22/10/2016

Tonnerre: la mobilisation continue, rejoignez la zone à défendre!

La zone à défendre du seuil Saint-Nicolas de Tonnerre a déjà résisté une semaine aux tentatives de destruction de l'ouvrage hydraulique. La semaine prochaine va être décisive : nous avons besoin de votre soutien pour continuer l'occupation pacifique du site et convaincre la préfecture de la nécessité d'un arrêt du chantier, le temps que la justice se prononce sur la légalité contestée de ces destructions. 


Une partie de la chaussée a été endommagée,
mais les manifestants ont réussi à repousser la pelle mécanique. 

Rappel des faits : malgré l'avis défavorable de l'enquête publique (pas d'intérêt général, pas d'intérêt écologique), la DDT de l'Yonne et le syndicat de l'Armançon (SMBVA) ont décidé d'effacer deux ouvrages de Tonnerre et un ouvrage de Perrigny-sur-Armançon. L'association Hydrauxois a exercé un recours gracieux contre la décision du Coderst en ce sens, auquel l'administration n'a pas répondu. A peine les arrêtés préfectoraux publiés dans la presse voici 10 jours, le syndicat a détruit à l'aube un premier seuil (services techniques de Tonnerre). L'association Hydrauxois a engagé une requête en annulation des deux arrêtés préfectoraux dès qu'elle en a eu connaissance.

La politique brutale et précipitée du syndicat de l'Armançon n'a qu'un seul but : en détruisant au plus vite les ouvrages, pousser le juge soit à un non-lieu, soit à un jugement favorable à la décision préfectorale. La politique de continuité écologique montre là son vrai visage : décision en petits comités fermés et isolés de la population, indifférence aux objections, avis d'enquête publique ou recours, mépris des voies démocratiques de résistance à des décisions perçues comme injustes et infondées par une large majorité de riverains directement concernés par la disparition des ouvrages et des retenues.

Depuis une semaine, le second seuil de Tonnerre (chaussée Saint-Nicolas) est devenu une zone à défendre. Les adhérents et sympathisants des associations et du collectif riverain opposés à la destruction ralentissent le chantier et font obstacle non-violent à l'avancée de la pelleteuse. Depuis mercredi, après intervention des gendarmes pour écarter les manifestants et laisser passer les engins mécaniques sur la voie publique, le barrage lui-même est occupé. Le propriétaire rive droite, qui n'a jamais donné son accord à l'intervention sur les berges et la moitié de lit lui appartenant, autorise les manifestants à s'y installer. Et il menace à son tour de porter plainte si les engins du syndicat pénètrent sa propriété pour la dégrader.

Le sénateur de Raincourt, qui avait déjà alerté la Ministre de l'Environnement cet été après information par notre association, a saisi vendredi son directeur de cabinet pour lui faire part de son inquiétude sur ces méthodes contestées et contestables. L'Yonne républicaine et France Bleue Auxerre ont couvert l'événement, d'autres médias sont attendus en début de semaine.

Hydrauxois appelle ses adhérents et sympathisants à rejoindre la zone à défendre pour prévenir une destruction irrémédiable de la chaussée. L'association va par ailleurs adresser une plainte à la police de l'eau pour pollution des berges en rive gauche, et elle saisira de nouveau lundi les services du préfet de l'Yonne pour solliciter l'engagement dans la seule solution raisonnable : le report du 2e chantier de Tonnerre et de celui de Perrigny-sur-Armançon, la poursuite des échanges devant la justice. Au demeurant, l'arrêté préfectoral prévoit la possibilité de prolonger la durée d'autorisation (article 7) : les travaux n'ayant aucun caractère d'urgence, ils peuvent très bien être réalisés à un prochain étiage, dans l'hypothèse où la justice reconnaîtrait leur légalité.

Pour nous aider à parvenir à cette solution, mobilisez-vous et rejoignez-nous à Tonnerre!


Le point de ralliement, chemin des Minimes à Tonnerre, aller dans le champ en rive gauche de l'Armançon. Venez nous y trouver, il y a du monde en permanence.

21/10/2016

Chaussée Saint-Nicolas de Tonnerre: toujours debout!

Le pelle mécanique n'a pu détruire qu'une partie du parement rive gauche du seuil Saint-Nicolas de Tonnerre. Désormais, les manifestants assurent une veille de nuit sur la chaussée et, jeudi matin, ils ont empêché les engins de continuer la casse. Les  gendarmes ont admis qu'avec l'accord du propriétaire rive droite, refusant que l'on détruise le site et sa berge, les citoyens pouvaient légitimement rester sur place. On attend désormais le choix du préfet et de syndicat. La solution d'apaisement consiste à arrêter les travaux pour laisser au juge l'opportunité d'analyser en toute sérénité la légalité (aujourd'hui contestée) des arrêtés préfectoraux autorisant les effacements de Tonnerre et de Perrigny-sur-Armançon. 

La pelle mécanique ne peut plus avancer, dès le petit matin les manifestants sont mobilisés.


Une partie de la chaussée a déjà été endommagée. Si le juge donne raison aux associations qui contestent la validité des arrêtés, il y aura obligation de remettre les sites en l'état. Autant s'arrêter là dans le gaspillage de l'argent public.

La belle vanne de l'ouvrage en rive gauche est encore présente. Globalement, la chaussée Saint-Nicolas de Tonnerre présentait un bon état de conservation, ce qui rend encore plus déplorable la volonté de la détruire.


Dialogue impossible? Hélas. Tant que le syndicat de l'Armançon SMBVA mènera une politique visant à casser le maximum d'ouvrages pour supprimer le maximum de linéaire de retenues – ce qui est l'objectif final de la "renaturation" si ses défenseurs sont cohérents et francs vis-à-vis de l'opinion publique –, il rencontrera une opposition résolue. Dans la grande majorité des cas, les obligations de continuité écologique peuvent être satisfaites par une simple ouverture des vannes (ou une échancrure limitée et réversible dans le seuil). Cette solution a tous les avantages : elle respecte le patrimoine et le paysage, préserve l'agrément des riverains, conserve le potentiel énergétique et la capacité de régulation des niveaux, économise l'argent public. La priorité du bassin de l'Armançon, comme de toutes les autres rivières de Bourgogne et de France, c'est de travailler sur les facteurs qui empêchent le bon état écologique et chimique des masses d'eau, au sens précis donné par la directive cadre européenne sur l'eau. Et non pas de se lancer dans une fantasmatique et ruineuse "restauration morphologique" de tronçons de rivières ayant déjà un bon état piscicole au regard de nos obligations européennes.

Pour rappel, l'indice poissons rivières mesurant la qualité biologique de l'Armançon médiane est en classe "excellente", la masse d'eau est d'ores en déjà en bon état écologique DCE (au dernier état disponible de bassin) alors qu'elle est par ailleurs en mauvais état chimique en raison des HAP. Casser des moulins centenaires n'a aucun effet contre les pollutions diffuses. C'est l'accomplissement d'un programme dicté par l'idéologie, et non pas la résultante d'une approche raisonnée et concertée des enjeux écologiques réels du bassin.

20/10/2016

Brutal et minable: le syndicat de l'Armançon SMBVA essaie de détruire les barrages de nuit...

Seuil Saint-Nicolas, Tonnerre. Après avoir tenté de faire expulser les manifestants par les gendarmes, le Syndicat de l'Armançon SMBVA en est réduit à sortir la pelleteuse de nuit pour entamer la destruction du seuil Saint-Nicolas. Hydrauxois demandait à l'administration et au syndicat d'avoir la décence d'attendre l'avis du juge ; nous avons maintenant la réponse des partisans acharnés de la casse du patrimoine hydraulique français. Dont acte, mesdames et messieurs les casseurs, mais le spectacle de vos pratiques ne vous promet pas des lendemains qui chantent. A noter que, dans la plus grande confusion de ce chantier catastrophique, le propriétaire rive droite menace désormais de porter plainte si les machines du syndicat s'approchent de la partie du lit qu'il possède. Des militants campent sur la chaussée Saint-Nicolas cette nuit, et nous appelons tous les lecteurs de cet article à nous y rejoindre pour défendre la zone encore intacte. 


Les citoyens voulant empêcher le passage des engins sont refoulés par la gendarmerie. Qu'à cela ne tienne, on prépare les panneaux et direction la chaussée.


La chaussée Saint-Nicolas n'a pas encore tout à fait disparu, et ses défenseurs le font savoir. Qui eût dit, dans sa longue histoire, que des riverains grimperaient un jour sur son couronnement pour la défendre?


Au long de la rivière...


La pelleteuse entre en action sur la rive gauche et commence à casser la chambre d'eau, le radier et le magnifique système de vanne du moulin.


Après une pause, la pelleteuse profite du départ des manifestants pour sortir à la nuit tombante et commencer la casse! Mais l'un d'eux est encore dans les parages et retarde l'engin du mieux qu'il peut. D'autres le rejoignent pour bloquer la progression.


Retenez bien ces images, riverains du bassin de l'Armançon et autres cours d'eau de Bourgogne: c'est l'objectif affiché du syndicat de rivière, de la DDT, de l'Agence de l'eau Seine-Normandie et de l'Onema sur le maximum d'ouvrages hydrauliques, dont la disparition est programmée au nom de l'idéal de la rivière "renaturée". Et c'est votre argent qui paie ces démolitions. Si vous voulez conserver le patrimoine et le paysage de nos cours d'eau, si vous ne supportez plus ces pratiques d'apprentis-sorciers jouant avec le passé et l'avenir de nos vallées, il faut s'engager dès à présent pour bloquer les chantiers de Tonnerre et de Perrigny-sur-Armançon, mais aussi pour préparer la résistance sur tous les autres chantiers déjà programmés pour 2017. Restez connectés, la mobilisation ne fait que commencer!

Photographies : Alain Guillon et Gérald Charpentier

19/10/2016

La chaussée Saint-Nicolas de Tonnerre: zone à défendre!

Le collectif d'associations et de riverains engagé dans la défense des ouvrages de l'Armançon s'est mobilisé sur le terrain pour empêcher la casse de l'ouvrage Saint-Nicolas par le syndicat de l'Armançon tant que le juge ne s'est pas prononcé sur la légalité de l'arrêté préfectoral. Nous comptons sur vous pour y nous rejoindre au plus vite: plus nous serons nombreux et plus le Préfet sera enclin à suspendre le chantier! Retour en image sur cette première journée.


Arrivés tôt le matin, les membres du collectif parviennent à arrêter le brise-roche. Un camion sera également détourné, avant qu'il ne revienne accompagné de la gendarmerie et de la police municipale. La concertation et le dialogue, vantés dans toutes les bonnes brochures de la continuité écologique, trouvent vite leurs limites avec les représentants de la casse institutionnelle du patrimoine. Pour les militants comme pour les poissons, un seul mot d'ordre: circulez ! Photo Yonne républicaine, tous droits réservés.


La chaussée Saint-Nicolas en eau basse. On voit que l'ouvrage est modeste, y compris par rapport au seuil de la Cascade à Tonnerre, sans compter les plus grands obstacles à l'écoulement de l'Armançon. L'acharnement à casser des petits seuils en laissant les grands barrages caractérise la politique inepte de continuité écologique. Quant aux autres impacts, nous demandons pourquoi le contrat global Armançon 2015-2020 prévoit un budget de 76.000 euros seulement pour la pollution agricole contre 2,5 millions d'euros pour la restauration morphologique, on nous répond que le premier sujet est très difficile à traiter. Ben voyons, laissons la chambre d'agriculture décider de ce qui est bon pour la rivière et pendant ce temps-là, matraquons les moulins. Dans le même ordre d'idée, nos interlocuteurs nous disent que la ville de Tonnerre a bien sûr réfléchi à l'hydro-électricité, mais que les sites promis à la destruction ne produiraient rien. On demande à consulter l'étude : pas besoin d'étude, nous répond-on dans un grand rire... Pendant ce temps-là, Tonnerre est loin d'avoir accompli sa transition énergétique bas-carbone.


Une fois la vanne ouverte, l'ouvrage Saint-Nicolas est franchissable aux poissons bons nageurs, surtout en hautes eaux où le niveau tend à s'égaliser entre amont et aval. Une solution simple, peu coûteuse et respectueuse du patrimoine consiste donc à gérer cette vanne. Mais les employés du syndicat et sa vice-présidente nous expliquent : c'est très insuffisant, il faut restaurer la morphologie, on préfère des rivières libres. Le syndicat de l'Armançon va donc bien au-delà de ce que demande la loi française. Les citoyens du bassin vont-ils consentir à financer ces dépenses décidées sans réelle consultation ni concertation (la commission locale de l'eau, soi-disant représentative des usagers, élus et citoyens, n'a même pas daigné se réunir pour formuler un avis sur ce chantier, c'est dire le mépris complet des instances délibératives du syndicat pour la vie des gens...)? La nouvelle taxe Gemapi qui sera collectée en 2018 va-t-elle servir à modifier comme ici les graviers sur 200 mètres de rivière, au bénéfice de certaines espèces et au détriment d'autres? Le syndicat va devoir sérieusement affûter ses arguments, car ces gabegies destructrices au service des visions subjectives de quelques apprentis-sorciers sont fort peu partagées par les citoyens qui en sont correctement informés.


Voilà ce qui restera comme le grand outil de la pseudo-écologie des rivières des années 2010: la pelleteuse. Au moins la folie de la destruction du patrimoine aide-t-elle le secteur du BTP à franchir la crise de la construction... En matière de résultats pour l'environnement, on surveille avec impatience le retour en masse des anguilles, saumons, aloses et esturgeons sur l'Armançon. Basiquement, on attend déjà que le syndicat de rivière et l'Onema produisent des analyses avant-après sur chaque chantier pour exposer aux citoyens à quoi sert l'argent public et dans quelle mesure cela contribue à notre première et impérative obligation, le bon état chimique et écologique DCE. Le bla-bla généraliste du catéchisme de la continuité, on en a plus que soupé depuis 5 ans: on veut maintenant des faits et des chiffres sur les gains réels pour les milieux aquatiques et sur le progrès mesurable de nos obligations vis-à-vis de l'Europe. On demandera ces données aussi longtemps que nécessaire.



Même le chien paraît définitivement convaincu et profondément abattu : on jette l'argent dans la rivière.


Dans les propriétés voisines, tout le monde déplore le projet du syndicat de l'Armançon: le petit plan d'eau est apprécié, les berges vont souffrir de la reprise des marnages et de l'érosion, le niveau des puits baissera. Aussi l'association Arpent n'a-t-elle pas de difficulté à trouver des propriétés privées pour poser ses panneaux en défense du patrimoine menacé.

Le point de ralliement, chemin des Minimes à Tonnerre. Venez nous y trouver, de 06:00 à 18:00: nous ne sommes pas encore assez nombreux!

16/10/2016

Le Ministère et la continuité écologique: falsification à haut débit

Les fonctionnaires de la Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Environnement ont une capacité tout à fait étonnante à déformer la réalité et tromper les parlementaires, pour masquer l'ampleur et la nature des contestations que suscite la réforme de continuité écologique. Donc atténuer du même coup leur responsabilité dans ce marasme. Ils viennent d'en donner encore la preuve en rédigeant la réponse du Ministère à l'interpellation du sénateur Pellevat, qui s'alarmait à juste titre des dérives de la destruction du patrimoine hydraulique et de la gabegie d'argent public. Nous pointons dans cet article le gouffre qui existe entre le récit ministériel et la réalité. Le problème de cette falsification comme mode de rapport intellectuel à autrui et au réel, c'est évidemment qu'elle mine la crédibilité et l'autorité de la parole publique. A quoi bon avoir la moindre confiance dans les représentants d'une administration centrale pratiquant un tel déni? Où trouver la moindre envie de répondre désormais aux sollicitations administratives autrement que par l'indifférence ou le contentieux? Le Ministère devrait reconnaître simplement l'erreur d'avoir donné la prime à la destruction des seuils et barrages depuis 2009, poser le caractère exceptionnel de cette solution, redéfinir le niveau des gains écologiques attendus en justification des aménagements de continuité et développer une approche constructive pour valoriser la richesse que constitue le patrimoine hydraulique français. Il n'en est pas capable, car les mêmes personnes s'obstinent dans les mêmes erreurs. Il reviendra à l'initiative parlementaire de modifier la loi elle-même, pour corriger ces dérives et relancer le dialogue au bord des rivières. 




Voici la question écrite n° 21997 de Cyril Pellevat (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 02/06/2016 : M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sur la destruction des seuils de barrages. Il est évident que la directive européenne 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui oblige les États-membres à améliorer la qualité écologique des cours d'eau, est essentielle pour la survie de nos rivières et de nos fleuves. Cette surveillance accrue des États sur la qualité de leurs cours d'eau a permis bien des progrès depuis de nombreuses années. Cependant, l'interprétation qui est faite dans la loi du principe de « continuité écologique des cours d'eau » entraîne certaines dérives qui sont pénalisantes à différents niveaux : écologique, économique et patrimoniale. Les seuils des barrages qui sont vus le plus souvent comme de simples barrières au passage des poissons peuvent être souvent en réalité des zones de reproduction voire de survie en cas de sécheresse. Du point de vue économique, les coûts de destruction ou de rabaissement de certains moulins à eau sont parfois exorbitants par rapport à l'impact écologique réel. De plus, ces ouvrages d'art faisant partie de notre patrimoine, leur destruction serait désastreuse. Enfin, la destruction de ces seuils et plus largement des barrages empêche le développement des petites centrales hydrauliques qui sont économiquement viables et écologiquement moins destructrices que les grands barrages, elles permettent de fournir en électricité propre nombre de petits villages et leur développement serait intéressant.  Il souhaite donc connaître les mesures qui vont être prises pour permettre d'agir au cas par cas sur l'aménagement des rivières et d'éviter les dérives quant au classement des rivières au titre de la continuité écologique.

Ci-dessous, la réponse du Ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer (JO Sénat du 25/08/2016, 3607).

Notons que cette réponse n'aborde même pas la question de l'énergie posée par le sénateur. Et pour cause : depuis que la petite hydro-électricité est passée sous la responsabilité de la direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère, les hauts fonctionnaires n'ont eu de cesse de la décourager, et d'abord de nier son existence dans les états des lieux des SDAGE et dans le bilan UFE-Ministère 2013 (exclusion des puissances de moins de 100 kW, soit 90% des sites équipables). Leur message est répété sur le terrain, en particulier sur les bassins les plus engagés dans la continuité écologique: ne surtout pas inciter à l'équipement des petites puissances alors que le programme français consiste à effacer les seuils, de manière générale à diminuer leur débit et chute exploitables. Ségolène Royal a difficilement intégré 50 projets de restauration énergétique de moulins dans le récent appel à projets de 2015. Un geste surtout symbolique: cela représente le potentiel d'une seule rivière sur les milliers que compte le pays, et le cahier des charges est si lourd que les sites les plus nombreux en France (puissance de quelques dizaines de kW) n'ont pas de réelle capacité à y candidater (voir cette synthèse sur l'énergie des moulins).

Outre cette omission du volet énergétique, voilà les propos du Ministère et les commentaires qu'ils inspirent.

La continuité écologique des cours d'eau constitue l'un des objectifs fixés par la directive Cadre sur l'eau. Elle est indispensable à la circulation des espèces mais également des sédiments. 

Faux et incomplet. La directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) demande à tous les Etats-membres d'atteindre le bon état écologique et chimique des masses d'eau (superficielles et souterraines). La "continuité de la rivière" est simplement citée en annexe comme l'un des paramètres qui peut contribuer au bon état. Ce n'est pas un objectif en soi de la directive, qui ne comporte aucune mention de la nécessité d'aménager seuil ou barrage (la directive cible en toute priorité la pollution, domaine où la France accuse un grave retard). La France est au demeurant le seul Etat-membre à avoir engagé un programme massif en ce domaine de la continuité : les autres pays agissent aussi sur la morphologie, mais de manière pragmatique, modeste et progressive, sans rapport avec la brutalité et la précipitation de la planification française (exemple : données sur les Pays-Bas et le Royaume-Uni). Par ailleurs, le raisonnement du Ministère est vicié à la base : de nombreuses rivières de notre pays sont déjà en bon état écologique au sens de la DCE 2000 alors qu'elles ont sur leur cours des seuils ou des barrages, donc un lit fragmenté. Le Ministère induit systématiquement les parlementaires et les citoyens en erreur en laissant entendre que la continuité longitudinale est une condition sine qua non du bon état des indicateurs biologiques et chimiques de la DCE, ce qui est inexact. Quant au chiffre circulant parfois ("50% des rivières en mauvais état à cause de la morphologie"), c'est une assertion non scientifique, produite à dire d'expert (c'est-à-dire en bureau) lors des premiers états des lieux des bassins de 2004, à l'époque où il n'existait même pas de suivi en routine des mesures DCE de qualité biologique, physique et chimique de chaque masse d'eau. Cet état des lieux est reconnu comme erroné aujourd'hui, c'est lui qui avait poussé la France à l'engagement imprudent et irréaliste de 65% des masses d'eau en bon état 2015. Quant aux migrateurs et aux sédiments, les plus petits ouvrages formant la grande majorité des travaux observés au bord des rivières ne représentent que des obstacles partiels à leur circulation (voir plus loin). Si un impact plus important est localement avéré, personne n'est choqué à l'idée qu'un moulin doit ouvrir ses vannes aux périodes propices, voire être équipé d'un dispositif technique de franchissement. Mais ces solutions sont découragées depuis 2009 au profit de la destruction.

Ainsi, afin de pouvoir appréhender au mieux la situation actuelle, l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) a établi un inventaire des obstacles à l'écoulement de toutes sortes (barrages, buses, radiers de pont, etc.). Celui-ci recense plus de 80 000 obstacles. Parmi ceux-ci, un premier ordre de grandeur de 18 000 obstacles dont le nom contient le mot « moulin » peut être tiré. Moins de 6 000 d'entre eux se situent sur des cours d'eau où s'impose une obligation de restauration de la continuité écologique. 

Faux et fantaisiste. Il existait environ 100.000 moulins à la fin du XIXe siècle. Affirmer qu'il n'en resterait que 18.000 sur les rivières françaises en 2016 est inexact : ce décompte dénué de rigueur montre simplement avec quelle légèreté l'administration centrale gère cette question, dont elle affirme de manière contradictoire la soi-disant importance pour la qualité des cours d'eau. Dans ce cas, pourquoi être incapable de dénombrer les moulins en 2016 quand la loi de continuité date de 2006 et que les moulins sont gérés par l'administration depuis… la Révolution?  Le référentiel des obstacles à l'écoulement de l'Onema est toujours incomplet et, n'ayant pas pour vocation première de recenser les moulins, il est mal renseigné à ce sujet dans ses métadonnées. Il suffirait au Ministère de compiler les données des DDT-M, qui gèrent les règlements d'eau au plan départemental, pour avoir déjà une quantification plus précise (mais encore très incomplète car les DDT-M ont peu d'informations sur les droits d'eau fondés en titre et non réglementés). Ce travail n'est pas fait et pour le masquer, le Ministère cite un chiffre bidon. A noter : si les chiffres du Ministère étaient corrects, cela signifierait que 30% du patrimoine des moulins français sont menacés, soit une proportion énorme. Il y aurait donc matière à s'alarmer et à faire cesser immédiatement cette politique d'une brutalité effarante.


Enfin, une partie d'entre eux sont de fait partiellement ou totalement détruits et d'autres sont déjà aménagés d'une passe-à-poissons ou correctement gérés et ne nécessitent pas d'aménagement supplémentaire. Ainsi, il apparait important d'indiquer que la politique de restauration de la continuité écologique ne vise pas la destruction de moulins. En effet, cette politique se fonde systématiquement sur une étude au cas par cas de toutes les solutions envisageables sur la base d'une analyse des différents enjeux concernés incluant l'usage qui est fait des ouvrages voire leur éventuelle dimension patrimoniale. Cette approche correspond à l'esprit des textes règlementaires sur le sujet, aucun n'ayant jamais prôné la destruction des seuils de moulins. 

Faux. Les textes du Ministère de l'Environnement ayant interprété la loi (circulaires d'application 2010 et 2013) comme les arbitrages de financement soutenus par les représentants de l'Etat au sein des Agences de l'eau sont ouvertement favorables à la destruction (arasement, dérasement) des ouvrages de moulin comme choix de première intention (voir ce texte). En 2010, au lancement du plan de restauration de la continuité, une haut fonctionnaire du Ministère appelait à casser 90% des ouvrages "sans usage" et à "encercler les récalcitrants" (voir cet texte). En 2016, la même représentante de l'Etat en charge de la question appelle sans discernement à la "suppression des retenues (voir ce texte).  Que le Ministère persiste dans cette duplicité et ces dénis infantiles indique un incroyable mépris du contrôle parlementaire de son action. Ces falsifications ne font qu'aviver la colère déjà forte sur le terrain chez tous les propriétaires et riverains. A de très rares exceptions près (dont il faut saluer le courage de la part de certains EPTB, par rapport au n'importe quoi ambiant), les maîtres d'ouvrage font tous la même expérience : aucun historien ni spécialiste n'est convié pour analyser le patrimoine molinologique du bassin versant ; la plupart des solutions proposées comportent des destructions partielles ou totales ; les solutions autres (passes à poissons, rivières de contournement) sont mal financées et représentent donc des charges exorbitantes de dizaines à centaines de milliers d'euros. Par exemple sur le basin de Seine-Normandie, l'Agence de l'eau explique aux propriétaires que s'il a été démontré que l'effacement est techniquement possible, il n'y aura aucune aide publique pour une autre solution (un exemple parmi tant d'autres Bessy-sur-Cure). C'est un chantage financier, et grossier : le Ministère en est parfaitement informé, mais il se garde bien d'en informer à son tour les parlementaires. Ainsi va la propagande administrative, occupée à poursuivre son propre objectif ayant considérablement dévié du texte de la loi sur l'eau de 2006 et de la loi de Grenelle de 2009.

Pour atteindre le bon état écologique et respecter les engagements de la France en matière de restauration des populations de poissons amphihalins vivant alternativement en eau douce et en eau salée, tels que le saumon, l'anguille ou l'alose, il est indispensable de mettre en œuvre des solutions de réduction des effets du cumul des ouvrages sur un même linéaire. 

Faux et trompeur. Nous avons déjà signalé l'absence de corrélation entre bon état écologique / chimique DCE et présence d'ouvrages. Concernant les poissons migrateurs, le Ministère dissimule tout un pan de la réalité : les plus modestes ouvrages (cibles prioritaires des destructions, contrairement aux grands barrages) ne sont pas à l'origine de la disparition des grands migrateurs ; sur un grand nombre de rivières ordinaires ne présentant pas de migrateurs amphihalins, on détruit des ouvrages pour simplement varier la densité de poissons communs (truites, lamproies de Planer, barbeaux, brochets, chabots…), voir ce texte sur de précédentes manipulations des parlementaires. Ces poissons ne sont pas tous des migrateurs et presqu'aucune espèce concernée n'est menacée d'extinction sur son bassin ; certaines espèces sont par ailleurs déversées massivement par des associations de pêche, ce qui rend absurde la prétention à restaurer une quelconque population "naturelle" (autre symptôme de la géométrie variable de la réforme : certains usages sont sur-contrôlés et sur-réprimés, d'autres font l'objet du plus grand laxisme de gestion ; on prétend "renaturer" en cassant des seuils tout en persistant à "dénaturer" par toutes les autres activités humaines).

C'est pourquoi, la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau se fonde également sur la nécessité de supprimer certains ouvrages, particulièrement ceux qui sont inutiles et/ou abandonnés. Ce point ne concerne ni ne vise spécifiquement les seuils de moulins. Les moulins entretenus, utilisés ou ayant une dimension patrimoniale d'intérêt, ne sont en aucun cas mis en danger par la politique de restauration de la continuité écologique. 

Faux et contradictoire. Après avoir prétendu que nulle part l'effacement des ouvrages n'est promu, le Ministère reconnaît maintenant qu'il y a "nécessité" à supprimer des ouvrages. Le bidonnage est tellement gros qu'il n'a pas pu résister à 8 lignes de rédaction… L'argument que les ouvrages sont "inutiles" et que cela justifie leur effacement est particulièrement affligeant (voir cette idée reçue sur les ouvrages sans usage) : va-t-on supprimer des fontaines, lavoirs, puits, ponts, gués, douves, canaux et autres ouvrages hydrauliques sous prétexte que leur "utilité" première n'existe plus aujourd'hui? Le Ministère de l'Environnement est-il incapable de reconnaître que tous les moulins participent à l'histoire, au patrimoine et au paysage des rivières françaises, donc que la mobilisation d'argent public pour leur destruction ne doit être engagée que de manière exceptionnelle, pour un motif grave et sérieux d'environnement et de sécurité, et non comme la solution de première intention aujourd'hui promue, pour des résultats sans réelle priorité écologique ? Les hauts fonctionnaires de la direction de l'eau veulent-ils venir en Bourgogne, où nous leur ferons visiter des moulins bien restaurés et entretenus, mais où l'Agence de l'eau a refusé les subventions si le propriétaire ne voulait pas araser, déraser ou échancrer son seuil ? A moins que cette confrontation à la réalité ne provoque un choc psychologique fatal à ceux qui sont enfermés dans les bureaux de Nanterre, et qui tolèrent tout au mieux quelques "retours d'expérience" soigneusement sélectionnés et enjolivés, où l'on fait parler des élus locaux ravis d'avoir touché des millions d'euros de subvention, arbre qui cache la forêt des dossiers bâclés sans aucun projet de territoire et des innombrables riverains considérant que les gains écologiques, s'ils existent, ne sont pas proportionnés aux choix opérés.

Compte tenu des nombreuses réactions, notamment des fédérations de propriétaires de moulins et d'élus, dues surtout à des incompréhensions de cette politique, une instruction a été donnée le 9 décembre 2015 aux préfets afin qu'ils ne concentrent pas leurs efforts sur ces ouvrages chargés de cette dimension patrimoniale. Cette instruction les invite également à prendre des initiatives pédagogiques à partir des multiples situations de rétablissement de la continuité réalisées à la satisfaction de tous, y compris sur les moulins. 

Faux et trompeur. L'instruction de Ségolène Royal n'est nullement suivie d'effet sur le terrain, le Ministère ordonne à son administration déconcentrée de poursuivre le rapport de force et la destruction des ouvrages. Exemple concret dans l'Yonne en cet automne 2016 : des destructions de 3 ouvrages ayant reçu des avis négatifs en enquête publique pour manque d'intérêt général et manque d'intérêt écologique, et dont les arrêtés les autorisant sont en requête contentieuse en annulation, sont engagées malgré tout. Le cas n'est pas une exception, le même choix a été fait ailleurs (exemple sur l'Orge), les destructions ont continuée à l'étiage 2016 comme aux précédents (voir la montée de la contestation). Par ailleurs, il n'y a aucun problème de "pédagogie", le monde des moulins est au contraire de mieux en mieux informé des travaux scientifiques sur l'écologie des milieux aquatiques. Ces travaux concluent de manière très différente de l'idéologie défendue par le Ministère : les premières pressions sur les rivières sont les usages des sols du bassin versant ; la densité de seuil et barrage n'a qu'un impact faible sur les poissons (de l'ordre de 10% de la variance de bio-indicateur de qualité) ; la biodiversité à échelle spatiale du tronçon ou du linéaire entier peut être augmentée, et non diminuée, par la présence de retenues et de leurs habitats spécifiques ; les petits ouvrages de l'hydraulique ancienne ne sont pas à l'origine de la disparition ou de la raréfaction des migrateurs comme l'anguille ou le saumon. Un des plus grands spécialistes français de la biodiversité des milieux aquatiques, Christian Lévêque, a reconnu que la réforme de continuité écologique était un peu trop "dogmatique" et parfois justifiée par des concepts n'étant "pas réellement scientifiques" (voir ce texte). On trouve sur ce site plus de 60 recensions de vrais articles de recherche (pas des rapports d'administration ou de bureaux d'études), travaux pour la plupart parus depuis 2010, qui relativisent considérablement l'impact soi-disant très négatif des ouvrages et des retenues.

Nous n'avons donc pas besoin de pédagogie, mais de vérité. Le Ministère nous en prive depuis 10 ans sur le dossier de la continuité écologique, car il refuse d'admettre que cette réforme a été portée sans concertation sérieuse avec les acteurs et sans diagnostic scientifique préalable pour établir les bonnes priorités (voir ce texte sur le besoin d'une vraie approche écologique de la rivière). Nous demandons en conséquence aux parlementaires de continuer à saisir la Ministre pour dénoncer les falsifications et les dérives de ses services. Mais aussi de faire évoluer la loi sur l'eau pour parer à la malheureuse incapacité de cette administration à corriger ses propres erreurs. L'autorité de l'Etat dans le domaine de l'eau et la gestion constructive des rivières se trouvent considérablement affectées par ces attitudes indignes de l'impartialité et de l'objectivité attendues par les citoyens.

Illustrations : destruction de l'ouvrage des services techniques de Tonnerre (photos Alain Guillon), montrant que les instructions de Ségolène Royal sur la nécessité d'arrêter la casse des ouvrages présentant des "incompréhensions" durables est sans effet. Partout en France, la machine à détruire continue sur sa lancée.