17/03/2017

Effacements de barrages aux Etats-Unis: une réalité conflictuelle (Magilligan et al 2017)

L'effacement des petits barrages aux Etats-Unis rencontre souvent l'opposition des communautés locales. C'est en particulier le cas dans les régions rurales de Nouvelle-Angleterre, où les ouvrages sont antérieurs au milieu du XIXe siècle: ils représentent alors une valeur historique ou paysagère forte pour les habitants, comparable à la patrimonialisation des rivières aménagées en Europe. F.J. Magilligan et deux collègues ont étudié 6 projets de démantèlement pendant 5 ans, afin de comprendre les positions en présence. Leurs recherches sont intéressantes: plus le profil de la destruction de barrages aux Etats-Unis s'affine grâce aux travaux des sciences sociales, plus il est manifeste que les mêmes travers provoquent les mêmes conflits de part et d'autre de l'Atlantique. Derrière ses effets de communication visant à fabriquer du consensus superficiel, la gestion écologique de la rivière a en réalité perdu son innocence : elle est aussi un dispositif de pouvoir et de contrainte au service d'une certaine vision des territoires, en compétition avec d'autres visions. 'Pourquoi devrait-on détruire notre environnement pour le vôtre?', demandent ainsi les opposants aux effacements. Une question qui dérange...

En Nouvelle Angleterre (Maine, Massachusetts, New Hampshire, Vermont, Rhode Island, Connecticut), 125 ouvrages de taille modeste ont été supprimés depuis deux décennies. Mais, comme l'observent les auteurs de cette recherche, "un nombre surprenant de ces effacements, incluant des chantiers encore en cours, a produit des conflits entre les tenants de la restauration et les communautés locales". Nous sommes donc dans un cas de figure assez similaire à ce qui peut s'observer en France depuis la réforme de continuité écologique de la fin des années 2000.


Carte des ouvrages de Nouvelle Angleterre (à gauche)
et des ouvrages étudiés (à droite), art cit, droit de courte citation.

Les chercheurs ont sélectionné pour un examen plus approfondi 6 expériences d'effacement, 2 avec succès (Homestead Woolen Mills sur l'Ashuelot, Bartlett Rod Co. sur l'Amethyst Brook), 2 suspendus (Swanton sur le Missisquoi, Warren sur la Mad River) et 2 en échec (Wiley & Russell sur la Green River, Mill Pond sur l'Oyster). Ces barrages ont des traits similaires :
  • moins de 6 m de hauteur,
  • construits avant 1850, donc inscrits dans un patrimoine historique et paysager, 
  • n'ayant plus leur usage originel aujourd'hui, 
  • situés dans un monde rural (moins de 20% de zones urbanisées).
Des entretiens semi-directifs ont été menés avec 30 personnes pour comprendre les facteurs économiques, politiques ou culturels les amenant à défendre leur position. Une observation participante (avec interaction) a été menée entre 2009 et 2015 dans les réunions publiques et sessions d'information rassemblant les parties prenantes.

On peut retenir les éléments suivants :
  • les institutions de protection du patrimoine bâti (State Historical Preservation Office, SHPO) ont des positions variables selon les Etats, mais un rôle important quand leur avis sur la suppression des ouvrages est négatif (cas du New Hampshire), car cela donne une légitimité aux défenseurs des rivières aménagées;
  • la propriété du barrage est un facteur facilitant dans le cas d'une propriété privée avec un maître d'ouvrage ne souhaitant pas assumer les coûts économiques d'entretien et sécurisation. C'est au contraire plus complexe pour les ouvrages appartenant à des collectivités, car le débat y devient public avec davantage de participants;
  • le fait que des agences d'Etat ou des agences fédérales proposent un effacement comme la partie d'un plan plus vaste est mal perçu, car cela donne l'image d'une programmation lointaine, sans intérêt authentique pour chaque cas particulier;
  • de la même manière, la notion de "fait accompli" (en français dans le texte des chercheurs nord-américains) permet de susciter facilement l'opposition car les communautés locales n'apprécient pas qu'un projet soit déjà défini dans ses grandes lignes, sans avoir la possibilité de débattre. Les reproches de processus "injustes", "déséquilibrés en faveur d'un camp", "évitant le débat ouvert" sont formulés;
  • la notion d'environnement n'est pas tant rattachée à l'écologie qu'au cadre de vie, donc les oppositions se cristallisent sur des conflits d'intérêt dans la perception de la nature, non pas pour ou contre la rivière mais "eux contre nous" ("pourquoi devrait-on détruire notre environnement pour le vôtre?");
  • les conditions géographiques et écologiques ont une influence sur la perception de l'enjeu, soit que le barrage est situé à un endroit impactant pour les poissons (proche de la confluence et bloquant l'accès au bassin amont) soit au contraire que d'autres barrages sur le même cours d'eau sont intouchables (l'enjeu est alors perçu comme moindre);
  • en Nouvelle Angleterre, les arguments esthétiques et historiques sont très puissants car beaucoup de barrages sont en fait rattachés à des moulins et usines à eau datant de l'arrivée des colons européens, donc sont vus comme un "paysage historique vivant" (living historical landscape) très caractéristique de la région;
  • l'hydro-électricité peut être invoquée comme une ressource, quoique cela soit davantage un effet d'opportunité pour trouver un usage actuel et des revenus permettant d'entretenir le barrage;
  • la politique locale joue enfin un rôle de premier plan, et il est difficile de mener à bien un effacement lorsque les autorités municipales ne sont pas associées au portage du projet.  
Leur conclusion : "l'attention à tous les thèmes qui caractérisent les conflits autour des effacements de barrage mis en lumière dans cet article – contingences historiques et géographiques, dynamique et structure institutionnelle, politique locale – est cruciale et nécessaire, mais même la préparation de ces facteurs et les options pour les surmonter peuvent ne pas être suffisantes pour parvenir à un effacement réussi". Les auteurs soulignent en particulier qu'en raison du caractère local de chaque opération, une opposition pas forcément nombreuse, mais influente et bien dirigée, suffit à bloquer les chantiers.

Discussion
Pour quelques suppressions de grands barrages très médiatisées, comme récemment l'Elwha dans le parc national Olympique, les Etats-Unis connaissent tout comme l'Europe de nombreux projets de nettement moindre envergure, portant sur des ouvrages hauts de quelques mètres seulement. Cette évolution a débuté à partir des années 1960-1970 dans un mouvement de contestation des constructions de barrages par des groupes de pression valorisant l'écologie, la vie sauvage, les activités de plein air dont la pêche  (Sierra Club, American Rivers, Trout Unlimited, des centaines de mouvements locaux), par des lois et réglementations (Wild & Scenic Rivers Act de 1968, Endangered Species Act de 1973), par l'implication de plus en plus forte de structures fédérales (EPA Environmental Protection Agency) y compris jadis hostiles ou indifférentes (comme l'Army Corps of Engineers).

La défense de la "nature sauvage" de l'Ouest avait été le thème fondateur des luttes contre la création de barrages – thème fantasmé, car la nature en question était en réalité déjà modifiée de longue date par les premiers habitants, c'était davantage la dimension scénique des paysages grandioses qui interpellaient les esprits. Par la suite, le retour des poissons migrateurs a souvent été le porte-drapeau de l'évolution en faveur de la destruction des ouvrages. Avec en arrière-plan un raisonnement économique sur les coûts d'entretien excédant leurs bénéfices – aux Etats-Unis, le principal aiguillon n'est pas l'obligation réglementaire à visée écologique, mais plutôt la question des investissements nécessaires à la sécurité des sites.

En dernier ressort, l'analyse des projets et de leur contestation fait apparaître des luttes politiques plus classiques entre pouvoir central et pouvoir local, entre attentes concurrentes vis-à-vis de l'environnement, entre registres non conciliables de valorisation des cadres de vie. "Les conflits sur les suppressions de barrages, observent les chercheurs, sont aussi fondamentalement reliés à la manière dont les sociétés prêtent sens à leurs paysages et, de plus en plus, à ce que la restauration écologique implique dans un monde de nouveaux écosystèmes, avec peu ou pas de données de référence pour une recréation fidèle d'écosystèmes historiquement spécifiques". En d'autres termes, davantage que la recréation d'une hypothétique naturalité perdue, la mal nommée écologie de la restauration paraît en ce domaine une ingénierie de l'environnement humain au service de certaines représentations et de certains usages.

Référence : Magilligan FJ et al (2017), The Social, Historical, and Institutional Contingencies of Dam Removal, Environmental Management, DOI 10.1007/s00267-017-0835-2

A lire également sur ce thème :
Etats-Unis: le suivi des effacements de barrage est défaillant (Brewitt 2016) 
États-Unis: des effacements de barrages peu et mal étudiés (Bellmore et al 2016)
Le "désaménagement" des rivières en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (Lespez et Germaine 2016)
L'opposition à la destruction des barrages aux Etats-Unis (Cox et al 2016)

16/03/2017

Adour-Garonne: l'Agence de l'eau triple le budget de la destruction des seuils et barrages!

La solution de destruction des ouvrages hydrauliques n'a jamais figuré dans la loi et elle soulève une réprobation croissante. Mais l'administration française n'en a cure: elle poursuit son programme désormais détaché de tout contrôle démocratique. Avec le triplement du budget dédié à la seule casse des ouvrages hydrauliques, ainsi que diverses approximations et tromperies dans ses outils de communication, l'Agence de l'eau Adour-Garonne illustre cette dérive. Face à ce déni démocratique, nos parlementaires doivent de toute urgence rappeler aux fonctionnaires qu'ils sont là pour exécuter les lois, et non les interpréter ou les réécrire selon leur bon vouloir. Cet immense gâchis de la continuité écologique a été provoqué par quelques intégristes ayant décidé depuis le départ que le maximum d'ouvrages doit disparaître de nos rivières

Nous avions déjà évoqué les dérives de l'Agence de l'eau Adour-Garonne. Celles-ci se confirment et s'amplifient, comme on peut l'observer dans sa dernière lettre d'information. Extrait:

"L’appel à projets « continuité écologique », proposé par l’Agence entre mars et fin décembre 2016, a très fortement mobilisé les porteurs. 

L’enveloppe prévisionnelle a été triplée pour répondre aux dossiers éligibles (16,5 millions au lieu des 5 initialement prévus). Au final, 167 opérations (sur 215 dossiers reçus) ont été retenues selon les critères de départ : effacement de seuils sans usage économique, situés sur des cours d’eau en liste 2 (effacement obligatoire en 5 ans), dans le cadre d’opérations coordonnées. Pour rappel, 1200 à 1400 ouvrages présents sur les cours d’eau du bassin doivent faire l’objet de travaux pour restaurer la circulation des poissons et des sédiments d’ici 2018.


A noter que les 48 dossiers refusés à cet appel vont être toutefois examinés et leurs porteurs seront contactés pour étudier la possibilité d’agir sur ces ouvrages."

Nos remarques :
  • Avec 16,5 millions pour 167 ouvrages, le coût moyen estimé est de 100.000 euros par ouvrage. On est donc loin du soi-disant coût modeste des effacements et on devine qu'avec un tel budget, ce ne sont pas des buses qui sont concernées. Au demeurant, cela s'observait déjà dans les recueils d'expérience de l'Onema (coût moyen observé de 89 k€ par mètre de chute aménagé, soit plusieurs milliards d'euros pour l'ensemble des ouvrages classés au titre de la continuité en France, plus de 20.000). 
  • Il y a 1400 ouvrages à traiter selon l'Agence, donc à ce compte-là le coût de la continuité longitudinale pour le seul bassin Adour-garone et pour les seuls ouvrages classés serait au minimum de l'ordre de 140 millions d'euros. Les élus du comité de bassin sanctionnent-ils cette pharaonique dépense et leur a-t-on seulement donné un chiffre prévisionnel, au lieu des généralités floues cachant les données essentielles? Y a-t-il le moindre intérêt général à détruire le patrimoine historique et paysager pour ces sommes exorbitantes? Et cela alors que les plus grands barrages du bassin n'ont de toute façon pas de projet de continuité, car ils sont impossibles à aménager ou effacer vu leurs dimensions et leurs usages? 
  • L'Agence de l'eau AG se félicite du succès de son appel à projets, mais il ne concerne que 11% des ouvrages classés : il reste donc 89% de cas orphelin de solutions, indiquant assez combien le délai initial de 5 ans relevait d'un incroyable amateurisme de l'action publique. 
  • L'Agence de l'eau AG prétend que le classement d'une rivière en liste 2 signifie pour les ouvrages "effacement obligatoire en 5 ans". C'est une scandaleuse tromperie, la loi n'a pas demandé ni même mentionné l'effacement en rivière de liste 2 !
  • L'Agence de l'eau AG prétend que le délai est 2018 alors qu'en réalité, un délai de 5 ans supplémentaires a déjà été voté l'an passé (donc en fait c'est 2023). Habituel chantage à l'urgence des bureaucrates, qui mentent sur les dates et qui font pression sur les propriétaires en suggérant que les subventions disparaîtront bientôt.
Le déni démocratique permanent: priorité aux solutions les plus décriées par les riverains comme par les parlementaires
Les Agences de l'eau disposent des principaux outils financiers au service de la programmation publique: elles savent très bien que leurs choix sont décisifs pour solvabiliser les réformes. En choisissant arbitrairement de surfinancer la destruction, les Agences se croient manifestement investies d'un pouvoir normatif qu'elles n'ont pas dans le droit français: leur programmation (SDAGE) n'a jamais que le poids d'arrêtés préfectoraux, comme tels soumis à l'obligation de respecter ce que disent les lois (supérieures dans la hiérarchie des normes).

Or, non seulement la loi de 2006 demande que chaque ouvrage soit "géré, équipé, entretenu", et non effacé, arasé ou dérasé (voir ce rappel précis de ce que dit la loi), mais les députés et sénateurs n'ont de cesse de rappeler que la casse des ouvrages hydrauliques n'est pas souhaitable, en particulier les ouvrages des anciens moulins à eau et autres édifices d'intérêt patrimonial ou énergétique (voir encore récemment ces échanges). Leur message n'atteint manifestement pas les fonctionnaires en charge de l'eau (ni les lobbies que ces fonctionnaires avantagent dans leurs choix de continuité). Les administratifs continuent d'agir à leur guise, soulevant la colère légitime des citoyens face à ce déni de démocratie et engageant une grave crise de légitimité de l'action publique en rivière.

Informer les parlementaires de la persistance de ces dérives, organiser le débat citoyen sur chaque effacement
Il faudra donc que la loi aille plus loin pour rendre définitivement impossibles les dérives observées, notamment pour imposer un financement public égalitaire de toutes les solutions de continuité. Un certain nombre de sénateurs en sont convaincus et ont déjà voté une proposition de résolution pour réviser en profondeur la politique de l'eau, dont la continuité écologique. Les postures extrémistes produisent l'échec de cette continuité tant qu'elles persistent à promouvoir les effacements, freiner les aménagements, défendre un programme fantasmatique de "renaturation" qui n'a jamais figuré dans les choix politiques français, mais uniquement dans les programmes de quelques lobbies prônant le retour des rivières sauvages.

En attendant, nous appelons toutes nos consoeurs associatives d'Adour-Garonne à faire respecter strictement le droit sur chacun des projets retenus par l'Agence de l'eau : obligation d'une autorisation et d'une enquête publique si plus de 100 m du profil de la rivière sont modifiés, respect de l'ensemble des précautions et analyses imposées par la loi à chaque effacement, contentieux si les droits des tiers sont méprisés ou si l'accord des propriétaires a été obtenu sur la base d'une information imparfaite. Nous sommes à disposition pour partager nos expériences en ce domaine et fournir des exemples.

A lire également
Les pêcheurs des Pyrénées-Atlantiques traquent les moulins... et les seuils naturels
En complicité avec l'Agence de l'eau Adour-Garonne, le lobby de la pêche cherche des ouvrages à casser. Un peu plus de poissons à pêcher pour un loisir très minoritaire dans la société, voilà une curieuse conception de "l'intérêt général" brandi à tort et à travers pour justifier la continuité écologique. 

14/03/2017

Etudier et protéger la biodiversité des étangs piscicoles (Wezel et al 2014)

Les eaux lentes ou stagnantes sont-elles si défavorables au vivant? Pas dans le cas des étangs piscicoles de la Dombes, dont les chercheurs ont montré l'existence d'une biodiversité d'intérêt à l'échelle régionale, avec parfois la présence d'espèces menacées. En écologie, chaque cas est particulier : tout projet d'aménagement d'un étang dans le cadre de la restauration de continuité écologique doit être précédé d'un inventaire complet de biodiversité, mais aussi d'une analyse coût-bénéfice du projet au regard de la biodiversité régionale. Car dans certains cas, augmenter la densité locale de poissons rhéophiles ou migrateurs par ailleurs communs dans les rivières d'un bassin n'est pas d'intérêt écologique si cela s'obtient au prix de la disparition d'un hydrosystème d'intérêt et d'une perte nette de biodiversité.


La production piscicole d’étang peut-elle concilier le développement des ressources pour le poisson avec la conservation de la biodiversité? Ces questionnements à l'oeuvre dans les projets de recherche d'Isara Lyon ont conduit à des publications intéressantes sur les cycles biologiques dans les étangs, notamment pour comprendre s'il existe des seuils d'eutrophisation au-delà desquels la biodiversité de ces masses d'eau décroît (Vanaker et al 2015).

Dans le travail de 2014 que nous commentons ici, les chercheurs ont étudié les étangs piscicoles de la Dombes (nord-est de Lyon). Ce plateau d'environ 1000 km2 est caractérisé par la présence d'environ 1100 étangs piscicoles, totalisant 12.000 hectares. Développés à compter du XIIIe siècle, ces hydrosystèmes sont issus tantôt de drainage de terres agricoles vers des cuvettes, tantôt de chaussées sur des cours d'eau. Les étangs font de 1 à 100 ha, ils sont vidés d'octobre à février, puis remplis de nouveau par les précipitations ou par les transferts de plans d'eau situés à l'amont.

Pour le travail, 83 étangs ont été sélectionnés. La surface moyenne est de 13 ha (2,3 à 29,6), la profondeur moyenne de 0,68 m (0,28 à 1,10). Les taux d'azote total (médiane 2,85 g/m3), de phosphore total (274 mg/m3) et de chlorophylle-A (94 mg/m3) indiquent des systèmes eutrophes voire hypertrophes, comme le sont souvent les plans d'eau.

Les inventaires de biodiversité ont été réalisés sur les macrophytes (59 étangs), le phytoplancton (83), les macro-invertébrés (84), les libellules (79) et les amphibiens (33).

La biodiversité a été analysée dans ses trois dimensions : alpha (au sein de chaque étang), bêta (entre les étangs) et gamma (à échelle de la région). La tableau ci-dessous précise ces résultats (nombre d'espèces ou de familles) pour chaque ordre faunistique ou floristique.



In Wezer et al 2015, art cit, droit de courte citation.


Le tableau ci-dessous donne la part de biodiversité alpah et bêta par rapport à la diversité gamma (c'est-à-dire dans quelle mesure chaque étang ou les différences  entre étangs contribuent à la diversité régionale).


In Wezer et al 2015, art cit, droit de courte citation.


"Dans l'ensemble, notent les chercheurs, la richesse spécifique pour un seul étang ou au niveau de la région (alpha et gamma respectivement) semble être relativement élevée pour l'ensemble des groupes étudiés, bien que l'on ait une situation de masses d'eau riches en nutriments".

Les libellules contribuent le plus fortement à la biodiversité régionale (41%), les amphibiens et macrophytes le moins (16 à 18%). Les auteurs soulignent également : "Certains étangs abritent un grand nombre d'espèces peu fréquentes et quelques espèces en danger, indiquant que la conservation de la biodiversité des étangs piscicoles doit être définie à échelle régionale".

Discussion
Appréciées dans le cadre de la protection des zones humides, les eaux lentes ou stagnantes le sont nettement moins dans celui de la restauration de continuité écologique. Ainsi, il existe aujourd'hui des projets de suppression d'étangs piscicoles inscrits sur le lit mineur des cours d'eau, souvent de manière ancienne (plusieurs siècles). Dans notre région, c'est le cas par exemple de l'étang de Bussières sur la Romanée. L'argument souvent mis en avant pour ces opérations est que les étangs nuisent à la libre circulation d'espèces migratrices (truites), ou encore qu'ils créent des conditions d'habitat / de température défavorables à des espèces de poissons rhéophiles ou eurythermes.

Cette approche centrée sur les poissons est cependant réductrice : les hydrosystèmes aménagés de longue date abritent une biodiversité acquise, non seulement celle des groupes étudiés dans l'hydrologie particulière de la Dombes par Alexander Wezel et ses collègues, mais aussi bien des oiseaux ou des mammifères qui profitent des plans d'eau dans leur cycle de vie (voir par exemple le cas des étangs de Marrault classés en ZNIEFF). Par ailleurs, des chercheurs ont récemment mis en avant que les étangs piscicoles peuvent jouer un rôle d'épuration dans les bassins agricoles, notamment pour les pesticides (Gaillard 2016).

Ces travaux confortent notre association dans la nécessité d'exiger désormais de la part des porteurs de projets, avant toute mesure d'effacement d'un étang, un inventaire des espèces du plan d'eau et une analyse des gains projetés dans l'hypothèse où la rivière est renaturée, afin de faire un bilan écologique objectif. Nous ne pensons pas que des bénéfices halieutiques pour un loisir particulier (comme la pêche à la truite) et de manière générale une approche excessivement centrée sur les poissons (2% de la biodiversité aquatique) doivent guider les choix publics de gestion écologique des hydrosystèmes en France: il importe de le rappeler sur certains chantiers où cette évidence est oubliée.

Référence : Wezel A et al (2014), Biodiversity patterns of nutrient-rich fish ponds and implications for conservation, Limnology, 15, 3, 213–223.

Ilustration (photgraphie) : Dombes, vue aérienne, Didier Halatre, CC BY-SA 3.0

11/03/2017

Enquête publique sur la Vaige: casse programmée du patrimoine hydraulique

Alors, c'est fini la casse des ouvrages hydrauliques? Pas du tout! Les syndicats, les lobbies et l'administration poursuivent leurs projets décriés, en toute indifférence aux évolutions de la loi et à la réprobation croissante de la version destructrice de la continuité écologique. Ainsi, le programme d'actions 2017-2021 du Syndicat de Bassin de la Vaige était en enquête publique ces dernières semaines. La continuité longitudinale à elle seule y représente la moitié de la dépense totale déclarée d'intérêt général (1,59 M€) et l'effacement est retenu pour la majorité des petits ou grands ouvrages du bassin. Nous appelons les associations de défense de la rivière et de son patrimoine à déposer un recours contentieux si le préfet voit dans ces dogmes un quelconque intérêt général, et à déposer pareillement contentieux sur chaque futur projet individuel, dès lors que des collectifs riverains et usagers expriment un attachement au site menacé. Voici à cette fin quelques observations critiques sur ce dossier, avec un focus sur certains bidonnages de Mayenne Nature Environnement. Cette association oublie opportunément de faire le bilan critique des résultats écologiques réels (mauvais) des précédentes actions du syndicat. Mais on sait bien comment fonctionne la petite oligarchie des casseurs...


La Vaige est un cours d'eau de 54,5 km (bassin versant de 246 km2), affluent de la Sarthe. Aujourd'hui, le cours d'eau est dégradé et n'atteint pas le bon état écologique et chimique DCE. Comme beaucoup d'autres dans la région, il a des étiages très prononcés, avec une chute du débit moyen mensuel jusqu’à 0,173 m3 au mois d’août. Ces rivières où il ne reste qu'un filet d'eau en été voient leur paysage et leur profil transfigurés quand on y supprime les retenues.

Un coût de 1,59 M€ pour la morphologie avec la moitié pour la continuité, surtout des destructions
Dans le dossier proposé en enquête publique pour le programme d'actions 2017-2021, le syndicat envisage l'effacement total de 17 petits ouvrages, et l'aménagement de 5 d'entre eux. Pour les ouvrages dits "complexes", 13 doivent être démantelés ou privés de leurs vannes, 1 verra un arasement partiel, 1 bénéficiera d'une passe à poissons, 5 verront le remplacement du seuil par une rampe en enrochement.

Le coût du programme concerné par la DIG est de 1,59 M€ TTC. La seule continuité longitudinale représente 785 k€ TTC, soit la moitié du coût. Une fois de plus, on constate la sur-représentation de ce poste dans l'action syndicale.

Comme la plupart des autres documents de ce genre, le programme proposé en enquête publique est fondé sur un biais de construction. Les rivières aménagées comme la Vaige présentent des populations de poissons, invertébrés et autres espèces qui se sont adaptées dans le temps aux nouveaux habitats. Vouloir poser un "état de référence" théorique, fondé sur d'autres espèces que celles présentes, cela revient immanquablement à :
  • nier la dimension socio-historique à l'oeuvre dans la biodiversité actuelle des rivières, ces dernières n'étant nullement des systèmes "sauvages" ou "naturels" exempts d'influence humaine, mais au contraire des systèmes transformés par l'occupation des vallées depuis des millénaires, par les ouvrages hydrauliques depuis des siècles (sur la carte de Jaillot de 1781, on dénombre déjà 17 moulins et 15 étangs sur la Vaige);
  • faire le choix des solutions radicales de "renaturation", ne consistant pas seulement à assurer des fonctionnalités ciblées comme la continuité piscicole ou sédimentaire (ce que demande la loi), mais plutôt à détruire les ouvrages et leurs habitats en place (retenues, biefs);
  • ignorer la possibilité que donne l'Europe à chaque Etat-membre de classer une masse d'eau comme "fortement modifiée" (ce qui ne pose pas les mêmes références pour la bio-indication écologique), au lieu de cela engager des programmes coûteux de reconstruction complète des lits majeurs et mineurs sur des cours d'eau que l'on prétend de manière contradictoire "naturels" (s'ils le sont, pourquoi faudrait-il tout changer?);
  • négliger en conséquence tous les autres éléments de la gestion durable et équilibrée de l'eau (L 211-1 CE), dont nous verrons ci-après qu'ils donnent une image bien plus large et complexe de l'intérêt général.
Tant que nous ne sortirons pas du dogme fondateur de la renaturation imposée sans réelle concertation, sans intégration de l'évolution à long terme du vivant et sans prise en compte des autres éléments d'intérêt des rivières, il y aura des conflits sur cette politique de l'eau déséquilibrée et bancale.

Des informations incomplètes sur le droit et sur l'état des milieux
Le texte de synthèse proposé au public lors de cette enquête comporte des informations fausses ou incomplètes du point de vue légal et réglementaire. Ainsi par exemple :
Le classement de la Vaige en liste 1 et 2 interdit donc l’installation de tout nouvel ouvrage (s’il constitue un obstacle à la continuité écologique) sur son linéaire ainsi que la mise en conformité des ouvrages existants.
Or, on sait que la loi a changé et que les moulins équipés pour produire de l'électricité ne sont désormais plus soumis aux obligations de mise en conformité propres à la liste 2. Cette information est évidemment fondamentale pour que le consentement des maîtres d'ouvrage au choix d'aménagement ne soit pas vicié. Tout porte à croire que la vingtaine de projets soumis à enquête publique ont été construits sur un état antérieur du droit, donc sur une information devenue incorrecte des propriétaires et riverains.

De même, on peut lire (p. 25 du document A) :
On admet communément que pour chaque masse d’eau, le bon état morphologique est atteint lorsqu’un pourcentage de 75% du linéaire en bon ou très bon état est présent sur chaque compartiment du réseau hydrographique.
Il serait nécessaire de préciser qui "admet communément" cette assertion et pourquoi. Est-ce une obligation inscrite dans la directive cadre européenne sur l'eau? Est-ce une interprétation française? Où sont les documents techniques et scientifiques expliquant que ce chiffre de 75% correspond à un seuil critique démontré sur la base de relevés biologiques et d'une modélisation pression-impact? En particulier, au sein de la morphologie du bassin qui comporte de nombreuses dimensions, dans quelles publications de chercheurs (et non mémoire d'étudiants...) est-il scientifiquement montré que les discontinuités longitudinales du lit mineur (vannages, seuils, barrages) sont corrélées à un mauvais état de l'eau et des milieux sur les rivières concernées?

Par ailleurs, nous n'avons trouvé nulle part dans le rapport présenté un état chimique de la masse d'eau, qui fait pourtant partie des obligations françaises de rapportage à l'Europe. Ces données sont-elles manquantes? Tous les systèmes d'épuration et tous les effluents agricoles sont-ils exempts de polluants?


Aucun rappel de ce qu'est réellement la gestion "équilibrée et durable" de l'eau définissant l'intérêt général
Plus généralement, le projet ne comporte aucune présentation ni explication détaillée de l'article L211-1 du code de l'environnement, article qui définit ce qu'est la "gestion équilibrée et durable" de l'eau en France – donc l'intérêt général que les syndicats et les agences de l'eau les finançant sont supposés respecter.

Rappelons les éléments de ce texte, qui a lui aussi connu deux modifications en 2016 (non prises en compte dans le rapport du syndicat):
I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer :
1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ;
2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ;
3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ;
4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau;
5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ;
5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ;
6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ;
7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques.
Un décret en Conseil d'Etat précise les critères retenus pour l'application du 1°.
II.-La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :
1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ;
2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ;
De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées.
III.-La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.
La continuité écologique n'est qu'un aspect parmi bien d'autres de cet article de loi définissant la gestion équilibrée et durable: il aurait fallu que le syndicat de la Vaige démontre en quoi son programme de casse d'un grand nombre d'ouvrages hydrauliques respectent ces dispositions, notamment sur le stockage, le patrimoine historique et paysager, l'énergie, l'agrément, les droits d'eau, l'auto-épuration de la rivière grâce aux retenues, etc.

Rappel juridique : dans la hiérarchie des normes, la loi l'emporte sur les arrêtés préfectoraux que sont les SDAGE et les SAGE. De plus, ces derniers textes de programmation ne sont mis à jour que tous les 6 ans et ne suivent donc pas les nouvelles prescriptions du législateur. Ainsi, depuis 2016, quatre modifications législatives ont été apportées directement ou indirectement à la mise en oeuvre de la continuité écologique. Ces lois nouvelles, qui ont modifié le code de l'environnement, doivent être respectées et les porteurs de projet doivent en rappeler les termes, sans se contenter d'une référence au SDAGE. Voir ce courrier aux préfets rappelant ces points.


Selon les Nouvelles de Sablé en 2015, les pêcheurs sont très mécontents de l'abaissement des niveaux d'eau, malgré 240 k€ de travaux à l'époque et une promesse non tenue d'avoir 60 cm d'eau à l'étiage. Où est le respect des différents usages de l'eau?

Quand Mayenne Nature Environnement souhaite un minimum de passes à poissons
L'association environnementaliste Mayenne Nature Environnement (déclinaison départementale de FNE) a publié un avis sur l'enquête publique. Son examen est intéressant pour comprendre comment certains jettent de l'huile sur le feu en faisant pression pour des solutions destructrices, mais aussi prennent des libertés avec les données sur l'eau pour donner une fausse image de la supposée "réussite" des restaurations physiques.

Après une longue tirade de généralités copiées-collées des documents de l'Agence de l'eau ou de l'Onema, on lit ainsi :
MNE tient cependant à faire une remarque : La mise en place de passes à poissons doit demeurer une exception réservée aux cas techniquement complexes ou réglementaires, compte-tenu du coût de ces équipements et du maintien d’une zone influencée en amont des ouvrages. Les dispositifs de mise en place de franchissements piscicoles, d’effacement ou remplacement d’ouvrages, du fait de la complexité de ces dispositifs (conception, mise en œuvre, fonctionnement), et du résultat contrasté de ces équipements – trop forte sélectivité bien souvent- sur certaines espèces, Mayenne Nature Environnement souhaite la création, soit d’une commission de suivi qui associe les maîtres d’ouvrages des projets (privés ou collectivités publiques), des spécialistes dans ces domaines (Service technique du Syndicat, Onema, Fédération de Pêche, Autres ...) et un maître d’œuvre pour l’exécution des travaux.
Outre une syntaxe défaillante qui rend assez peu compréhensible le propos, on observe que Mayenne Nature Environnement souhaite voir le minimum de passes à poissons. L'objectif décrit, c'est en fait que chaque maître d'ouvrage soit soumis à la pression d'une commission qui va faire l'éloge de la solution la plus ambitieuse, à savoir l'effacement pur et simple.

Ces pratiques ont soulevé une vive contestation sur la plupart des bassins versants, ainsi qu'une nette réprobation parlementaire quand les moulins sont concernés: MNE est parfaitement libre d'en faire la promotion, mais il ne faut pas ensuite s'étonner que l'écologie soit impopulaire car synonyme de solutions extrêmes, de chantages sur les riverains et de destruction des cadres de vie.


Malgré les actions entreprises, la masse d'eau est toujours en état mauvais ou moyen selon les tronçons (source Hydro Concept 2015). Rien n'indique que la suppression des ouvrages anciens produira une amélioration significative. Mais on continue sans réfléchir. Cf détail ci-dessous.

Quand Mayenne Nature Environnement oublie certaines données écologiques (ce qui arrange le bilan médiocre des actions du syndicat)
Mais le plus intéressant concerne le bilan des actions entreprises par le syndicat dans son précédent contrat. MNE écrit ainsi à propos du site de Sablé-sur-Sarthe :
Les actions ambitieuses déjà portées par le Syndicat dans le précédent Contrat Restauration Entretien comme l’aménagement de l’espace naturel dans la Commune de Sablé sur Sarthe ou la suppression du plan d’eau de la BAZOUGE de CHEMERE démontrent par les suivis réalisés le bien-fondé de ces opérations :
Pour SABLE S/ SARTHE : progression de la densité de poissons (87.2 individus pour 100m2 en 2012 : Etat initial puis après travaux : 215 en 2013 et 270 en 2015). La richesse reste stable mais certaines espèces emblématiques font leur apparition comme la Vandoise ou le Barbot Fluviatile) La richesse et les effectifs en taxons polluos- sensibles sont également en progression avec en 2013, 7 taxons et 42 individus, en 2015, 12 taxons pour 93 individus.
Voilà qui n'est pas très objectif. Car Hydro Concept, le BE chargé du suivi, écrit en réalité dans son dernier bilan disponible en ligne (2015):
En 2015, le peuplement piscicole de la Vaige à Sablé-sur-Sarthe est caractérisé par une valeur moyenne de l'IPR avec une note de 24,022. L'indice se dégrade et perd une classe de qualité, vis-à-vis de la pêche réalisée en 2013. (…)L’inventaire piscicole témoigne:- De la sous-représentation des espèces d'eaux courantes (vairon, loche franche et chabot);- De l'absence du barbeau (espèce présente en 2013), mais du retour d'une autre espèce d'eaux courantes en 2015: la vandoise;- De la présence de 2 sandres, et ceci pour la première fois depuis le début du suivi;- De la surreprésentation d'espèces d'eaux calmes et de la zone intermédiaire (gardon, bouvière et brème);- De la présence de deux anguilles seulement, malgré la proximité de la confluence avec la Sarthe;- De la présence d'espèces envahissantes pouvant créer des déséquilibres biologiques: la perche soleil, le poisson-chat et l'écrevisse américaine; (…)Malgré la mise en place des épis, le colmatage des substrats par les limons et l'argile reste très fort. Tout ceci limite le développement d'espèces lithophiles, comme le barbeau, le vairon ou le chabot, espèces exigeantes vis-à-vis de la qualité des substrats. Néanmoins, la vandoise fait son retour sur le site, après son absence en 2013.
Et le bureau d'études de conclure :
L’évolution favorable entrevue, sur le site de Sablé-sur-Sarthe en 2013, ne s’est pas maintenue en 2015. La fragilité du compartiment piscicole observée en 2013, s’est confirmée. Malgré les travaux, la Vaige sur ce secteur présente une dégradation importante du lit, en raison du fort colmatage de celui-ci par les limons. Cette altération est accentuée par une qualité de l’eau non optimale, comme le montre l’IBD.
En effet, malgré les travaux ou mesures de gestion déjà engagés, l'état écologique DCE de la Vaige à Sablé est moyen pour l'IBD comme pour l'IPR. Donc les investissements ne portent pas leur fruit à date : modifier le profil d'écoulement quand l'eau et les substrats présentent toujours des problèmes quantitatifs (étiage sévère) et qualitatifs (dégradation physique) n'amène pas miraculeusement une renaissance des espèces cibles. Sans compter le fait que les conditions générales de milieu (changement climatique) évoluent dans un sens de toute façon défavorable aux espèces d'eaux fraîches et courantes pour les décennies à venir.

Continuons sur le second site cité par MNE:
Pour la BAZOUGE de CHEMERE: la pêche électrique de suivi avant travaux et celle exercée cette année après suppression du plan d’eau montre une amélioration notoire de la situation (la note a progressé d’une classe de qualité), même si les travaux ne sont pas encore terminés. En effet les écoulements courants retrouvés ont permis à des espèces comme le vairon ou la loche franche de faire leurs apparitions. Les populations de chevaines et de gougeons ont également augmenté.
Le cas de Bazouge-de-Chemeré est plus intéressant, puisque le suivi du syndicat date de 2009. Le dernier bilan 2015 n'est pas bon pour Hydro Concept, contrairement aux données soigneusement isolées par MNE.

Pour les invertébrés :
La Vaige en amont du plan d'eau de la Bazouge-de-Chémeré présente une qualité hydrobiologique moyenne avec un indice de 11/20.Le Groupe Faunistique Indicateur est mauvais (GFI de 4/9: Cyrnus). La richesse et les effectifs en taxons polluo-sensibles (EPT) sont très faibles avec 8 taxons et 43 individus. La richesse totale est moyenne avec 33 taxons.Les indices de diversité sont mauvais, ils témoignent d'un fort déséquilibre de la structure du peuplement. Les chironomes et les oligochètes, taxons polluo-résistants inféodés préférentiellement aux sédiments fins riches en matière organique, représentent 85 % des effectifs.Tous ces indices témoignent d'une altération du milieu et de la qualité de l'eau de la Vaige.
Pour les poissons :
Le peuplement piscicole est caractérisé par une mauvaise qualité de l'IPR avec une note de 33,186. (…) L’inventaire piscicole témoigne:- De l'absence de la truite, et de toutes ses espèces d'accompagnement;- De la surreprésentation des espèces de la zone intermédiaire et d'eaux calmes, comme le gardon, la brème ou le poisson-chat;- De la présence de 3 espèces invasives pouvant créer des déséquilibres biologiques: la perche soleil, le poisson chat et l'écrevisse américaine.- De la faible présence de l'anguille avec 2 individus.
Au final, l'état écologique de la Vaige à Bazouge-de-Chémeré est mauvais.

Au mépris des données complètes et des conclusions assez sévères du bureau d'études sur l'évolution des deux sites proposés en exemple, Mayenne Nature Environnement conclut en affirmant :
Les résultats de ces indicateurs biologiques montrent bien une amélioration de la situation après travaux même si ces deux exemples représentent qu’une infime partie du territoire du Bassin Versant de la VAIGE. Les travaux prévus sur les 20 ouvrages complexes permettront un gain écologique non négligeable.
C'est le contraire qui vient à l'esprit : les suivis montrent pour le moment que les travaux réalisés n'ont pas apporté de gains substantiels à l'écologie telle que mesurée par les diatomées, les invertébrés et les poissons. En particulier, ils ne suffisent nullement à apporter le bon état écologique et chimique DCE, qui est notre réelle obligation vis-à-vis de l'Europe. Avant de prétendre généraliser ce genre de mesures à 20 ouvrages, il paraît surtout urgent d'affiner le bilan, de comprendre pourquoi les milieux restent dégradés, de voir si les changements apportés à la rivière modifient durablement ses peuplements, d'envisager un reclassement comme masse d'eau fortement modifiée s'il est évident que l'atteinte des objectifs DCE impliquerait des nuisances et des coûts disproportionnés à l'enjeu écologique. C'est encore plus vrai au regard de l'hydrologie du bassin, marquée par une longue période de basses eaux et des étiages très faibles, ce qui laisse douter d'une réponse très positive à la suppression des retenues et biefs – dans une période d'évolution climatique où l'on pronostique la hausse de fréquence des phénomènes extrêmes, dont les sécheresses.

Le tronçon ayant un bon indice piscicole (Vaige à Bouessay) a pourtant des ouvrages hydrauliques sur son cours
Enfin, quand on lit le diagnostic fait par le syndicat (cf p. 139 document A), on voit que le seul tronçon ayant un IPR (indice poisson rivière) de bonne qualité est la Vaige à Bouessay.

Or, le ROE de l'Onema montre que secteur possède une douzaine d'obstacles à l'écoulement (seuil), cf ci-dessous.


La Vaige à Bouessay, un bon IPR malgré la présence d'ouvrages (points rouges de la carte). 

Tout laisse à penser que l'on est dans un régime assez fantaisiste de la preuve, où des causes supposées de dégradation piscicole agissent dans certains cas, mais pas dans d'autres, où des actions donnent des effets très modestes, mais sont généralisées en absence de la moindre garantie de résultat. La gestion écologique des rivières ne peut pas être fondée sur ces méthodes. Il serait largement préférable de faire des expérimentations réversibles sur certains tronçons et d'observer la réponse des milieux avant de se précipiter sur des mesures à connaissance très incertaine.

Conclusion : sur la Vaige comme sur tant d'autres rivières, on persiste à dépenser des sommes considérables d'argent public pour traiter en priorité le compartiment de la continuité longitudinale, avec des solutions extrêmes qui visent à la destruction irréversible du patrimoine hydraulique, du paysage des rivières aménagées, des différents usages de l'eau prévus dans sa gestion équilibrée et durable. Cette politique doit cesser.

Nota : c'est une bonne chose que les syndicats demandent des suivis, au moins il existe des données permettant le débat. Cependant, dans le cas d'un retour d'expérience sur effacement, aménagement ou changement de gestion d'ouvrage, il faut que l'état initial soit correct. Il doit se faire sur plusieurs années, car les populations présentent une forte variabilité interannuelle (événements climatiques, pollutions aiguës, etc.), donc une seule valeur de référence avant travaux n'est pas assez fiable. Il doit se faire aussi sur plusieurs points de mesure (pour un site : amont retenue, retenue, aval barrage), faute de quoi il est impossible d'estimer s'il y a gain / perte de biodiversité sur la station concernée, ni d'invalider l'hypothèse d'une simple variation de répartition (perte de densité / diversité à l'aval de l'obstacle et gain à l'amont, ce qui peut être observé sur ce type de travaux). Enfin, les résultats des restaurations sont très variables dans le temps, et il faut procéder à des tests statistiques rigoureux pour savoir si les variations obtenues de peuplements bio-indicateurs sont ou non significatives. Donc le monitoring doit être continu après le chantier, afin de produire un bon échantillon de données sur un nombre suffisant d'années. Signalons que la bio-indication DCE (IBD, IPR, IBGN) ne décrit pas toute la biodiversité des hydrosystèmes, qui inclut aussi bien les oiseaux, les amphibiens, la végétation riveraine, etc. Les poissons, qui sont souvent mis en avant pour des raisons halieutiques, ne représentent que 2% de la biodiversité aquatique.

Illustrations (photos) : clapet de la Glacière. Il est déjà abaissé et ne représente plus un obstacle, mais il s'agirait de le détruire. On se prive de moyens de réguler l'eau, alors que le diagnostic du syndicat fait apparaître la présence d'espèces invasives, que les étiages du bassin sont sévères, que les changements hydroclimatiques à venir sont incertains, que le bilan chimique de contrôle d'un effet d'épuration amont/aval en fonction de l'ouverture des vannes n'est pas réalisé, etc.  Pourquoi s'acharner à détruire les ouvrages sans avoir démontré la réalité de leur impact, ni la réversibilité de cet impact? Pourquoi ne pas tester d'abord différentes hypothèses sur des tronçons limités, comme par exemple la restauration des berges, ripisylves et écotones du lit majeur d'inondation en conservant les ouvrages en travers, pour vérifier préalablement ce qui donne les meilleurs résultats écologiques, au lieu de céder de manière précipitée aux modes du moment?

09/03/2017

SOS Loire vivante sur la continuité: un concentré d'approximations

Les récentes réformes apportées à la continuité écologique déplaisent à SOS Loire vivante comme au réseau clonal des pêcheurs à la mouche en colère qui gravite autour de cette structure. On se demande s'il est encore possible de trouver dans le mouvement environnementaliste des interlocuteurs disposés à un minimum de recul et d'autocritique, pour avancer sur ce thème de la continuité sans adopter des langues de bois et des postures stériles qui ont d'ores et déjà mené à l'échec. Mais après tout, chacun est libre de ses opinions. Le plus inquiétant pour la légitimité des politiques publiques reste la porosité d'une partie de l'administration française à ce discours maximaliste, alors que  la loi n'a jamais promu l'effacement du patrimoine hydraulique et que le législateur vient encore de repréciser sans aucune ambiguïté sa réprobation de cette issue.


La déjà vénérable association SOS Loire Vivante est née de l'opposition à la construction de barrages sur la Loire dans les années 1980. Une action qui n'était pas dépourvue de sens à l'époque, car les lourds aménagements du XXe siècle sur les grands axes fluviaux montraient des effets négatifs sur la biodiversité et le fonctionnement des hydrosystèmes. Autre temps, autres moeurs: en fait de lutter contre l'Etat aménageur de grands barrages, SOS Loire vivante et son réseau se mettent désormais à la remorque de l'Etat effaceur de petits moulins et empêcheur de leur relance énergétique. C'est aujourd'hui un lobby piloté par les mêmes équipes que l'European River Network, Rivières sauvages et quelques autres produits dérivés – pourquoi se priver de subventions lorsque le clonage associatif est autorisé et les troupes pas si nombreuses?

L'association se plaint ainsi dans sa lettre d'information LoireFlash du 6 mars 2017 de l'évolution récente de la loi française sur le thème de la continuité écologique. Il est écrit dans cette publication : "Depuis plusieurs années un lobby intéressé exerce une pression contre la politique de restauration de la continuité écologique exemplaire de la France. Dernier acte: le 15 février, le Sénat a voté un projet de loi incluant un amendement abusif déposé en catimini. Il inscrit dans la loi un moratoire sur les continuités écologiques, permettant l’équipement d’un nombre important de microcentrales de petite taille sur des moulins."

Est associée à cette courte analyse une copie de la lettre aux sénateurs qui avait suscité de notre part un précédent commentaire.

On trouve une concentration d'imprécisions assez remarquable en si peu de lignes, mais il est vrai que depuis le début, la rigueur n'est pas vraiment de mise sur ce dossier. Voici donc quelques commentaires, où l'on va prendre comme d'habitude le temps d'expliquer et ré-expliquer assez précisément les choses, car nous préférons pour notre part la pédagogie et l'argumentation au simplisme et au raccourci.

"Lobby intéressé", le jeu du "c'est celui qui dit qui l'est" -  Un "lobby intéressé" de la pêche (qui contresigne la lettre aux sénateurs, qui co-finance Rivières sauvages et son réseau, qui porte au premier chef la continuité dans toutes les obscures commissions administratives) et de l'écologie radicale du ré-ensauvagement se plaint qu'un "lobby intéressé" défende une autre idée de la rivière que la sienne. En fait de "lobby" (mais pourquoi pas ce terme), on parle ici d'associations ou de syndicats qui interpellent des élus pour transmettre des protestations, des objections ou des propositions. Cela s'appelle la démocratie, SOS Loire vivante fait exactement la même chose, et pareillement ses camarades de FNE, de la FNPF et autres groupes essayant d'influencer les politiques publiques en fonction de leur vision particulière de la rivière – une vision que sont très loin de partager tous les citoyens –, ainsi que de certains usages. En l'occurrence, la demande de moratoire sur la mise en oeuvre catastrophique de la continuité écologique est portée par des représentants nationaux des moulins, des riverains, des étangs, des forestiers, des agriculteurs, des micro-hydro-électriciens, des défenseurs du petit patrimoine rural, du patrimoine historique et du paysage, à quoi s'ajoutent les centaines de signataires associatifs locaux, plus divers encore. Cela fait quand même beaucoup de monde qui se plaint de l'absence de concertation et du parti-pris manifeste de l'administration française en faveur d'une approche peu partagée de la rivière, et parmi ce monde beaucoup de structures sans but lucratif. Cela sans compter les collectifs spontanés de riverains qui se lèvent un peu partout pour s'opposer aux projets de destruction planifiée de leur cadre de vie. Balayer toute cette réalité comme un "lobby intéressé", c'est infantile et cela indique le mépris dans lequel on tient la vraie concertation, celle qui doit se mener avec des gens ne partageant pas votre point de vue. Pour un mouvement né du refus social des grands projets inutiles et nuisibles imposés par l'Etat, se retrouver du côté de l'éloge des attitudes autoritaires et des manoeuvres opaques de la bureaucratie a de quoi interroger.

"Exemplaire"... pour qui au juste? - Le caractère "exemplaire" de la restauration française de continuité n'est pas la qualification qui vient à l'esprit, sauf peut-être si l'on touche des subventions publiques pour caresser la main qui nourrit. Car enfin, outre les critiques des partenaires mentionnés ci-dessus du moratoire, les politiques ont été assez unanimes à reconnaître qu'il y a des problèmes dans cette mise en oeuvre (à des degrés divers, les nombreuses déclarations de la ministre en charge de l'environnement, le rapport Pointereau, la proposition sénatoriale visant au pragmatisme et discernement récemment adoptée, le rapport Dubois-Vigier, etc.) tout comme le rapport CGEDD 2016 sur la biodiversité et, en 2012, le premier rapport du CGEDD sur ce thème de la contidnuité (audit interne à l'administration, peu suspect d'être "télécommandé"). On attend toujours le nouveau rapport du CGEDD sur la continuité, demandé par le Ministère en décembre 2015, transmis à la ministre un an plus tard, mais non rendu public pour le moment. Ces critiques sur la continuité écologique s'accompagnent des reproches faits à la France de négliger la lutte contre les pollutions, qu'ils viennent de l'OCDE ou de l'Europe (laquelle doute notamment du flou français sur l'impact réel de l'hydromorphologie), négligence où l'on voit l'effet indirect des billevesées et centaines de millions d'euros gâchés à traquer le plus petit moulin sur la plus petite rivière comme un soi-disant facteur gravissime de dégradation de l'eau. Par ailleurs, la Commission européenne ne demande nullement d'effacer les ouvrages, mais propose de les aménager dans son Blue print 2012, tout comme la Directive cadre européenne insiste avant tout sur la pollution, où la France est tout sauf "exemplaire". Bref, la folie consistant à classer 20.000 ouvrages hydrauliques à traiter de manière obligatoire en 5 ans sans même avoir le budget, le personnel et le consentement des principaux intéressés pour le faire ne rend en rien la France admirable. Au contraire, nous avons pris le contrepied de la plupart des préconisations de bonne gouvernance des projets en restauration écologique, et nous en payons le prix.

Un large consensus assumé… "en catimini" - En fait d'un "amendement abusif déposé en catimini", il y a eu avis négatif du gouvernement sur le premier amendement Chasseing déposé au Sénat, puis un travail de la commission mixte paritaire Assemblée nationale - Sénat, puis une adoption d'un texte de consensus qui a donné lieu à des commentaires par chaque groupe lors du vote. Ce travail a été parfaitement transparent. Notre association a des réserves sur ce texte, mais dire qu'il est passé en douce est totalement inexact. Et cela devrait faire réfléchir SOS Loire vivante, ses amis et ses alliés dans l'administration, puisqu'il y a eu au contraire une convergence politique transpartisane pour cesser la casse du patrimoine hydraulique et de son potentiel énergétique. Si certains préfèrent s'enfermer dans la pureté des attitudes ultraminoritaires, grand bien leur fasse. Mais qu'ils ne se plaignent pas de la régression assez logique de leur cause dans l'opinion et dans la décision politique.

Illusion de "moratoire", portée restreinte de la réforme - Ce texte n'inscrit absolument pas "un moratoire sur les continuités écologiques" dans la loi, il se contente d'exempter les moulins producteurs d'électricité en rivière de liste 2 des obligations de continuité longitudinale. Il faut noter que l'administration s'est dotée de plusieurs autres outils réglementaires pour imposer cette même continuité (article R 214-17 CE, article R 214-18-1 CE, arrêté du 11/09/2015), et pas seulement sur les rivières classées L2.  C'est d'ailleurs le problème : le nouvel article L 214-18-1 CE n'adresse pas les problèmes de fond que rencontre la continuité écologique à la française. Il ne sera donc pas le dernier sur ce sujet, car nous avons besoin d'un travail constructif pour une continuité plus intelligente et plus équilibrée.

Des moulins qui avaient déjà le droit de s'équiper - Dire que ce texte permet "l’équipement d’un nombre important de microcentrales de petite taille sur des moulins" est un non-sens (sauf à suggérer que certains au sein de l'administration envisageaient froidement la continuité comme étant en fait une mesure dissuasive du ré-équipement des petites puissances, hypothèse que l'on n'ose imaginer vu la nécessaire neutralité des fonctionnaires...). Que ce soit en liste 1, en liste 2 ou ailleurs, on peut déjà équiper un moulin en hydro-électricité, pourvu que l'ouvrage dispose d'une autorisation reconnue par l'administration. Le nouvel article L 214-18-1 CE n'y change rien. Le Conseil d'Etat a d'ores et déjà annulé et condamné des excès de pouvoir de l'administration, comme le refus de principe de construire un nouvel ouvrage en liste 1 ou le refus de reconnaître la puissance réelle liée au droit d'eau des moulins.  N'en déplaise à un petit groupe de structures très partiales sur ce sujet, et parfois très "intéressées" elles aussi quand leur loisir est concerné, l'hydro-électricité est une énergie reconnue par les programmations françaises et européennes relatives à la transition énergétique, dont le développement est inscrit dans la "gestion équilibre et durable" de l'eau que définit notre droit (article L 211-1 CE). Elle figure parmi les sources d'énergie qui ont le meilleur bilan carbone, donc la meilleure efficacité dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. En particulier, les anciens moulins à eau visés par le nouvel article L 214-18-1 CE (retenues de petite taille avec un génie civil ancien déjà en place et évitant de couler trop de béton) offrent le bilan CO2 le plus remarquable, et devraient donc être soutenus en proportion de la qualité carbone de leur kWh.

Conclusion: la continuité dégradée par des postures extrêmes - Que certains milieux pêcheurs, loin d'être représentatifs de la totalité de la pratique de ce loisir, expriment une hargne militante en faveur de la destruction des moulins, étangs, usines hydro-électriques et autres ouvrages hydrauliques, c'est leurs oignons après tout, 97% des Français ne sont pas concernés par ce loisir, encore moins par sa déclinaison bizarrement agressive envers d'autres usages de l'eau. Que l'approche environnementaliste soit presqu'uniquement représentée par ces postures radicales sur la question de la continuité écologique, cela nous paraît en revanche un vrai problème pour la qualité du débat sur l'environnement et pour l'indispensable construction de solutions consensuelles (car il faudra bien avancer sur cette continuité). Que le ministère et les agences de l'eau aient aligné leur politique de suppression souhaitée de "90% des ouvrages inutiles" sur cette aile radicalisée et non représentative des riverains, ce n'est plus seulement un problème : c'est un scandale démocratique. Fort du soutien de la loi, nous aurons pour notre part une tolérance zéro vis-à-vis des pressions administratives tendant à persister dans la voie sans issue des destructions imposées par chantage financier et réglementaire ; et nous appelons toutes les associations de défense des ouvrages, des rivières et de riverains à adopter cette ligne claire. Ensemble, nous allons rendre l'écologie réellement exemplaire en France, en rappelant qu'elle ne peut exister sans intégrer les dimensions multiples de la rivière.