Considérant que Mme la Ministre de l'Environnement, par lettre d'instruction du 9 décembre 2015 adressé aux Préfets, a écrit : "Dans l’immédiat, sans attendre les résultats de cette mission [confiée au CGEDD par la Ministre], je vous demande de ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas";
Considérant que la loi française sur l'eau et les milieux aquatiques (article L 214-17 Code de l'environnement) demande que tout ouvrage hydraulique de rivière classée en liste 2 soit "géré, entretenu et équipé" selon des règles définies par l'autorité administrative, et non pas arasé ou dérasé;
Considérant que l'article 29 de la loi 2009-967 dite Grenelle évoque la notion d'un "aménagement" des ouvrages "les plus problématiques" dans le cadre de la Trame bleue, et non pas un effacement des ouvrages modestes comme le sont les deux seuils concernés;
Considérant que la masse d'eau FR HR65, "l'Armançon du confluent du ruisseau de Baon (exclu) au confluent de l'Armance (exclu)", est en état chimique dégradé par les HAP, que la priorité DCE est de trouver une solution à ce facteur dégradant de qualité et qu'aucune preuve n'est avancée que le projet d'effacement des ouvrages n'est pas de nature à aggraver cet état chimique;
Considérant que l'état piscicole de cette masse d'eau, mesurée par l'Indice Poisson Rivière pour la DCE, est en classe "bonne" ou "excellente" dans les relevés de 2003, 2008 et 2012, et tend à s'améliorer graduellement depuis quinze ans, de sorte qu'il n'est nul besoin prioritaire d'améliorer ce compartiment de qualité par des opérations destructives;
Considérant que les travaux des chercheurs (Beslagic S et al (2013a), CHIPS: a database of historic fish distribution in the Seine River basin (France), Cybium, 37, 1-2, 75-93) ont montré que "la situation des peuplements [de poissons] ne semble guère avoir évolué sur l’Armançon (un affluent de l’Yonne) entre la fin du XIXe siècle et aujourd’hui", de sorte que l'hypothèse d'un effet négatif et cumulatif dans le temps des ouvrages sur les poissons paraît infirmé par ces données de recherche;
Considérant que la faible hauteur des ouvrages (0,97 m et 1,65 m au module), la conformation en pente de leur parement et l'existence d'échancrures latérales les rendent en particulier franchissables aux espèces migratrices (ici anguilles) qui sont la cible première du classement des rivières de Seine-Normandie par arrêté de décembre 2012, les anguilles étant attestées dans les pêches de contrôle à l'amont du bassin;
Considérant que les rapports des bureaux d'études Cariçaie 2012, Segi 2015 et le dossier soumis à enquête publique n'ont procédé à aucun inventaire complet de biodiversité des zones à aménager, de sorte que la gain écologique n'est pas motivé et que le risque de mise en danger d'espèces menacées n'est pas vérifié, ce qui est contraire aux articles L 110-1, L 163-1 et L 411-1 du Code de l'environnement;
Considérant que la mission Hydratec 2006-2007 (JR Malavoi), commanditée par le Sirtava aujourd'hui SMBVA, concluait à l'absence d'enjeux sédimentaires sur le bassin – "Le bassin de l’Armançon présente environ 400 km de rivières importantes : l’Armançon lui-même (200 Km) et ses principaux affluents et sous-affluents (Brenne, Oze, Ozerain et Armance). D’un point de vue géodynamique, ces rivières, bien que très influencées par les activités anthropiques (nombreux barrages, anciens rescindements de méandres et travaux divers liés notamment à la construction du canal de Bourgogne, nombreuses protection de berges « rustiques » (dominantes) ou très « lourdes » (plutôt rares) présentent une activité géodynamique assez importante. Les érosions de berges, plus ou moins actives selon les secteurs, sont à l’origine d’une charge alluviale importante qui garantit, malgré la présence de barrages « piégeurs d’alluvions », un équilibre sédimentaire. Cette fourniture de charge alluviale évite notamment les incisions du lit, dommageables pour les ouvrages d’art (ponts, digues, protections de berges sur des secteurs à enjeux). Cette activité géodynamique permet aussi le maintien de milieux intéressant du point de vue écologique : des habitats aquatiques diversifiés (en dehors des retenues générées par les seuils) ; un substrat alluvial indispensable pour les biocénoses aquatiques" – de sorte que l'enjeu sédimentaire du projet n'est pas motivé, outre le fait que les ouvrages de taille modeste sont quasi-transparents à la charge solide lors des crues morphogènes ;
Considérant que l'étude géotechnique du BE Fondasol a établi que les deux ponts à l'amont des ouvrages sont en mauvais état pour leurs piles et leurs culées, sans fondation profonde en premier examen, et que l'arasement des ouvrages risque d'affaiblir ces structures par des variations plus prononcées du niveau d'eau à l'amont;
Considérant qu'aucun régime de responsabilité juridique en cas de dommage différé aux tiers et aux milieux liés à l'arasement n'a été établi, alors qu'il reviendrait au Syndicat de l'Armançon SMBVA ou à l'Etat de préciser qu'ils assument tous les risques futurs liés au changement des écoulements et qu'ils libèrent les propriétaires d'ouvrages de cette responsabilité;
Considérant que le projet proposé en enquête publique n'établit pas l'absence de l'ensemble des polluants à surveiller dans les sédiments ni l'évitement de leur remobilisation dommageable à la rivière ou aux captages (arrêté du 9 août 2006 relatif à la nomenclature du R 214-1 Code de l'environnement);
Considérant qu'un effacement d’ouvrage ne doit pas induire ni faciliter l’introduction d’une espèce indésirable ou d'une épizootie dans un milieu qui en est indemne (article L411-3 Code de l’environnement, article L 228-3 Code rural et de la pêche), et que ce point n'est pas sérieusement établi dans le projet dont l'objectif est de faciliter la circulation des espèces aquatiques, y compris les invasifs ou indésirables, et les pathogènes dont ils peuvent être porteurs;
Considérant que la ville de Tonnerre a obtenu en 2015 le label de "petite cité de caractère", que les ouvrages et leurs plans d’eau font partie du patrimoine historique, paysager et technique de la ville, que leur effacement contribue à une perte de mémoire collective sur les usages riverains ;
Considérant que nous n'avons pas eu connaissance d'un arrêté préfectoral d'annulation ou de modification du droit d'eau ou du règlement d'eau des ouvrages concernés par le projet, de sorte que leur consistance légale doit être respectée tant qu'un tel arrêté n'est pas promulgué et son délai de contestation respecté;
Considérant que ce projet, sans réel enjeu écologique démontré au regard de ce qui précède, représente une dépense d'argent public inutile, en particulier face à des priorités de premier ordre comme la prévention des inondations et la limitation des pollutions, induit une dégradation dommageable du patrimoine hydraulique de Tonnerre et implique la perte d'un potentiel énergétique qui pourrait être à l'avenir exploité pour améliorer le bilan carbone du territoire ;
l’Association Hydrauxois, l'Association ARPENT (Association pour la Restauration et la Protection de l'Environnement Naturel du Tonnerrois) et l’Association de Sauvegarde du Petit Patrimoine Tonnerrois demandent :
- à M. le Commissaire enquêteur de donner un avis négatif au projet d'effacement de deux ouvrages hydrauliques de Tonnerre (services techniques et Bief Saint-Nicolas);
- à M. le Préfet de l'Yonne de suspendre ce projet dans l’attente de données complémentaires et dans le respect de l'instruction donnée par Mme la Ministre.
Copie à Mme la Ministre de l'Environnement.
A nos consoeurs associatives : plusieurs des motivations du refus des effacements de Tonnerre ont des arguments généraux que vous pouvez reprendre librement pour vous opposer à d'autres projets qui concernent vos territoires (pour notre part, nous refuserons également les effacements sur le Cousin et l'Ource). N'hésitez pas à le faire, en prenant la même procédure : dépôt d'avis en enquête publique, demande au Préfet de surseoir, copie à la Ministre de l'Environnement.
Aux citoyens de Tonnerre : le dernier jour pour donner votre avis à l'enquête publique est le mardi 5 juillet, 14-17 h, en mairie.
A lire : l'ensemble des articles et analyses sur le sujet en cliquant sur l'onglet Tonnerre de notre site.