14/10/2016

Scandaleuse destruction des ouvrages de l'Armançon alors que les arrêtés font l'objet d'un recours


Le Syndicat de l'Armançon (SMBVA ex Sirtava) a déclenché la destruction des seuils de Tonnerre et de Perrigny-sur-Armançon. Le jeudi 13 octobre 2016, dès 7 h du matin pour éviter toute opposition locale, un premier ouvrage de Tonnerre a commencé à être détruit.

Le Syndicat de l'Armançon a agi alors même que l'avis d'arrêté préfectoral autorisant cette destruction n'était paru dans la presse que la veille, que l'association Hydrauxois avait exercé un premier recours grâcieux (sans aucune réponse de l'administration) contre l'avis du Coderst et qu'elle avait clairement signalé en réunion publique, devant les employés du syndicat, son intention de demander au juge une annulation de l'arrêté quand il serait publié.

En guise de réponse, les casseurs honteux agissent donc à l'aube, dans la précipitation et la dissimulation. Ils agissent surtout dans le déni démocratique le plus total puisque :

  • la Ministre de l'Environnement a demandé aux préfets dès décembre 2015 de cesser les effacements problématiques d'ouvrages hydrauliques et s'est engagée auprès des parlementaires à arrêter la destruction des moulins;
  • l'enquête publique s'est conclue par un avis défavorable en raison du manque d'intérêt général et du manque d'intérêt écologique du projet du Syndicat, qui dilapide malgré tout l'argent public.

L'association Hydrauxois :

  • a signifié ce jour à la Préfecture de l'Yonne une requête en annulation des arrêtés préfectoraux autorisant les effacements de Tonnerre et de Perrigny-sur-Armançon;
  • demande à la DDT de l'Yonne et au Syndicat de l'Armançon de stopper immédiatement les chantiers (ne présentant absolument aucun caractère d'urgence) sur les deux ouvrages encore en place et d'avoir la décence élémentaire d'attendre l'avis du juge;
  • constate que l'avis défavorable du commissaire enquêteur est resté sans effet, manifestation supplémentaire du scandale démocratique entourant la réforme de continuité écologique, puisque l'enquête publique est le seul moment où les citoyens peuvent réellement et directement s'exprimer;
  • accuse les dirigeants du Syndicat de l'Armançon de mener une politique systématique de prime à la destruction des ouvrages, de ne faire aucun effort sérieux d'assistance sur les seuils et barrages (majoritaires) dont ils savent que les propriétaires ne veulent pas la disparition, de mépriser l'avis des nombreux riverains exprimant leur attachement aux retenues;
  • demandera au cours des prochains mois aux élus siégeant à ce syndicat de porter une motion de défiance contre cette politique absurde et d'engager une stratégie d'aménagement des ouvrages hydrauliques respectueuse des réels enjeux du bassin et des vraies préoccupations de ses riverains;
  • appelle tous les propriétaires d'ouvrages et tous les riverains de leurs retenues à la rejoindre, afin d'amplifier notre combat unitaire et solidaire contre la casse des ouvrages, pour des solutions concertées d'aménagements non destructeurs.

Depuis quatre ans déjà, la DDT, l'Agence de l'eau Seine-Normandie et le Syndicat de l'Armançon exercent un chantage réglementaire, financier et psychologique sur les maîtres d'ouvrage en vue de les pousser à choisir l'effacement des seuils, seule solution correctement financée et pleinement encouragée à ce jour. Cette folle destruction du paysage, du patrimoine et du potentiel énergétique de nos rivières n'apporte aucune garantie de résultats écologiques significatifs sur l'Armançon, et tout laisse à penser qu'elle aura au contraire des effets négatifs pour l'environnement et le cadre de vie.

Chaque ouvrage que l'on détruit est un héritage qui disparaît à jamais. Au nom de quel pouvoir exorbitant quelques apprentis sorciers amnésiques jouent-ils ainsi avec l'histoire et l'avenir de nos rivières, obéissant à des modes intellectuelles éphémères qui auront reflué demain comme ont déjà reflué celles d'hier? L'attitude de l'administration et du gestionnaire est inadmissible. Elle doit être combattue aussi longtemps que durera le ballet macabre des pelleteuses en rivière, par tous les citoyens soucieux de défendre sans les opposer le patrimoine naturel et le patrimoine culturel de nos territoires.

A lire en complément :
Tonnerre et Perrigny-sur-Armançon: destruction d'ouvrages malgré l'avis défavorable de l'enquête publique
Avis négatif sur les effacements des ouvrages de Tonnerre, demande au préfet de surseoir
Avis négatif sur l'effacement de l'ouvrage de Perrigny-sur-Armançon, demande au préfet de surseoir

12/10/2016

Pourquoi tout chantier doit faire l'objet d'une autorisation et d'une enquête publique s'il modifie plus de 100 m de rivière

Notre requête en interruption immédiate du chantier non réglementaire de Belleydoux sur la Semine fait la une de l'édition locale du Dauphiné ce matin. Le débat démocratique avec les riverains et usagers, que certains voulaient empêcher au nom de procédures discrétionnaires, aura lieu malgré tout. Et notre association va y participer à Giron, mais aussi sur l'ensemble des sites voués à la destruction par le PNR Haut Jura et Rivières Sauvages. Nous revenons dans cet article sur cette fameuse règle des 100 mètres linéaires, en montrant que le Ministère de l'Environnement et le Conseil d'Etat ont déjà considéré qu'elle s'applique à tout chantier, indépendamment de sa motivation première. Mais surtout, le sens élémentaire de la justice l'exige : le bouleversement d'une rivière en son équilibre et ses usages actuels ne peut pas être facilité pour les uns et compliqué pour les autres, sauf à ébranler la légitimité même de l'Etat, dont l'administration se comporterait alors comme un organe clanique au service et à l'écoute d'une partie seulement des citoyens. Les éléments ci-dessous peuvent être librement repris par les associations ou riverains pour faire valoir leur droit à une enquête publique sur les chantiers liés à la continuité écologique ou à l'abrogation des droits d'eau.


1. Rappel du régime général des installations, ouvrages, travaux, activités (IOTA) en rivières (article R 214-1 Code de l'environnement)

Dans le cadre de la réforme progressive du droit de l'environnement, une nomenclature à visée "universelle" des travaux en rivière a été développée à partir de 1993. Son objectif est simple à comprendre : pour garantir le respect des milieux et pour assurer à chaque propriétaire, exploitant ou gestionnaire une prédictibilité du contrôle administratif, tout chantier mené en berge ou en lit mineur fait l'objet de prescriptions de procédure.

C'est le régime installations, ouvrages, travaux, activités (IOTA). Il est défini par un article de la partie réglementaire du Code de l'environnement, l'art. R 214-1 CE.

Il faut ajouter que si ces mesures IOTA ont pour but premier de protéger les milieux, elles permettent également de prendre en compte les droits des tiers, en particulier des tiers riverains.

Le point qui oppose notre association à l'administration de l'Ain (et à d'autres avant elle) concerne le titre III de cet article, "impacts sur le milieu aquatique ou sur la sécurité publique".

Ce titre prévoit notamment les dispositions suivantes :
3.1.2.0. Installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3.1.4.0, ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau :  1° Sur une longueur de cours d'eau supérieure ou égale à 100 m (A) ; 2° Sur une longueur de cours d'eau inférieure à 100 m (D). Le lit mineur d'un cours d'eau est l'espace recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant débordement.
3.1.5.0. Installations, ouvrages, travaux ou activités, dans le lit mineur d'un cours d'eau, étant de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d'alimentation de la faune piscicole, des crustacés et des batraciens, ou dans le lit majeur d'un cours d'eau, étant de nature à détruire les frayères de brochet :
1° Destruction de plus de 200 m2 de frayères (A) ; 2° Dans les autres cas (D).
La différence entre une simple déclaration (D) et une autorisation (A) tient à l'importance du chantier. Elle va impliquer une procédure plus lourde en cas d'autorisation (étude d'incidence, enquête publique, cf art. R 214-6 CE). C'est assez logique : un propriétaire ou un gestionnaire peut difficilement modifier une zone importante de la rivière sans garantir à la société les bonnes pratiques de son chantier. Les seuils fixés par le Code sont 100 m de profil en long ou en travers, et 200 m2 de frayères (sans qu'il soit précisé les espèces en fraie).

2. Pourquoi les chantiers d'effacement d'ouvrages hydrauliques doivent respecter le régime IOTA
L'effacement d'un ouvrage hydraulique est une opération lourde, qui fait intervenir des engins mécaniques en berge et généralement sur le lit mineur. Par ailleurs, cette opération modifie l'équilibre en place de la rivière. Parfois, les ouvrages sont de création récente. Le plus souvent, ce sont des ouvrages présents depuis plusieurs siècles autour desquels le vivant (comme la société) s'est ré-organisé.

L'effacement des ouvrages, en vertu de ses objectifs affichés, a des effets sur le site : il modifie le transit des sédiments, la nature des substrats, le régime local des crues et étiages, la hauteur, largeur et vitesse de l'écoulement, les échanges avec la nappe. Outre le lit mineur et sa berge, l'effacement tend également à modifier le régime d'annexes hydrauliques (biefs, canaux) qui hébergent aussi des espèces. Enfin, des sédiments de la retenue sont remobilisés, et ils peuvent être pollués (outre l'impact de colmatage sur les frayères aval).

Il ne fait donc aucun doute qu'il existe un "impact sur les milieux aquatiques", objet du régime IOTA, titre III de l'article R214-1 CE. Bien sûr, l'objectif du chantier est présumé être favorable aux milieux. Mais cette "bonne intention" n'est pas une preuve de qualité, de bien-fondé et de succès du chantier. Elle n'est pas non plus une garantie de l'absence d'effets secondaires mal anticipés faute d'une préparation sérieuse. Le régime d'autorisation et d'enquête publique vise à contenir ces risques.

Il existe également un enjeu sur la "sécurité publique", deuxième objet du titre III de l'article R214-1 CE. En effet, un ouvrage hydraulique modifie le régime de l'érosion. Pour un très petit ouvrage, cela ne prête pas forcément à conséquence (encore que certains protègent spécifiquement des piles de pont, par exemple). Pour un ouvrage plus important, cela peut entraîner des déstabilisations de bâtis ou de berges. Il faut donc que l'étude d'incidence apporte aux tiers dans l'influence du remous liquide et solide de la retenue la garantie d'une absence de risques.

Enfin, il faut ajouter que l'intervention sur les ouvrages hydrauliques a très souvent des enjeux connexes d'usage qui justifient une attention particulière, et légitiment le recours à une enquête publique :
  • proximité de sites classés ou inscrits aux monuments historiques ou signalés comme patrimoine remarquable des documents d'urbanisme;
  • développement d'usages autour de la retenue ou de la chute (pêche, canyoning, réserve incendie, baignade, pompage ou AEP à l'amont, etc.).

3. Ce que le Ministère de l'Environnement a répondu aux députés et sénateurs en septembre 2016
La plupart des chantiers d'effacement d'ouvrage un peu important font l'objet d'une autorisation et donc d'une enquête publique. Mais pas tous. Certains gestionnaires se plaignent du régime IOTA, à leurs yeux trop lourds quand il s'agit de faire des chantiers de destruction de seuils et de digues, ou de restauration morphologique (voir par exemple cet échange sur un forum sur le bassin Rhône-Alpes).

Il se trouve qu'un député (Jacques Cresta) et un sénateur (Gilbert Bouchet) ont questionné le Ministère de l'Environnement à ce sujet. Voici la réponse, en septembre 2016.
"La restauration de la continuité écologique des cours d'eau est un axe important pour l'atteinte du bon état des eaux préconisé par la Directive cadre sur l'eau de 2000. Sa mise en œuvre, tout comme l'importance du rôle des collectivités territoriales dans sa mise en place ne peut être négligée. Les travaux effectués sur un cours d'eau, qu'ils soient de renaturation ou d'artificialisation peuvent avoir un impact plus ou moins significatif sur celui-ci ou sur les terrains riverains et usages associés. Il est donc justifié que les travaux de restaurations morphologiques des cours d'eau soient soumis à des procédures d'autorisation ou déclaration au titre de la loi sur l'eau. Les rubriques de la loi sur l'eau ont plutôt été créées en principe pour gérer les travaux d'artificialisation. Il pourrait être considéré que certaines opérations de restaurations morphologiques relèvent plus de la remise en état qui pourrait bénéficier d'une procédure adaptée. Toutefois, pour le moment cette question n'a pas de solution clairement établie. Elle pourrait s'inscrire dans les réflexions menées sur les réformes de simplification du droit de l'environnement dans le cadre des états généraux pour la modernisation du droit de l'environnement (EGMDE)."
Donc clairement (et pour une fois logiquement), le Ministère souligne que la motivation d'un chantier (renaturation ou artificialisation) ne permet pas de s'affranchir des obligations liées à son impact immédiat par rapport aux milieux, aux propriétés ou aux usages.

4. Ce que le Conseil d'Etat a posé en 2012 (CE n°345165, 14 novembre 2012)
Certains avancent que les règles découlant de l'article L 214-17 CE et suivant (sur la continuité écologique) ne sont pas les mêmes que celles découlant de l'article L 214-1 CE et suivants (sur le régime d'autorisation des ouvrages, de modification ou d'abrogation de cette autorisation).

Notons d'abord que cette interprétation ad hoc n'a pas de sens par rapport à la protection des milieux et des droits des tiers, qui est la finalité de l'autorisation et de l'enquête publique : ce n'est pas le motif du chantier qui compte, mais sa nature et son effet. Et, comme le Ministère l'a retenu dans sa réponse aux parlementaires, cette interprétation n'a pas de fondement pour le moment, aucune "procédure adaptée" permettant d'échapper au régime IOTA n'étant spécifiée dans le Code de l'environnement.

Il se trouve que dans le cadre d'un contentieux de la FFAM contre la circulaire de 2010 sur le Plan de restauration de continuité écologique, le Conseil d'Etat a traité la question dans un de ses considérants. Les hauts magistrats ont en effet noté :
"Considérant qu'il résulte des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement que les travaux réalisés à des fins non domestiques entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts, directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, sont soumis à autorisation ou à déclaration ; que la circulaire décrit dans la fiche n° 2 de son annexe II la procédure à suivre pour démanteler les ouvrages dont la présence et l'usage sont définitivement remis en cause et pour remettre en état les cours d'eau ; que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, il résulte des dispositions de cette fiche que ces travaux devront être exécutés conformément aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement, selon la procédure d'autorisation ou de déclaration et non dans le cadre de la procédure simplifiée par modification d'autorisation, le cas échéant avec fixation de prescriptions complémentaires telle qu'organisée par l'article R. 21 4-18 du même code ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la circulaire attaquée aurait méconnu les articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement"
Le Conseil d'Etat a donc rappelé que des autorisations, modifications ou abrogations d'autorisation impliquent des travaux qui devront se faire "selon la procédure d'autorisation ou de déclaration et non dans le cadre de la procédure simplifiée par modification d'autorisation".

5. Ce que l'aspiration élémentaire à la justice commande
L'Etat démocratique existe pour protéger les citoyens face à l'arbitraire et à l'injustice, c'est une de ses fonctions régaliennes les plus ancestrales et les plus essentielles. Si, au nom d'on ne sait quelle idéologie de la nature placée au-dessus du débat et de la critique, ou au nom d'une boursouflure réglementaire rendant le droit illisible aux citoyens et changeant les règles à chaque cas particulier, l'Etat commence à propager cet arbitraire et cette injustice, il perd toute légitimité.

Il est finalement regrettable, et détestable, que l'on soit obligé de chercher des argumentations aussi complexes pour poser des choses aussi simples : quand une règle existe, tout le monde la respecte. Une règle dit que si l'on modifie 100 ml ou davantage du profil en long ou en travers d'une rivière, on doit avoir une autorisation et soumettre son projet à l'enquête publique. Cette règle vaut pour les hydro-électriciens, les propriétaires de moulin, les gestionnaires d'étang, les fédérations ou associations de pêche, les syndicats et EPTB, les parc naturels régionaux, et tout le monde, y compris l'administration quand elle commande par ses décisions une obligation de chantier en rivière.

Des centaines de travaux d'effacement d'ouvrages ont respecté cette obligation, on ne voit pas au nom de quel régime d'exception d'autres voudraient s'en abstenir. Il est incroyable que, face à l'opposition de plus en plus claire des citoyens à la destruction de leur cadre de vie au nom de la continuité écologique, certains en soient à imaginer que l'on pourrait créer un régime spécial ou une procédure adaptée permettant d'éviter l'enquête publique et donc la libre critique des citoyens !

Nous avons récemment rappelé, en le déplorant, que l'opposition à la casse des ouvrages suscite des conflits de plus en plus forts, et parfois même des violences. L'administration doit cesser de pousser ainsi les gens au désespoir et à la colère en persistant dans le déni démocratique qui entoure cette réforme depuis le PARCE 2009. Et les parlementaires doivent saisir le gouvernement de cette dérive que rien ne semble contenir, notamment pas les appels répétés à cesser la casse du patrimoine par la Ministre de l'Environnement.

09/10/2016

Semine: petits effacements (non autorisés) entre amis des rivières sauvages

Sur la Semine, au vieux moulin de Belleydoux, le Parc naturel régional du Haut Jura, le lobby Rivières sauvages et l'administration ont engagé la destruction de l'ouvrage hydraulique du village. Problème: le chantier va modifier 400 m de profil en long de la rivière, sans qu'aucune autorisation n'ait été accordée. Saisie par les riverains, Hydrauxois demande au Préfet de stopper immédiatement ce chantier non réglementaire et d'organiser l'enquête publique permettant à tout le monde de s'exprimer sur cette casse inutile du patrimoine local. 

Nous avions déjà fait connaissance de Rivières sauvages, un label publicitaire qui a parrainé le dynamitage d'un seuil ancien sur la Valserine. Nous avions aussi signalé avec inquiétude les vues du lobby dans l'Ain, où le Parc naturel régional du Haut Jura a accepté de sacrifier des bassins pilotes à ce grand progrès que représente la "sauvagerie" des rivières restaurées à la pelleteuse ou à la dynamite.



Des riverains et usagers ont saisi notre association à propos d'un projet de destruction systématique des ouvrages de la Semine, affluent de la Valserine. Un  premier chantier est en cours visant à l'effacement du seuil de Belleydoux, commune de Giron. Mais ce chantier n'est pas réglementaire. Le PNR du Haut Jura a en effet produit des documents montrant que 400 mètres linéaires de rivière verront le profil en long et en travers modifiés par les opérations (cf ci-dessous). Or, un chantier d'une telle ampleur relève d'une autorisation avec enquête publique, et non d'une simple déclaration. Le Préfet a donc été saisi ainsi que le greffe du tribunal administratif et les trois parlementaires de l'Ain signataires de l'appel à moratoire sur les effacements d'ouvrages.



Il est regrettable que certains représentants de l'administration et des gestionnaires de l'eau, persuadés que leur adhésion au dogme de la continuité écologique les place nécessairement dans le camp de la vertu, prétendent s'affranchir des lourdes formalités "loi sur l'eau" exigées à tous les maîtres d'ouvrages dès lors qu'ils interviennent sur le lit et les berges pour des travaux autres que l'entretien courant. Et il est lamentable que la continuité écologique se déploie ainsi au mépris de la concertation démocratique, avec des solutions toutes faites préparées à l'avance par un cercle fermé de décideurs coupés des riverains.

Signalez-nous tout effacement sans enquête publique:
nous vous aiderons à faire respecter le droit

Nous rappelons à tous nos lecteurs cette règle essentielle : dès qu'un chantier d'effacement modifie l'écoulement (hauteur, largeur) sur plus de 100 m, ce qui est le cas général en dehors des très petits ouvrages, il entre dans le champ de l'autorisation et non de la simple déclaration (article R 214-1 CE, réglant le régime des installations ouvrages, travaux et activités en rivière ou zone humide). A la différence de la simple déclaration, l'autorisation engage notamment une enquête publique permettant aux riverains et associations d'exprimer leurs objections au projet. Il ne faut donc plus laisser passer un seul chantier de destruction ignorant ces règles. L'association Hydrauxois ayant désormais une capacité juridique à agir au niveau national, nous pouvons vous aider à saisir l'autorité administrative pourvu que vous nous fassiez parvenir les éléments du dossier (arrêté, étude préparatoire, etc.).

Illustration : le journal Le Progrès rapporte les contestations des riverains placés devant le fait accompli de la décision de destruction.

07/10/2016

Les petites centrales hydro-électriques ont un effet quasi-nul sur les populations piscicoles (Bilotta et al 2016)

Equiper les seuils et barrages déjà existants de petites centrales hydro-électriques au fil de l'eau a-t-il des effets négatifs sur les poissons? Une équipe anglo-canadienne de chercheurs (universités de Brighton et de Toronto, Agence environnementale du Royaume-Uni) s'est penché sur la question. Les scientifiques n'observent aucun effet sur 5 des 6 marqueurs de population piscicole (dont saumons et truites), et un effet négligeable pour le dernier. Leurs travaux, forcément préliminaires dans un domaine encore peu étudié, soulignent aussi des points dérangeants: la rareté des études sur les petits ouvrages, a fortiori les petites centrales hydro-électriques, le manque de rigueur méthodologique de beaucoup d'analyses en écologie aquatique. En ce domaine, la France s'est hélas dotée d'une politique désastreuse de découragement de l'équipement énergétique et d'incitation à l'effacement des petits ouvrages hydrauliques, politique fondée sur les convictions idéologiques davantage que sur des études scientifiques de qualité. Il faut corriger le tir. 

Les auteurs rappellent en introduction les faibles émissions de CO2 par kWh produit pour les petites centrales hydro-électriques (PCH) au fil de l'eau : 4 grammes équivalent CO2 (g eqCO2) au kWh contre 1001 g CO2eq / WHh pour le charbon, 469 pour le gaz, 46 pour le solaire, 16 pour le nucléaire et 12 pour l'éolien. Ce bilan carbone positif, associé à un faible impact sur les autres usages des rivières et bassins dans le cas des centrales de taille modeste, incite les décideurs à voir dans la petite hydro-électricité un élément légitime de la lutte contre le changement climatique.

Autre point mis en avant par les chercheurs : la pauvreté de la recherche. Autant les grands barrages ont fait l'objet d'analyses scientifiques, autant les PCH en sont généralement orphelines. De surcroît, les choix d'hypothèses et d'observations n'apportent pas toujours des enseignements utiles. "Les précédentes recherches dans ce domaine ont été limitées par l'absence de données standardisées à long terme et la faiblesse de conceptions des études — reposant principalement sur la dynamique post-construction et la comparaison de tronçons de référence amont-aval, ce qui limite les conclusions que l'on peut en tirer".

Gary S. Bilotta et ses collègues ont donc sélectionné des sites où l'on dispose de données de qualité pour effecteur une comparaison, à savoir des mesures:
  • standardisés pour le peuplement piscicole,
  • disponibles à moins d'1 km des sites,
  • en comparaison de mesures similaires et faites sur des tronçons avec des seuils non équipés (l'objet étant de comprendre l'effet spécifique de l'équipement hydro-électrique de ces seuils).
Sur le dernier point, les auteurs soulignent qu'il y a 16.822 petits barrages en Angleterre et Pays de Galles, pour la plupart sans usage, et que les PCH équipent en général ces seuils déjà en place. Il s'agit donc de vérifier si la reprise d'une production hydro-électrique dans une rivière fragmentée se traduit ou non par une altération piscicole.

Pour 161 PCH, seuls 23 ont correspondu aux critères posés par les auteurs. Leur chutes (1, 5 à 96 m), leurs longueurs de tronçon court-circuité (5 à 1150 m), leurs équipements (turbines Kaplan, Turgo, Francis, Banki-Mitchell, vis d'Archimède, roues) et leurs puissances (3 à 450 kW) reflètent la réalité de la petite hydro-électricité. C'est assez rare pour être souligné car nombre d'études mise en avant en France (par exemple sur la mortalité piscicole en turbine) sont faites sur la base de données et modèles issues de sites EDF, avec des puissances de l'ordre de MW ou de la dizaine de MW, sans rapport avec les PCH.

Six données piscicoles ont été analysées (rapportées à 100 m^2 de surface) : nombre d'espèces, nombre de poissons, nombre de saumons atlantiques (Salmo salar), nombre de saumons de plus d'un an, nombre de truites communes (Salmo trutta), nombre de truites de plus d'un an. Le résultat est exprimé dans le graphique ci-dessous (les carrés indiquent la moyenne, les barres l'intervalle de confiance à 95%, avant / après, site de contrôle / site équipé).


Figure extraite de Bilotta et al 2016, art. cit., droit de courte citation.

Les conclusions sur cette analyse avant-après :
  • les effets des PCH sont très faibles (l'intervalle de confiance inclut la valeur nulle),
  • 5 des 6 mesures n'ont pas de variation significative,
  • la seule mesure ayant une variation significative est le nombre d'espèces, avec une baisse négligeable de -0,06 par 100 m^2. 
Ces résultats sont comparables aux conclusions (non publiées en revue scientifique) de Robson et al 2011 sur des PCH au fil de l'eau en Ecosse. Un autre travail (publié) mené au Portugal avait trouvé des différences dans les assemblages piscicoles amont et aval, mais assez faibles et ne concernant ni l'abondance ni la diversité des espèces (Santos et al 2006).

Enfin les auteurs rappellent que la plupart des sites étudiés sont d'équipement récent et ont suivi des bonnes pratiques dans leur conception. Cela ne préjuge pas de l'effet de sites plus anciens, qui serait à étudier avec la même rigueur pour arriver à des conclusions robustes.

Discussion
Les auteurs soulignent en conclusion les limites de leur propre travail, en raison de la faiblesse d'échantillonnage, et rappellent que bon nombre d'études piscicoles ou d'écologie des milieux aquatiques ne disposent d'aucune évaluation de la puissance statistique des méthodes employées, donc du risque des faux positifs ou des faux négatifs. "Le résultat d'études à faible puissance statistique peut être à la fois trompeur et dangereux, pas seulement par leur incapacité à détecter des changements écologiques significatifs, mais aussi parce que cela crée l'illusion qu'une chose utile a été faite".

On ne peut que conseiller aux gestionnaires français de méditer sur ces propos. Nombre de relevés effectués par l'Onema ou des fédérations de pêche sont par exemple avancés comme des "preuves" d'un phénomène (abondance ou rareté d'espèces, écart à une typologie, impact de telle ou telle pression) sans avoir toujours les méthodes nécessaires pour inférer ces conclusions avec un degré raisonnable de confiance (problème déjà souligné par Peterman 1997 dans le cas des études piscicoles, dont 98% n'analysent pas le risque d'erreur de seconde espèce). Dans un domaine qui engage l'argent public et qui recouvre de nombreux enjeux (pas seulement piscicoles au sein de l'écologie, et pas seulement écologiques au sein des bénéfices sociaux), la moindre des choses est d'avertir le décideur du caractère encore incertain et préliminaire de la plupart des connaissances sur les rivières.

Le travail de Bilotta et de ses collègues cherche un signal lié à l'équipement hydro-électrique, mais ne décrit pas l'effet des seuils sur les assemblages piscicoles, puisque l'échantillon de référence est lui aussi fragmenté d'ouvrages sans usages. Toutefois, des travaux français en hydro-écologie quantitative indiquent que cet effet serait modeste (de l'ordre de 12% de la variance des scores de qualité piscicole selon Van Looy et al 2014), en particulier quand l'effet relatif des barrages et seuils est comparé à d'autres causes de variation de l'état écologique des rivières (13e facteur de variation piscicole, selon Villeneuve et al 2015). Ces travaux concordent avec d'autres résultats de la recherche internationale (par exemple Wang et al 2011, Cooper 2016) : si les barrages, et en particulier les grand barrages, ont des effets importants dans la zone d'influence de leur bassin versant, et parfois sur des espèces migrant à longue distance, l'effet cumulé de l'ensemble des ouvrages hydrauliques ne paraît pas pour autant un facteur de premier ordre de la variation de population piscicole (à supposer par ailleurs que cette variation puisse être ramenée par l'écologue à une notion de "qualité", d'"intégrité" ou même de "référence", ce qui est un débat épistémologique chez les chercheurs eux-mêmes, voir par exemple Bouleau et Pont 2015 ou le livre de Lévêque 2013). Quant à l'effet historique des ouvrages et aux évolutions à long terme des populations piscicoles, le sujet reste pour l'essentiel une terra incognita de la recherche, les premiers travaux n'apportant pas forcément des conclusions attendues (voir Clavero et Hermoso 2015,  Haidvogl et al 2015Belliard et al 2016).

Dans le dossier de 2013 consacré au classement des rivières et à la continuité écologique, notre association appelait à une "double modernisation écologique et énergétique" des ouvrages hydrauliques. L'action publique française a hélas! choisi d'inciter par la réglementation et par le financement à la suppression la plus large possible des seuils et barrages. Il est peu compréhensible qu'une posture correspondant à des visions minoritaires dans la société, manquant cruellement d'études scientifiques préalables sur les petits ouvrages, soit ainsi devenue une politique nationale. La correction de cette aberration est une urgence pour les prochaines réformes de la loi sur l'eau. Et l'étude scientifique des cours d'eau fragmentés reste une priorité, pour faire des choix efficaces et proportionnés d'aménagement.

Référence
Bilotta GS et al (2016) The effects of run-of-river hydroelectric power schemes on fish community composition in temperate streams and rivers, PLoS ONE, 11, 5, e0154271. doi:10.1371/journal.pone.0154271

05/10/2016

Continuité écologique: le délai de 5 ans supplémentaires s'applique même sur un ouvrage précédemment classé au titre du L 432-6 CE

Une association nous soumet la cas d'un fonctionnaire (Agence de l'eau) essayant d'influencer un propriétaire de moulin en laissant entendre que le délai de 5 ans supplémentaires (voté à l'été 2016) ne s'appliquera pas à son ouvrage, en raison d'un précédant classement de la rivière au titre du L 432-6 CE. Cette assertion est inexacte. L'administration de l'eau essaie encore et toujours de contourner la volonté démocratique d'apaisement exprimée par les parlementaires. C'est insupportable. 



Un chargé de mission de l'Agence de l'eau Seine-Normandie pose le point suivant lors de la visite d'un moulin :
"M. XXXX précise, d’après les informations dont il dispose, que ce délai supplémentaire ne devrait pas toucher les ouvrages anciennement concernés par l’article L432-6 du Code de l’Environnement, ce qui est le cas de l’ouvrage visité aujourd’hui. En effet, il ajoute, qu’en 2012, lors de la parution des classements actuels (L214-17 du Code de l’Environnement), le législateur n’avait pas souhaité reporter le délai de mise en conformité pour ces ouvrages sur des cours d’eau déjà classés."
Ce que cela signifie
Selon ce fonctionnaire, les ouvrages de moulins qui étaient anciennement classés (au titre du L 432-6 Code de l'environnement, article abrogé) ne pourront pas bénéficier du délai supplémentaire de 5 ans ajouté par les parlementaires au L 214-17 Code environnement.

Est-ce fondé ?
Non. L'article L 214-17 CE a supprimé et remplacé toutes les obligations antérieures relatives à la continuité écologique, qu'elles relèvent de l'ancien L 432-6 CE ou de l'article 2 de la loi de 1919. Ce point est clairement exprimé dans le texte de cet article :
"Le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et l'article L. 432-6 du présent code demeurent applicables jusqu'à ce que ces obligations y soient substituées, dans le délai prévu à l'alinéa précédent. A l'expiration du délai précité, et au plus tard le 1er janvier 2014, le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 précitée est supprimé et l'article L. 432-6 précité est abrogé."
On ne peut se réclamer de classements antérieurs et abrogés pour fonder une décision relative à l'application du L 214-17 CE, seul texte en vigueur aujourd'hui pour ce qui est des obligations en rivière classée au titre de la continuité écologique. Le Ministère de l'Environnement a déjà été débouté en tribunal administratif à ce sujet (appel du procureur, en cours), dans un cas pourtant plus favorable à ses vues puisque l'exploitant concerné avait fait l'objet d'un arrêté de mise en demeure.

Contrairement à l'interprétation du fonctionnaire de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, il est tout aussi clair que les parlementaires ont reconnu les problèmes liés à la mise en oeuvre de la continuité écologique et ont souhaité assouplir l'exécution du classement (voir cette séance du 22 janvier 2016 au Sénat).
Jacuques Mézard : "Nous connaissons tous les difficultés techniques et financières qui se posent pour la réalisation de ce type de travaux. Mieux vaut accorder un délai supplémentaire aux propriétaires ou exploitants de bonne foi afin qu’ils puissent mener ceux-ci à bien : c’est ce que nous souhaitons tous."
La Ministre de l'Environnement a de surcroît précisé lors des débats que cet assouplissement devait s'accompagner d'une modification des aides financières:
"Ségolène Royal : Le problème étant avant tout d’ordre financier, je vais réfléchir à une réforme des subventions des agences de l’eau, afin que les propriétaires soient fortement incités à effectuer les travaux dans un délai assez bref, en recourant à des solutions permettant de trouver un juste équilibre entre le maintien des ouvrages et de leur fonction agricole ou énergétique et la restauration de la continuité écologique. Je suis convaincue que, dans la plupart des cas, des solutions de conciliation peuvent être trouvées, pour peu que l’on mette en place les moyens financiers d’accompagnement nécessaires. Je vais saisir les agences de l’eau à ce sujet."
L'amendement du délai de 5 ans, voté par les parlementaires avec la bienveillance du gouvernement, vise à tenir compte des excessives complexité technique et charge financière impliquées par la réforme. Il n'est pas tolérable que l'administration, dont l'interprétation tendancieuse de la loi de 2006 est à l'origine des problèmes liés à la continuité écologique, persiste à mépriser et déformer ainsi la volonté des représentants élus des citoyens.

Que faut-il faire ?
Vous devez faire jouer le délai de 5 ans supplémentaires désormais prévu par l'article L 214-17 CE, en prenant les précautions exposées dans cet article. En particulier, vous devez signaler le caractère "spécial" et "exorbitant" de la charge induite par les travaux de continuité écologique, afin que la nécessité d'une indemnité soit reconnue, particulièrement si l'Agence de l'eau ne consent qu'une subvention faible ou nulle par rapport au coût total du chantier.

Lorsque vous êtes confronté à ce genre de pression, nous vous conseillons de procéder également à un signalement de l'agent responsable, pour ce qui s'apparente à une procédure d'intimidation (signalement à la direction concernée, ici Agence de l'eau et à la ministre de l'Environnement, mais aussi à vos parlementaires, qui doivent être impérativement informés de la manière dont leurs décision sont systématiquement vidées de leur substance par l'administration).

Il est possible et même probable que ce fonctionnaire de l'Agence de l'eau (institution qui n'a pas capacité à parler au nom de l'Etat régalien) répète simplement ce que lui a dit la DDT-M de son département, elle-même briefée par le Bureau des milieux aquatiques de la Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère. Cela ne change pas la nécessité de dénoncer systématiquement ces interprétations arbitraires, ceux qui les produisent comme ceux qui les reproduisent.

Poursuivre la réforme de la continuité pour en purger l'arbitraire
Ce genre d'incident exprime une réalité désagréable: certains fonctionnaires n'ont aucune envie de suivre la voie indiquée par leur Ministre de tutelle et par les parlementaires, encore moins d'entendre les protestations de plus en plus vives au bord des rivières. Cela fait dix ans que la mise en oeuvre de la continuité écologique est ainsi dégradée par des interprétations sectaires et partiales venant de quelques noyaux militants de l'administration, y compris sa tête à la Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère (voir encore récemment l'appel inconsidéré et extrémiste à la "suppression des retenues"). Avec ou sans délai de 5 ans, dans le cas du classement L 432-6 CE comme dans celui du L 214-17 CE, le problème de fond reste le même :
  • les lois ou décrets de continuité depuis 1865 jusqu'à la loi de 2006 sont faiblement et difficilement appliquées en raison de leur coût et contrainte rapportés à un bénéfice incertain pour la société (voir déjà les échanges sur la première loi sur les échelles à poissons);
  • aujourd'hui comme en 2012 ou en 2022, les propriétaires refusent l'alternative intenable de détruire leur bien ou de se ruiner dans des dépenses de dizaines à centaines de milliers d'euros, sommes pharaoniques qu'aucune réforme n'a jamais réclamé à une catégorie de particuliers ainsi condamnée à une lourde charge d'intérêt général;
  • la confiance est rompue entre les citoyens et une administration partisane, s'étant alignée sur les positions radicales de lobbies minoritaires et ayant tout mis en oeuvre pour pousser à la casse pure et simple du patrimoine hydraulique français;
  • notre pays dilapide l'argent public dans ces réformes n'ayant pas de base scientifique solide et ne répondant pas aux priorités définies par l'Europe (DCE 2000). 
Plusieurs parlementaires, parfaitement conscients que le problème ne se résume pas à une affaire de délai et met désormais en question la légitimité de l'action publique, sont d'ores et déjà disposés à une réforme plus substantielle de la continuité écologique. Au regard de l'incapacité manifeste de l'administration à prendre correctement en compte les services (patrimoine, paysage, énergie) associés aux ouvrages hydrauliques et à entendre le message des citoyens qui en sont riverains, ces évolutions législatives seront nécessaires. Dénoncer les excès de pouvoir et combattre les effacements ne fera qu'accélérer cette issue.

Illustration: France écologie énergie, domaine public, Flickr