Nous publions ci-dessous les extraits des débats parlementaires lors du vote de la loi sur l'autoconsommation énergétique portant exemption de continuité écologique en liste 2. Les élus de tous les groupes sont clairs et consensuels dans leur motivation: ils veulent la protection et la valorisation, et non plus la destruction, des ouvrages hydrauliques anciens, produisant ou ayant un potentiel de production. Sous réserve d'un recours en annulation de la loi, l'administration doit maintenant respecter la volonté générale exprimée par les élus. Ce qui signifie : la Direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'Environnement doit intégrer la protection des moulins dans des textes d'application non ambiguës, sans chercher à multiplier les exceptions, les complications, les interprétations douteuses visant à réveiller la guerre avec les riverains ; les Agences de l'eau ne doivent plus donner priorité aux effacements quand ils concernent ce patrimoine hydraulique, donc financer d'autres solutions de continuité si nécessaire et travailler avec les comités de bassin pour redéfinir une doctrine programmatique en direction des ouvrages et de l'hydro-électricité ; les DDT(-M) doivent informer les propriétaires concernés de l'évolution de la loi et envisager avec eux les conditions réglementaires d'une reprise de la production; les établissement publics intercommunaux ou de bassins versants (syndicats, parcs) doivent intégrer cette perspective de valorisation dans leurs programmes de gestion et dans l'information du public. Nous avons déjà subi une grave dérive d'interprétation de la loi sur l'eau de 2006, ayant obligé à de multiples corrections législatives depuis un an. Nous n'accepterions pas qu'une nouvelle fois l'administration en charge de l'eau persiste dans une interprétation dévoyée de la continuité écologique, au mépris de la volonté si clairement affichée par les représentants élus des citoyens.
Sénat
La source de ces extraits est ici.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat - Je me félicite du travail mené par le Sénat, en particulier sur les moulins, qui sont au coeur de l'identité rurale française. Le Sénat, très attaché à la préservation de ce patrimoine, a su concilier les intérêts en jeu. J'attribuerai prochainement le résultat de l'appel d'offres petit électrique avec un lot spécialement réservé aux anciens moulins.
M. Jean-Claude Requier (groupe RDSE) - Enfin, la question des anciens moulins à eau : le Sénat est allé plus loin que la loi Montagne pour les préserver. La CMP a clarifié le dispositif. Nous sommes satisfaits ; le groupe RDSE approuve à l'unanimité les conclusions de la CMP.
Mme Anne-Catherine Loisier (groupe UDI-UC) - La CMP a aussi traité la question des moulins à eau, à la satisfaction de tous, pêcheurs comme associations de sauvegarde du patrimoine : elle a assouplit la règle de continuité écologique pour les moulins sur des cours d'eau classés en liste 2. Plusieurs milliers de petits ouvrages appartenant à notre patrimoine historique seront ainsi préservés qui, équipés, pourraient produire une puissance cumulée de près de 300 mégawatts. Il conviendrait néanmoins de clarifier la situation des moulins situés sur les cours d'eau classés dans la liste 1, ceux-ci ne présentant pas toujours une qualité ou un intérêt écologique qui mérite leur classement et une protection administrative accrue. On peut également s'interroger sur l'intérêt d'intégrer à cette liste des cours d'eau considérés comme réservoirs biologiques dont la définition est appliquée par l'administration de manière très extensive. À quand une révision de cette liste 1 ? Nous optimiserions le potentiel de ces moulins qui ont une utilité socio-économique tout en répondant aux défis écologiques. Le groupe UDI-UC, très attaché aux énergies renouvelables, votera naturellement en faveur de ce texte.
M. Hervé Poher (groupe écologiste) - L'article 3 bis était indispensable, incontournable, inévitable. Ayant longtemps fréquenté une agence de l'eau, j'ai connu des gens qui se battaient contre les moulins (Sourires) et d'autres, plus nombreux, qui les défendaient. Leurs arguments s'équilibraient... Le texte s'inscrit dans le prolongement naturel de la loi pour la transition énergétique. Le groupe écologiste votera pour.
Mme Delphine Bataille (groupe socialiste et républicain) - Je ne reviens pas sur le régime des moulins à eau, consensuel, qui concilie biodiversité, souci patrimonial et développement de la micro-hydroélectricité. (…) On ne peut qu'adhérer à ce texte qui marque des avancées sur le chemin de la transition énergétique.
M. Daniel Chasseing (groupe Les Républicains) - Je suis bien sûr très favorable à ce projet de loi qui soutient l'autoconsommation, qui est favorable à la ruralité et qui crée un système énergétique mixte. Le Sénat avait voté un amendement sur les moulins contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur. Depuis, le rapporteur a beaucoup travaillé et a fait adopter sa rédaction par la commission mixte paritaire. Des milliers de moulins, pour un potentiel de plus de 280 mégawatts (…) seront ainsi conservés. Ils subissaient l'hostilité -le mot est peut-être fort- de l'administration. Tous les moulins équipés pourront ainsi produire de la micro-électricité.
M. Bruno Sido (groupe Les Républicains) - À mon tour de me féliciter de la préservation de milliers de petits moulins. À l'heure où l'on s'interroge sur l'application des lois, je m'étonne toutefois qu'il ait fallu réaffirmer qu'ils n'étaient pas un obstacle à la continuité écologique : nous l'avions déjà voté dans de précédents textes, notamment la loi sur l'eau.
Assemblée nationale
La source de ces extraits est ici.
Mme Frédérique Massat, présidente de la commission mixte paritaire - Seule une disposition, adoptée au Sénat, ne faisait pas consensus à l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire a permis de trouver un accord – c’est sa raison d’être – dans l’article 3 bis du projet de loi. La disposition initiale du Sénat permettait aux moulins produisant de l’électricité de s’affranchir de toute règle administrative, ce qui remettait en cause le maintien de la continuité écologique et la défense de la biodiversité. Nous avons donc adopté, en commission mixte paritaire, une mesure limitant la dispense de règle aux moulins situés sur certains cours d’eaux. Il est en effet nécessaire de continuer à imposer des règles administratives aux moulins situés sur les cours d’eau présentant une qualité écologique et une richesse biologique particulièrement importantes.
M. Patrice Carvalho (Gauche démocrate et républicaine) - Nous nous réjouissons également du vote, au Sénat, d’une disposition sur les anciens moulins à eau situés en milieu rural, qui lève concrètement l’obligation de construire des passes à poissons. C’est une mesure de bon sens, qui, sans réellement nuire aux continuités écologiques, épargnera aux propriétaires des coûts exorbitants. On s’apprêtait à faire disparaître de petites surélévations, de quelques dizaines de centimètres, existant depuis trois siècles, et avec elles la biodiversité qui s’y était installée. Pour nous, il est primordial de préserver ces éléments essentiels de notre patrimoine culturel, plutôt que de les faire disparaître ou de les effacer, comme le souhaite l’administration.
M. Romain Colas (Socialiste, écologiste et républicain) - Le seul vrai problème résidait dans l’article 3 bis, relatif aux moulins à eau, qui vient encore d’être évoqué par notre collègue Carvalho. Mais, là encore, les parlementaires se sont entendus pour trouver un équilibre entre le développement de la micro-électricité et la continuité écologique des cours d’eau. L’élaboration de ce texte a été en tout point exemplaire.
M. Pascal Thévenot (Les Républicains) - Seul l’article 3 bis a donné lieu à un débat approfondi. Adopté au Sénat, cet article supprimait l’obligation de classement des moulins à eau. Les pêcheurs, notamment, ont fait part de leurs préoccupations quant aux conséquences de la suppression de toute réglementation. La CMP a entendu ces inquiétudes et est parvenue à une rédaction consensuelle. Ainsi, le champ d’application du texte voté par le Sénat est-il limité aux moulins situés sur des cours d’eau classés en liste 2, aux termes de l’article L. 214-17 du code de l’environnement. Les moulins situés sur les autres cours d’eau continueront d’être réglementés pour le maintien de la continuité écologique et la défense de la biodiversité.
17/02/2017
16/02/2017
Pêcheurs : libérez-vous de vos oligarques !
La récente évolution de la réforme de continuité écologique, comme les précédentes, a été accompagnée par un intense lobbying de la pêche pour tenter de l'empêcher. Sans succès, le consensus politique en faveur de la préservation des moulins à eau est désormais massif. Les représentants officiels de la pêche, séduits par certaines sirènes intégristes des rivières sauvages, donnent une bien mauvaise image de leur loisir en persistant à promouvoir la casse, à dénigrer le patrimoine ou l'énergie, à se montrer agressifs envers d'autres usages de l'eau que le leur, à défendre finalement les positions les plus dogmatiques. Nombre de sociétés locales de pêche s'en désolent. Nous les appelons à saisir leurs fédérations départementales ou nationale, et à faire évoluer le discours de la pêche vers des positions moins intolérantes. Nous avons un avenir commun sur nos rivières, mais il sera fondé sur le respect mutuel.
Dans son intervention au Sénat le 15 février 2017, évoquant la nécessité de concilier des visions et des intérêts divergents, Mme Ségolène Royal a parlé des "préoccupations des pêcheurs" et non pas des "enjeux de la continuité écologique". Ce glissement lexical est révélateur. La continuité écologique a été portée avant tout par le lobby de la pêche, les élus sont les premiers à le savoir.
De fait, quatre représentants de la pêche et un représentant d'ERN-SOS Loire vivante (animateur du lobby Rivières sauvages) ont écrit au président du Sénat pour lui demander de ne pas adopter l'article 3bis de la loi sur l'autoconsommation énergétique. Le texte de ce courrier peut être consulté à ce lien.
Ce courrier contient tous les poncifs du genre : développer des sources modestes d'énergie ne sert à rien (beau message en période de transition énergétique), les signataires seraient les seuls défenseurs de l'intérêt général (malgré l'écrasant consensus des parlementaires pour valoriser le patrimoine hydraulique comme atout des territoires), la réforme de continuité écologique se passerait formidablement bien (malgré les preuves accumulées du contraire depuis 5 ans), casser les ouvrages à la pelleteuse ou construire de coûteuses passes à poissons créerait forcément de la valeur et de la réussite (malgré l'absence généralisée d'analyse coût-bénéfice et d'évaluation en services rendus par les écosystèmes, et des retours critiques d'universitaires ayant étudié des cas concrets), etc.
Cette démarche illustre une réalité : la fédération nationale de pêche (FNPF) et une partie de ses fédérations départementales sont engagées dans une vision agressive, militante, biaisée de la continuité écologique. Leur objectif prioritaire est de détruire les ouvrages hydrauliques. Ils n'ont jamais exprimé le moindre intérêt pour la protection du patrimoine historique des rivières ou la promotion de l'énergie hydraulique au fil de l'eau. Ils n'ont jamais dit clairement que la casse des ouvrages, des retenues et des cadres de vie devait être abandonnée dès qu'elle rencontre une opposition des riverains concernés. Ils ont accompagné les plus modestes corrections de la réforme de continuité écologique par des communiqués tour à tour plaintifs et vindicatifs.
Ces instances officielles de la pêche ne veulent pas la concertation, mais la coercition ; elles ne veulent pas le dialogue, mais le monopole sur l'appréciation des enjeux ichtyologiques, voire écologiques (malgré des méthodologies douteuses) ; elles ne veulent pas une "gestion équilibrée et durable" de l'eau dans les conditions prévues par l'article L 211-1 de notre code de l'environnement, c'est-à-dire dans le respect des héritages et des usages attachés à la rivière, mais le sacrifice de tous les usages qu'elles estiment contraires à leurs propres intérêts, à leurs propres convictions, à leurs propres préjugés.
Cette dérive de la pêche est le fait de ses instances, nullement de sa base.
Il se vend 1,5 million de cartes de pêche en France chaque année, les adeptes de ce loisir populaire sont très loin d'être des enragés de la continuité écologique. Bien au contraire, les fédérations gèrent tout un patrimoine de plans d'eau artificiels (étangs, lacs) créés par des ouvrages hydrauliques. Les pêcheurs de "blancs" (cyprins) apprécient particulièrement les retenues de moulins et usines à eau. De nombreuses associations locales de pêche se désolent de la destruction des ouvrages hydrauliques qui menace parfois leur existence même en faisant disparaître les meilleurs coins (des exemples dans l'actualité sur la Moselle à Saint-Amé et à Bussang, sur l'Armançon, sur l'Yon).
Les plus lucides des pêcheurs observent sans grande difficulté que la pollution des eaux et des sédiments comme la baisse tendancielle de leur niveau forment les causes les plus évidentes de la raréfaction des poissons. Nombre d'anciens témoignent de leur abondance passée et ont vu de leurs yeux le déclin à partir de 30 glorieuses, comme sur ces rivières comtoises vidées en quelques décennies. La faute aux moulins déjà là depuis des siècles? Allons donc, quelques idéologues y croient ou feignent d'y croire, mais ce discours fumeux ne convainc personne. Il y a bien évidemment des cours d'eau à fort enjeu migrateur amphihalin, comme les fleuves côtiers. Il y a des défis reconnus et partagés comme le sauvetage de la souche unique du saumon Loire-Allier et de sa migration de 1000 km dans les terres. Il reste que sur l'immense majorité des rivières, la petite hydraulique n'est pas la cause de la raréfaction des poissons depuis quelques décennies et, pour certains assemblages pisciaires, les retenues et les biefs ont au contraire des effets positifs.
En raison des dérives des oligarques qui prétendent les représenter, ces pêcheurs sont aujourd'hui assimilés malgré eux à des casseurs. Ils s'en plaignent, et cela se comprend.
Mais il faut voir la réalité : tant que les instances de la pêche n'appelleront pas à développer une vision constructive de la continuité écologique, tant que ces instances se laisseront dériver vers les délires intégristes de la "rivière sauvage", tant que l'image sera donnée de certaines personnes prêtes à tout sacrifier pour avoir un peu plus de truites ou de saumons, cette assimilation des pêcheurs à des casseurs continuera. Et elle prendra même de l'ampleur.
Outre l'image négative de la casse, les pêcheurs doivent supporter celle de la dilapidation d'argent public en temps de crise. Les sommes de la continuité écologique ne sont pas anodines, surtout pas dans des territoires ruraux appauvris où l'argent manque pour tout. A notre connaissance, la pêche elle-même manque chroniquement de moyens pour les garderies, l'entretien des parcours et des berges, le suivi qualitatif des peuplements de poissons, l'évolution vers une gestion patrimoniale, l'animation en direction des jeunes et d'autres activités autrement plus légitimes que la propagande en faveur de la destruction du patrimoine, voire la maîtrise d'ouvrage de cette destruction.
Les pêcheurs sont aujourd'hui à la croisée des chemins. Leurs instances ont fait le pari d'une version maximaliste de la continuité écologique : c'est un échec, malgré le soutien d'une partie de l'administration de l'eau en faveur de cette orientation si peu consensuelle. Sortir de cette impasse impose de reconnaître clairement la légitimité de la petite hydraulique et de chercher ensemble des solutions constructives pour l'amélioration des populations piscicoles.
Dans son intervention au Sénat le 15 février 2017, évoquant la nécessité de concilier des visions et des intérêts divergents, Mme Ségolène Royal a parlé des "préoccupations des pêcheurs" et non pas des "enjeux de la continuité écologique". Ce glissement lexical est révélateur. La continuité écologique a été portée avant tout par le lobby de la pêche, les élus sont les premiers à le savoir.
De fait, quatre représentants de la pêche et un représentant d'ERN-SOS Loire vivante (animateur du lobby Rivières sauvages) ont écrit au président du Sénat pour lui demander de ne pas adopter l'article 3bis de la loi sur l'autoconsommation énergétique. Le texte de ce courrier peut être consulté à ce lien.
Ce courrier contient tous les poncifs du genre : développer des sources modestes d'énergie ne sert à rien (beau message en période de transition énergétique), les signataires seraient les seuls défenseurs de l'intérêt général (malgré l'écrasant consensus des parlementaires pour valoriser le patrimoine hydraulique comme atout des territoires), la réforme de continuité écologique se passerait formidablement bien (malgré les preuves accumulées du contraire depuis 5 ans), casser les ouvrages à la pelleteuse ou construire de coûteuses passes à poissons créerait forcément de la valeur et de la réussite (malgré l'absence généralisée d'analyse coût-bénéfice et d'évaluation en services rendus par les écosystèmes, et des retours critiques d'universitaires ayant étudié des cas concrets), etc.
Cette démarche illustre une réalité : la fédération nationale de pêche (FNPF) et une partie de ses fédérations départementales sont engagées dans une vision agressive, militante, biaisée de la continuité écologique. Leur objectif prioritaire est de détruire les ouvrages hydrauliques. Ils n'ont jamais exprimé le moindre intérêt pour la protection du patrimoine historique des rivières ou la promotion de l'énergie hydraulique au fil de l'eau. Ils n'ont jamais dit clairement que la casse des ouvrages, des retenues et des cadres de vie devait être abandonnée dès qu'elle rencontre une opposition des riverains concernés. Ils ont accompagné les plus modestes corrections de la réforme de continuité écologique par des communiqués tour à tour plaintifs et vindicatifs.
Ces instances officielles de la pêche ne veulent pas la concertation, mais la coercition ; elles ne veulent pas le dialogue, mais le monopole sur l'appréciation des enjeux ichtyologiques, voire écologiques (malgré des méthodologies douteuses) ; elles ne veulent pas une "gestion équilibrée et durable" de l'eau dans les conditions prévues par l'article L 211-1 de notre code de l'environnement, c'est-à-dire dans le respect des héritages et des usages attachés à la rivière, mais le sacrifice de tous les usages qu'elles estiment contraires à leurs propres intérêts, à leurs propres convictions, à leurs propres préjugés.
Cette dérive de la pêche est le fait de ses instances, nullement de sa base.
Il se vend 1,5 million de cartes de pêche en France chaque année, les adeptes de ce loisir populaire sont très loin d'être des enragés de la continuité écologique. Bien au contraire, les fédérations gèrent tout un patrimoine de plans d'eau artificiels (étangs, lacs) créés par des ouvrages hydrauliques. Les pêcheurs de "blancs" (cyprins) apprécient particulièrement les retenues de moulins et usines à eau. De nombreuses associations locales de pêche se désolent de la destruction des ouvrages hydrauliques qui menace parfois leur existence même en faisant disparaître les meilleurs coins (des exemples dans l'actualité sur la Moselle à Saint-Amé et à Bussang, sur l'Armançon, sur l'Yon).
Les plus lucides des pêcheurs observent sans grande difficulté que la pollution des eaux et des sédiments comme la baisse tendancielle de leur niveau forment les causes les plus évidentes de la raréfaction des poissons. Nombre d'anciens témoignent de leur abondance passée et ont vu de leurs yeux le déclin à partir de 30 glorieuses, comme sur ces rivières comtoises vidées en quelques décennies. La faute aux moulins déjà là depuis des siècles? Allons donc, quelques idéologues y croient ou feignent d'y croire, mais ce discours fumeux ne convainc personne. Il y a bien évidemment des cours d'eau à fort enjeu migrateur amphihalin, comme les fleuves côtiers. Il y a des défis reconnus et partagés comme le sauvetage de la souche unique du saumon Loire-Allier et de sa migration de 1000 km dans les terres. Il reste que sur l'immense majorité des rivières, la petite hydraulique n'est pas la cause de la raréfaction des poissons depuis quelques décennies et, pour certains assemblages pisciaires, les retenues et les biefs ont au contraire des effets positifs.
En raison des dérives des oligarques qui prétendent les représenter, ces pêcheurs sont aujourd'hui assimilés malgré eux à des casseurs. Ils s'en plaignent, et cela se comprend.
Mais il faut voir la réalité : tant que les instances de la pêche n'appelleront pas à développer une vision constructive de la continuité écologique, tant que ces instances se laisseront dériver vers les délires intégristes de la "rivière sauvage", tant que l'image sera donnée de certaines personnes prêtes à tout sacrifier pour avoir un peu plus de truites ou de saumons, cette assimilation des pêcheurs à des casseurs continuera. Et elle prendra même de l'ampleur.
Outre l'image négative de la casse, les pêcheurs doivent supporter celle de la dilapidation d'argent public en temps de crise. Les sommes de la continuité écologique ne sont pas anodines, surtout pas dans des territoires ruraux appauvris où l'argent manque pour tout. A notre connaissance, la pêche elle-même manque chroniquement de moyens pour les garderies, l'entretien des parcours et des berges, le suivi qualitatif des peuplements de poissons, l'évolution vers une gestion patrimoniale, l'animation en direction des jeunes et d'autres activités autrement plus légitimes que la propagande en faveur de la destruction du patrimoine, voire la maîtrise d'ouvrage de cette destruction.
Les pêcheurs sont aujourd'hui à la croisée des chemins. Leurs instances ont fait le pari d'une version maximaliste de la continuité écologique : c'est un échec, malgré le soutien d'une partie de l'administration de l'eau en faveur de cette orientation si peu consensuelle. Sortir de cette impasse impose de reconnaître clairement la légitimité de la petite hydraulique et de chercher ensemble des solutions constructives pour l'amélioration des populations piscicoles.
15/02/2017
Les moulins producteurs sont exemptés d'obligation de continuité écologique en rivière de liste 2
Dans le cadre des ratifications législatives d'ordonnances gouvernementales sur l'autoconsommation d'énergie renouvelable, les parlementaires viennent de créer un nouvel article dans le code de l'environnement (L 214-18-1 CE). Cet article dispose que les moulins équipés pour produire de l'électricité ne sont plus soumis à l'obligation de continuité écologique liée à un éventuel classement en liste 2 de leur rivière. Cette évolution, faisant suite à 3 autres retouches législatives en 8 mois, acte le caractère problématique de la continuité et exprime la recherche de solution par les parlementaires. Lors des débats, les élus ont exprimé avec force un consensus trans-partisan sur la nécessité de respecter les moulins comme patrimoine et comme source d'énergie. Mais pour tout dire, si l'intention des parlementaires est excellente, notre association est perplexe face à l'évolution choisie. Elle n'a pas tellement de sens du point de vue de la continuité, elle ne concerne qu'une minorité d'ouvrages et crée des inégalités peu compréhensibles selon leurs usages, elle passe à côté de certains problèmes essentiels : défaillance du financement public hors destruction et donc insolvabilité de la réforme, absence de justification scientifique des classements, caractère délirant du nombre d'ouvrages classés, même en intégrant le nouveau délai de 5 ans et en retirant les producteurs. Il faut donc prendre les récentes évolutions sur le patrimoine et l'énergie comme de premiers pas vers une remise à plat complète de la manière dont on restaure la continuité des rivières. Plus que jamais, propriétaires et riverains de tous les ouvrages en rivières classées L2 doivent rester solidaires en exigeant des solutions raisonnables, justes et publiquement financées dès qu'elles vont au-delà de l'ouverture de vannes en période migratoire.
Par le vote ce jour du Sénat après celui de l'Assemblée nationale la semaine passée, le parlement vient d'adopter le projet de loi ratifiant les ordonnances du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Au sein de ce texte de loi, un article (3bis) sur les moulins a été ajouté par le Sénat, puis validé en Commission mixte paritaire avec l'Assemblée nationale. En voici la rédaction.
Que signifie ce texte ?
Un moulin équipé pour produire de l'électricité en rivière classée liste 2 n'est plus soumis à l'obligation "d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs" telle que le prévoyait initialement le classement au titre de l'article L 214-17 CE. En d'autres termes, l'administration n'est plus fondée à exiger arasement, dérasement, passe à poissons, rivière de contournement ou autres dispositifs de franchissement.
Quelles sont les interprétations à préciser ?
Le cas des listes 1 et listes 2. Beaucoup de rivières sont classées à la fois en liste 1 et en liste 2. La rédaction du texte laisse entendre que les obligations résultant du 2° du I de l’article L. 214-17 CE sont effacées, sans que les obligations résultant du 1° disparaissent. Mais le classement en liste 1 n'impose pas d'équiper les ouvrage existants, seulement les nouveaux ouvrages. Il en résulte, selon l'interprétation que nous soumettrons aux préfectures, que les ouvrages en rivière L1-L2 comme les ouvrages en rivière L2 ne sont plus concernés par les obligations de continuité s'ils produisent.
Le cas des moulins en projet d'équipement. Le texte parle des moulins équipés pour produire, sans préciser s'il s'agit d'un équipement déjà en place ou d'un projet d'équipement. Dans les discussions entourant le projet de loi à l'Assemblée, au Sénat et en commission mixte paritaire, il apparaît clairement que les parlementaires ont souhaité protéger l'ensemble des moulins en liste 2. Nous en déduisons qu'un moulin installé en liste 2 et présentant un projet de relance hydro-électrique (art R 214-18-1 CE) sera fondé dans le même temps à faire valoir l'exemption de continuité écologique du nouvel article L214-18-1.
Le cas des moulins utilisant l'énergie mécanique. Seule l'électricité est signalée comme vecteur d'énergie, alors que certains moulins utilisent encore la force mécanique pour produire (farine, huile, etc.). Par extension nous considérerons que cet usage énergétique traditionnel et renouvelable entre aussi dans le périmètre de la loi.
Le cas des ouvrages anciens de production n'étant pas des moulins. Le "moulin à eau" n'a pas de définition légale ni règlementaire en France. On peut supposer que la loi vise les ouvrages autorisés (fondés en titre ou réglementés), ce qui peut inclure par exemple des forges d'Ancien Régime ou de petites usines hydro-électriques du XIXe siècle.
Sur l'ensemble de ces précisions nécessaires, nous serons particulièrement vigilants car la Direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'Environnement est experte pour vider certaines lois de leur substance ou au contraire pour les surtransposer, avec des interprétations systématiquement nuisibles aux moulins depuis plus de 10 ans. Les circulaires ou décrets d'application de cette loi devront être examinés de très près.
Que doit faire un moulin producteur / en projet de production en liste 2 ?
Il peut signifier par courrier recommandé à la DDT(-M) que cette nouvelle loi l'exonère des obligations liées au classement de continuité écologique. Cette précision évitera à l'administration de relancer le maître d'ouvrage sur le dossier d'aménagement à déposer dans le délai de 5 ans initialement prévu par la loi (voir cet article important pour être en règle).
Notre association est bien entendu à disposition de tous ses adhérents pour les aider à monter un projet hydro-électrique en autoconsommation, un choix que nous soutenons depuis notre naissance et qui correspond à la destination historique des ouvrages hydrauliques.
Quels sont les problèmes de cette nouvelle disposition ?
L'essentiel n'est pas toujours traité, on recule les évolutions nécessaires. Les moulins producteurs représentent aujourd'hui de l'ordre de 5% des ouvrages en rivières classées. La nouvelle loi va éventuellement inciter à équiper, mais tous les maîtres d'ouvrage n'y sont pas disposés. Au-delà, la continuité écologique a comme principaux problèmes: insolvabilité des solutions de franchissement par coût exorbitant des travaux et défaillance des financeurs publics ; défaut de justification claire du classement dans beaucoup de tronçons sans grands migrateurs ni problèmes sédimentaires avérés ; problème de gouvernance avec exclusion des moulins et riverains de nombreuses instances de concertation ou programmation (comités de pilotage des contrats rivières, commissions locales de l'eau des syndicats, comités de bassin des Agences). La résolution de ces problèmes de fond est à nouveau repoussée.
Le choix d'exemption de tout aménagement est discutable, les usages autres que l'énergie sont ignorés, la confusion devient totale. La loi exonère les moulins producteurs de toute obligation de continuité. Notons d'abord que cette disposition n'a guère de sens au plan biologique ou morphologique: ce n'est pas parce qu'un moulin produit que son ouvrage n'a pas d'impact sur la continuité telle que la définit l'article L 214-17 CE. On ne comprend donc pas bien pourquoi un usage (énergie) exonère de continuité alors que d'autres (irrigation, agrément, pisciculture, etc.) ne sont pas dans ce cas. Il s'ensuit une inégalité manifeste des maîtres d'ouvrage de la même rivière devant la continuité écologique, certains étant obligés à des travaux et d'autres non, comme déjà aujourd'hui certains travaux sont financés publiquement et d'autres non. Au final, quel est le sens de la continuité écologique si les discontinuités persistent un peu partout? On avait déjà de nombreux grands barrages qui avaient échappé au classement par un découpage administratif manquant autant d'honnêteté intellectuelle que de réalisme écologique. On a maintenant des moulins producteurs qui n'aménageront pas. Les moulins non-producteurs, qui ont parfois beaucoup investi pour restaurer les sites sans pour autant y remettre une génératrice, ne l'entendront probablement pas de cette oreille.
Et pour la suite ? Vers une refonte complète de la continuité
Délai de 5 ans, protection explicite du patrimoine hydraulique (et du stockage) dans le cadre de la gestion durable et équilibrée de l'eau, exemption des moulins producteurs… la continuité écologique a déjà connu quatre évolutions législatives en l'espace 8 mois (lois patrimoine en juillet 2016, biodiversité en août 2016, montagne en décembre 2016, autoconsommation en février 2017).
Cette instabilité est le reflet des nombreux problèmes soulevés depuis 2006 par la mise en oeuvre de cette réforme mal concertée et mal préparée : les parlementaires ont conscience de ces troubles nés de la destruction des ouvrages, du harcèlement des propriétaires et du mépris des riverains. Ils cherchent des solutions.
Mais les petites retouches n'améliorent pas les réformes mal conçues au départ, elles ne font que les rendre encore plus complexes et encore moins efficaces.
La continuité écologique a besoin d'une redéfinition complète de son périmètre, de sa gouvernance, de son financement et de sa méthode (voir quelques idées ici). Nous avons du travail pour informer les parlementaires de ces réalités et parvenir enfin à des solutions partagées par tous les acteurs. A tout le moins les acteurs qui ne défendent pas les positions intégristes (et désormais clairement déconsidérées) de destruction préférentielle du patrimoine hydraulique français.
Illustration : moulin producteur (autoconsommation) à Genay, sur une rivière classée en liste 2 (Armançon). L'ouvrage répartiteur ne sera plus soumis à l'obligation de continuité écologique. Ses voisins non-producteurs à l'amont et à l'aval ne vont pas manquer de demander : et pourquoi nous? D'autant que la rivière comporte un barrage VNF de 20 m de hauteur n'ayant déjà pas d'obligation de classement, ce qui rend assez absurde la prétention à faire circuler les migrateurs ou à gérer correctement la charge sédimentaire en traitant des petits ouvrages à très faible impact, voire impacts positifs (2e catégorie piscicole, rivière à cyprinidés qui bénéficient à certaines saisons des retenues).
Par le vote ce jour du Sénat après celui de l'Assemblée nationale la semaine passée, le parlement vient d'adopter le projet de loi ratifiant les ordonnances du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Au sein de ce texte de loi, un article (3bis) sur les moulins a été ajouté par le Sénat, puis validé en Commission mixte paritaire avec l'Assemblée nationale. En voici la rédaction.
Après l’article L. 214-18 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 214-18-1 ainsi rédigé:Pour ceux qui ne seraient pas encore familiers de ces questions, lire au préalable cet article détaillant très précisément ce que dit (et ne dit pas) la loi sur la continuité écologique en rivière classée liste 2 (article L 214-17 CE).
« Art. L. 214-18-1. – Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l’électricité, régulièrement installés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l’article L. 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l’autorité administrative mentionnées au même 2°. Le présent article ne s’applique qu’aux moulins existant à la date de publication de la loi n° X du JJ/MM/AA ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables. »
Que signifie ce texte ?
Un moulin équipé pour produire de l'électricité en rivière classée liste 2 n'est plus soumis à l'obligation "d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs" telle que le prévoyait initialement le classement au titre de l'article L 214-17 CE. En d'autres termes, l'administration n'est plus fondée à exiger arasement, dérasement, passe à poissons, rivière de contournement ou autres dispositifs de franchissement.
Quelles sont les interprétations à préciser ?
Le cas des listes 1 et listes 2. Beaucoup de rivières sont classées à la fois en liste 1 et en liste 2. La rédaction du texte laisse entendre que les obligations résultant du 2° du I de l’article L. 214-17 CE sont effacées, sans que les obligations résultant du 1° disparaissent. Mais le classement en liste 1 n'impose pas d'équiper les ouvrage existants, seulement les nouveaux ouvrages. Il en résulte, selon l'interprétation que nous soumettrons aux préfectures, que les ouvrages en rivière L1-L2 comme les ouvrages en rivière L2 ne sont plus concernés par les obligations de continuité s'ils produisent.
Le cas des moulins en projet d'équipement. Le texte parle des moulins équipés pour produire, sans préciser s'il s'agit d'un équipement déjà en place ou d'un projet d'équipement. Dans les discussions entourant le projet de loi à l'Assemblée, au Sénat et en commission mixte paritaire, il apparaît clairement que les parlementaires ont souhaité protéger l'ensemble des moulins en liste 2. Nous en déduisons qu'un moulin installé en liste 2 et présentant un projet de relance hydro-électrique (art R 214-18-1 CE) sera fondé dans le même temps à faire valoir l'exemption de continuité écologique du nouvel article L214-18-1.
Le cas des moulins utilisant l'énergie mécanique. Seule l'électricité est signalée comme vecteur d'énergie, alors que certains moulins utilisent encore la force mécanique pour produire (farine, huile, etc.). Par extension nous considérerons que cet usage énergétique traditionnel et renouvelable entre aussi dans le périmètre de la loi.
Le cas des ouvrages anciens de production n'étant pas des moulins. Le "moulin à eau" n'a pas de définition légale ni règlementaire en France. On peut supposer que la loi vise les ouvrages autorisés (fondés en titre ou réglementés), ce qui peut inclure par exemple des forges d'Ancien Régime ou de petites usines hydro-électriques du XIXe siècle.
Sur l'ensemble de ces précisions nécessaires, nous serons particulièrement vigilants car la Direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'Environnement est experte pour vider certaines lois de leur substance ou au contraire pour les surtransposer, avec des interprétations systématiquement nuisibles aux moulins depuis plus de 10 ans. Les circulaires ou décrets d'application de cette loi devront être examinés de très près.
Que doit faire un moulin producteur / en projet de production en liste 2 ?
Il peut signifier par courrier recommandé à la DDT(-M) que cette nouvelle loi l'exonère des obligations liées au classement de continuité écologique. Cette précision évitera à l'administration de relancer le maître d'ouvrage sur le dossier d'aménagement à déposer dans le délai de 5 ans initialement prévu par la loi (voir cet article important pour être en règle).
Notre association est bien entendu à disposition de tous ses adhérents pour les aider à monter un projet hydro-électrique en autoconsommation, un choix que nous soutenons depuis notre naissance et qui correspond à la destination historique des ouvrages hydrauliques.
Quels sont les problèmes de cette nouvelle disposition ?
L'essentiel n'est pas toujours traité, on recule les évolutions nécessaires. Les moulins producteurs représentent aujourd'hui de l'ordre de 5% des ouvrages en rivières classées. La nouvelle loi va éventuellement inciter à équiper, mais tous les maîtres d'ouvrage n'y sont pas disposés. Au-delà, la continuité écologique a comme principaux problèmes: insolvabilité des solutions de franchissement par coût exorbitant des travaux et défaillance des financeurs publics ; défaut de justification claire du classement dans beaucoup de tronçons sans grands migrateurs ni problèmes sédimentaires avérés ; problème de gouvernance avec exclusion des moulins et riverains de nombreuses instances de concertation ou programmation (comités de pilotage des contrats rivières, commissions locales de l'eau des syndicats, comités de bassin des Agences). La résolution de ces problèmes de fond est à nouveau repoussée.
Le choix d'exemption de tout aménagement est discutable, les usages autres que l'énergie sont ignorés, la confusion devient totale. La loi exonère les moulins producteurs de toute obligation de continuité. Notons d'abord que cette disposition n'a guère de sens au plan biologique ou morphologique: ce n'est pas parce qu'un moulin produit que son ouvrage n'a pas d'impact sur la continuité telle que la définit l'article L 214-17 CE. On ne comprend donc pas bien pourquoi un usage (énergie) exonère de continuité alors que d'autres (irrigation, agrément, pisciculture, etc.) ne sont pas dans ce cas. Il s'ensuit une inégalité manifeste des maîtres d'ouvrage de la même rivière devant la continuité écologique, certains étant obligés à des travaux et d'autres non, comme déjà aujourd'hui certains travaux sont financés publiquement et d'autres non. Au final, quel est le sens de la continuité écologique si les discontinuités persistent un peu partout? On avait déjà de nombreux grands barrages qui avaient échappé au classement par un découpage administratif manquant autant d'honnêteté intellectuelle que de réalisme écologique. On a maintenant des moulins producteurs qui n'aménageront pas. Les moulins non-producteurs, qui ont parfois beaucoup investi pour restaurer les sites sans pour autant y remettre une génératrice, ne l'entendront probablement pas de cette oreille.
Et pour la suite ? Vers une refonte complète de la continuité
Délai de 5 ans, protection explicite du patrimoine hydraulique (et du stockage) dans le cadre de la gestion durable et équilibrée de l'eau, exemption des moulins producteurs… la continuité écologique a déjà connu quatre évolutions législatives en l'espace 8 mois (lois patrimoine en juillet 2016, biodiversité en août 2016, montagne en décembre 2016, autoconsommation en février 2017).
Cette instabilité est le reflet des nombreux problèmes soulevés depuis 2006 par la mise en oeuvre de cette réforme mal concertée et mal préparée : les parlementaires ont conscience de ces troubles nés de la destruction des ouvrages, du harcèlement des propriétaires et du mépris des riverains. Ils cherchent des solutions.
Mais les petites retouches n'améliorent pas les réformes mal conçues au départ, elles ne font que les rendre encore plus complexes et encore moins efficaces.
La continuité écologique a besoin d'une redéfinition complète de son périmètre, de sa gouvernance, de son financement et de sa méthode (voir quelques idées ici). Nous avons du travail pour informer les parlementaires de ces réalités et parvenir enfin à des solutions partagées par tous les acteurs. A tout le moins les acteurs qui ne défendent pas les positions intégristes (et désormais clairement déconsidérées) de destruction préférentielle du patrimoine hydraulique français.
Illustration : moulin producteur (autoconsommation) à Genay, sur une rivière classée en liste 2 (Armançon). L'ouvrage répartiteur ne sera plus soumis à l'obligation de continuité écologique. Ses voisins non-producteurs à l'amont et à l'aval ne vont pas manquer de demander : et pourquoi nous? D'autant que la rivière comporte un barrage VNF de 20 m de hauteur n'ayant déjà pas d'obligation de classement, ce qui rend assez absurde la prétention à faire circuler les migrateurs ou à gérer correctement la charge sédimentaire en traitant des petits ouvrages à très faible impact, voire impacts positifs (2e catégorie piscicole, rivière à cyprinidés qui bénéficient à certaines saisons des retenues).
13/02/2017
Canada: quel impact de la régulation hydraulique des rivières sur les poissons? (Macnaughton et al 2017)
Une équipe de chercheurs canadiens a étudié les effets hydrologiques et biologiques de trois formes de régulation hydraulique: ouvrage au fil de l'eau, ouvrage de stockage, ouvrage d'éclusée. Ils ont comparé des rivières diversement régulées avec une base régionale de référence de rivières non régulées. Résultat : l'hydraulique au fil de l'eau n'a pas d'impact significatif sur les indicateurs de qualité piscicole et l'hydraulique de stockage un impact faible, ce qui n'est pas le cas des systèmes en éclusée produisant un effet prononcé. Ce travail montre que la petite hydraulique peut avoir des conséquences assez mineures sur les milieux, les chercheurs soulignant que les niveaux modestes d'altération hydrologique sont tolérables au plan écologique. La France n'a pas publié une seule étude scientifique comparative de ce genre, sur les peuplements de ses rivières en fonction de leur niveau et de leur type d'aménagement, cela alors même que notre pays se singularise par la volonté de modifier ou effacer dans un très court délai 20.000 ouvrages hydrauliques sur les lits mineurs. Il faut réviser ces mesures coûteuses, excessives, décidées sans travail réel de recherche pour en évaluer le bénéfice et en prioriser l'urgence.
Les sociétés humaines ont cherché de longue date à maîtriser la variation du débit du rivière, en particulier l'intensité des phénomènes extrêmes que sont les crues et les sécheresses, ainsi qu'à exploiter ce débit pour divers usages (irrigation, navigation, énergie, eau potable). Les barrages, qui se sont surtout développés à partir du milieu du XIXe siècle dans les sociétés industrialisées après les seuils et chaussées des époques plus anciennes, sont une des expressions de ce phénomène de régulation hydraulique. Selon leur conception, ces barrages vont plus ou moins modifier le régime du débit naturel des rivières.
Camille J. Macnaughton et ses collègues font observer que les données historiques sur les conditions passées de débit manquent souvent, de même que sur les peuplements biologiques anciens des rivières. Leur approche des "limites écologiques d'altération hydrologique" (ELOHA pour Ecological Limits of Hydrologic Alteration) propose un modèle régional pour étudier les schémas de modification hydrologique et estimer les réponses écologiques des rivières régulées, en prenant pour référence des cours d'eau non régulés.
Les communautés de poissons ont été analysées pendant les mois d'été sur 3 ans (2011-2013) dans 14 rivières non régulées et 10 rivières régulées de l'Ontario (5), du Québec (16) et du New Brunswick (3). Sur chaque rivière, entre 25 et 50 sites de 300 m2 ont été échantillonnés, soit 829 points de mesure au total.
Les attributs biotiques considérées sont : taille des poissons, densité, biomasse, indices de diversité (Shannon B et D, Hill), richesse spécifique, proportion de six familles (dont Esocidae, Salmonidae, Anguillidae) ainsi que deux traits d'habitat (guildes benthopélagiques ou démersales).
Concernant l'hydrologie, une base régionale (5 régions) de référence du débit naturel non régulé a été conçue depuis 12 ans de données horaires ou quotidiennes de 96 rivières indemnes d'aménagement (dont les 14 ci-dessus). Trois classes de régulation hydrologique ont été définies : fil de l'eau (ROR run-of-river), stockage, éclusée (hydropeaking). Les aménagements au fil de l'eau n'ont ni capacité de retenue importante ni capacité de décharge brutale, contrairement aux deux autres catégories.
Les résultats sont exprimés dans les tableaux et figure ci-dessous.
Le tableau ci-dessus (cliquer pour agrandir) montre que les seuls hydrosystèmes régulés ayant un impact significatif (p<0.05) sur les scores piscicoles sont les aménagements en éclusée (2/2) et en stockage (1/4).
La figure ci-dessus (cliquer pour agrandir) montre une régression linéaire entre les degrés d'alétation hydrologique / biotique. Les installations au fil de l'eau et en stockage sont proches des rivières non régulées, les deux cours d'eau exploités en éclusée (triangle) s'en détachent nettement.
Le tableau ci-dessus (cliquer pour agrandir) détaille les variations biotiques dans les 3 types de régulation et les deux premiers axes de variance, en effet positif (+) ou négatif (-) sur le trait considéré.
Les chercheurs observent : "aussi bien les scores d'altération hydrologique que biotique des systèmes à éclusée diffèrent significativement de la moyenne des rivières non régulées, tandis que la plupart des systèmes au fil de l'eau et certaines pratiques de régulation en stockage n'étaient pas associés à des altérations significatives. Ces résultats suggèrent que des seuils "tolérables" d'altération du débit, en dessous desquels les altérations biotiques n'apparaissent pas, peuvent être établis quand ils sont informés par des conditions régionales de référence".
Les auteurs rappellent en conclusion qu'ils n'ont pas étudié d'autres facteurs confondants susceptibles de faire varier les populations pisciaires – par exemple, l'élevage et déversement de poissons à fin halieutique.
Discussion
Le paradigme du régime naturel d'écoulement (natural flow regime) a été proposé voici 20 ans déjà comme une stratégie pour engager la restauration ou la conservation des rivières (Poff et al 1997). Cette approche a surtout insisté sur les grands ouvrages hydrauliques, car ce sont eux qui ont la capacité de modifier sensiblement les variations journalières et saisonnières des débits, en particulier le rôle des crues dans la dynamique des écosystèmes des lits mineur et majeur.
Quoique majoritaires, les ouvrages hydrauliques de dimension modeste ont été assez peu étudiés. Des monographies montrent des effets locaux (stationnels) sur le changement d'écoulement et des impacts sur certaines catégories de poissons selon leur besoin de mobilité (grands migrateurs en particulier), leur spécialisation (rhéophilie) ou leur habitat (substrats) – ces effets locaux assez prévisibles n'indiquant pas si les rivières fragmentées et non fragmentées présentent des populations substantiellement différentes quand on les analyse de la source à la confluence. Qu'il s'agisse des poissons ou des invertébrés, les résultats de la recherche sur l'effet des petits ouvrages donnent des résultats variables selon les sites, les bassins ou les écorégions étudiés (voir cette synthèse). Et aucune étude à notre connaissance ne s'est intéressée systématiquement aux autres populations animales ou végétales susceptibles de varier selon la présence ou l'absence des ouvrages et des hydrosystèmes qui leur sont associés.
Le travail de Macnaughton et de ses collègues permet donc de progresser sur ce domaine qui reste trop peu étudié aujourd'hui. Il ne peut qu'alimenter notre critique de la politique française de continuité écologique, dont le périmètre (20.000 ouvrages à aménager ou effacer en l'espace de 10 ans) est unique au monde par son ampleur et son délai. Les conclusions des chercheurs canadiens ne sont évidemment pas transposables directement à notre pays: mais leur méthode l'est en revanche. Or, ce qui caractérise la situation française, c'est l'absence de la moindre analyse scientifique (peer-reviewed) de grande échelle visant à comparer sur chaque hydro-écorégion des rivières fragmentées / non fragmentées, à analyser les effets réels de la fragmentation par rapport à des cours d'eau de référence, à proposer des méthodes de priorisation des ouvrages et cours d'eau à traiter. La réforme de continuité écologique a été dérivée de revendications halieutiques anciennes sur les rivières réservées (volonté d'augmenter la densité de certaines espèces destinées à être pêchées), auxquelles on a adjoint quelques approches génériques sur la morphologie des bassins versants (pour l'essentiel issues de travaux sur la grande hydraulique, peu pertinents pour les ouvrages modestes).
Au regard de son coût et de ses effets négatifs sur certaines dimensions appréciées des ouvrages, au regard aussi de nos autres obligations (à échéance et à portée contraignantes) sur l'état chimique et écologique des masses d'eau (DCE 2000), la gestion des bassins versants ne peut certainement pas se fonder sur une volonté indistincte de "renaturer" des écoulements locaux avec un choix aléatoire des chantiers ni se payer le luxe de dépenser un argent public rare dans des engagements sans priorité écologique clairement établie. L'idée de défragmenter certaines rivières n'est pas une absurdité, pas plus que celle d'en préserver d'autres de la fragmentation, mais il faut revoir totalement la manière de programmer, financer, négocier et accompagner cette ambition.
Référence : Macnaughton CJ et al (2017), The Effects of Regional Hydrologic Alteration on Fish Community Structure in Regulated Rivers, River Res. Applic., 33, 249–257
Les sociétés humaines ont cherché de longue date à maîtriser la variation du débit du rivière, en particulier l'intensité des phénomènes extrêmes que sont les crues et les sécheresses, ainsi qu'à exploiter ce débit pour divers usages (irrigation, navigation, énergie, eau potable). Les barrages, qui se sont surtout développés à partir du milieu du XIXe siècle dans les sociétés industrialisées après les seuils et chaussées des époques plus anciennes, sont une des expressions de ce phénomène de régulation hydraulique. Selon leur conception, ces barrages vont plus ou moins modifier le régime du débit naturel des rivières.
Camille J. Macnaughton et ses collègues font observer que les données historiques sur les conditions passées de débit manquent souvent, de même que sur les peuplements biologiques anciens des rivières. Leur approche des "limites écologiques d'altération hydrologique" (ELOHA pour Ecological Limits of Hydrologic Alteration) propose un modèle régional pour étudier les schémas de modification hydrologique et estimer les réponses écologiques des rivières régulées, en prenant pour référence des cours d'eau non régulés.
Les communautés de poissons ont été analysées pendant les mois d'été sur 3 ans (2011-2013) dans 14 rivières non régulées et 10 rivières régulées de l'Ontario (5), du Québec (16) et du New Brunswick (3). Sur chaque rivière, entre 25 et 50 sites de 300 m2 ont été échantillonnés, soit 829 points de mesure au total.
Les attributs biotiques considérées sont : taille des poissons, densité, biomasse, indices de diversité (Shannon B et D, Hill), richesse spécifique, proportion de six familles (dont Esocidae, Salmonidae, Anguillidae) ainsi que deux traits d'habitat (guildes benthopélagiques ou démersales).
Concernant l'hydrologie, une base régionale (5 régions) de référence du débit naturel non régulé a été conçue depuis 12 ans de données horaires ou quotidiennes de 96 rivières indemnes d'aménagement (dont les 14 ci-dessus). Trois classes de régulation hydrologique ont été définies : fil de l'eau (ROR run-of-river), stockage, éclusée (hydropeaking). Les aménagements au fil de l'eau n'ont ni capacité de retenue importante ni capacité de décharge brutale, contrairement aux deux autres catégories.
Les résultats sont exprimés dans les tableaux et figure ci-dessous.
Macnaughton et al 2017, art cit, droit de courte citation.
Macnaughton et al 2017, art cit, droit de courte citation.
Macnaughton et al 2017, art cit, droit de courte citation.
Les chercheurs observent : "aussi bien les scores d'altération hydrologique que biotique des systèmes à éclusée diffèrent significativement de la moyenne des rivières non régulées, tandis que la plupart des systèmes au fil de l'eau et certaines pratiques de régulation en stockage n'étaient pas associés à des altérations significatives. Ces résultats suggèrent que des seuils "tolérables" d'altération du débit, en dessous desquels les altérations biotiques n'apparaissent pas, peuvent être établis quand ils sont informés par des conditions régionales de référence".
Les auteurs rappellent en conclusion qu'ils n'ont pas étudié d'autres facteurs confondants susceptibles de faire varier les populations pisciaires – par exemple, l'élevage et déversement de poissons à fin halieutique.
Discussion
Le paradigme du régime naturel d'écoulement (natural flow regime) a été proposé voici 20 ans déjà comme une stratégie pour engager la restauration ou la conservation des rivières (Poff et al 1997). Cette approche a surtout insisté sur les grands ouvrages hydrauliques, car ce sont eux qui ont la capacité de modifier sensiblement les variations journalières et saisonnières des débits, en particulier le rôle des crues dans la dynamique des écosystèmes des lits mineur et majeur.
Quoique majoritaires, les ouvrages hydrauliques de dimension modeste ont été assez peu étudiés. Des monographies montrent des effets locaux (stationnels) sur le changement d'écoulement et des impacts sur certaines catégories de poissons selon leur besoin de mobilité (grands migrateurs en particulier), leur spécialisation (rhéophilie) ou leur habitat (substrats) – ces effets locaux assez prévisibles n'indiquant pas si les rivières fragmentées et non fragmentées présentent des populations substantiellement différentes quand on les analyse de la source à la confluence. Qu'il s'agisse des poissons ou des invertébrés, les résultats de la recherche sur l'effet des petits ouvrages donnent des résultats variables selon les sites, les bassins ou les écorégions étudiés (voir cette synthèse). Et aucune étude à notre connaissance ne s'est intéressée systématiquement aux autres populations animales ou végétales susceptibles de varier selon la présence ou l'absence des ouvrages et des hydrosystèmes qui leur sont associés.
Le travail de Macnaughton et de ses collègues permet donc de progresser sur ce domaine qui reste trop peu étudié aujourd'hui. Il ne peut qu'alimenter notre critique de la politique française de continuité écologique, dont le périmètre (20.000 ouvrages à aménager ou effacer en l'espace de 10 ans) est unique au monde par son ampleur et son délai. Les conclusions des chercheurs canadiens ne sont évidemment pas transposables directement à notre pays: mais leur méthode l'est en revanche. Or, ce qui caractérise la situation française, c'est l'absence de la moindre analyse scientifique (peer-reviewed) de grande échelle visant à comparer sur chaque hydro-écorégion des rivières fragmentées / non fragmentées, à analyser les effets réels de la fragmentation par rapport à des cours d'eau de référence, à proposer des méthodes de priorisation des ouvrages et cours d'eau à traiter. La réforme de continuité écologique a été dérivée de revendications halieutiques anciennes sur les rivières réservées (volonté d'augmenter la densité de certaines espèces destinées à être pêchées), auxquelles on a adjoint quelques approches génériques sur la morphologie des bassins versants (pour l'essentiel issues de travaux sur la grande hydraulique, peu pertinents pour les ouvrages modestes).
Au regard de son coût et de ses effets négatifs sur certaines dimensions appréciées des ouvrages, au regard aussi de nos autres obligations (à échéance et à portée contraignantes) sur l'état chimique et écologique des masses d'eau (DCE 2000), la gestion des bassins versants ne peut certainement pas se fonder sur une volonté indistincte de "renaturer" des écoulements locaux avec un choix aléatoire des chantiers ni se payer le luxe de dépenser un argent public rare dans des engagements sans priorité écologique clairement établie. L'idée de défragmenter certaines rivières n'est pas une absurdité, pas plus que celle d'en préserver d'autres de la fragmentation, mais il faut revoir totalement la manière de programmer, financer, négocier et accompagner cette ambition.
Référence : Macnaughton CJ et al (2017), The Effects of Regional Hydrologic Alteration on Fish Community Structure in Regulated Rivers, River Res. Applic., 33, 249–257
12/02/2017
Qualité de l'eau: la Commission européenne demande à la France de lutter davantage contre les pollutions diffuses
Conformément au cycle d'évaluation lancé en 2016, la direction générale Environnement de la Commission européenne vient de procéder à l'examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l'Union. Voici quelques extraits concernant la politique de qualité de l'eau en France. Le traitement des eaux résiduaires urbaines est jugé conforme aux objectifs, ce qui peut soulever un certain scepticisme sur la nature de ces objectifs vu les cas persistants de pollutions rapportés en exutoires de stations et en aval des zones urbaines. Il n'en va pas de même pour les pollutions diffuses, en particulier nitrates et pesticides pour lesquels la Commission pointe le retard français. Les masses d'eau n'atteignent que 44% du bon état chimique et écologique, loin de l'engagement sur les 66% promis pour 2015, et a fortiori des 100% attendus pour 2027. De rapport en rapport, les mêmes constats demeurent, mais sans répondre aux questions essentielles: les objectifs posés par les directives européennes sont-ils réalistes en exigence et en délai? Les blocages sont-ils de nature économique (manque de financement public, impact sur l'activité) ou tiennent-ils à des choix défaillants de programmation (mauvaises priorités, pressions de lobbies)? A-t-on une bonne méthodologie scientifique pour évaluer les impacts écologiques et la réponse des écosystèmes aux actions engagées?
Sur les écosystèmes et ce qui les menace
"Les habitats côtiers, les zones humides et les écosystèmes liés à l’eau ainsi que les habitats liés à l'agriculture sont les principaux écosystèmes menacés. Les menaces fondamentales qui pèsent sur la biodiversité sont la disparition des habitats (due en particulier à l’expansion urbaine, à l’intensification agricole, à l’abandon des terres et à la gestion intensive des forêts), la pollution, la surexploitation (en particulier des pêcheries), les espèces exotiques envahissantes et les changements climatiques. L’absence d’intégration entre les politiques de protection de la nature et les autres politiques, en particulier dans le secteur agricole, mais aussi, dans une moindre mesure, dans l’urbanisation, les transports, l’énergie et les forêts, ne contribue pas à améliorer la situation, en particulier dans un contexte de réchauffement global et de propagation des espèces exotiques envahissantes."
Sur l'état des eaux
"Dans ses plans de gestion de district hydrographique 2010-2015, la France a produit des rapports sur l’état de 10 824 rivières, 439 lacs, 96 masses d’eau transitoires, 164 côtières et 574 souterraines. Seules 44% des masses d’eau de surface naturelle atteignent un état écologique «bon» ou «très bon» et 13 % des masses d’eau de surface fortement modifiées ou artificielles atteignent un potentiel écologique bon ou très bon (25 % sont dans un état inconnu). Seules 44 % des masses d’eau de surface (33 % sont dans un état inconnu), 28 % des masses d’eau de surface fortement modifiées ou artificielles (44% sont dans un état inconnu) et 59% des masses d’eau souterraines atteignent un bon état chimique. 89 % des masses d’eau souterraines ont un bon état quantitatif."
Sur les principales pressions rivières et nappes
"Un certain nombre de pressions affectent les masses d’eau en France – dans le cas des eaux de surface, 39 % sont concernées par une source diffuse de pollution, 30 % par des sources ponctuelles de pollution, 27 % par la gestion des rivières, 25 % par la régulation du débit d’eau et des modifications morphologiques et 20% par le captage. Il existe des différences régionales significatives et dans certains districts hydrographiques, ces pressions affectent des proportions beaucoup plus élevées de masses d’eau, par exemple les sources diffuses affectent 93% des masses d’eau de surface dans l’Escaut, la Somme et les eaux côtières de la Manche et le district de la mer du Nord, et 67 % dans la Seine et le district des eaux côtières normandes, et le captage affecte 38 % des masses d’eau de surface dans la Loire, le district des eaux côtières bretonnes et vendéennes.
Il existe certaines lacunes dans les plans français de gestion de district hydrographique en ce qui concerne l’évaluation de l’état. Des programmes de mesures devraient permettre une amélioration significative de l’état écologique des masses d’eau de surface naturelles ainsi que des masses artificielles et fortement modifiées – de 21 % et 27 % respectivement et une amélioration de l’état chimique de 8 % et 3 % respectivement. L’état chimique59 des eaux souterraines devrait s’améliorer de 5 % et l’état quantitatif de 6 %.
La pollution diffuse provenant de l’agriculture constitue la pression significative la plus répandue sur les masses d’eau (affectant 39% des masses d’eau au niveau national, beaucoup plus dans certains districts hydrographiques), entraînant une eutrophisation et des coûts accrus pour le traitement de l’eau. Le système actuel de la facturation de l’eau et de la taxation des nitrogènes/pesticides incite peu à améliorer les pratiques agricoles. Des mesures renforcées devraient être prises pour lutter plus efficacement contre la pollution par les nutriments (azote et phosphore), qui prendraient pleinement en compte les incidences sur les bassins hydrographiques et veilleraient à la cohérence des actions en vertu de la directive-cadre sur l’eau, la directive sur les nitrates et la PAC.
Dans le cas des pesticides, les concentrations mesurées dans le pays sont généralement faibles. Toutefois, les pesticides sont présents dans un grand nombre d’écosystèmes aquatiques. En 2013, des pesticides ont été trouvés dans 92 % des points de surveillance des masses d’eau de surface, avec différents pesticides souvent signalés pour une station de surveillance. Environ 30% de tous les points de surveillance des masses d’eau de surface ont montré un volume de concentration des pesticides supérieur à 0,5 μg/l (moyenne annuelle).
Certains progrès ont été réalisés dans la lutte contre la pollution par les nitrates provenant de sources agricoles et de l’eutrophisation, mais la pollution par les nutriments demeure un problème, notamment dans les zones d’élevage intensif (par exemple le bassin de la Loire/Bretagne) et d’agriculture arable intensive (par exemple, le bassin parisien)."
Source : DG Environnement Commission européenne (2017), L'examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l'UE. Rapport par pays, France, Bruxelles, 35 pages
Sur les écosystèmes et ce qui les menace
"Les habitats côtiers, les zones humides et les écosystèmes liés à l’eau ainsi que les habitats liés à l'agriculture sont les principaux écosystèmes menacés. Les menaces fondamentales qui pèsent sur la biodiversité sont la disparition des habitats (due en particulier à l’expansion urbaine, à l’intensification agricole, à l’abandon des terres et à la gestion intensive des forêts), la pollution, la surexploitation (en particulier des pêcheries), les espèces exotiques envahissantes et les changements climatiques. L’absence d’intégration entre les politiques de protection de la nature et les autres politiques, en particulier dans le secteur agricole, mais aussi, dans une moindre mesure, dans l’urbanisation, les transports, l’énergie et les forêts, ne contribue pas à améliorer la situation, en particulier dans un contexte de réchauffement global et de propagation des espèces exotiques envahissantes."
Evolution de l'état de conservation habitats/espèces 2007-2013 en France, DG Environnement CE rapport cité, d'après le rapport d'évaluation de la directive Habitats
Sur l'état des eaux
"Dans ses plans de gestion de district hydrographique 2010-2015, la France a produit des rapports sur l’état de 10 824 rivières, 439 lacs, 96 masses d’eau transitoires, 164 côtières et 574 souterraines. Seules 44% des masses d’eau de surface naturelle atteignent un état écologique «bon» ou «très bon» et 13 % des masses d’eau de surface fortement modifiées ou artificielles atteignent un potentiel écologique bon ou très bon (25 % sont dans un état inconnu). Seules 44 % des masses d’eau de surface (33 % sont dans un état inconnu), 28 % des masses d’eau de surface fortement modifiées ou artificielles (44% sont dans un état inconnu) et 59% des masses d’eau souterraines atteignent un bon état chimique. 89 % des masses d’eau souterraines ont un bon état quantitatif."
Sur les principales pressions rivières et nappes
"Un certain nombre de pressions affectent les masses d’eau en France – dans le cas des eaux de surface, 39 % sont concernées par une source diffuse de pollution, 30 % par des sources ponctuelles de pollution, 27 % par la gestion des rivières, 25 % par la régulation du débit d’eau et des modifications morphologiques et 20% par le captage. Il existe des différences régionales significatives et dans certains districts hydrographiques, ces pressions affectent des proportions beaucoup plus élevées de masses d’eau, par exemple les sources diffuses affectent 93% des masses d’eau de surface dans l’Escaut, la Somme et les eaux côtières de la Manche et le district de la mer du Nord, et 67 % dans la Seine et le district des eaux côtières normandes, et le captage affecte 38 % des masses d’eau de surface dans la Loire, le district des eaux côtières bretonnes et vendéennes.
Il existe certaines lacunes dans les plans français de gestion de district hydrographique en ce qui concerne l’évaluation de l’état. Des programmes de mesures devraient permettre une amélioration significative de l’état écologique des masses d’eau de surface naturelles ainsi que des masses artificielles et fortement modifiées – de 21 % et 27 % respectivement et une amélioration de l’état chimique de 8 % et 3 % respectivement. L’état chimique59 des eaux souterraines devrait s’améliorer de 5 % et l’état quantitatif de 6 %.
La pollution diffuse provenant de l’agriculture constitue la pression significative la plus répandue sur les masses d’eau (affectant 39% des masses d’eau au niveau national, beaucoup plus dans certains districts hydrographiques), entraînant une eutrophisation et des coûts accrus pour le traitement de l’eau. Le système actuel de la facturation de l’eau et de la taxation des nitrogènes/pesticides incite peu à améliorer les pratiques agricoles. Des mesures renforcées devraient être prises pour lutter plus efficacement contre la pollution par les nutriments (azote et phosphore), qui prendraient pleinement en compte les incidences sur les bassins hydrographiques et veilleraient à la cohérence des actions en vertu de la directive-cadre sur l’eau, la directive sur les nitrates et la PAC.
Dans le cas des pesticides, les concentrations mesurées dans le pays sont généralement faibles. Toutefois, les pesticides sont présents dans un grand nombre d’écosystèmes aquatiques. En 2013, des pesticides ont été trouvés dans 92 % des points de surveillance des masses d’eau de surface, avec différents pesticides souvent signalés pour une station de surveillance. Environ 30% de tous les points de surveillance des masses d’eau de surface ont montré un volume de concentration des pesticides supérieur à 0,5 μg/l (moyenne annuelle).
Certains progrès ont été réalisés dans la lutte contre la pollution par les nitrates provenant de sources agricoles et de l’eutrophisation, mais la pollution par les nutriments demeure un problème, notamment dans les zones d’élevage intensif (par exemple le bassin de la Loire/Bretagne) et d’agriculture arable intensive (par exemple, le bassin parisien)."
Source : DG Environnement Commission européenne (2017), L'examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l'UE. Rapport par pays, France, Bruxelles, 35 pages
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