l'Inra, multipliées par 3,8 et représenteraient 56 % des capacités du système baie du Mont Saint-Michel au lieu de 26 % actuellement. La population de saumons adultes serait multipliée par quatre avec la réouverture des zones situées en amont des barrages, soit un potentiel supplémentaire sur la Sélune de 1300 saumons adultes. Le stock total dans la baie du Mont Saint-Michel pourrait ainsi être porté à plus de 3000 saumons au lieu de 1850 actuellement." (Ci-dessous, le graphique des gains présumés d'habitats productifs.)



Nous avons demandé à l'Inra copie d'un rapport de 2014 sur le potentiel salmonicole de la Sélune (Forget et al 2014), il nous a été répondu que ce rapport était provisoire et interne, une publication scientifique étant prévue cette année. Donc, il ne nous est pas possible de statuer sur la rigueur de ce chiffre donné par le CGEIET / CGEDD, notamment d'analyser la manière dont l'estimation prend en compte l'actuelle dégradation chimique et morphologique du bassin amont (voir notre précédent article). Rappelons ici que les efforts déjà anciens de retour du saumon sur la Loire-Allier se soldent par des résultats assez décevants (par exemple entre 400 et 1200 saumons chaque année à Vichy, sans tendance significative depuis 15 ans), de sorte que les alléchantes promesses des tenants de la restauration salmonicole doivent être prises avec des pincettes. On ne dispose à notre connaissance d'aucune analyse coût-bénéfice des dépenses déjà consenties pour le saumon dans le cadre de ses plans de gestion (une pratique hélas assez courante dans les politiques publiques de notre pays).

Un gain modeste par rapport au linéaire salmonicole
En supposant que l'estimation d'un gain de production de 1300 saumons est correcte, que représente-t-elle ? Donnons un ordre de grandeur : selon le suivi du saumon atlantique par l'IUCN et sa liste rouge, le stock mondial de cette espèce est situé autour de 3,6 millions d'individus (en baisse de 44,5% depuis 30 ans, mais avec des fluctuations en partie naturelles et mal connues dans cette variation). Donc, le gain des 1300 saumons de la Sélune représente par rapport à la population instantanée de l'espèce 0,04%.

Rapporter un gain local à une population mondiale induit-il une fausse perspective ? Cela aide tout de même à fixer les idées, dans un dossier où beaucoup est fait pour les brouiller ou les noyer dans des généralités.

Autre comparaison possible : entre 2500 et 3000 saumons sont capturés par les pêcheurs chaque année en France (chiffres Onema 2012), donc le gain pour l'espèce menacée sur la Sélune est inférieur d'un facteur 2 à 3 aux pertes de prédation dues au loisir pêche (sachant qu'outre les captures déclarées, il y a toutes elles qui ne sont pas comptabilisées et qui relèvent du braconnage). Là encore, on est en droit de s'interroger sur la rationalité d'une politique de protection d'une espèce dite "menacée" qui reste néanmoins offerte à la destruction au nom d'un loisir, ainsi que sur la confusion institutionnalisée des fédérations de pêche ayant en charge à la fois la promotion de la pêche et la protection des milieux (ces pêcheurs-là étant les membres les plus actifs des "Amis de la Sélune" et les plus ardents défenseurs de la destruction des barrages, faut-il le préciser).

Gain en habitat, 3,5% du linéaire de Seine-Normandie (hors Seine)
Plutôt que la quantité de saumons, on peut raisonner sur les habitats gagnés. Examinons le linéaire de rivière salmonicole gagné par rapport au linéaire du bassin de Seine-Normandie, auquel est rattaché hydrographiquement la Sélune. L'image ci-dessous est issue du plan de gestion des poissons migrateurs de Seine-Normandie (en haut, carte de répartition, en dessous, rivière à saumons).



On observe que :
  • il y a un total de 1635 km de linéaires de rivières salmonicoles en Seine-Normandie ;
  • le gain de l'effacement des barrages sur la Sélune (58 km vers la source dans ce tableau) représente 3,5% de ce linéaire total ;
  • ce chiffrage exclut le bassin de la rivière Seine elle-même, qui est évidemment le plus important en terme d'objectifs à long terme (le saumon se reproduisait encore jusqu'à la Bourgogne en fin de XIXe siècle) ;
  • outre la Seine-Normandie, les rivières côtières salmonicoles sont présentes sur toute la façade atlantique de l'Aquitaine à l'Artois, et de grands bassins font l'objet de suivis et aménagements pour être rendus accessibles (Loire, Allier, Garonne, Dordogne, Adour, Somme, Rhin, etc.), donc le gain de linéaire sur la Sélune rapporté au potentiel salmonicole français est une quantité assez négligeable.
Pour le repreneur : choisir des mesures compensatoires au lieu d'améliorer marginalement le franchissement local
Dans l'hypothèse actuellement à l'étude d'une reprise des barrages en vue de poursuivre la production hydro-électrique, on a fait état de diverses hypothèses d'amélioration de la franchissabilité : transport en camion des poissons capturés à l'aval, ascenseurs à poissons, canaux de contournement.

Aucune des ces options ne nous semblent vraiment recevables : certaines ont un coût exorbitant, toutes ont une efficacité assez faible. Pour les raisons déjà énoncées : il ne faut pas seulement passer le barrage en montaison, mais encore trouver des habitats favorables ; le but est de rétablir le cycle complet, donc de garantir aussi une dévalaison dans de bonnes conditions, qui ne paraît pas à portée.

Si l'on conserve les barrages, il faut admettre comme donnée d'entrée que la partie amont de la Sélune ne sera pas accueillante aux migrateurs sur la durée de la concession, sans chercher des améliorations marginales. Des gains pour les milieux (dont les saumons) peuvent sans doute être obtenus par certaines méthodes de gestion, comme l'optimisation des débits turbinés en pointe ou les précautions sur les vidanges. Mais surtout, il nous paraît bien plus rationnel que le repreneur des barrages s'engage dans le principe de mesures compensatoires : abonder sur la durée de la concession un fonds dédié à libérer ailleurs sur le territoire un linéaire salmonicole équivalent à celui bloqué sur la Sélune.

Sur bon nombre des rivières, les obstacles au franchissement des saumons ne sont pas aussi radicaux que la Sélune. Par exemple sur le barrage de Poutès-Monistrol sur l'Allier, on n'a pas fait le choix de la destruction, mais plutôt d'un ré-aménagement qui conserve 90% du productible (pertes en pointe) et qui permet le franchissement par les saumons. Mieux vaut travailler ainsi à l'aménagement de rivières où les gains sont possibles, au lieu de s'acharner sur des sites impliquant des destructions prématurées d'ouvrage.

Conclusion
Les ouvrages de la Sélune sont objectivement infranchissables, l'amont du bassin est dégradé et les solutions alternatives de franchissement local ont un mauvais rapport coût-efficacité. L'effacement coûte au minimum 50 M€, probablement le double s'il faut rendre le bassin favorable aux saumons et gérer les conséquences défavorables. Si les ouvrages menaçaient ruine, leur démantèlement aurait du sens ; mais on a fait le choix basiquement absurde de casser des barrages en état correct et capables de produire l'électricité ni fossile ni fissile dont la transition énergétique française affirme par ailleurs l'urgente nécessité. En terme de rationalité de la dépense publique en faveur de la biodiversité, il paraît exorbitant de dépenser des sommes aussi considérables pour des gains aussi modestes: les citoyens n'ont pas à payer pour des symboles politiques flattant des positions extrêmes au terme d'arbitrages opaques. Il serait nettement préférable que le repreneur des barrages abonde un train de des mesures compensatoires libérant un linéaire salmonicole équivalent sur d'autres rivières normandes ou bretonnes, mais des rivières où les ouvrages plus modestes sont équipables en passes à poissons ou autres solutions efficaces de franchissement.

Illustrations : vallée de la Sélune, courtoisie des Amis du barrage ; pêche au saumon dessinée par Mesnel (1869).

Nos articles sur la Sélune
(1) Le déni démocratique
(2) Bassin pollué et dégradé, risques sur la baie du Mont-Saint-Michel
(3) Le gain réel pour les saumons
(4) Le bilan coût-bénéfice déplorable de la destruction des barrages

Associations, élus, personnalités : comme déjà 2000 représentants des citoyens et de la société civile, nous vous demandons de vous engager aujourd'hui pour défendre les seuils et barrages de France menacés de destruction par une interprétation radicale et absurde de la continuité écologique. En demandant un moratoire sur la destruction des ouvrages, vous appellerez le gouvernement et son administration à cesser la gabegie d'argent public, à prendre en considération le véritable intérêt général au lieu de visions partisanes de la rivière, à chercher des solutions plus concertées pour l'avenir de nos cours d'eau, de leurs milieux et de leurs usages.