07/07/2016

Avis négatif sur l'effacement de l'ouvrage de Perrigny-sur-Armançon, demande au préfet de surseoir

Avec les projets de Tonnerre et de Perrigny, le syndicat de l'Armançon (SMBVA ex Sirtava) confirme sa volonté manifeste de gâcher l'argent public à détruire le maximum d'ouvrages hydrauliques du bassin, alors même que la taille modeste de ces seuils ne constitue aucunement une entrave à la circulation des migrateurs de la rivière ni un problème de transit sédimentaire. Nous combattrons bien évidemment ces projets absurdes par tous les moyens. Voici notre avis sur le seuil du moulin de Perrigny-sur-Armançon, près d'une centaine de riverains ayant déjà signé une pétition en faveur de son maintien. Dernier jour de l'enquête publique : le 8 juillet de 10 à 13 h en mairie de Perrigny.



Considérant que Mme la Ministre de l'Environnement, par lettre d'instruction du 9 décembre 2015 adressé aux Préfets, a écrit : «Dans l’immédiat, sans attendre les résultats de cette mission [confiée au CGEDD par la Ministre], je vous demande de ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas»;

Considérant que la loi française (article L 214-17 Code de l'environnement) demande que tout ouvrage hydraulique de rivière classée en liste 2 soit "géré, entretenu et équipé" selon des règles définies par l'autorité administrative, et non pas arasé ou dérasé;

Considérant que l'article 29 de la loi 2009-967 dite Grenelle évoque la notion d'un "aménagement" des ouvrages "les plus problématiques" dans le cadre de la Trame bleue, et non pas un effacement des ouvrages modestes et non problématiques comme le seuil de l’ouvrage de Perrigny-sur-Armançon;

Considérant que plusieurs dizaines de citoyens de Perrigny-sur-Armançon ont signé une pétition demandant le respect de leur cadre de vie et le maintien du barrage ainsi que de son plan d'eau à leur consistance légale, que l'intérêt général en objet de la demande d'autorisation doit inclure le respect des droits des tiers et l'avis des riverains, que ce n'est manifestement pas le cas;

Considérant que l'ouvrage hydraulique de Perrigny-sur-Armançon dispose déjà, en rive droite comme en rive gauche, d'un déversoir et d'un enrochement franchissables à diverses conditions de débit par les espèces piscicoles d'intérêt de la masse d'eau;

Considérant que le bureau d'études SEGI 2015 a posé dans le projet comme espèce repère le chabot (page 29 du dossier), qu'une abondante littérature scientifique a montré que cet animal ne saurait être raisonnablement considéré comme un "poisson migrateur" en raison de sa stratégie de vie et de sa morphologie correspondant à une espèce essentiellement sédentaire, que l'article L 214-17 Code de l'environnement n'enjoint pas de gérer, équiper ou entretenir des ouvrages hydrauliques pour toutes les espèces de poissons, mais pour celles qui ont des besoins attestés de migration dans leur cycle de vie, que le projet n'établit pas en tout état de cause si le chabot est présent à l'amont et à l'aval de l'ouvrage, que cette présentation de l'information est de nature à tromper le public participant à l'enquête et à tromper le propriétaire sur la réalité de ses obligations réglementaires à l'origine du projet;

Considérant que le rapport SEGI 2015 reconnaît une franchissabilité de l'anguille (classe ICE 0,66) par l'ouvrage en l'état, que le principal enjeu migrateur du tronçon est d'ores et déjà assuré au droit de l'ouvrage hydraulique, que la destruction du seuil est une solution disproportionnée à l'enjeu migrateur ;

Considérant que le rapport SEGI 2015 reconnaît qu'"un transport sédimentaire grossier est cependant avéré sur la zone d’influence" [de l'ouvrage], que l'enjeu sédimentaire n'est pas plus établi que l'enjeu piscicole migrateur, que le choix proposé ne correspond en conséquence ni une obligation au regard de l'article L 214-17 CE ni à un intérêt général;

Considérant qu'un effacement d’ouvrage ne doit pas induire ni faciliter l’introduction d’une espèce indésirable ou d'une épizootie dans un milieu qui en est indemne (article L411-3 Code de l’environnement, article L 228-3 Code rural et de la pêche), et que ce point n'est pas sérieusement établi dans le projet dont l'objectif est de faciliter la circulation des espèces aquatiques à très faible capacité de nage et de saut, y compris les invasifs ou indésirables, et les pathogènes dont ils peuvent être porteurs, que par exemple le Pseudorasbora parva (classé comme nuisible) est attesté dans le bassin de Seine;

Considérant que le projet proposé en enquête publique n'établit pas l'absence de l'ensemble des polluants à surveiller dans les sédiments ni l'évitement de leur remobilisation dommageable à la rivière ou aux captages (arrêté du 9 août 2006 relatif à la nomenclature du R 214-1 Code de l'environnement), de sorte qu’il fait courir un risque aux milieux et aux tiers et qu'il ne chiffre pas de manière réaliste le coût du chantier (coût supplémentaire d'analyse et éventuellement de gestion des sédiments pollués);

Considérant que les mesures de qualité biologique du dossier, sur les stations amont (Montigny-sur-Armançon) et aval (Tronchoy) font apparaître que la masse d'eau réellement concernée (Tronchoy) est en bon état ou en très bon état pour les indices poissons, invertébrés et diatomées, qu'il est trompeur de présenter au public les résultats de la station de Montigny-sur-Armançon située en réalité en amont du barrage de Pont-et-Massènen dans un hydrosystème très différent de Perrigny-sur-Armançon et très perturbé par un ouvrage de grande dimension, que le bon état biologique de la masse d'eau malgré sa fragmentation par des seuils n'apporte donc aucune motivation de l'intérêt général de l'opération ni de sa nécessité écologique en général;

Considérant que le projet proposé en enquête publique n'a pas réalisé d'inventaire de biodiversité de la retenue et de ses annexes immédiates (relevé de terrain sommaire et limité aux abords de la rivière), n'a réalisé aucun modèle pour vérifier l'effet du changement des écoulements et de la ligne d'eau sur la biodiversité de la station et du tronçon concernés par le chantier, notamment la Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique de type 1 à 1,5 km amont seulement de l'ouvrage (donc dans l'emprise de son remous et de ses effets sur la nappe), qu'il fait courir en conséquence un risque non évalué à la biodiversité, ce qui est contraire aux articles L 110-1, L 163-1 et L 411-1 du Code de l'environnement ;

Considérant que les ouvrages en rivière tendent à épurer les masses d’eau par augmentation du temps de résidence hydraulique et décantation-sédimentation locale (nombreuses recherches scientifiques en ce sens), que le rapport SEGI 2015 établit que "les données trouvées sont insuffisantes quant aux 41 paramètres définissant l’état chimique dans l’arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d’évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface, en application de la directive européenne 2000/60/DCE", que cette absence d'information ne permet pas d'établir un éventuel risque d'aggravation du bilan chimique de la masse d'eau en conséquence des travaux, qu’aucune mesure ni aucun modèle n’a été proposé dans le projet pour vérifier ce point (mesure de qualité chimique en amont du remous et en aval de la retenue), que la Cour de justice de l’Union européenne a établi (C461/13, arrêt 01/07/2015) : «l’article 4, paragraphe 1, sous a), i) à iii), de la directive 2000/60 doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus, sous réserve de l’octroi d’une dérogation, de refuser l’autorisation d’un projet particulier lorsqu’il est susceptible de provoquer une détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface ou lorsqu’il compromet l’obtention d’un bon état des eaux de surface ou d’un bon potentiel écologique et d’un bon état chimique de telles eaux» ;

Considérant que le changement climatique est regardé par les chercheurs comme la menace de premier ordre pour les milieux et les sociétés à l’échelle de ce siècle, que ce changement est  susceptible de produire une situation d'incertitude et de stress hydrologiques (étiages et crues plus sévères), que l'Armançon au droit de l'ouvrage montre des débits extrêmes d'étiage préoccupants (SEGI 2015 : étiage à 0,18 m3/s en août 2003 par exemple), que la conservation des outils de régulation de la rivière (comme le seuil du moulin de Perrigny) avec adaptation progressive aux nouveaux besoins est dans ces conditions une solution de sagesse et de prudence au lieu d’une destruction sur la base de connaissances scientifiques très lacunaires, ne répondant pas au principe de précaution ;

Considérant que du point de vue paysager et social, la disparition du plan d’eau et son remplacement par un lit mineur de section très amoindrie en situation de faibles débits estivaux de l'Armançon sont de nature à nuire aux usages actuels, en particulier à léser les tiers riverains qui ont exprimé leur opposition à ce projet mais qui n'ont pas reçu de proposition de compensation ni d'indemnisation, plus généralement qui n'ont pas été entendu dans le cadre de la préparation du dossier de déclaration;

Considérant que le modèle hydraulique développé par SEGI 2015  ne répond pas à la question de savoir si la future répartition des écoulements, après effacement de l'ouvrage, sera de nature à aggraver le risque d'inondation pour certaines parcelles, et qu'il manque en conséquence à son obligation de garantir ce point au regard de la prévention des risques d'inondation;

Considérant qu'aucun titre de propriété des ouvrages hydrauliques n'a été reproduit dans le dossier du projet, qu'une délégation de maîtrise d'ouvrage est nulle et non avenue si ces titres ne sont pas établis, que la destruction partielle ou totale des ouvrages demande la vérification préalable de ce point de droit à peine d’irrecevabilité ;

Considérant qu'aucune convention de délégation de maîtrise d'ouvrage entre le propriétaire privé présumé et le SMBVA-Sirtava n'est reproduite, qu'il est donc impossible d'établir l'existence et la nature de cette délégation, qu'il est également impossible de vérifier si cette convention établit clairement que le propriétaire présumé a été correctement informé de l’ensemble des conséquences du projet (perte du droit d’eau donc de la valeur foncière du moulin, changement définitif des lignes d'eau, risque sur le bâti, responsabilité vis-à-vis de tiers si les changements d’écoulement de l’ouvrage les impactent, etc.), de sorte qu’il serait nécessaire de vérifier la bonne information préalable du propriétaire présumé lors du recueil de son consentement, afin que ce dernier ne puisse être réputé vicié par la dissimulation d'informations essentielles;

Considérant qu'aucune étude géotechnique n'a établi l'évolution des berges et du bâti riverain à la suite du changement des écoulements, en sorte que le dossier ne garantit pas avec la rigueur requise le respect du droit des tiers;

Considérant qu'aucun régime de responsabilité juridique en cas de dommage différé aux tiers et aux milieux liés à l'arasement n'a été établi, alors qu'il reviendrait au Sirtava-SMBVA ou à l'Etat de préciser qu'ils assument tous les risques futurs liés au changement des écoulements et qu'ils libèrent le propriétaire présumé de l'ouvrage de cette lourde responsabilité vis-à-vis des tiers;

Considérant que ce projet, sans réel enjeu écologique démontré au regard de ce qui précède et présentant au contraire des risques pour les milieux, engage une dépense d'argent public inutile, en particulier face à des priorités de premier ordre comme la prévention des inondations et la limitation des pollutions, ne répond pas à la définition d'un intérêt général, induit une dégradation dommageable du patrimoine hydraulique de Perrigny-sur-Armançon et du paysage de vallée aménagée, implique la perte d'un potentiel énergétique qui pourrait être à l'avenir exploité pour améliorer le bilan carbone du territoire ;

Considérant que plusieurs des motivations énumérées ci-dessus sont de nature à dégrader la qualité de l'enquête publique et à nourrir un contentieux contre un arrêté préfectoral qui autoriserait les travaux en l’état du dossier;

l’Association Hydrauxois  demande :
  • à M. le Commissaire enquêteur de donner un avis négatif au projet d'effacement du seuil du Moulin de Perrigny-sur-Armançon;
  • à M. le Préfet de l'Yonne de suspendre ce projet dans l’attente de données complémentaires et dans le respect de l'instruction donnée par Mme la Ministre.
Copie à Mme la Ministre de l'Environnement.

A nos consoeurs associatives : plusieurs des motivations de nos refus des effacements ont des arguments généraux que vous pouvez reprendre librement pour vous opposer à d'autres projets qui concernent vos territoires. Par ailleurs, chaque motivation diffère dans ses détails et donne des exemples de points à vérifier en cas d'effacement (IPR de la rivière, risque chimique de remobilisation des sédiments, protection patrimoniale, titre de propriété...). N'hésitez pas à agir sur vos rivières, en prenant la même procédure : dépôt d'avis en enquête publique, demande au Préfet de surseoir, copie à la Ministre de l'Environnement.

06/07/2016

Avis négatif sur l'effacement des ouvrages d'Avallon, demande au préfet de surseoir

Après l'Armançon à Tonnerre et l'Ource à Belan, l'association Hydrauxois s'oppose à l'effacement de trois ouvrages hydrauliques communaux sur le Cousin à Avallon. Dernier jour pour l'enquête publique: demain 7 juillet, entre 14 h et 17 h, en mairie d'Avallon. 



Considérant que Mme la Ministre de l'Environnement, par lettre d'instruction du 9 décembre 2015 adressé aux Préfets, a écrit : "Dans l’immédiat, sans attendre les résultats de cette mission [confiée au CGEDD par la Ministre], je vous demande de ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas";

Considérant que la loi française sur l'eau et les milieux aquatiques (article L 214-17 Code de l'environnement) demande que tout ouvrage hydraulique de rivière classée en liste 2 soit "géré, entretenu et équipé" selon des règles définies par l'autorité administrative, et non pas arasé ou dérasé;

Considérant que l'article 29 de la loi 2009-967 dite Grenelle évoque la notion d'un "aménagement" des ouvrages "les plus problématiques" dans le cadre de la Trame bleue, et non pas un effacement des ouvrages de dimensions très modestes comme le sont les trois seuils concernés;

Considérant que la masse d'eau du Cousin au droit d’Avallon possède selon le rapport du bureau d’études Artelia un état IBGN dégradé "à mettre en relation avec la présence de la commune d’Avallon en amont de cette station dont les rejets de la STEP impactent possiblement la qualité globale du Cousin", que la priorité du gestionnaire vis-à-vis de la directive cadre européenne sur l’eau est de trouver une solution à ce facteur dégradant de qualité et qu'aucune preuve n'est avancée que le projet d'effacement des ouvrages n'est pas de nature à aggraver cet état chimique, compte tenu du rôle épuratoire des retenues reconnu amplement par les travaux de la communauté scientifique;

Considérant, selon le même motif que précédemment et au plan du droit, qu’aucune mesure ni aucun modèle n’a été proposé dans le projet pour garantir l’absence de risque d’aggravation de l’état chimique à l’aval des ouvrages alors que la Cour de justice de l’Union européenne a établi (C461/13, arrêt 01/07/2015) : "l’article 4, paragraphe 1, sous a), i) à iii), de la directive 2000/60 doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus, sous réserve de l’octroi d’une dérogation, de refuser l’autorisation d’un projet particulier lorsqu’il est susceptible de provoquer une détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface ou lorsqu’il compromet l’obtention d’un bon état des eaux de surface ou d’un bon potentiel écologique et d’un bon état chimique de telles eaux" ;

Considérant qu’il a été montré par la recherche scientifique en histoire de l’environnement que les travaux des premiers icthyologues sont des sources recevables pour évaluer les trajectoires historiques des assemblages biologiques (Beslagic 2013 et la base Chips), qu’en particulier la monographie d’Emile Moreau sur les peuplements du bassins de l’Yonne (Moreau 1897, 1898) est jugée recevable à cette fin par les chercheurs et que cette monographie atteste de truites «très abondantes» sur le Cousin quand tous les moulins étaient en activité, avec des impacts à cette époque plus importants que les seuils aujourd’hui résiduels, et donc qu’aucun rapport de cause à effet n’est démontré entre la densité piscicole des espèces d’intérêt et l’effacement des ouvrages des moulins ;

Considérant que la faible hauteur des ouvrages, la conformation en pente de leur parement, l'existence d'échancrures latérales et la possibilité d’actionner les vannes les rendent en particulier franchissables aux espèces migratrices (ici truites) qui sont la cible première du classement des rivières de Seine-Normandie par arrêté de décembre 2012, les truites étant attestées dans les pêches de contrôle à l'amont du bassin et n’étant donc pas affectées dans leur cycle de vie par les obstacles modestes à la continuité longitudinale, d’où il ressort que la solution non réversible du dérasement ou des échancrures est disproportionnée et doit être rejetée ;

Considérant que plusieurs travaux ont suggéré que les petits barrages peuvent avoir des effets bénéfiques sur les moules d’eau douces, notamment à l’aval du seuil de retenue (Gangloff 2011, Singer et Gangloff 2011), que dans le cas particulier de la moule perlière, ce point a été rappelé dans les Cahiers d’habitats Natura 2000, édités sous l’autorité du Museum d’histoire naturelle ("Les biefs de moulins constitue parfois des milieux de choix [comme habitats] grâce à la pérennité des conditions hydrologiques, à l’origine de grande concentration d’individus" Bensettiti et Gaudillat 2004), que l’effacement des ouvrages et de leur système hydraulique n’est donc pas de nature à favoriser cette espèce protégée d’intérêt communautaire ;

Considérant que les rapports des bureaux d'études et le dossier soumis à enquête publique n'ont procédé à aucun inventaire complet de biodiversité des zones à aménager, de sorte que la gain écologique n'est pas motivé et que le risque de mise en danger d'espèces menacées n'est pas vérifié, ce qui est contraire aux articles L 110-1, L 163-1 et L 411-1 du Code de l'environnement;

Considérant qu'un effacement d’ouvrage ne doit pas induire ni faciliter l’introduction d’une espèce indésirable ou d'une épizootie dans un milieu qui en est indemne (article L411-3 Code de l’environnement, article L 228-3 Code rural et de la pêche), et que ce point n'est pas sérieusement établi dans le projet dont l'objectif est de faciliter la circulation des espèces aquatiques à très faible capacité de nage et de saut, y compris des invasifs ou indésirables, et les pathogènes dont ils peuvent être porteurs;

Considérant que le changement climatique est regardé par les chercheurs comme la menace de premier ordre pour les milieux et les sociétés à l’échelle de ce siècle, que ce changement est  susceptible de produire une situation d'incertitude et de stress hydrologiques (étiages et crues plus sévères), que le VCN3 du Cousin au droit des ouvrages est déjà très faible (89 l/s en quinquennale sèche), que la conservation des outils de régulation de la rivière avec adaptation progressive aux nouveaux besoins est dans ces conditions une solution de sagesse et de prudence au lieu d’une destruction sur la base de connaissances scientifiques très lacunaires, ne répondant pas au principe de précaution ;

Considérant que le document d'accompagnement du ZPPAUP de la ville d’Avallon où sont situés les ouvrages en projet précise les points suivants "La vallée du Cousin est un secteur naturel qui est inclus dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. en tant que ‘zone naturelle constituant un espace complémentaire aux zones bâties’ : rôle d’écrin, de toile de fond. Les relations visuelles entre le centre ancien d’Avallon et la vallée du Cousin sont particulièrement étroites, ce que soulignait déjà Victor Petit au siècle dernier : si ‘la vallée n’est belle que vue de la ville, [...] la ville n’est réellement belle que vue de la vallée’. Cette notion de réciprocité visuelle justifie pleinement l’intégration d’une partie de la vallée dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. (..) On y trouve en outre des constructions pittoresques restées à l’abri de l’urbanisation de l’après-guerre : anciens moulins à eau, petites fabriques, etc. Ils sont généralement bien intégrés au paysage naturel et participent au caractère romantique des lieux", que la destruction de ce patrimoine historique et paysager inscrit en ZPPAUP n’est pas justifiée par des causes d’intérêt général supérieur, qu’elle est de nature à affecter l’identité et l’attractivité de la Commune d’Avallon, qu’elle n’a pas fait à notre connaissance l’objet d’un rapport d’expertise des autorités administratives en charge du patrimoine et de la culture;

Considérant que du point de vue paysager et social, la disparition des plans d’eau et leur remplacement par un lit mineur de section très amoindrie en situation de faibles débits estivaux du Cousin avalonnais sont de nature à nuire aux usages actuels, en particulier dans les zones qui ont été aménagées à fin récréative au bord desdits plans d’eau ;

Considérant que nous n'avons pas eu connaissance d'un arrêté préfectoral d'annulation ou de modification du droit d'eau ou du règlement d'eau des ouvrages concernés par le projet, de sorte que leur consistance légale doit être respectée tant qu'un tel arrêté n'est pas promulgué et son délai de contestation respecté;

Considérant qu'aucun titre de propriété des ouvrages hydrauliques par la ville d'Avallon n'a été reproduit dans le dossier du projet, qu'une délégation de maîtrise d'ouvrage est nulle et non avenue si ces titres ne sont pas établis, que la destruction partielle ou totale des ouvrages demande la vérification préalable de ce point de droit à peine d’irrecevabilité ;

Considérant qu'aucun régime de responsabilité juridique en cas de dommage différé aux tiers et aux milieux liés à l'arasement n'a été établi, alors que, dans l’intérêt des citoyens d’Avallon, il reviendrait au Parc naturel régional du Morvan ou à l'Etat de préciser qu'ils assument tous les risques futurs liés au changement des écoulements et qu'ils libèrent le propriétaire présumé des ouvrages de cette responsabilité;

Considérant que ce projet, sans réel enjeu écologique démontré au regard de ce qui précède, représente une dépense d'argent public inutile et considérable (367 000 euros), en particulier face à des priorités de premier ordre comme la prévention des inondations et la limitation des pollutions, induit une dégradation dommageable du patrimoine hydraulique d’Avallon et du paysage de vallée aménagée, implique la perte d'un potentiel énergétique qui pourrait être à l'avenir exploité pour améliorer le bilan carbone du territoire ;

l’Association Hydrauxois  demande :

  • à M. le Commissaire enquêteur de donner un avis négatif au projet d'effacement de trois ouvrages hydrauliques d’Avallon (moulin Nageotte, moulin Poichot, moulin Mathey);
  • à M. le Préfet de l'Yonne de suspendre ce projet dans l’attente de données complémentaires et dans le respect de l'instruction donnée par Mme la Ministre.

Copie à Mme la Ministre de l'Environnement.

A nos consoeurs associatives : plusieurs des motivations de nos refus des effacements ont des arguments généraux que vous pouvez reprendre librement pour vous opposer à d'autres projets qui concernent vos territoires. Par ailleurs, chaque motivation diffère dans ses détails et donne des exemples de points à vérifier en cas d'effacement (IPR de la rivière, risque chimique de remobilisation des sédiments, protection patrimoniale, titre de propriété...). N'hésitez pas à agir sur vos rivières, en prenant la même procédure : dépôt d'avis en enquête publique, demande au Préfet de surseoir, copie à la Ministre de l'Environnement.

05/07/2016

Avis négatif sur l'effacement de l'ouvrage Massard (Belan-sur-Ource), demande à la préfète de surseoir

Les associations Hydrauxois et ARPOHC s'opposent à l'effacement de l'ouvrage Massard de Belan-sur-Ource par le syndicat SICEC. Rappel : une réunion publique d'information se tiendra le 7 juillet en salle des fêtes d'Autricourt. 


Considérant que Mme la Ministre de l'Environnement, par lettre d'instruction du 9 décembre 2015 adressé aux Préfets, a écrit : «Dans l’immédiat, sans attendre les résultats de cette mission [confiée au CGEDD par la Ministre], je vous demande de ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas»;

Considérant que la loi française (article L 214-17 Code de l'environnement) demande que tout ouvrage hydraulique de rivière classée en liste 2 soit "géré, entretenu et équipé" selon des règles définies par l'autorité administrative, et non pas arasé ou dérasé;

Considérant que l'article 29 de la loi 2009-967 dite Grenelle évoque la notion d'un "aménagement" des ouvrages "les plus problématiques" dans le cadre de la Trame bleue, et non pas un effacement des ouvrages modestes comme le seuil de l’ouvrage Massard;

Considérant que selon l’Etude des peuplements piscicoles et macrobenthiques de l’Ource et de ses affluents au regard de la qualité physique et chimique de l’hydrosystème (FDPPMA 21, 2011) l'état piscicole de l’Ource, mesurée par l'Indice Poisson Rivière pour la Directive cadre européenne sur l’eau 2000, est en classe "excellente" (meilleure classe de qualité), ce qui contredit manifestement l’hypothèse d’un impact piscicole grave des ouvrages sur les bio-indicateurs de qualité de la rivière, en particulier de l’ouvrage Massard, mais suggère au contraire que ces ouvrages peuvent avoir un effet bénéfique ;

Considérant que selon la même étude, l’état chimique de l’Ource de la confluence de la Digeanne à la confluence avec la Seine est en état « bon » alors que l’Ource amont est en état « mauvais », que les ouvrages en rivière tendent à épurer les masses d’eau par augmentation du temps de résidence hydraulique et décantation-sédimentation locale (nombreuses recherches scientifiques en ce sens), que le projet d’effacement de ces ouvrages hydrauliques est en conséquence de nature à aggraver l’état chimique de la masse d’eau Ource aval, qu’aucune mesure ni aucun modèle n’a été proposé dans le projet pour vérifier ce point (mesure de qualité en amont du remous et en aval de la retenue), que la Cour de justice de l’Union européenne a établi (C461/13, arrêt 01/07/2015) : «l’article 4, paragraphe 1, sous a), i) à iii), de la directive 2000/60 doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus, sous réserve de l’octroi d’une dérogation, de refuser l’autorisation d’un projet particulier lorsqu’il est susceptible de provoquer une détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface ou lorsqu’il compromet l’obtention d’un bon état des eaux de surface ou d’un bon potentiel écologique et d’un bon état chimique de telles eaux» ;

Considérant que la faible hauteur résiduelle de l’ouvrage (environ 1 m), dont la vanne a déjà été déposée (sans autorisation préfectorale modifiant le règlement d’eau à notre connaissance, ce qui serait en cas de confirmation une action non réglementaire), le rend en particulier franchissable aux espèces migratrices à forte capacité de nage et de saut qui sont la cible première du classement des rivières de Seine-Normandie 2012, de sorte que le choix de la destruction irréversible et complète de l’ouvrage Massard est une solution disproportionnée;

Considérant que le projet proposé en enquête publique n'a réalisé aucun inventaire de biodiversité  de l’hydrosystème formé par la retenue résiduelle de l’ouvrage hydraulique, les canaux et plans d’eau alimentés par son détournement des eaux, de sorte qu’il est impossible en l’état de savoir si la biodiversité de la station et du tronçon concernés par le chantier ne va pas être altérée, ni si des espèces protégées sont mises en danger dans l’emprise du système hydraulique, ce qui est contraire aux dispositions des articles L 110-1, L 163-1 et L 411-1 du Code de l'environnement;

Considérant que le projet proposé en enquête publique a pour vocation assumée de changer les écoulements du bief usinier et des sous-biefs alimentés par lui, sans qu’à notre connaissance une étude géotechnique ait procédé à l’examen de la stabilité future des berges et du bâti riverain aval, actuellement en eau une large partie de l’année, de sorte que le projet est susceptible de nuire aux biens et aux personnes tant que ce point n’est pas garanti ;

Considérant que le village de Belan-sur-Ource est traversé par un réseau de petits canaux qui permettent la diffusion des crues à temps de retour fréquent, que le projet proposé en enquête publique n’a pas procédé à une simulation complète de l’avenir de ce réseau et de son entretien s’il n’est plus en eau de longues périodes de l’année suite à l’effacement, que le règlement d’eau de 1855 attestait déjà de l’inquiétude des riverains sur le bon entretien des dérivations face aux crues, que le maître d’ouvrage par délégation (SICEC) manque de prudence et de discernement dans la modification des écoulements   ;

Considérant qu'aucun régime de responsabilité juridique en cas de dommage différé aux tiers et aux milieux liés à l'arasement n'a été établi (au-delà de l’année consécutive aux travaux dans la convention), alors qu'il reviendrait au SICEC ou à l'Etat de préciser qu'ils assument tous les risques futurs liés au changement des écoulements et qu'ils libèrent les propriétaires d'ouvrages de cette lourde responsabilité vis-à-vis des tiers;

Considérant que la Convention de principe signée entre le SICEC et la propriétaire de l’ouvrage hydraulique le 1er juin 2015 n’établit pas clairement que ladite propriétaire a été correctement informée de l’ensemble des conséquences du projet (perte du droit d’eau donc de la valeur foncière du moulin, changement définitif des lignes d'eau, risque sur le bâti, responsabilité vis-à-vis de tiers si les changements d’écoulement de l’ouvrage les impactent, etc.), de sorte qu’il serait nécessaire de vérifier la bonne information préalable de la propriétaire lors du recueil de son consentement, afin que ce dernier ne puisse être réputé vicié;

Considérant que le projet proposé en enquête publique n'établit pas l'absence de l'ensemble des polluants à surveiller dans les sédiments ni l'évitement de leur remobilisation dommageable à la rivière ou aux captages (arrêté du 9 août 2006 relatif à la nomenclature du R 214-1 Code de l'environnement), de sorte qu’il fait courir un risque aux milieux;

Considérant qu'un effacement d’ouvrage ne doit pas induire ni faciliter l’introduction d’une espèce indésirable ou d'une épizootie dans un milieu qui en est indemne (article L411-3 Code de l’environnement, article L 228-3 Code rural et de la pêche), et que ce point n'est pas sérieusement établi dans le projet dont l'objectif est de faciliter la circulation des espèces aquatiques à très faible capacité de nage et de saut, y compris les invasifs ou indésirables, et les pathogènes dont ils peuvent être porteurs, que par exemple le Pseudorasbora parva (classé comme nuisible) est attesté dans le bassin de Seine mais encore absent de l'Ource;

Considérant que le changement climatique est regardé par les chercheurs comme la menace de premier ordre pour les milieux et les sociétés à l’échelle de ce siècle, que ce changement est  susceptible de produire une situation d'incertitude et de stress hydrologiques (étiages et crues plus sévères), que les rivières en socle calcaire et régime partiellement karstique comme l’Ource sont particulièrement sensibles à ces évolutions, que la conservation des outils de régulation de la rivière (comme le seuil Massard) avec adaptation progressive aux nouveaux besoins est dans ces conditions une solution de sagesse et de prudence au lieu d’une destruction sur la base de connaissances scientifiques très lacunaires, ne répondant pas au principe de précaution ;

Considérant que nous n'avons pas eu connaissance d'un arrêté préfectoral d'annulation ou de modification du droit d'eau et du règlement d'eau de l’ouvrage concerné par le projet, de sorte que sa consistance légale doit être respectée tant qu'un tel arrêté n'est pas promulgué et son délai de contestation respecté;

Considérant que ce projet, sans réel enjeu écologique démontré au regard de ce qui précède et présentant au contraire des risques en ce domaine, représente une dépense d'argent public inutile, en particulier face à des priorités de premier ordre comme la prévention des inondations et la limitation des pollutions, induit une dégradation dommageable du patrimoine hydraulique de Belan-sur-Ource et implique la perte d'un potentiel énergétique qui pourrait être à l'avenir exploité pour améliorer le bilan carbone du territoire ;

Considérant que plusieurs des motivations énumérées ci-dessus sont de nature à nourrir un contentieux contre un arrêté préfectoral qui autoriserait les travaux en l’état du dossier soumis à enquête publique ;

les associations Hydrauxois et ARPOHC (Association des riverains et propriétaires d’ouvrages hydrauliques du Châtillonnais) demandent :

  • à M. le Commissaire enquêteur de donner un avis négatif au projet d'effacement de l’ouvrage Massard de Belan-sur-Ource ;
  • à Mme la Préfète de Côte d’Or de suspendre ce projet dans le respect de l'instruction donnée par Mme la Ministre et dans l’attente d’informations complémentaires, indispensables au plein respect du droit.

Copie à Mme la Ministre de l'Environnement.

A lire également
Avis négatif sur les effacements de Tonnerre

A nos consoeurs associatives : plusieurs des motivations de nos refus des effacements ont des arguments généraux que vous pouvez reprendre librement pour vous opposer à d'autres projets qui concernent vos territoires. N'hésitez pas à le faire, en prenant la même procédure : dépôt d'avis en enquête publique, demande au Préfet de surseoir, copie à la Ministre de l'Environnement.

04/07/2016

Effets biologiques des retenues… de quelles dimensions? De l'utilité de barrages de 195 m de hauteur pour comprendre l'impact des moulins

L'Irstea (avec l'Inra et l'Onema) a publié une expertise collective sur l'effet cumulé des retenues (voir notre première analyse de son résumé pour décideurs). Ses chapitres complets commencent à être mis en ligne. A titre d'exemple, nous analysons ici une seule citation du chapitre sur l'effet écologique de retenues : les 8 travaux scientifiques évoqués dans cette citation concernent pour l'essentiel l'effet isolé de grandes retenues (barrages de 15 à 195 m de hauteur), sans rapport avec la hauteur médiane de 1 m pour les obstacles à l'écoulement des rivières françaises. Les seules recherches citées concernant des petits ouvrages ont des résultats plutôt ambivalents. L'effet d'un barrage de 195 m de haut sur une rivière nord-américaine peut-il sérieusement nous renseigner sur l'effet des chaussées de moulins d'Ancien Régime sur une rivière française ? A nouveau, nous appelons à un vrai audit scientifique de la politique de continuité écologique appliquée à de nombreux petits ouvrages, qui ne sont absolument pas comparables (en franchissabilité, débit écologique, effets thermiques, charge sédimentaire, etc.) à des grandes retenues. Les généralités issues de travaux scientifiques sur des ouvrages très différents ne permettent pas de statuer sur le bien-fondé d'une dépense publique qui a, par ailleurs, de nombreux effets indésirables sur les compartiments non-écologiques de nos rivières. 

Le chapitre VI de l'expertise (téléchargeable à ce lien), consacré à l'effet écologique des retenues, a été rédigé par Jérôme Belliard, Véronique Rosset, Philippe Usseglio-Polatera et Ivan Bernez.

Les auteurs précisent d'emblée : "Ce chapitre aborde l’effet des retenues sur les biocénoses aquatiques et le fonctionnement écologique des cours d’eau dans sa globalité. Au vu du peu d’études traitant spécifiquement des petites retenues et encore moins de leur impact sur l’écologie des cours d’eau, ce chapitre s’appuie également très largement sur des études abordant d’autres systèmes tels que les mares, les étangs, les lacs naturels ou les grands barrages, parfois les zones humides ou les barrages de castor, et dont les résultats nous ont paru pouvoir être pour partie extrapolés au cas des petites retenues. (…) Ceci constitue à coup sûr une des limitations forte des enseignements et conclusions qui ont pu être tirés de l’analyse bibliographique. Par ailleurs de nombreuses études ne précisent pas l’emprise spatiale et temporelle de l’impact écologique des retenues, limitant d’autant la portée de leurs résultats."

Il ne s'agit donc pas de faire un procès d'intention aux auteurs: ils précisent très clairement les limites de l'exercice. Nous voulons surtout attirer l'attention des décideurs et relais d'opinion sur ces limites actuelles de nos connaissances et sur le caractère éminemment problématique de mesures brutales ayant cours sur nos rivières (classement à fin de continuité écologique de milliers de seuils, barrages et digues créant retenues, volonté publique de les effacer). Ces mesures ont été choisies sur la base de connaissances inadéquates et certains services instructeurs (Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère, services techniques de certaines Agences de l'eau, Onema, Dreal de bassin) trompent le public en laissant entendre que nous avons une base scientifique assez solide pour apprécier l'effet des petits ouvrages formant l'essentiel des obstacles à l'écoulement en France et pour légitimer une politique publique aux choix radicaux (effacement prioritaire). Une radicalité notoirement absente des autres enjeux comme la lutte contre les pollutions, où l'on programme très prudemment et progresse fort modestement...

Nous prenons ici un seul exemple – essentiellement parce que l'exercice est long pour une association et que nous ne pouvons relire chaque travail cité en bibliographie (voir néanmoins notre rubrique science pour une soixantaine de travaux de chercheurs déjà exposés) –, à savoir cette citation (p. 18 du chapitre) :

"(…) l’obstacle à la dispersion généré par une retenue ne se limite pas aux seuls grands migrateurs et touche potentiellement l’ensemble des espèces piscicoles. Ainsi de très nombreux travaux évoquent un déficit en espèces ou un déclin drastique de certaines populations en amont des retenues et attribuent cette situation à la réduction voire la disparition des processus de dispersion et de recolonisation entrainées par la mise en place de l’ouvrage (Winston, Taylor et al., 1991 ; Luttrell, Echelle et al., 1999 ; Wilde et Ostrand, 1999 ; Quist, Hubert et al., 2005 ; McLaughlin, Porto et al., 2006 ; Harford et McLaughlin, 2007 ; Matthews et Marsh- Matthews, 2007 ; Kashiwagi et Miranda, 2009)"

Que dit au juste chacun des travaux cités ? Nous avons eu la curiosité d'aller vérifier, et nous insistons ici principalement sur la dimension des retenues analysées dans ces travaux de recherche.

Winston, Taylor et al., 1991 - Les auteurs analysent l'effet d'un barrage de 15 m de hauteur mise en eau sur la rivière North Fork en 1946 (extension du lac Altus-Lugert). Ils observent une baisse la richesse spécifique à l'amont du barrage par rapport à des rivières du même type non fragmentées par un barrage.

Luttrell, Echelle et al., 1999 - Les auteurs analysent la pression d'extinction sur deux espèces du complexe Macrhybopsis aestivalis dans le bassin de l'Arkansas. Ils précisent que 12 réservoirs de régulation des crues et 17 barrages d'éclusée ont été construits sur le bassin (taille non spécifiée, mais ouvrages nécessairement de grande dimension vu leurs fonctions).

Wilde et Ostrand, 1999 - Les auteurs analysent le peuplement piscicole (variation de fréquence des Cyprinidae vers les Cyprinodontidae) de la rivière Brazos (Double Mountain Fork) après la création du lac Alan Henry en 1993 par le barrage John Montford, d'une hauteur de 43 m.

Quist, Hubert et al., 2005  - Les auteurs analysent sur 41 ans les effets piscicoles de la création du réservoir Grayrocks sur la rivière Laramie. Ce lac a été créé par un barrage de 30,5 m de hauteur. Les chercheurs soulignent le risque de réservoir d'espèces "invasives", le changement des typologies d'assemblages, la possibilité pour les espèces natives de trouver des refuges sur les habitats non modifiés.

McLaughlin, Porto et al., 2006  - Les auteurs analysent 24 paires de tronçons (Grands Lacs laurentiens) dont la moitié sont fragmentés par des petits barrages (0,4 à 2 m) servant à la gestion de la grande lamproie marine. Ce travail, qui porte réellement sur des petits ouvrages (mais conçus spécifiquement à fin de régulation piscicole, ce qui est atypique dans la littérature), conclut : "sur 48 espèces communes appartenant à 34 genres et 12 familles taxonomiques, 8–19 espèces, 5–16 genres et 2–7 familles montrent une sensibilité aux barrières". Il n'y a pas d'analyse sur des risques d'extinction, il s'agit surtout de considérations prédictives sur la franchissabilité liée à la morphologie de nage des espèces.

Harford et McLaughlin, 2007 - Il s'agit d'une étude largement similaire à la précédente (même base de données) mais plus spécialisée, montrant une large variance statistique dans la taille d'effet, avec nécessité d'intégrer d'autres paramètres de contrôle. En d'autres termes, c'est une incitation à la prudence dans l'analyse des résultats de comparaison zone fragmentée / zone non fragmentée (prudence souvent absente de ce genre d'exercice répandu dans la littérature de conservation).

Matthews et Marsh-Matthews, 2007  - Les auteurs analysent la disparition locale du Cyprinella lutrensis (ide américain à nageoires rouges) en lien avec le lac Texoma (rivière Red et Washita). Il s'agit de l'un des plus grands réservoirs des Etats-Unis, créé par le barrage Denison de 195 m de hauteur.

Kashiwagi et Miranda, 2009  - Les auteurs comparent 4 petits tronçons fragmentés (linéaire ≤ 11km, BV < 30 km2) ayant chacun une retenue de crue (de 25 à 70 ha) construite dans les années 1960 (hauteur non renseignée), avec 3 autres tronçons non fragmentés. L'amont des zones fragmentées a des populations plus généralistes avec disparition locale de certaines espèces comme le dard noir (Percina maculata). Ils concluent que les retenues ont de petits effets locaux, mais demandent une coordination de gestion à échelle de bassin.


Que nous dit cet exemple ?

  • Les travaux cités sont très divers et inégaux (en hydrosystèmes étudiés, en facteur d'impact des revues les publiant, en portée des résultats, en conclusions des chercheurs).
  • Les retenues ont des effets sur les milieux (c'est trivialement évident, surtout pour les grandes retenues concernées) et des effets négatifs sur certains espèces non adaptées à leurs habitats ou ayant besoin de mobilité sur le lit (idem, le contraire serait étonnant).
  • Les travaux sont des monographies comparant peu d'échantillons, souvent sur de courtes périodes, ce ne sont pas des recherches en hydro-écologie quantitative appuyée sur de larges recueils de données, ni des méta-analyses de plusieurs travaux antérieurs avec vérification de la robustesse statistique de leurs données d'entrée.
  • Les grands barrages et retenues sont sur-représentés dans ces études, alors que la réalité des 80.000 obstacles à l'écoulement sur le réseau hydrographique français est une hauteur médiane de l'ordre de… 1 m seulement (on compare donc des pommes et des bananes en essayant d'appliquer une conclusion issue de l'étude d'un système à un autre système très différent).
  • Plus la taille des ouvrages est modeste dans ces recherches, moins l'effet biologique est aisé à caractériser (mais à nouveau, sur tellement peu d'échantillons qu'une généralisation n'a pas de sens dans le contexte fortement variable de l'hydrologie et de l'écologie)
  • Nous n'avons aucune idée précise sur le temps de relaxation des populations biologiques de ces systèmes fragmentés (dans un sens négatif sur leur dette d'extinction, dans un sens positif sur leur capacité de colonisation-diversification biologique).
  • Ces travaux concernent généralement les poissons, soit 2% de la biodiversité aquatique. La biologie de la conservation porte manifestement l'empreinte de l'influence historique des enjeux de pêche et de la mobilisation pour certaines espèces "symboles". 
  • L'existence de rivières très fragmentées aux peuplements modifiés, avec certaines espèces localement extirpées, ne renseigne pas sur l'état général des autres masses d'eau de l'hydro-éco-région ni sur la réalité des enjeux de conservation (une espèce pouvant être en régression sur une rivière mais par ailleurs non menacée en raison de sa large expansion).
Cette expertise collective Irstea-Inra-Onema visait à répondre à l'enjeu de la création de nouvelles retenues. Mais le principal enjeu en France aujourd'hui, et tout le monde le sait, c'est plutôt la politique de destruction (en 5 ans seulement) de seuils, de barrages, de digues et de leurs retenues ou étangs, politique qui porte sur le chiffre énorme de 10.000 à 15.000 ouvrages en rivières classées au titre de la continuité écologique (dans environ les 2/3 des cas, des seuils et chaussées de moulins présents depuis l'Ancien Régime).

Au regard de cette expertise sur l'effet cumulé des retenues, dont l'exercice est en soi intéressant, nous appelons de nouveau à un audit scientifique de la politique de continuité écologique répondant clairement aux questions suivantes :
  • que savons-nous et que ne savons-nous pas sur l'effet physique, biologique, chimique des petits ouvrages (en particulier, l'hydraulique ancienne qui structure la majeure partie du linéaire français et qui doit être étudiée en tant que telle, sans inférer des conclusions issues des grands barrages) ? 
  • comment ces effets se comparent aux autres pressions des bassins ? 
  • quels sont les avantages et les inconvénients / risques physiques, biologiques, chimiques  liés aux effacements d'ouvrages ?
  • même question mais pour les autres dimensions des ouvrages : patrimoine, paysage, culture, énergie, loisir, usages ? 
  • quel sera le temps nécessaire pour observer des effets en lien avec nos obligations DCE, avec quelle probabilité de succès selon les paramètres de fragmentation / la nature des populations du bassin?
  • quel est le niveau de confiance dans les résultats de recherche (le cas échéant les marges d'erreur des modèles et mesures) et le niveau de vraisemblance dans les propositions qu'on peut en dériver ? 
  • vu le nombre d'ouvrages concernés par la réforme de continuité écologique, l'enjeu paraît-il proportionné à la dépense publique et privée induite si tous les obstacles devaient être traités dans le délai imparti?
  • en cas de réponse négative, quelles règles de priorisation et hiérarchisation des ouvrages hydrauliques à traiter devons-nous adopter ?
Pour répondre à ces questions, nous souhaitons :
  • un travail de chercheurs et universitaires (pas des administratifs ni des experts de bureaux d'étude),
  • mené de manière collégiale (pas des "revues" par un auteur isolé),
  • et de manière multidisciplinaire (pas un monologue des hydrobiologistes ou des hydrophysiciens),
  • en bonne représentation des différents paradigmes actuels de recherche (certains présupposés d'une partie des biologistes de la conservation étant par exemple loin de représenter toutes les options des champs scientifiques de l'écologie, cette diversité épistémologique devant être connue et appréciée comme un élément du débat public).
Tant qu'un tel audit n'est pas mené, nous considérerons la réforme de continuité écologique dans sa déclinaison actuelle comme un exercice illégitime, précipité et dangereux. Nous acceptons des réformes fondées sur la preuve et la donnée, répondant à un intérêt général proportionné au sacrifice exigé, inscrit dans une logique de gestion "durable et équilibrée" de l'eau, avec de vrais gains écologiques (pas seulement halieutiques) et une prise en considération des différents enjeux riverains (non réductibles à la naturalité de l'écoulement). Nous n'acceptons pas des réformes fondées sur des croyances floues, des méthodologies datées, des données éparses voire des dogmes administratifs, et encore moins des réformes avancées de manière opaque par certains parties prenantes des rivières au détriment des autres.

Illustration : barrage Denison, Robert Nunnally - CC BY 2.0. Ce barrage de près de 200 m de hauteur a des effets sur les milieux n'ayant évidemment rien à voir avec ceux des moulins d'Ancien Régime formant l'essentiel des ouvrages présents sur les rivières françaises. Pourtant, certains n'hésitent pas à utiliser les conclusions scientifiques issues de l'étude de ce genre de grands barrages pour inférer des assertions sur l'effet des petits seuils. Nous avons déjà évoqué ce détournement dans un article d'introduction à l'histoire des concepts de continuité / discontinuité de la rivière. Il nous semble impossible que les scientifiques restent silencieux alors qu'au nom d'un concept issu de leurs travaux (la continuité écologique), on malmène aujourd'hui des dizaines de milliers de propriétaires d'ouvrages et de riverains de leurs retenues ou biefs en même temps que l'on dépense des fortunes d'argent public pour des opérations destructives sans gain garanti. Certains chercheurs, comme Christian Lévêque, ont déjà eu le courage de souligner publiquement que la continuité écologique doit se prémunir en France d'une approche trop "dogmatique". Au-delà des déclarations, nous souhaitons une expertise de la politique publique des rivières. Ce qui est un exercice normal dans une démocratie, et un exercice nécessaire sur un sujet technique où la France a de lourdes obligations nées de la directive cadre européenne sur l'eau.

03/07/2016

Les moulins n'ont pas fait disparaître les saumons du bassin de Loire

Les saumons étaient encore largement présents dans les rivières du bassin de Loire à la fin du XIXe siècle. Là où ils avaient commencé à régresser (Cher, Loire supérieure, Vienne supérieure, Creuse), c'était le fait de constructions assez précisément identifiées dans les archives par les travaux classiques de R. Bachelier : le plus souvent des barrages réalisés à la demande de l'Etat, et non pas le fait d'une accumulation des modestes seuils présents depuis l'Ancien Régime. Par la suite, l'édification de dizaines de grands barrages va bloquer presque tous les axes migrateurs. Nous regrettons que ces faits ne soient pas rappelés clairement par les services instructeurs (notamment l'Onema). Nous déplorons plus encore que la France ait engagé une politique aberrante de destruction prioritaire et indistincte des ouvrages hydrauliques de taille modeste, alors que la restauration de continuité demande la mise en oeuvre de modèles de priorisation fondés sur des objectifs scientifiquement validés et socialement acceptés. 

En juin dernier s'est tenue sur le bassin Loire-Bretagne une rencontre des services de l'Etat en charge de la continuité avec les représentants des fédérations de moulins (rencontre à laquelle Hydrauxois n'a pas été conviée). Un représentant de l'Onema a projeté un exposé où figuraient ces cartes de répartition du saumon "avant le XIXe siècle" et "à la fin du XXe siècle". Une précision sur l'écran indique que la saumon a régressé sur le bassin de Loire à l'époque des seuils, par un "effet cumulé".


Ce choix de présentation nous paraît très contestable. L'histoire du saumon en Loire a été reconstituée en 1963 et 1964 par une monographie de R. Bachelier dans le Bulletin français de pisciculture. Chez les experts des poissons (et en particulier à l'Onema), tout le monde connaît ce travail qui fait encore autorité.

Or, R. Bachelier est très précis dans l'histoire de la régression du saumon. Voici la carte de la répartition du grand migrateur à la fin du XIXe siècle.

Cette carte est beaucoup plus instructive pour les moulins puisqu'elle montre une assez large répartition des frayères encore actives sur le bassin de Loire, malgré la présence de tous les ouvrages fondés en titre ou réglementés au cours du XIXe siècle.

Sur les axes où le saumon a déjà régressé, que nous dit R. Bachelier ?

Obstruction de la Loire supérieure : elle est le fait du service de navigation intérieure (donc de l'Etat) avec la construction des barrages de Decize (1836) et de Roanne (1843), suivie de la mise en eau permanente du canal de Decize en 1845.

Obstruction de la Vienne supérieure : elle a commencé avec la construction par le service de l'artillerie (de nouveau l'Etat donc) d'un seuil de 2 m en 1822 à Châtellerault. Le manque de franchissabilité a conduit à y construire 2 échelles à poissons en 1864 puis 1889, avec finalement une échancrure en 1904.

Obstruction du Cher : elle a été le fait des services de navigation là encore, avec un ouvrage à Preuilly devenu infranchissable en 1858.

Obstruction de la Creuse : une papeterie obtient l'autorisation de construire un barrage en 1857 à La Haye-Descartes, avec une rehausse en 1860. Cela entraîna une chute brutale des pêches à l'amont, impliquant de construire une large échelle à poissons en 1881.

Les travaux de Bachelier montrent donc que :
  • la majorité du bassin de Loire restait ouverte aux saumons à l'époque des moulins fondés en titre ou réglementés (dans l'enquête des Ponts et Chaussées de 1888, sur la Loire remontée jusqu'à Issarlès en Ardèche ; Allier remontée jusqu'à Veyrune en Ardèche ; Cher jusqu'à Preuilly ; Vienne jusqu'à Nedde en Haute-Vienne ; Creuse jusqu'à Felletin) ;
  • les premiers blocages sur les grands axes migrateurs ont été le fait de barrages de taille plus importante, construits le plus souvent à l'initiative de l'Etat pour favoriser le désenclavement de territoires et la navigation  ;
  • ces blocages sont le fait d'ouvrages précisément documentés, et non pas d'une accumulation d'ouvrages de petites tailles déjà présents ;
  • c'est enfin la construction de grands barrages sur tout le bassin au XXe siècle qui a fermé l'accès à presque toutes les frayères amont du bassin de Loire.
Il est à noter que les mêmes faits s'observent sur le bassin de la Seine, où c'est l'hydraulique de navigation (et la pollution de l'agglomération parisienne) qui ont fait régresser au premier chef le saumon, et non pas la petite hydraulique des moulins (voir cette analyse). Rappelons ce que disait Louis Roule, dans une autre étude classique sur le saumon et son histoire : "Les anciens barrages n’étaient pas très nuisibles. Peu élevés, construits en plan inclinés, ils pouvaient s’opposer à la montée pendant les périodes de basses eaux, mais non en crues ni en eaux moyennes ; ils se couvraient alors d'une lame d’eau suffisante pour le passage, et le courant sur leur plan incliné n’était pas assez violent pour arrêter l’élan des saumons. Tel n’est pas le cas des barrages actuels, plus élevés et verticaux (…) La montée reproductrice se trouve arrêtée complètement, sauf parfois dans le cas des crues exceptionnelles et dans les barrages de hauteur moyenne qui peuvent être noyés sous la lame d’eau" (Roule 1920).

Améliorer la franchissabilité, oui ; tout casser pour des dogmes, non
Les moulins sont disposés à améliorer la franchissabilité des ouvrages (dont certains ont été rehaussés au cours des 100 dernières années) sur les axes des grands migrateurs amphihalins. Cela peut se faire par des mesures de gestion de vannage ou par des créations de passes à poissons fonctionnelles, à condition que le besoin soit caractérisé à l'aval, que les mesures représentent des coûts tolérables pour la collectivité et des contraintes raisonnables pour le maître d'ouvrage. En revanche, les moulins n'accepteront jamais d'être les victimes expiatoires d'une idéologie intégriste de la "renaturation" exigeant de transformer les paysages de vallée et de détruire le patrimoine historique au nom de quotas halieutiques décidés dans des bureaux ou du retour à une "rivière sauvage" fantasmée (y compris la Loire, qui n'est en rien le "dernier fleuve sauvage d'Europe" vu son très lointain passé d'endiguement et de dragage, ainsi que la modification des processus sédimentaires sur les bassins versants). Toute rivière est en équilibre dynamique, toute rivière est "anthropisée" : il faut commencer par la reconnaissance de cette évidence produite par l'évolution sociale et biologique, pour travailler si nécessaire à la restauration ciblée de fonctionnalités ou à la protection ciblée de biotopes d'intérêt.

Depuis longtemps déjà, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne et les services instructeurs de ce bassin déploient une politique agressive de destruction des ouvrages de moulins (voir par exemple le rapport Malavoi 2003), pendant que les plus grands obstacles à l'écoulement sont toujours en place. Ce bassin Loire-Bretagne a développé et promu précipitamment des outils sans base scientifique sérieuse comme le taux d'étagement, cela alors que la littérature scientifique internationale appelle à employer sur les bassins versants des modèles de priorisation beaucoup plus fins pour lutter contre la fragmentation des cours d'eau (voir un exemple chez Grantham et al 2014, voir aussi Fuller et al 2015, recension à venir sur ce site). Il n'y a qu'en France que l'on mène une politique totalement aberrante consistant à détruire sans discernement et en priorité des ouvrages modestes, sur la base de classements de rivière essentiellement inspirés d'anciennes règlementations de pêche du XXe siècle, et non pas fondés sur les travaux les plus récents d'une vraie science de la restauration.

Les moulins n'ont pas à être les boucs émissaires des échecs de la politique de l'eau, ni les terrains d'expérimentation de quelques apprentis-sorciers. Dans le cas particulier des saumons de la Loire, essayer de leur faire porter une responsabilité significative dans l'affaissement des populations au cours des 150 années écoulées n'est pas tenable. Nous attendons des services de l'Etat et établissements administratifs qu'ils donnent des informations correctes et précises. Quant au retour des grands migrateurs amphihalins et à la défragmentation des cours d'eau, procédons par ordre en lieu et place du classement massif des cours d'eau de 2012: il faut aménager les ouvrages dans le sens de la montaison, à mesure que le blocage de populations migratrices est attesté lors des campagnes de contrôle, en choisissant par concertation les solutions adaptées. Mais aussi en interrogeant les citoyens pour savoir s'ils estiment que la dépense publique en ce domaine est réellement d'intérêt général : depuis des décennies que l'on prétend restaurer les populations de saumons de la Loire, la moindre des choses est de faire régulièrement des bilans publics complets sur les sommes dépensées, les résultats obtenus et les perspectives de progrès.

Références citées
Bachelier R (1963), L’histoire du saumon en Loire, 1, Bull. Fr. Piscic. 211, 49-70
Bachelier R (1964), L’histoire du saumon en Loire, 2, Bull. Fr. Piscic. 213, 121-135
Roule L. (1920), Etude sur le saumon des eaux douces de la France considéré au point de vue de son état naturel et du repeuplement de nos rivières, Imprimerie nationale, 178 p.