27/08/2016

Audit de la politique de l'eau: la continuité écologique n'est "plus jugée prioritaire"

Un rapport d'audit de la politique de l'eau et de la biodiversité rédigé par le CGEDD constate que la mise en oeuvre de la continuité écologique se heurte à des "problèmes techniques, économiques, sociologiques et patrimoniaux". Elle est antinomique de la volonté de relancer l'hydro-électricité des basses chutes. Le rapport souligne également que la politique de l'eau ne se donne pas les moyens de ses ambitions. L'inflation normative et réglementaire n'a pas beaucoup de sens si les financements ne sont pas disponibles à hauteur des programmations et des obligations qu'elles induisent.



La Synthèse nationale des audits de la mise en œuvre des politiques de l’eau et de la biodiversité conduits en 2015 est parue, sous forme d'un rapport du CGEDD rédigé par Pascale Boizard. Les départements de Haute-Savoie, du Haut-Rhin, de Lot-et-Garonne, de Guadeloupe et des Yvelines ont été retenus par le Directeur de l’eau et de la biodiversité (DEB) et la Directrice générale de la prévention des risques (DGPR) pour faire l’objet de cet audit.

Dans les principales observations de ce rapport, on retiendra notamment :
  • "les différents chantiers affichés au niveau national sans priorisation ne sont pas cohérents avec les moyens en réduction des services";
  • "les organisations professionnelles agricoles se sont opposées parfois de manière violente aux 5e “programmes d’actions nitrates” et à l’extension des zones vulnérables. Cette opposition est d’autant plus forte que le secteur de l’élevage qui supporte les obligations les plus impactantes économiquement, est en crise. Le mouvement d’abandon de l’élevage ou de reconversion et partant, de mise en culture des prairies engagé depuis de nombreuses années, s’en trouve ainsi accéléré au détriment de la qualité des eaux". ;
  • "le développement des connaissances relatives à la biodiversité et leur structuration progressent. Il reste encore insuffisant pour permettre de mesurer l’évolution de l’état de conservation de la biodiversité".
Concernant plus particulièrement la continuité écologique, voici l'extrait des conclusions de l'audit :

"La mise en œuvre des arrêtés de classement de cours d’eau au titre de la continuité écologique pose, selon les départements, les cas et les points de vue, des problèmes techniques, économiques, sociologiques et patrimoniaux. Certes fondés sur le plan scientifique, ils ne sont pas compatibles dans l’échéance législative prévue avec les moyens des services et se heurtent à la fois aux enjeux patrimoniaux des moulins et à une injonction paradoxale liée à la volonté de relance de la production hydroélectrique de basse chute. La démarche de restauration de la continuité écologique dont l’organisation était bien avancée, est ainsi à restructurer et, parfois, n’est plus jugée prioritaire."

A mi-chemin du premier délai de 5 ans pour aménager les ouvrages en rivières classées liste 2 au titre de la continuité écologique, cet audit acte déjà l'échec partiel de la réforme. Ses conclusions restituent ce que nous observons sur le terrain.

On peut en revanche douter que les classements des rivières de 2012-2013 aient été "fondés sur le plan scientifique", comme l'affirme le rapport. Pour cela, il faudrait disposer d'une publication complète des mesures et modèles ayant conduit à prioriser les rivières ou les tronçons à l'occasion de ces classements (et non d'un document technique d'accompagnement sous forme de simple listing sans aucune justification scientifique). Tout indique au contraire que le classement a été improvisé sur la base de données parcellaires et de reprises des anciennes "rivières réservées" à fin uniquement halieutique, sans aucune analyse réelle de l'ensemble de la biodiversité aquatique, des probabilités de succès pour les populations-cibles, de la part exacte de la continuité longitudinale dans l'altération des bio-indicateurs, des retours d'expérience de la restauration physique des rivières, etc. Sans parler du non-sens économique pour une exigence de mise en conformité très coûteuse et non solvabilisée, n'améliorant pas de manière claire les services rendus aux citoyens par les écosystèmes, conduisant de ce fait à une impasse programmée.

On attend désormais avec la plus grande impatience le rapport complet du même CGEDD sur l'audit de la mise en oeuvre de la continuité écologique et de ses blocages, prévu pour cette rentrée.

Référence : Boizard P CGED (2016), Synthèse nationale des audits de la mise en œuvre des politiques de l’eau et de la biodiversité conduits en 2015, Rapport n° 010665-01

18/08/2016

Histoire des poissons du bassin de la Seine, une étude qui réfute certains préjugés (Belliard et al 2016)

La cause paraît entendue : les sociétés développées ont connu une dégradation continue de leur eau depuis deux siècles, ne laissant dans les rivières vaseuses, polluées, fragmentées et privées d'oxygène que des espèces tolérantes aux habitats dégradés. En étudiant un siècle d'assemblages piscicoles et de traits écologiques sur 29 sites du bassin de Seine, Jérôme Belliard et ses collègues montrent que le tableau n'est pas si sombre ni tranché. Si les migrateurs régressent, malgré quelques reconquêtes récentes, en même temps que les exotiques progressent, les poissons rhéophiles (aimant le courant vif), lithophiles (aimant les substrats minéraux) et intolérant aux variations d'oxygène montrent plutôt une tendance à la hausse, au moins sur les bassins n'ayant pas connu d'expansion de la population humaine entre le XIXe siècle et aujourd'hui. 

L'environnement des sociétés humaines est modifié en permanence et les rivières ne font pas exception à la règle. Ces changements peuvent être de nature biologique (acclimatation ou disparition d'espèces), morphologique (modification de lit ou berge), chimique (introduction de substances parfois contaminantes), physique (changement de température, de pH). Les politiques écologiques de protection ou restauration de milieux visent souvent un "état de référence" peu dégradé par des activités humaines, mais il est difficile de définir cet état en raison de l'ancienneté et de l'ubiquité des influences anthropiques.

L'histoire de l'environnement peut contribuer à comprendre la nature, la tendance, le cas échéant l'ampleur des modifications humaines. C'est à cet exercice que se sont livrés Jérôme Belliard, Sarah Beslagic, Olivier Delaigue et Evelyne Tales, chercheurs à l'Irstea (et Université de Namur pour S. Beslagic), en analysant les peuplements de poissons du bassin de Seine depuis un peu plus d'un siècle.

Bassin de Seine, 17 millions d'habitats sur 78.600 km2
Ce bassin de Seine, d'une superficie totale de 78.600 km2, a connu une forte expansion de sa population depuis le XIXe siècle, passant de 4 à 17 millions d'habitants.  Mais les mouvements internes de ces populations n'ont pas été uniformes : hausse puis baisse des habitants dans les zones rurales (notamment amont), forte densification de l'agglomération parisienne (60% de la population sur 4% de la superficie).

Jérôme Belliard et ses collègues ont cherché sur ce bassin des tronçons de rivière sur lesquels on dispose d'une information assez ancienne et solide sur les assemblages de poissons (base Chips pour Catalogue Historique des Poissons de la Seine) : travaux de naturalistes et d'ichtyologues, monographies régionales, compte-rendus ou enquêtes d'autorités publiques, cartes halieutiques, archive des pêches électriques du Conseil supérieur de la pêche (aujourd'hui Onema), et bien sûr relevés piscicoles de la période récente (1981-2010).

Au final, 29 tronçons ont répondu à ces critères, dont la carte est indiquée ci-dessous (cliquer pour agrandir). On y observe des rivières de nos bassins (Laigne, Armance, Créanton, Serein à Chablis, Armançon à Tonnerre et Saint-Florentin, Cure à Vermenton, Cousin à Avallon, Yonne à Corbigny). Les plus anciennes données datent de 1850 (avec une première période trentenaire de référence consolidée sur 1871-1900).


Extrait de Belliard et al 2016, art.cit., droit de courte citation.

Concernant les assemblages de poissons (51 taxons), les chercheurs ont défini 5 traits écologiques ayant 3 modalités chacun : habitat (rhéophile, limnophile, eurytope), tolérance à l'oxygène, température de frai, substrat de frai (lithophile, phytophile, lithophytophile), régime alimentaire (omnivore, invertivore, piscivore). Ils ont également étudié les espèces migratrices (11 taxons, 20%), dont le déclin est largement documenté en Europe occidentale, et les espèces non-natives (17 taxons, 33%). La répartition des espèces suit un gradient amont-aval, avec des têtes de bassins moins riches (15 ou 16 espèces Andelle et Laigne) et des plaines alluviales plus diverses (36 espèces sur la Seine à Rouen). La distance de Jaccard (mesure de similarité de deux échantillons) a été calculée sur chaque site pour toutes les périodes disponibles.

Principaux résultats
Quelles sont les découvertes de Jérôme Belliard et ses collègues sur l'ensemble des sites?
  • les changements d'assemblage de poissons ont tendance à augmenter au cours de la période;
  • les espèces migratrices ont décliné entre la période la plus ancienne et la plus récente (sans jamais excéder une perte de 3 espèces par site et avec une tendance à la recolonisation récente sur certains sites);
  • les espèces non natives (exotiques) ont au contraire augmenté, mais principalement dans les larges cours d'eau (observation inverse dans les rivières de taille petite ou moyenne);
  • la diversité alpha (sur site) est constante, mais la diversité bêta (entre sites) tend à augmenter dans le temps, principalement en raison des espèces non natives;
  • la proportion des espèces rhéophiles et des lithophiles a augmenté au détriment des eurytopes et phytolithophiles, de même que les espèces intolérantes à la variation d'oxygène ont connu une croissance;
  • ces deux dernières tendances montrent une corrélation à la variation de la densité de population des bassins versants (seul facteur anthropique analysé);
  • il n'y a pas de changement notable sur la température de frai (donc pas d'influence sensible du climat, bien que la période historique commence dans la sortie du petit âge glaciaire en Europe et l'entrée dans le réchauffement moderne).

L'image ci-dessous (cliquer pour agrandir) indique l'évolution des traits écologiques entre la période la plus ancienne et la période la plus récente des tronçons analysés.


Extrait de Belliard et al 2016, art.cit., droit de courte citation.

Les chercheurs concluent sur l'intérêt de l'approche historique pour connaître les évolutions complexes des milieux aquatiques, mais aussi sur les limites de cette approche quand le gestionnaire vise à définir des "conditions de référence" de ces milieux, conditions vis-à-vis desquelles un écart sera considéré comme une dégradation ou une amélioration (voir Bouleau et Pont 2015). On est enclin à penser que plus cette référence sera ancienne, moins elle sera altérée par l'homme et représentative d'un état "désirable". Les choses ne sont manifestement pas si simples.

Discussion
L'augmentation des espèces rhéophiles et lithophiles vient comme la principale surprise de cette étude, car ces poissons sont plutôt considérés comme des indicateurs de bonne qualité des milieux (point porteur d'un jugement de valeur qui serait à débattre par ailleurs, de même que la dépréciation des espèces non natives, mais ce n'est pas l'objet de cet article). Comme le note les chercheurs : "Une vue couramment admise assume qu'au moins dans les pays développés, les assemblages piscicoles des rivières ont connu une détérioration large et continue, particulièrement durant les deux derniers siècles (Hughes et al 2005). Nos résultats suggèrent au contraire que dans le cas du bassin de la Seine, cette vue doit être substantiellement nuancée, voire réfutée".

Parmi les explications possibles, les auteurs notent la suppression de petites retenues agricoles et étangs devenus sans usage un cours du XXe siècle, les travaux de drainage et recalibrage visant à accélérer l'évacuation des crues (donc créant un courant plus vif), l'exode rural et le déclin démographique de nombreuses zones du bassin. Cette dernière hypothèse est renforcée par le fait que les zones ayant gagné en densité humaine ont aussi une tendance inverse en faveur des limnophiles, omnivores et tolérants aux variations d'oxygène.

Un facteur n'est pas cité par les chercheurs : la pêche. Celle-ci a pourtant son influence sur les assemblages piscicoles, tant du fait de son déclin continu sur la période analysée que du fait des déversements d'espèces, qui ont eu tendance au contraire à croître (voir par exemple Haidvogl et al 2015 sur le Salzach).

Un autre point n'est pas clarifié : si l'évolution des populations piscicoles sur les périodes géologiques est connue, peut-on s'attendre à des variations naturelles (aléatoires ou non) des populations piscicoles sur les durées historiques, c'est-à-dire à échelle de la décennie, du siècle ou du millénaire? La recherche des causes anthropiques d'une évolution ("signal") demande déjà de bien calibrer le "bruit" de la variabilité naturelle, comme cela se fait par exemple dans les sciences du climat.

Enfin, si l'histoire de l'environnement est certainement l'un des champs de recherche très prometteurs pour mieux comprendre la variabilité spontanée et forcée des systèmes naturels (voir Boivin et al 2016), cette démarche est encore assez peu développée. Les sources historiques gagneront certainement à être consolidées et croisées à des données issues de l'archéologie, la paléo-écologie, la génétique des populations et la phylogénie moléculaire.

Référence : Belliard J et al (2016), Reconstructing long-term trajectories of fish assemblages using historical data: the Seine River basin (France) during the last two centuries, Environ Sci Pollut Res, doi:10.1007/s11356-016-7095-1

15/08/2016

Circulation des saumons, deux siècles d'aménagements problématiques sur l'Aulne (Le Calvez 2015)

Caroline Le Calvez, doctorante du laboratoire de géographie sociale à l'université Rennes 2, a choisi d'étudier l'Aulne canalisée, section aménagée d'un petit fleuve à saumons de Bretagne. Dans un article paru dans la revue Norois, elle dresse un bilan de deux siècles d'aménagements de la rivière et de projets de restauration de sa population de grands migrateurs. Ce cas concret a sa spécificité, mais bien des dimensions font écho à nos propres expériences et interrogations. Malgré plus d'un siècle d'actions et un soutien croissant des institutions, la situation du saumon n'est toujours pas bonne sur l'Aulne. L'expérimentation de "débarrage" à partir de 2010 a suscité de fortes oppositions et la restauration écologique de la rivière ne possède ni base sociale élargie, ni enjeu économique évident. En fait, sur l'Aulne comme ailleurs, il manque un vrai projet inclusif de territoire qui serait susceptible de justifier la remise en cause des usages et des paysages. Mais le discours actuel de "renaturation" est-il seulement capable de porter un tel projet, vu que son horizon programmatique est finalement de minimiser les interactions entre l'homme et la rivière? 



La Bretagne, région qui compte 25 cours d’eau fréquentés par le saumon atlantique, est depuis longtemps sensible à la question des grands migrateurs. Le fleuve côtier Aulne, choisi par Caroline Le Calvez (ESO-UMR 6590 CNRS, Université Rennes 2) pour son analyse historique et institutionnelle, est un bon reflet de ces préoccupations et de la difficulté de construire des consensus de gestion.

Après 1810, 28 barrages implantés sur l'Aulne pour la navigation
Les problèmes des saumons de l'Aulne ne viennent pas des moulins ni des pêcheries d'Ancien Régime mais, comme souvent, des aménagements plus récents. Ici, pour la navigation. Comme le relève la scientifique, "l’Aulne est un fleuve côtier anciennement aménagé par les populations locales pour la pêche au saumon (pêcheries) et l’utilisation de la force hydraulique (moulins). À partir des années 1810, la canalisation de l’aval de l’Aulne sur près de 70 km fait disparaître les habitats favorables à la reproduction du saumon et transforme les conditions d’accès aux sites de frai situés à l’amont sur l’Aulne rivière. (..) Le rehaussement du niveau d’eau pour la navigation est réalisé par l’implantation de 28 barrages, chacun équipé d'une écluse destinée au passage des bateaux, d'un déversoir droit ou en 'V' et d’un pertuis pour l’évacuation de l’eau notamment lors des vidanges d’entretien".

Le dépeuplement des saumons contrarie les pêcheurs qui, à la fin du XIXe siècle, se répartissent en pêche de subsistance, pêche commerciale et pêche sportive naissante. Un acteur local amodiataire de la pêche sur l’Aulne canalisée propose dans les années 1860 d'installer des échelles à poissons. "Ce premier projet se heurte à l’Administration qui reconnaît l’intérêt de la remontée des saumons mais remet en cause les échelles à poissons, considérées comme des dispositifs très onéreux et à l’efficacité incertaine. De plus, pour les ingénieurs des Ponts et Chaussées ce ne sont pas les ouvrages du canal qui sont responsables du déclin des saumons mais la pêche en estuaire et le braconnage qui détruisent la ressource". On retrouve ici le scepticisme qui a accompagné la mise en oeuvre de la loi de 1865 (voir cet article). Une initiative privée mais soutenue par le Conseil général et par un député (lui-même amodiataire de lots de pêche) voit le jour au début du XXe siècle, sur 5 barrages. Entre 1906 et 1919, ce sont 14 échelles à poissons qui sont mises en place sur l’Aulne.

La pêche sportive devient le premier acteur militant, dans un contexte légal et réglementaire de plus en plus favorable
"Progressivement, remarque Caroline Le Calvez, l’enjeu se déplace d’un type de pêche à un autre pour se fixer sur la pêche sportive. Le tourisme de la pêche devient alors la justification majeure dans l’Entre-deux-guerres". Le cours d’eau est classé en "cours d’eau à migrateurs" au titre du décret du 31 janvier 1922 dressant la liste des cours d’eau où la libre circulation des espèces migratrices doit être garantie. Une nouvelle méthode est expérimentée puisque la Fédération de Pêche fait installer des échancrures dans les déversoirs de certains barrages. Cette disposition est alors facilitée par la raréfaction du transport fluvial sur la partie finistérienne du canal.

Malgré l’équipement en échelles à poissons et échancrures, le repeuplement artificiel, la réglementation plus sévères des pratiques halieutiques, le repeuplement du saumon n’est pas correctement assuré dans l'Aulne. Après-guerre, des ingénieurs du canal proposent une "suppression de toutes les installations du canal [pour favoriser] le rétablissement de l’Aulne dans son état naturel", mais cette option n'est pas retenue.

Vient ensuite une série d'évolutions régionales ou nationales:
  • loi sur l’eau de 1964 avec l’émergence de la "nature milieu", 
  • création en 1969 de l’Association pour la Protection et la Promotion du Saumon en Bretagne (APPSB), 
  • loi de protection de la nature de 1976 et premier Plan Saumon lancé la même année, 
  • premier plan quinquennal poissons migrateurs (1981-1985), 
  • Contrats de Plan Etat-Région en 1982, intégrant les migrateurs, 
  • loi sur la pêche de 1984, qualifiant le poisson de "bien commun" et rappelant l'obligation d'aménagement pour les migrateurs de 1922, 
  • création des Cogepomi (Comités de gestion des poissons migrateurs) et des Plagepomi (Plans de gestion des poissons migrateurs) en 1994,
  • directive cadre européenne sur l'eau de 2000 (transposée en droit français en 2004), citant la "continuité de la rivière" dans une annexe et posant le principe d'un "état de référence" du bon état écologique et chimique,
  • loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 réaffirmant la nécessité de restaurer la continuité écologique (piscicole et sédimentaire) sur des rivières classées, 
  • SDAGE 2010- 2015 Loire-Bretagne identifiant l'ouverture des axes migrateurs comme orientation fondamentale.

Des décennies d'investissement, avec des résultats jugés trop modestes par les pêcheurs
Qu'en est-il sur l'Aune ? "La succession des plans migrateurs depuis 1975 a conduit à l’équipement de 21 dispositifs de franchissement par le Syndicat mixte d’aménagement touristique de l’Aulne et de l’Hyères (SMATAH) en charge des travaux pour le compte de la Direction départementale de l’équipement. Des rénovations de passes à poissons sont réalisées sur certains ouvrages afin d’en améliorer la franchissabilité. Sur les barrages non équipés, des passes à poissons 'nouvelle génération' sont construites. Des dispositifs datant des années 1950-1960 sont conservés sur 7 barrages. Les campagnes des années 1990 visent à compléter l’équipement ou le rénover."

Ces choix occasionnent des coûts, relève Caroline Le Calvez : "les mesures prises pour restaurer et protéger la population de saumons représentent un effort financier très supérieur à celui consenti pour les autres espèces migratrices. Par ailleurs, c’est sur ce cours d’eau breton que se concentre l’effort financier régional. La libre circulation constitue en moyenne 24% des dépenses dans les différents plans et arrive en deuxième position après le soutien d’effectifs (Dartiguelongue, 2012)". Pourtant le résultat n'est pas au rendez-vous : "à la fin des années 1990, le constat d’une dégradation généralisée de l’état du canal fait réagir les acteurs locaux. La voie d’eau n’est presque plus empruntée sur l’ensemble de la section finistérienne faute d’entretien suffisant des aménagements, la pollution de l’Aulne est perçue comme problématique par les acteurs locaux. Pour les pêcheurs de saumon, la mauvaise qualité de l’eau est citée comme la principale cause limitant la qualité de la pêche devant l’impact de la canalisation (Salanié et al, 2004)".

Années 2000 : le SAGE relance le processus de débarage de l'Aulne
Le SAGE Aulne est lancé en 2001. Deux projets opposés voient le jour, "l’un organisé autour de l’Aulne comme voie de navigation fluviale et patrimoniale, l’autre en proposant de supprimer son caractère canalisé". Cette politique coïncide avec un projet de débarrage définitif qui remet en cause l’existence du canal. "Portée par la Fédération de Pêche et soutenue notamment par Eau et Rivières de Bretagne, cette suppression des barrages repose sur un argumentaire écologique : il s’agit d’apporter une réponse efficace à la problématique du saumon dans l’Aulne, améliorer la qualité paysagère de la vallée et retrouver une eau de qualité (Eau et Rivières de Bretagne, 1997)". Une étude de radiopistage du début des années 2000 montre que 3 à 4 % des saumons suivis parviennent sur les frayères à l’amont de la partie canalisée, proportion jugée insuffisante par les partisans du débarrage.

Du côté des institutions, des messages contradictoires sont envoyés : l’Aulne canalisée est classée en 2007 en "masse d’eau fortement modifiée" par le Comité de bassin de l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne, une catégorie DCE permettant d'acter le changement anthropique profond d'un écoulement et l'impossibilité de revenir à un "état de référence" dans un court délai. Mais le programme Natura 2000 "vallée de l’Aulne" réaffirme de son côté la nécessité de garantir la circulation des poissons migrateurs.

Une expérience est alors menée : l’ouverture expérimentale des vannes des pertuis situés sur les barrages, pour former une "onde de migration temporaire et progressive aval-amont", deux fois par an (printemps et automne).

Le débarrage perçu comme une politique imposée et hors-sol, des usagers et riverains s'y opposent
Cette expérimentation est l’objet d’une controverse et engendre un conflit impliquant des usagers du canal opposés au débarrage, réunis au sein de l’Association de Sauvegarde de l’Aulne Canalisée (ASAC) depuis 2013. Ces usagers "nient l’efficacité de l’opération pour la restauration du saumon et l’accusent de détruire l’écosystème en place depuis la création du canal pour favoriser une espèce qui n’est quasiment plus pêchée. Ils expriment la crainte que cette expérimentation soit un coup d’essai avant une suppression définitive du canal".

Caroline Le Calvez souligne le caractère déconnecté de cette expérimentation, "développée comme une émanation de la politique européenne et nationale, que l’on pourrait qualifier de 'hors-sol', d’autant plus exogène qu’elle n’a pas été l’occasion d’une concertation sur sa justification locale avec l’ensemble des acteurs. Actuellement, la reconquête du saumon sur l’Aulne est dissociée des questions économiques et touristiques qui étaient un principe et moteur de l’action au début du XXe siècle. Ainsi, en un siècle de politique en faveur de la remontée des saumons, un basculement s’est opéré dans la justification de l’aménagement des ouvrages. Alors que le caractère expérimental pourrait être un moment privilégié de réflexion et de détermination d’un projet partagé, le processus d’ouverture des pertuis reste une intervention confidentielle, impliquant matériellement quelques animateurs-techniciens et usagers intéressés".

Deux visions s'opposent sur le rapport à la rivière
Le débarrage cristallise l'opposition deux visions du monde, l'une centrée sur les écosystèmes et demandant l'adaptation voire la disparition des patrimoines et paysages en place ; l'autre centrée sur le canal existant, ses représentations et ses usages, considérant que l'inadaptation partielle du saumon au site anthropisé est un motif secondaire d'action publique. "Très profondément, note la scientifique, l’expérimentation d’ouverture des pertuis a déclenché la manifestation de blocages sociaux, avec la mobilisation de groupes rétifs à la négociation et au compromis ; s’y cristallisent des clivages politiques et idéologiques plus généraux sur la légitimité de l’application locale de politiques publiques nationales et européennes. In fine, derrière cette confrontation de visions territoriales, se pose la question de la préservation des 'patrimoines' et des 'paysages' construits, représentés par le canal et ses aménagements d’une part, par les espèces migratrices et leur écosystème d’autre part".

Caroline Le Calvez souligne également le caractère clivant et définitif du démantèlement des ouvrages, qui modifie tout un territoire: "l’effacement des ouvrages, même temporaire, se distingue de l’équipement en passes à poissons par son impact socio-spatial. Il entraîne une transformation fonctionnelle du cours d’eau avec une diversification des écoulements. La baisse du niveau de l’eau induit des changements paysagers en fond de vallée. Les usages de l’eau doivent s’adapter à la nouvelle configuration du cours d’eau. Ce nouveau mode d’aménagement entre en tension avec le paysage hérité auquel la population locale est attachée, tensions que les discours et les prises de position des acteurs de l’opération retranscrivent".

Une solution politique? En attente de porteurs d'une vision intégrative du territoire
Sur l'Aulne comme ailleurs, des "camps" se forment selon leur préférence pour telle ou telle option. Les observations et enquêtes de l'universitaire amènent à remarquer que "la pensée des écologues, biologistes et hydrologues tend à plaider pour la qualité des conditions d’épanouissement des espèces migratrices en l’absence d’ouvrages, tout en restant incertains sur l’effet potentiellement contre-productif de la restauration des débits sans barrages. Les riverains, l’organisme de gestion du canal tendent à considérer le canal comme un écosystème de qualité, avec ses rythmes, ses caractéristiques paysagères, son histoire, ses espèces de poissons blancs. Pour ces acteurs locaux, dont font partie certains élus, le saumon doit transiger avec l’existant, alors que la politique publique portée par le Conseil départemental, l’EPAGA et la Fédération de Pêche vise à l’inverse à adapter la voie d’eau au saumon sans pour autant approuver les propositions de débarrage définitif qui avaient été formulées à deux reprises au siècle précédent"

Au final, face à cette diversité des attentes, valeurs et intérêts, face au caractère potentiellement conflictuel des visions en présence, c'est une solution politique qui doit émerger, et une solution venant du territoire, pour le territoire : "Les prises de positions favorables ou à charge font glisser ces projets initialement écologiques vers une réflexion sur le devenir socio-économique des territoires. Ils ne peuvent faire l’économie d’une appréhension par le politique. Ainsi, les controverses qui se développent conduisent à penser que la restauration de la continuité écologique doit sortir des cercles scientifiques et techniques et dépasser l’approche écologique dominante qui conduit à faire des cours d’eau des linéaires déterritorialisés."


Discussion
L'analyse sur la longue durée de Caroline Le Calvez nous rappelle opportunément que les problèmes de continuité écologique, ici le franchissement des obstacles par des grands migrateurs salmonidés, ne datent pas d'hier. Son travail nous inspire les observations suivantes.

Prépondérance (mais déclin) du lobby de la pêche dans la problématique de continuité – Le milieu des pêcheurs a toujours été et reste aujourd'hui le fer de lance des demandes d'aménagement ou d'effacement d'ouvrages hydrauliques, en particulier sur les cours d'eau à salmonidés. Mais depuis son âge d'or après-guerre, ce milieu a largement perdu de son importance sociale et économique, malgré des soutiens publics forts et répétés à l'occasion des grandes lois sur l'eau ou des planifications régionales. Du même coup, les réformes de type continuité écologique ont du mal à prétendre à une large assise citoyenne ou à de forts enjeux d'usage, puisqu'elles sont portées par une minorité de sachants et pratiquants associés à des institutionnels, avec au passage une dommageable confusion entre le service instructeur référent de l'écologie et le monde des pêcheurs (puisque l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques créé en 2006 n'est autre que l'ancien Conseil supérieur de la pêche).

Le nécessaire bilan de la politique de restauration du saumon – Selon l'Observatoire Bretagne grands migrateurs (données 2015), malgré des déversements conséquents depuis 30 ans (centaines de milliers de juvéniles), malgré les aménagements des ouvrages et l'expérience de débarrage depuis 2010, la situation du saumon n'est toujours pas satisfaisante sur l'Aulne. Le niveau du recrutement en juvénile est très mauvais à passable, toujours très inférieur à la moyenne régionale, avec des retours de géniteurs insuffisants à la reconstitution d’un stock sauvage de saumon. Sur l'Aulne et au-delà, cela fait 40 ans qu'il existe une politique des grands migrateurs. On est en droit d'en attendre un bilan qui ne soit pas seulement écologique, mais aussi économique, social et politique. A notre connaissance, il n'existe pas. Quel est le coût annuel actuel et la somme des dépenses consenties? Quels sont les conflits d'usage (et/ou coûts indirects) dans la restauration migratoire? Quelles sont les tendances de long terme observées sur la recolonisation des grands migrateurs et le gain sur chaque bassin une fois débruitée la variabilité naturelle? Quel est l'effet cumulé et tendanciel sur le loisir pêche comme activité économique? Quels sont les succès et les échecs, comment les objective-t-on et quelles leçons en tire-t-on? A-t-on progressé dans la modélisation des repeuplements de saumons (grands migrateurs par extension) avec capacité de prédire des résultats? Quelles sont les perspectives et quel sera leur coût pour la collectivité? L'écologie est passée avec un grand enthousiasme d'une phase militante à une phase institutionnelle au cours des quatre décennies concernées. Elle devient conséquemment soumise à une évaluation plus rigoureuse des politiques publiques (y compris au sein des politiques écologiques de qualité de l'eau et des milieux, où les besoins sont plus importants que les capacités, donc où l'optimalité de la dépense publique doit être recherchée).

Démesure du classement de 15.000 ouvrages en 2012-2013 – Les précédents classements de rivière à fin migratoire ont dans l'ensemble connu des échecs ou des applications très lentes depuis 1865, et le cas de l'Aulne en est un bon exemple malgré une sensibilité et une mobilisation locales. Ce n'est pas une découverte mais un trait assez constant de la politique des rivières depuis 150 ans. Au vu de ces difficultés connues de longue date pour trouver des solutions consensuelles et mobiliser des porteurs de projet, au vu de l'ancienneté de la plupart des "obstacles à l'écoulement" (digues, écluses, seuils, barrages) et de leur place dans la lente construction des territoires français, le choix administratif de 2012-2013 consistant à classer 15.000 ouvrages à aménager en l'espace de 5 ans a été (selon la meilleure hypothèse) inconscient, irrationnel ou irresponsable. De toute évidence, une telle ambition demanderait plusieurs décennies d'engagement, à supposer qu'elle ait un sens sur des rivières où il n'existe pas d'enjeux grands migrateurs immédiats. Tant que le politique et le gestionnaire n'admettront pas que ce type de programme a pour temporalité le siècle (et non pas la prochaine ré-élection ou la planification quinquennale), nous produirons des effets d'annonce ou des pressions absurdes, suscitant la confusion et dépréciant finalement l'intérêt pour l'écologie des rivières.

Les visions antagonistes de la rivière doivent amener à poser les vraies questions – Par rapport à l'étagement moyen des rivières françaises, l'Aulne canalisée est sans doute un cas extrême de discontinuité puisque toute la moitié aval du fleuve (70 km sur 145 km de linéaire) est formée d'une succession de biefs à écluses. Malgré cela, les antagonismes qui s'y dessinent peuvent être observés ailleurs. On ne saurait euphémiser ces antagonismes ou nier leur profondeur sous la forme d'un supposé "manque de pédagogie" (au sens où des citoyens ignares de l'écologie verraient nécessairement la lumière après une leçon donnée par une association environnementaliste, une fédération de pêche ou une agence de l'eau). Posé simplement, la question réduite à son enjeu piscicole est : à quoi consentent les citoyens (en dépense et en perte de l'existant) pour voir revenir le saumon (et d'autres migrateurs) en plus grand nombre sur le bassin supérieur de l'Aulne? La question élargie au territoire est : en dehors de la fonctionnalité du cours d'eau selon les "canons" de l'écologie, qui intéresse les spécialistes mais ne forme pas en soi une finalité politique, les gestionnaires ont-ils un projet de "renaturation" de l'Aulne canalisée qui produirait des services rendus aux riverains et susciterait leur adhésion? Enfin, la question la plus fondamentale pour la politique des rivières en France est : doit-on aujourd'hui et demain réduire pour l'essentiel l'aménagement de la rivière à un objectif de naturalité (convergence vers un "état de référence" peu anthropisé) ou doit-on assumer que la rivière n'est pas ou plus uniquement un fait naturel, car elle répond à une pluralité de valeurs, d'intérêts et d'actions (économie, paysage, patrimoine, loisir, etc.) modifiant son cours spontané, hier, aujourd'hui et (probablement) demain? Si l'on veut faire progresser la "démocratie de l'eau", les citoyens doivent avoir l'opportunité de se prononcer sur de telles questions à échelle de leurs territoires et sur la base d'enjeux concrets, de même que les élus doivent se saisir de la problématique sans langue de bois. Aujourd'hui, les normes, les objectifs et les procédures de la politique des rivières sont à la fois très complexes et non inclusives, même pour des élus et a fortiori pour de simples citoyens. L'effet "hors-sol" (technocratie coupée des gens) observé par Caroline Le Calvez en découle nécessairement. Ce n'est pas une fatalité.

Référence : Le Calvez C (2015), Rétablir la libre circulation piscicole dans les vallées fluviales : mise en perspective des enjeux et des aménagements à partir du cas de l’Aulne (XIXe-XXIe siècles), Norois, 237, 33-50

Illustrations : en haut, l'Aulne (Canal de Nantes à Brest) à Pont-Triffen (juste en aval de la confluence avec l'Hyères) ; en bas le moulin de la Roche (en ruine), en Cléden-Poher, sur les bords de l'Aulne, en amont de Pont-Triffen, photographies de Henri Moreau CC BY-SA 4.0

12/08/2016

Scandaleuses manoeuvres politiciennes: la protection législative du patrimoine hydraulique aura vécu… un mois

La loi "patrimoine" avait institué en juillet un principe général de protection du patrimoine hydraulique dans le cadre de la gestion durable et équilibrée de l'eau. Un mois plus tard jour pour jour, la loi "biodiversité" supprime cette disposition. Oui, vous avez bien lu, la défense du patrimoine hydraulique aura vécu 30 jours en France alors que la représentation nationale n'a évidemment pas changé dans l'intervalle… Retour sur cet incroyable chassé-croisé, qui a pour origine la pression des députés de la majorité de la Commission développement durable de l'Assemblée nationale – dont au passage M. Caullet, député-maire d'Avallon ayant entrepris de casser cet été (avec une certaine cohérence) les 3 ouvrages communaux de sa ville. Ce n'est que partie remise : ces joutes politiciennes ne changent pas les problèmes de fond de la continuité écologique, notamment l'intolérable et irrémédiable destruction des ouvrages hydrauliques anciens agrémentant le cours des rivières. Nous dénoncerons et combattrons ces pratiques sur le terrain, en attendant qu'une majorité parlementaire un peu moins doctrinaire et un peu plus pragmatique se rassemble pour engager les évolutions nécessaires sur la définition d'une gestion réellement durable et équilibrée de la rivière.



La loi "patrimoine, architecture et création", publiée le 8 juillet au Journal officiel, avait créé un nouvel alinéa pour l'article L 211-1 du Code de l'environnement.
Article 101
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° L'article L. 211-1 est complété par un III ainsi rédigé :
«III.-La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.»
Il s'agissait d'une avancée importante puisque la protection du patrimoine des rivières était reconnue comme un élément structurant de la gestion durable et équilibrée de l'eau.

La loi "biodiversité", publiée au Journal officiel un mois plus tard, a choisi d'abroger purement et simplement l'article à peine créé :
Article 119
Le III de l'article L. 211-1 du même code est abrogé.
C'est assez extraordinaire, et assez déplorable disons-le pour l'image renvoyée au public de la vie parlementaire: les mêmes assemblées élues adoptent un texte en juillet… pour le supprimer en août. La loi est censée être l'expression patiemment mûrie de la volonté générale, la voilà qui devient jetable comme tout le reste.

Jeux politiciens à la Commission développement durable
Cette abrogation résulte de l'amendement n°458 déposé par Geneviève Gaillard au nom de la Commission développement durable de l'Assemblée nationale (voir notre lettre ouverte à Mme Gaillard qui connaît mal ses dossiers), une Commission présidée par Jean-Paul Chanteguet. L'exposé sommaire nous dit: "cette disposition va à l'encontre de la volonté de favoriser la restauration des continuités écologiques exprimée par les députés, volonté  qui s'est traduite par l'adoption en deuxième lecture puis en commission en nouvelle lecture d'un amendement de suppression de l'article 51 undecies A."

Donc si l'on comprend bien et si l'on se contente d'inverser l'ordre de la proposition pour révéler tout son sens, selon ces députés majoritaires de la Commission développement durable, la restauration des continuités écologiques doit aller à l'encontre de la préservation du patrimoine!

On ne sera pas surpris au passage que M. Caullet, député-maire d'Avallon engageant en ce moment-même la casse de 3 ouvrages de la ville situés en zone protégée ZPPAUP, soit l'un des votants de cet amendement… Nous avons signalé au commissaire-enquêteur l'absence de rapport des autorités en charge de la culture et du paysage dans le projet avalonnais de destruction. Nous verrons ce qu'il en est.

Même sans cette protection du patrimoine, les effacements peuvent être combattus
La loi est la loi, même dans de telles conditions ubuesques où elle change tous les mois: les moulins ont perdu cette bataille face à une volonté essentiellement politicienne de détricoter des choix opérés par le Sénat. Ce n'est que partie remise, les cartes seront rebattues en juin 2017 et la mise en oeuvre actuelle de la continuité écologique a de toute façon besoin d'une réforme profonde, allant au-delà de la nécessaire critique de la destruction lamentable du patrimoine des rivières.

Cette mésaventure doit nous faire redoubler d'ardeur à combattre chaque effacement sur le terrain, puisqu'après tout la loi offre déjà de nombreuses options pour cela, et que les dossiers d'effacement sont généralement défaillants sur plusieurs dispositions obligatoires (voir et surtout utiliser ce vade-mecum).

N'oublions que le premier problème de la mise en oeuvre de la continuité écologique, avec son acharnement à détruire des ouvrages très modestes, c'est déjà son incroyable légèreté dans le domaine où elle prétend tirer sa légitimité, à savoir l'écologie de la rivière. Les diagnostics complets ne sont pas faits, donc on détruit sans être raisonnablement capable de démontrer l'existence d'un bénéficie chimique, physique ou biologique pour la qualité de l'eau et des milieux. En particulier, les destructions ne garantissent pas le principe du "zéro perte nette de biodiversité", qui est inscrit dans la loi nouvelle de biodiversité et que nous aurons à coeur d'opposer à chaque chantier, dont ceux en cours sur l'Armançon, le Cousin et l'Ource.

La lutte continue, il faut déconstruire la machine à décerveler mise en place par les idéologues
Le travail de sensibilisation des parlementaires (mené essentiellement par la FFAM sur ce texte) n'aura pas été inutile. D'une part, l'article L 214-17 CE a malgré tout été modifié pour intégrer un certain niveau de protection du patrimoine hydraulique, mais de portée moindre que celle garantie de manière si éphémère par l'article L 211-1 CE (nous y reviendrons dans un article dédié). D'autre part, un grand nombre d'élus reconnaît désormais que la continuité écologique va trop loin, promeut des solutions disproportionnées, provoque le conflit et la division au bord des rivières.

Les casseurs du patrimoine gagnent encore dans les coulisses de certaines Commissions parlementaires comme dans celles des Agences de l'eau et quelques autres lieux discrets, mais ils sont en train de perdre la bataille de l'opinion face aux révélations progressives sur l'absurdité de la continuité écologique dans sa mise en oeuvre française, unique au monde par sa brutalité, son autoritarisme et sa précipitation.

Il faut être lucide et patient : face à l'incroyable machine à décerveler mise en place depuis 10 ans par certains cadres de l'administration et par certains lobbies, l'opinion parlementaire ne va pas se renverser en si peu de temps. De plus, ces questions ont une grande complexité technique et les élus sont vite dépassés car ils ne peuvent avoir une expertise approfondie du sujet. Ce qui les rend sensibles comme tout le monde à des exagérations, dissimulations, simplifications et autres biais par lesquels la continuité a tenté de s'imposer. Pour faire évoluer les avis des décideurs, il faut un lent travail d'information et d'argumentation, mené tant au niveau local qu'au niveau national.

Une gestion soi-disant "équilibrée" qui ignore le patrimoine, le paysage, l'histoire… ce déni démocratique n'aura qu'un temps
Enfin, le patrimoine et l'écologie sont des notions assez lourdes de sens et de portée, toutes deux d'intérêt général, pas vraiment des poids plumes symboliques. Les voir ainsi mises en balance en si peu de temps par la représentation nationale, dans un sens puis dans l'autre, est révélateur selon nous d'un malaise assez profond lié à la mise en oeuvre des politiques de l'environnement. Ces politiques cherchent encore leur équilibre, entre l'indifférence d'hier et certains excès d'aujourd'hui.

Il est stupéfiant que la "gestion durable et équilibrée" de l'eau n'inclut pas en France des notions comme le patrimoine, le paysage, la culture, l'agrément, notions qui représentent une part essentielle de l'expérience concrète des riverains. Ces riverains sont dans leur immense majorité insensibles au fait de savoir s'il existe un déficit local de juvéniles de cyprinidés rhéophiles, un changement de granulométrie de la charge solide sableuse et autres questions n'intéressant que des spécialistes, des questions d'enjeux écologiques tout à fait minuscules quand elles concernent les ouvrages de l'hydraulique ancienne des moulins et étangs. En revanche, ces riverains veulent une rivière agréable à regarder, à arpenter et à vivre, une rivière qui ne charrie pas des pollutions, une rivière qui ne se réduit pas partout à un filet d'eau à l'étiage sous prétexte qu'il faudrait "renaturer" chacun de ses mètres carrés, etc. La prétention de la gestion écologique de la rivière à ignorer voire combattre les enjeux de sa gestion hydraulique et paysagère est un coup de force qui ne passe pas.

La restauration écologique des masses d'eau, en particulier la destruction des ouvrages anciens, est actuellement fondée sur ce déni démocratique massif, avec en toile de fond une représentation biaisée de la rivière comme étant uniquement un fait naturel (éventuellement exploitée par des activités économiques) alors qu'elle est aussi et surtout pour les gens un fait historique, esthétique, social et récréatif. Cette confiscation de la rivière par une représentation minoritaire n'est pas durable. Voilà pourquoi la loi devra évoluer demain, ce qui doit se préparer dès aujourd'hui en travaillant avec les nombreux parlementaires lucides sur la réalité des enjeux.

10/08/2016

Délai de 5 ans pour la mise en conformité à la continuité écologique: comment en profiter?

La loi "biodiversité" vient de modifier le régime de mise en oeuvre de la continuité écologique, en accordant un délai de 5 ans si des propositions ont été faites au service de police de l'eau. Cette mesurette est très loin de répondre aux modifications profondes que demande la réforme de continuité pour correspondre à un vrai intérêt général, et non comme aujourd'hui à la vision particulière de quelques lobbies minoritaires et idéologues administratifs, sans effet majeur sur la qualité chimique et écologique de nos rivières. Mais cette évolution de la loi, inspirée par la conscience croissante des députés et sénateurs de nombreux problèmes liés à  la continuité écologique, desserre au moins l'étau de l'urgence et atténue le chantage sur les propriétaires. Explications et premières lettres-types pour bénéficier de ce délai. (Mise à jour août 2017 : un paragraphe de précision sur la notion d'indemnité. Voir aussi l'article L 214-18-& CE qui exempte de continuité le moulin producteur, lire ici pour le vote de cette loi et ici pour l'interprétation du ministère). 




La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages vient d'être publiée au Journal officiel.

Dans le domaine de la continuité écologique, et pour le cas des ouvrages hydrauliques classés en liste 2 au nom de l'article L 214-17 CE (voir notre lecture détaillée de cet article, à connaître impérativement), la loi institue un délai supplémentaire de 5 ans.

L'article 120 de cette loi "biodiversité" (qui modifie l'article L 214-17 CE) énonce en effet:
Article 120Le premier alinéa du III de l'article L. 214-17 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :«Lorsque les travaux permettant l'accomplissement des obligations résultant du 2° du I n'ont pu être réalisés dans ce délai, mais que le dossier relatif aux propositions d'aménagement ou de changement de modalités de gestion de l'ouvrage a été déposé auprès des services chargés de la police de l'eau, le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant de l'ouvrage dispose d'un délai supplémentaire de cinq ans pour les réaliser.»
Qu'est-ce que cela signifie ?
Les rivières ont été classées en liste 1 ou liste 2 par des arrêtés de bassin pris entre 2012 et 2013 (variable selon les régions, voir en bas de cet article les dates exactes). Il y avait initialement un délai de 5 ans pour exécuter la mise en conformité à la continuité écologique en liste 2 (soit 2017 ou 2018). Ce délai est rallongé de cinq années.

Pourquoi ce délai a-t-il été voté?
Car la kafkaïenne et brutale réforme de continuité n'est évidemment pas applicable, comme les précédentes en ce domaine depuis 1865. Il faut savoir qu'entre 10 et 20% seulement des ouvrages (selon les bassins) ont été mis en conformité à date (en commençant par des ouvrages publics, VNF, collectivités, ou des industriels n'ayant pas le choix), et que de nombreux autres chantiers sont bloqués car les propriétaires ne sont pas satisfaits des propositions qui leur sont faites (quand il y a proposition).

Ce délai de 5 ans est-il satisfaisant?
Non. Nous ne demandons pas la charité d'un délai de 5 ans, mais une révision complète de la mise en oeuvre de la réforme de continuité écologique : choix prioritaire de bonnes mesures de gestion des ouvrages (ni casse ni passe), financement public intégral des dispositifs de franchissement, motivation sérieuse et non bâclée de la nécessité des chantiers, arrêt immédiat de la pression à l'effacement (voir la position des 12 partenaires nationaux du moratoire). Donc la mobilisation continuera et s'accentuera tant que l'idéologie administrative de la destruction d'ouvrage et de la dépense disproportionnée ne sera pas abandonnée.

Ce délai de 5 ans a-t-il quand même des avantages ?
Oui. Il desserre l'étau de la pseudo "urgence", argument utilisé par les DDT-M et Agences de l'eau pour pousser le propriétaire à des solutions précipitées et non réellement consenties. En général, le chantage s'exerce par la menace financière (les maigres subventions sont censées disparaître sous peu, disent toutes les agences de l'eau) et par la menace règlementaire (des mises en demeure seront faites et des amendes seront mises, promettent toutes les DDT-M).

Faut-il user de ce délai de 5 ans?
Oui, afin de limiter le risque d'une mise en demeure de la Préfecture. Une telle mise en demeure pourrait de toute façon être attaquée au tribunal administratif pour excès de pouvoir et défaut de motivation (voir cet article), mais autant prévenir et mettre toutes les chances de son côté. Par ailleurs, au rythme accéléré où les élus découvrent les problèmes de mise en application de la continuité, celle-ci va connaître assurément d'autres réformes dans les mois et années à venir. Donc, il est surtout urgent de ne pas se presser dans la confusion actuelle, où la Ministre de l'Environenment demande d'ores et déjà l'arrêt des effacements quand les établissements administratifs agissent encore à leur guise et en grand désordre.

Comment faire jouer le délai de 5 ans?
Notre association propose la démarche décrite ci-après. Elle demande évidemment une certaine rigueur de la part de chaque maître d'ouvrage. Il est préférable que les associations travaillent à faire des réponses groupées et coordonnées, afin que l'administration ne puisse exercer des pressions individuelles.

Quatre cas de figure existent
Dans les 4 cas ci-dessous, vous devez de toute façon :
  • envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception (à conserver comme preuve),
  • écrire à la DDT-M de votre département (adresse sur site de la préfecture), qui est le seul service instructeur représentant l'Etat régalien (contrairement à l'Onema, à l'Agence de l'eau, aux syndicats),
  • donner comme objet et intitulé de votre courrier "dépôt auprès des services chargés de la police de l'eau des propositions d'aménagement ou de gestion de l'ouvrage", c'est-à-dire reprendre exactement le texte de la loi créant le délai (ce sera opposable au tribunal).

> Cas n°1 : votre ouvrage a fait l'objet d'une étude, vous êtes d'accord avec l'une des propositions et le financement est correct
C'est le cas le plus simple, mais aussi le plus rare pour les solutions non destructives. Dans cette hypothèse, pas de souci particulier : les travaux seront réalisés sur la proposition faite qui vous convient. Ce n'est pas grave s'ils débordent au-delà du délai légal initial de 5 ans, le caractère non problématique du chantier ne devrait pas pousser l'administration à une vigilance particulière. A noter: si votre choix est celui de l'effacement de l'ouvrage donc de la modification locale complète de l'écoulement, il faut encore s'assurer que le chantier, notamment la disparition du plan d'eau, ne contrevient pas aux droits des tiers, à la protection du patrimoine et du paysage, à la préservation de la qualité des milieux aquatiques. Vous devez également obtenir une décharge de responsabilité en cas de problèmes futurs liés au chantier (faute de quoi vous serez civilement et pénalement responsable si un voisin a une berge ou un bâti riverain qui s'effondre, si un ouvrage d'art est fragilisé, si le régime modifié d'inondation provoque des problèmes, etc.).

> Cas n°2 : votre ouvrage a fait l'objet d'une étude, vous êtes d'accord avec l'une des propositions mais le financement n'est pas correct et ces travaux sont inaccessibles
C'est un cas beaucoup plus fréquent. Aujourd'hui, les Agences de l'eau financent mal des passes à poissons et autres dispositifs de franchissement, le restant dû est trop élevé pour des particuliers, des petites exploitations ou des collectivités modestes propriétaires d'ouvrage. Vous envoyez alors un courrier de ce type:
Madame, Monsieur,
Je vous prie de noter par la présente que je souscris à l'une des propositions d'aménagement qui m'a été faite concernant l'ouvrage hydraulique dont je suis propriétaire. Il s'agit de [préciser la nature de cette proposition].
Conformément à l'évolution récente de l'article L 214-17 CE, je souhaite bénéficier d'un délai 5 ans supplémentaires pour la mise en conformité du site. En effet, et je vous prie d'en prendre note pour la suite, le coût de cet aménagement d'intérêt général excède mes capacités de financement et représente, selon les termes de l'articles L 214-17 CE, une "charge spéciale et exorbitante".
Je rappelle que la loi de 2006, contrairement à la loi de 1984 et à l’ancien article L 432- 6 CE que cette loi a abrogé, a expressément prévu une indemnisation du propriétaire ou de l’exploitant par l’Etat en cas de « charge spéciale et exorbitante ». Ce point a été défini par l’inspection générale de l’environnement en 2006 (IGE/05/052, Balland et Manfrédi 2006, p. 24) comme la condition de faisabilité de la réforme de continuité. Il va de soi que des travaux de continuité représentent une telle charge pour des particuliers, ce point ayant été reconnu par le rapport d’audit du CGEDD n°008036-03 de décembre 2016. 
Les travaux ne pourront donc être réalisés que si je bénéficie d'une "indemnité" comme prévu par ledit article. Au demeurant, des propriétaires d'ouvrages ont déjà bénéficié en France de subventions allant de 80 à 100% pour des aménagements similaires à celui envisagé dans mon cas, pour l'application du même article L 214-17 CE, donc l'égalité des citoyens devant la loi et les charges publiques doit être respectée. Dans le cas contraire, d'autres solutions moins coûteuses (comme une gestion de l'ouvrage en l'état) devraient être envisagées.
> Cas n°3 : votre ouvrage a fait l'objet d'une étude, vous êtes en désaccord avec l'ensemble des propositions faites
Ce cas de figure est plus délicat à traiter de manière standardisée (lettre-type) car il faut comprendre les raisons pour lesquelles le maître d'ouvrage est en désaccord avec les solutions proposées. Notre exemple de courrier ci-dessous reprend le cas le plus souvent observé, à savoir des solutions limitées à un arasement ou un dérasement. Mais dans ce cas (ouvrage étudié, désaccord complet), il vaudra mieux se rapprocher d'une association, d'un bureau d'études et/ou d'un avocat pour argumenter sur le fond le refus des propositions faites. Dans tous les cas, prenez date avant la fin de la première échéance règlementaire et proposez au moins une solution formelle, afin de faire jouer le délai de 5 ans supplémentaires.
Madame, Monsieur,
Suite au classement en liste 2 de la rivière [nom], l'ouvrage hydraulique dont je suis propriétaire a fait l'objet d'une étude visant à sa mise en conformité à la continuité écologique. Aucune des "solutions" proposées n'a mon agrément, car elles reviennent à effacer totalement ou partiellement l'ouvrage (ce que la loi ne prévoit pas dans l'article L 214-17 CE, puisque chaque ouvrage doit être "géré, équipé, entretenu" et non pas "arasé, dérasé").
Je vous prie donc de noter ma proposition alternative : bonne gestion du vannage et des niveaux en fonction du besoin des espèces et en conformité avec l'usage ancestral du bien, qui n'a pas historiquement impliqué le déclin d'espèces piscicoles ou autres.
Je reste à votre disposition s'il est nécessaire de préciser pour l'avenir ces règles de gestion.

> Cas n°4 : votre ouvrage n'a fait l'objet d'aucune étude et d'aucune proposition de l'administration
Ce cas est aussi fréquent, le nombre très important d'ouvrages classés en liste 2 excède largement la capacité de traitement de l'administration et des syndicats, parcs naturels régionaux et autres EPCI/EPTB en charge de la rivière. Vous envoyez alors un courrier de ce type:
Madame, Monsieur,
Suite au classement en liste 2 de la rivière [nom], je n'ai reçu à ce jour aucune proposition de votre part sur la continuité écologique au droit de mon ouvrage, alors que le texte de la loi fait obligation à votre administration de prescrire des "règles" de gestion, d'entretien et d'équipement : "Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant" (article L 214-17 CE).
J'en déduis, et cela correspond à ma propre interprétation, que l'ouvrage en l'état ne pose pas de problème majeur à la continuité écologique et n'appelle pas de modification de sa structure ni de sa gestion.
Dans le délai imparti par la loi, faute d'une étude démontrant la nécessité d'une alternative, je vous transmets donc par la présente et vous prie de noter ma proposition de gestion de l'ouvrage : poursuite de la gestion actuelle qui n'impacte pas les milieux.
Dans l'hypothèse où vous seriez en désaccord avec cette proposition de ma part, merci de m'adresser une étude complète motivant la nécessité et justifiant la faisabilité d'autres solutions, ainsi que le régime d'indemnité si ces solutions représentent une "charge spéciale et exorbitante" au sens donné par le législateur. Je précise que ces solutions que vous voudrez bien m'adresser excluent par avance tout effacement, arasement ou dérasement, car ces hypothèses sont non prévues par le texte de la loi, contreviennent à la consistance légale autorisée de mon bien et représenteraient en conséquence un excès de pouvoir dans l'interprétation de la volonté du législateur. 
Je rappelle enfin que la loi de 2006, contrairement à la loi de 1984 et à l’ancien article L 432- 6 CE que cette loi a abrogé, a expressément prévu une indemnisation du propriétaire ou de l’exploitant par l’Etat en cas de « charge spéciale et exorbitante ». Ce point a été défini par l’inspection générale de l’environnement en 2006 (IGE/05/052, Balland et Manfrédi 2006, p. 24) comme la condition de faisabilité de la réforme de continuité. Il va de soi que des travaux de continuité représentent une telle charge pour des particuliers, ce point ayant été reconnu par le rapport d’audit du CGEDD n°008036-03 de décembre 2016. Les seules études de faisabilité coûtent entre 5 et 20 k€ et sont inaccessibles à des particuliers.
Ces premières propositions sont publiques et libres de reproductions ou de modifications (conformément à la pratique générale de l'association Hydrauxois). Elles peuvent être discutées ici (utiliser la fonction commentaire ci-dessous) et chacun peut les adapter localement, proposer des améliorations, etc.

Nous attirons à nouveau l'attention des propriétaires et surtout de leurs associations sur l'intérêt d'une stratégie collective, unitaire et transparente, là où les casseurs d'ouvrages hydrauliques ont amplement démontré leur préférence pour des pressions individuelles, des manoeuvres opaques, des attitudes de fuite ou de contournement devant le nécessaire débat démocratique. Par ailleurs, et afin de créer ce débat qu'on nous refuse, les campagnes d'effacement doivent être combattues si elles sont bâclées ou résultent d'une mauvaise concertation, notamment avec les riverains et les associations (voir ce texte de synthèse, ce modèle de lettre à la Ministre pour l'inciter à exiger le respect de ses propres instructions aux préfets contre la démolition du patrimoine).

Date des arrêtés de classement liste 2 en métropole
Ces arrêtés font courir le délai initial de 5 ans. Vous devez solliciter le délai supplémentaire de 5 ans avant la date de première échéance réglementaire.
Bassin Loire Bretagne : 10 juillet 2012 (2017)
Bassin Seine Normandie : 18 décembre 2012 (2017)
Bassin Artois Picardie : 20 décembre 2012 (2017)
Bassin Rhin Meuse : 28 décembre 2012 (2017)
Bassin Rhône Méditerrannée Corse : 19 juillet 2013 (2018)
Bassin Adour Garonne : 7 octobre 2013 (2018)