17/01/2018

Après Notre-Dame-des-Landes, les luttes riveraines sont légitimes

Le gouvernement a décidé de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes. Cette question n'entre pas dans le domaine d'expertise et d'intervention de notre association, hormis sur un point : l'attitude des citoyens vis-à-vis des politiques publiques, et en particulier du pouvoir exécutif et de son administration. Nous recevons ainsi ce message de l'Etat : les luttes pour protéger les cadres de vie menacés par des politiques jugées brutales et inutiles par les riverains sont désormais légitimes en France. L'immense et ruineuse folie de la destruction des patrimoines historique, culturel et naturel des rivières, des étangs, des lacs doit donc être combattue sur le terrain comme devant les tribunaux tant que le gouvernement et son administration n'entendent pas les attentes des citoyens.



Quels que soient ses qualités et ses défauts, le projet de NDDL avait été validé par l'ensemble des votes intermédiaires, des enquêtes publiques, des contentieux judiciaires. Il avait aussi donné lieu à une procédure exceptionnelle de référendum local, avec issue favorable au projet.

Le gouvernement a néanmoins jugé préférable de donner raison aux opposants, incarnés notamment par la "zone à défendre" ayant pris la place de la zone d'aménagement différée dans le bocage de la région nantaise.

L'évacuation de cette "ZAD" et les justifications apportées par le gouvernement sont ici secondaires par rapport au message principal que contient la décision : les citoyens voient reconnaître la légitimité d'une opposition aux choix néfastes de la puissance publique. Et cela au-delà des procédures de concertation ou de contentieux, qui avaient été respectées dans le cas de Notre-Dame-des-Landes.

Ce droit de résistance aux décisions publiques absurdes, nous le revendiquons donc ici, maintenant et partout pour la défense des ouvrages hydrauliques menacés de destruction.

Nous rappelons que la réforme dite de "continuité écologique", initialement conçue pour aider des poissons grands migrateurs à remonter les rivières là où l'intervention avait un bilan coût-bénéfice raisonnable, est devenue une machine administrative folle à détruire les cadres de vie appréciés des riverains et les paysages hérités des vallées françaises.

Le ministre Nicolas Hulot a encore pris le 4 novembre 2017 la décision isolée et autoritaire de programmer la destruction des deux grands barrages de la Sélune, contre l'avis de dizaines de milliers de riverains et en ignorance des discussions en cours. Des centaines de moulins, forges, étangs sont déjà détruits chaque année dans le pays.

Cette réforme dite de continuité écologique :
  • est menée dans le mépris des citoyens avec une concertation minimaliste et des comités de pilotage fermés,
  • coûtera plus de 2 milliards € d'argent public sur les 20 000 ouvrages menacés,
  • détruit à marche forcée le patrimoine hydraulique français,
  • fait disparaître des zones humides et milieux d'intérêt,
  • contredit la lutte contre le changement climatique en sacrifiant des énergies locales et bas-carbone.
La continuité écologique telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée par l'administration française a toutes les caractéristiques des "grands projets inutiles et coûteux". Elle relève d'abord de l'abus de pouvoir des bureaucraties autoritaires, et non de la volonté des citoyens comme de leurs représentants élus.

Cela doit cesser.

Les riverains sont fondés à s'engager par tous les moyens démocratiques à leur disposition pour lutter contre la destruction des ouvrages hydrauliques. Après Notre-Dame-des-Landes, le choix des possibles s'est élargi pour cette mobilisation nécessaire, urgente, collective.

15/01/2018

Trois orientations simples pour une politique apaisée des ouvrages hydrauliques

Dans les coursives du ministère de la Transition écologique et solidaire, dans les cénacles du Conseil national de l'eau, dans les bureaux des administrations aquatiques, on discute beaucoup des issues à trouver pour la réforme ratée de continuité écologique, décrite comme une "épine dans le pied" des politiques environnementales par le récent rapport du CGEDD. Hélas, ces discussions tendent toujours à contourner les problèmes principaux. Nous revenons ici à trois idées simples formant la base des attentes des propriétaires et des riverains. Et revenant surtout sur ce que dit la loi française. Nous invitons les associations, syndicats et collectifs à les rappeler aux administrations et gestionnaires, en demandant si, oui non, ils s'engagent à respecter ces trois orientations. Si la réponse est négative, les problèmes ne pourront pas trouver de solutions. Si la réponse est positive, la continuité écologique sera apaisée.


Une continuité écologique privilégiant la gestion, l'équipement, l'entretien des ouvrages
Enjeu : la loi française (article L 214-17 Code de l'environnement) a demandé que chaque ouvrage soit "géré, équipé, entretenu" dans le cadre de la continuité écologique. Ce qui signifie : ouverture des vannes, passes à poissons, rivières de contournement, rampes enrochées. Certains établissements administratifs comme les Agences de l'eau ou l'Agence française pour la biodiversité expriment une préférence pour la destruction des ouvrages, choix qui n'est pas spécifié par les parlementaires. Or, il ne revient pas à l'administration d'interpréter la loi, mais de l'exécuter en conformité à la volonté générale. Des destructions sont possibles dans certains cas, mais elles n'ont aucune légitimité à devenir le choix des pouvoirs publics.
Attente : la politique de continuité doit revenir à son orientation première, cesser les destructions qui posent problème et privilégier les solutions non destructrices.

Une continuité écologique indemnisant les solutions inabordables pour les maîtres d'ouvrage
Enjeu : les aménagements de continuité écologique, visant au bien commun, ont des coûts considérables. Ils ne sont donc pas abordables pour les particuliers et petits exploitants, ces derniers ayant déjà la servitude lourde de surveiller et gérer les dispositifs de franchissement. La loi de 1984 avait programmé le franchissement piscicole sur certaines rivières à migrateurs, mais elle avait été très peu appliquée car elle ne prévoyait justement pas d'indemnisation des travaux, aboutissant à un blocage de terrain. La loi de 2006 a corrigé cette erreur en prévoyant l'indemnisation des travaux représentant une charge spéciale et exorbitante.
Attente : les solutions de continuité écologique doivent faire l'objet d'un financement public, les solutions les moins coûteuses étant privilégiées.

Une continuité écologique respectant la gestion équilibrée et durable des rivières
Enjeu : la continuité écologique n'est qu'un des nombreux éléments définissant dans la loi la "gestion équilibrée et durable" de l'eau (article L 211-1 Code de l'environnement). Sa mise en oeuvre doit donc être compatible avec les autres dimensions de la rivière. Dès 2012, le Conseil général de l'environnement et du développement durable a demandé que les ouvrages soient analysés selon une grille multicritères incluant le patrimoine, le paysage, l'énergie, les usages locaux, la valeur foncière, la biodiversité en dehors des poissons spécialisés, etc.
Attente : les projets de continuité écologique doivent améliorer le franchissement piscicole et le transit sédimentaire en tenant compte des droits établis, des autres attentes d'intérêt général, des différents aspects de l'écologie, sur la base d'analyse coûts-avantages.

14/01/2018

Guide de bonnes pratiques pour les projets d’effacement de seuils et barrages en rivière

Les collectifs ou les associations de riverains sont souvent confrontés au même problème dans le domaine de la continuité écologique: un bureau d'études, un syndicat de rivière ou une fédération de pêche présente un projet d'effacement d'un ouvrage hydraulique qui ne correspond pas à la réalité perçue et vécue de l'ouvrage. La raison en est que dès le départ, le diagnostic du site a été biaisé par des mauvaises pratiques, avec l'oubli de nombreux éléments à étudier. Pour les collectifs et les associations, nous proposons une grille d'élaboration des diagnostics et avant-projets d’effacement de seuils et barrages en rivière (version 1.3, janvier 2018). Il s'agit de l'adresser au début de toute étude à la structure en charge du diagnostic. Si vous rencontrez un interlocuteur fermé et peu disposé à entendre la nécessité d'une approche complète, objective et concertée de l'ouvrage hydraulique, contactez-nous. 


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Introduction du document :

Depuis le vote de la LEMA en 2006, la mise en œuvre de la continuité écologique se traduit par la multiplication des commandes pour les bureaux d’études, le plus souvent des commandes publiques ou financées par argent public.

Mais les dossiers qui en résultent font apparaître un certain nombre de problèmes, le plus souvent fonction du maître d’oeuvre : lacunes, erreurs, improvisations, distorsion des commentaires ou des conclusions par rapport aux résultats de calcul, etc.

Ces travers sont particulièrement marqués dans le cas des effacements d’ouvrages, auxquels cette note est spécifiquement dédiée. Une autre note évoquera la question des aménagements non destructifs.

De manière non exhaustive, on citera :

  • mauvaise information sur les bases juridiques du droit d’eau / règlement d’eau, voire oubli pur et simple de cette dimension ;
  • absence d’évaluation économique de ce droit d’eau (et de compensation afférente en cas de disparition) ;
  • carence d’évaluation des éléments immatériels (histoire, paysage, patrimoine) impliqués dans la valeur foncière du site ;
  • centrage sur les poissons, non prise en compte de la biodiversité ordinaire et des fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes humides ;
  • absence d’objectifs chiffrés et d’analyse coût-avantage de la restauration écologique envisagée (seule et en comparaison au coût-avantage de mesures compensatoires pour les milieux) ;
  • défaut de concertation élargie à l’ensemble des riverains impactés par la modification du lit suite à l’effacement ;
  • manque d’indépendance vis-à-vis du financeur de l’étude, dévalorisation de la qualité technique des travaux et donc de la signature du bureau.

Pour restaurer la crédibilité des BE, respecter les droits des propriétaires et riverains, produire une réforme de continuité écologique en phase avec les exigences du public, il est donc nécessaire de produire des études de restauration écologique / morphologique plus solides et plus équilibrées.

Ce guide a été réalisé à partir de l’étude de la littérature technique / scientifique et du retour d’expérience d’une cinquantaine d’ouvrages en France ayant fait l’objet d’une étude d’impact / étude de faisabilité en restauration. Distribué aux maîtres d’ouvrages, il sera pour eux la garantie que le BE mandaté par eux-mêmes, l’EPCI-EPTB ou l’Agence de l’eau accomplira un travail complet et objectif sur les différentes dimensions des ouvrages hydrauliques, les enjeux réels des chantiers et de tous leurs impacts.

Chaque volet du guide doit être rempli lors des travaux d’analyse diagnostique et une analyse coût-avantage doit intégrer l’ensemble des volets, afin que la décision d’effacement reflète fidèlement l’ensemble des coûts réels pour le maître d’ouvrage et pour la collectivité.

11/01/2018

La restauration physique de rivière peine à modifier les peuplements aquatiques dans la durée (Lorenz et al 2018)

Une nouvelle étude de chercheurs allemands montre que même après 15 ans, les mesures de restauration morphologique des rivières ne parviennent pas à produire le bon état écologique au sens de la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000). Les résultats sont plus notables en berge (carabes, végétation riveraine) que dans les peuplements aquatiques (poissons, invertébrés, macrophytes), ces derniers ne permettant pas d'observer des variations significatives dans le temps.  Il paraît donc important que les gestionnaires publics des rivières ré-évaluent la portée de leurs actions : recalage des objectifs de la DCE, rigueur dans le suivi des opérations, évaluation comparée plus fine des différentes mesures de restauration, débat sur le coût des interventions et l'évolution avant-après des services rendus par les écosystèmes aux citoyens.

La recherche en écologie appliquée a montré que la restructuration hydromorphologique des rivières a souvent peu d'effets sur le biote aquatique, même en cas de forte altération de l'habitat. Les scientifiques supposent que la réponse biotique est simplement retardée car les espèces ont besoin de plus de temps pour recoloniser les nouveaux habitats et établir des populations.

Pour identifier et spécifier ce temps de latence supposé entre la restauration et la réponse biotique, Armin W. Lorenz et ses 4 collègues ont étudié 19 tronçons de rivière réaménagés, et cela deux fois (2007-2008, 2012-2013) dans un intervalle de cinq ans. Les sites avaient été restaurés un à dix ans avant le premier échantillonnage, ce qui permet de vérifier si les variations de durée écoulée depuis la restauration se traduisent par des variations biologiques (espèces observées). Ces rivières se situent en plaine ou en basse montagne.

Les chercheurs ont échantillonné trois assemblages d'espèces aquatiques (poissons, invertébrés benthiques, macrophytes) et deux groupes d'organismes riverains (Carabidés, c'est-à-dire des coléoptères terrestres, et végétation riveraine). Ils ont analysé les changements dans la composition des assemblages de ces espèces et dans les paramètres biotiques. Ils ont aussi vérifié si l'état écologique de la rivière tel qu'il est mesuré par la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) a changé avant et après la restauration.


Changements dans le nombre de taxons (a), l'abondance (b),le nombre (c) et le % d'abondance (d) des espèces indicatrices. FI = poisson, MIV = macro-invertébrés, MP = macrophytes, RV = végétation riveraine, GB = carabes. La ligne centrale indique la médiane des données, le premier et le troisième quartiles définissent la boîte à moustaches. Cliquer pour agrandir. Source : art cit, droit de courte citation

Les chercheurs résument ainsi leur principaux résultats : "À l'exception des assemblages de carabes, nous n'avons observé aucun changement important dans les paramètres de mesure de la richesse et de l'abondance utilisés pour l'évaluation biologique. Toutefois, les taxons indicateurs des conditions d'habitat quasi naturel dans la zone riveraine (indicateurs d'inondation régulière chez les plantes et de spécialistes des berges chez les carabes) se sont considérablement améliorés au cours de l'intervalle de cinq ans. Contrairement aux attentes générales en matière de planification de la réhabilitation des rivières, nous n'avons pas observé de succession distincte de communautés aquatiques ni de tendance générale vers un 'bon état écologique' au fil du temps. De plus, plusieurs modèles de régression linéaire ont révélé que ni le temps écoulé depuis la restauration ni l'état morphologique n'ont eu d'effet significatif sur les mesures biologiques et les résultats de l'évaluation. Ainsi, la stabilité des assemblages aquatiques est forte, ce qui ralentit les effets de restauration dans la zone aquatique, alors que les assemblages riverains s'améliorent plus rapidement."

Les auteurs rappellent que plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la relative stabilité des assemblages aquatiques malgré les restaurations morphologiques :
  • longueur insuffisante des tronçons de rivières restaurées,
  • potentiel de recolonisation (populations sources) absentes,
  • influences prédominantes d'autres impacts du bassin versant,
  • durée longue nécessaire au retour de la biodiversité attendue.
Ils concluent en soulignant que des ré-introductions artificielles d'espèces cibles peuvent aider à accélérer le processus de recomposition biologique.

Discussion
Quand le bilan de restauration physique des rivières est réalisé par des scientifiques plutôt que par des associatifs ou des organismes administratifs, la conclusion est généralement plus sévère. Ce point avait été soulevé en France dans un travail montrant que le bénéfice des opérations est inversement proportionnel à la rigueur de l'examen des résultats (Morandi et al 2014). Contrairement à une idée reçue, les discussions des chercheurs en écologie appliquée à la restauration de rivières sont plutôt dominées depuis une dizaine d'années par un constat d'écart entre les attentes et les résultats (voir cette synthèse sur 2005-2015)

Les rivières et leurs bassins versants sont soumis à de multiples pressions, à différentes échelles spatiales et temporelles, avec des effets complexes (additifs, synergistiques, antagonistes). Ces hydrosystèmes sont modifiés, parfois lourdement, et généralement depuis longtemps. Des travaux de modélisation ont souvent montré que les usages des sols sur le bassin versant - pression diffuse et difficile à corriger - exercent un impact plus notable que des altérations locales d'habitats.

Par ailleurs, la restauration physique de rivière concerne des interventions différentes sur le lit mineur, la berge ou le lit majeur - en Allemagne, on pratique plus souvent des interventions stationnelles pour créer des micro-habitats, en France on investit davantage dans la continuité longitudinale. Il faut donc aller dans le détail des types de mesures et des résultats pour vérifier leurs effets relatifs.

Quoiqu'il en soit, ces travaux de recherche sur l'évaluation critique de la restauration devraient conduire les gestionnaires à rappeler plusieurs choses :

  • l'espoir que la restauration physique / morphologique de rivière parvienne à produire le bon état écologique au sens de la DCE dans les délais impartis par l'Europe (en 2015, 2021 ou 2027 au maximum) n'est guère fondé,
  • le caractère multifactoriel, ancien et profond des altérations de bassins versants implique que les coûts d'intervention et de restauration vont être cumulatifs et considérables, ce qui pose la question du consentement à payer des citoyens pour les objectifs que l'on se fixe, pour le délai espéré dans l'atteinte ces objectifs et pour les services réellement rendus par les écosystèmes restaurés.

La DCE 2000 va connaître un cycle de ré-examen sur la période 2019-2021. Il serait utile que les chercheurs, les administratifs et les politiques en profitent pour tenir un discours de vérité, et repenser les objectifs de manière plus réaliste (au plan écologique et biologique, mais aussi économique et social).

Référence : Lorenz AW et al (2018), Revisiting restored river reaches – Assessing change of aquatic and riparian communities after five years, Science of the Total Environment, 613–614,1185–1195

08/01/2018

Les communes du pays de Bitche se battent pour sauver six étangs de la destruction

Située dans l'ancienne Vasgovie ou Wasgau ("forêt des aurochs"), la forêt de Bitche est à la charnière de deux parcs régionaux classés en réserve mondiale de biosphère (Vosges du Nord, Pfälzerwald). L'Office national des forêts et l'administration de Moselle ont hélas entrepris une politique de destruction des nombreux étangs de cette région, avec la caution de l'Agence française pour la biodiversité qui, comme à son habitude, manque à son rôle élémentaire de diagnostic du vivant. C'est le cas dans la vallée de la Weissbach, où un chapelet de six étangs est sous le menace d'une destruction prochaine. L'association des amis de la forêt de Bitche et les cinq communes riveraines sont vent debout contre cette nouvelle atteinte au patrimoine vivant et culturel du pays. L'association Hydrauxois a déposé auprès du préfet de la Moselle un recours amiable contre le chantier, dont la préparation a été bâclée : simple déclaration alors que plus de 100 m de profil en long sont modifiés ce qui exige un dossier d'autorisation, absence totale d'inventaire de biodiversité alors que les petits plans d'eau sont d'un intérêt majeur pour de nombreuses espèces présentes dans ce site Natura 2000. Nous demandons une étude d'impact environnemental et une concertation en vue de trouver la solution la plus favorable au vivant comme aux riverains. La casse des ouvrages hydrauliques et de leurs biotopes doit cesser. Dans le pays de Bitche comme partout ailleurs en France.



Association des amis de la forêt du pays de Bitche 
Motion pour la sauvegarde des étangs domaniaux de la valle de Weissbach  

Par déclaration du 11 juillet 2017, au titre des articles L214-1 et L214-6 du code de l'environnement, l'Office National des Forêts (ONF) a présenté aux services de l'Etat un projet de restauration de la continuité écologique de la vallée de Weissbach portant suppression de 6 étangs domaniaux dans celle-ci. Alors que l'Etat a délivré un récépissé le 05 septembre 2017, autorisant ainsi les travaux projetés, cette opération appelle de la part des membres de notre association, réunis en Assemblée Générale ce 14 octobre 2017, les observations suivantes :

1- Au coeur d'un massif boisé domanial de 20.000 ha, dans un milieu particulièrement apprécié des touristes, où le manteau de verdure s'enrichit de la couleur rose du grès vosgien et la couleur bleu des étangs, les visiteurs ne comprennent pas la brutalité dans cette manière de perturber le paysage.

2- Ces étangs constituent avec les forêts, les rochers, les tourbières et les friches qui les séparent les uns des autres, un biotope particulièrement riche et varié pour la faune et la clore. Ils font partie des 7 habitats de la directive « flore et faune » dont 6 qui sont classés prioritaires. Un inventaire réalisé en 2009., à l'initiative des services de l'Etat, a révélé la présence dans ces habitats dont font partie les étangs domaniaux, entre autres, et pour l'essentiel, de :
• 39 espèces de mammifères dont 14 bénéficiant d'une protection nationale ;
• 140 espèces d'oiseaux dont 131 bénéficiant d'une protection nationale ;
• 6 espèces de reptiles bénéficiant toutes les 6 d'une protection nationale ;
• 10 espèces d'amphibiens bénéficiant toutes les 10 d'une protection nationale ;
• Plus de 600 espèces de plantes, alors que 13 bénéficient d'une protection nationale.
L'eau de ces étangs est de bonne température et d'une fraîcheur telle, qu'elle plaît aux truites sauvages et aux écrevisses à pattes rouges, dont la présence n'est pas contestée. La destruction de ces étangs modifierait le milieu, et créerait un véritable traumatisme au coeur d'un écosystème qui a mis plusieurs millénaires à se former.

3- Ces étangs font partie du patrimoine historique du Pays de Bitche. A titre d'exemple : • L'étang « du tabac » sur la commune d'Eguelshardt, déjà supprimé par l'ONF, se trouvait sur la route historique « des Princes » qui joignait Bouxwiller, siège des comtes de Hanau, à Pirmasens, siège des landgraves de Hessen. Ce point d'eau constituait alors un relais pour les chevaux, accompagné d'un bureau de douane où l'on taxait le tabac qui transitait d'un comté à l'autre. Aujourd'hui, il figure encore sur les cartes touristiques, alors que les visiteurs ne le retrouve plus, les lieux ayant été colonisés par la forêt.
• Les étangs de Bildmühle, eux-aussi déjà supprimés par l'ONF, n'étaient pas de constructions récentes, comme il a été dit par certains, mais existaient déjà dans cette vallée du temps des romains : sur un rocher proche de la source, se trouve une sculpture gallo-romaine célèbre, connue des habitants et visitée par les randonneurs, qui représente une divinité incarnant la protection et l’abondance.
• Les 2 étangs de la vallée de Moosbach sur le territoire communal de Bitche et ceux de Schnepfenbach et de Vatersthal sur le territoire communal de Sturzelbronn, au nombre de 6 (ou plus?) également détruits par l'ONF, constituaient une page de l'histoire du couvent du Sturzelbronn car ils avaient été construits à partir du 14ème siècle par les moines de cette Abbaye pour l'élevage de carpes, de truites et d'écrevisses.

4- Ces étangs jouent le rôle de correcteurs de torrents et de rétenteurs de sable. Ceux de la vallée de Krappenthal, supprimés par l'ONF, situés en aval du déversoir d'orage de Goetzenbrück, ont joué longtemps ce rôle mais aujourd'hui, l'étang de la Vielle fonderie (privé) tout comme l'étang communal de Mouterhouse, sont en voie d'ensablement suite à une telle erreur.

5- Ces étangs constituent un salutaire moyen de conserver des chablis par immersion en cas de tempête. Ce fut précisément le cas en 2000, suite à la tempête Lothar du 26.12.1999, quand furent construits les 2 étangs nouveaux les plus en aval dans la vallée de Weissbach, qui, aujourd'hui font partie de ce projet de destruction que nous dénonçons. Leur construction fut financée par des crédits spéciaux accordés par l'Etat. Ils furent mis à la disposition de la scierie Wagenheim de Goetzenbrück qui y immergea et y retira durant plusieurs années après la tempête plusieurs milliers de mètres cubes de grumes de hêtres pour les sauver de la pourriture, alors que le marché du bois était débordé. Ces étangs méritent, au même titre que tous les autres, d'être conservés pour le stockage de bois après la prochaine tempête.

6- Ces étangs constituent de précieuses réserves d'eau pour la lutte contre les feux de forêts, leur présence faisant gagner un temps précieux aux pompiers qui trouvent immédiatement sur place l'eau nécessaire à l'extinction des incendies dans les peuplements forestiers qui leur sont proches. Les supprimer nous paraît particulièrement irresponsables, alors que les perspectives du réchauffement climatique s'accompagnant facilement de feux de forêts, semblent très sérieuses.

Fort de ce qui précède, à l’unanimité, les membres de l'association des Amis de la Forêt du Pays de Bitche, demande à Monsieur le Préfet d'annuler le projet de suppression des étangs de la vallée de Weissbach ainsi que tous ceux qui pourraient être en préparation.

Illustration: l'étang de Bærenthal dans le pays de Bitche. Thierry Dichtenmuller, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons