L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) a été créé par la loi sur l'eau de 2006 et a pris existence en 2007. Il remplaçait le conseil supérieur de la pêche. Il a été fusionné au 1er janvier 2018 au sein de l'agence française pour la biodiversité (AFB).
Pendant ses 11 années d'existence, l'Onema a communiqué vers ses publics sur le site onema.fr, qui est encore ouvert.
Une mission de connaissance de tous les écosystèmes aquatiques
Les fonctions de l'Onema étaient précisées par l'ancien article R. 213-12-2 du code de l’environnement, dont ce premier alinéa :
"Au titre de la connaissance, de la protection et de la surveillance de l’eau et des milieux aquatiques, l’office mène en particulier des programmes de recherche et d’études consacrés à la structure et au fonctionnement des écosystèmes aquatiques, à l’évaluation des impacts des activités humaines, à la restauration des milieux aquatiques et à l’efficacité du service public de l’eau et de l’assainissement."L'Onema a-t-il rempli sa fonction de connaissance et information sur tous les écosystèmes aquatiques? A-t-il souffert, comme certains le suggèrent (dont notre association), d'un biais vers son ancienne spécialisation de pêche, donc vers l'approche halieutique des cours d'eau?
Nous avons fait un test lexical en comparant l'intérêt de l'Onema pour certains thèmes à travers quelques mentions de mots. Cette approche est purement quantitative, mais la répartition des mots reflète raisonnablement les préoccupations du locuteur.
Nous nous sommes intéressés au site onema.fr par le biais de la fonction de recherche de mot Google en filtrage par url. Cette fonction ne garantit pas de trouver l'intégralité des mentions (il peut y avoir des variations de l'ordre de 5% en test re-test), mais les algorithmes de fouille Google étant identiques sur un nom de domaine, les statistiques qui en résultent donne une approximation correcte sur le volume d'ensemble. (Une autre approche de contrôle, fondée sur l'analyse des pdf de 3 séries de médias Onema sur la période 2007-2016 par le linguisticiel Tropes®, produit des statistiques comparables en ordre de grandeur. Des résultats plus détaillés seront publiés).
Les poissons intéressent beaucoup l'Onema, les amphibiens nettement moins
Selon l'IUCN et ses listes rouges construites avec le Museum d'histoire naturelle, la France compte 35 espèces d'amphibiens endémiques en métropole et 69 espèces de poissons (ou agnathes) endémiques. Huit espèces d'amphibiens sont menacées (soit 23%), quinze espèces de poissons sont dans ce cas (soit 22%). Ces deux groupes d'espèces sont donc de même ordre de grandeur en nombre, et très similaire en niveau de menace.
L'item "poisson" donne 2060 résultats en recherche sur le site onema.fr. L'item "amphibien" donne 23 résultats.
Nous avons donc 90 fois plus de mentions des poissons que des amphibiens. La mention de ces derniers est marginale vu le volume du site.
Truite ou chabot, non menacés mais très mentionnés
Mais nous pourrions imaginer que cette recherche simple est biaisée, car il y a aussi des nomenclatures techniques comme le bio-indicateur "indice poisson rivière" (IPR) ou des dispositifs comme la "passe à poissons", faisant ressortir en excès le mot "poisson". (En soi cependant, le choix de cet indicateur ou de ce dispositif peut lui aussi être considéré comme faisant partie de l'haliocentrisme actuel de la gestion écologique de rivière.)
Pour en avoir le coeur net, nous avons fait une recherche sur la truite et le chabot, deux espèces non menacées et non objets de plans nationaux ou européens spécifiques (contrairement au saumon ou à l'anguille, par exemple).
L'item "truite" donne 463 résultats sur le site onema.fr. L'item "chabot" donne 146 résultats. En comparaison, les mentions de grenouille ont 50 résultats, de triton 21, de crapaud 19, de salamandre 8.
La continuité fut plus intéressante que la pollution ou le réchauffement…
Du point de vue des impacts et des enjeux, nous nous sommes demandés comment se plaçait la continuité par rapport à la pollution, au changement climatique et aux espèces exotiques dans les 11 années de communication de l'Onema.
L'item "continuité" donne 1730 résultats. L'item "pollution" donne 1340 résultats. L'item "changement climatique" donne 816 résultats. L'item "espèces exotiques" donne 377 résultats
La continuité n'est pourtant qu'un aspect de la morphologie des cours d'eau, elle-même n'étant qu'un compartiment des impacts possibles. Mais pendant 11 ans, cette continuité a davantage intéressé la communication de l'Onema vers ses publics que la pollution, le climat ou les invasives.
Conclusion : des biais réels, et peu acceptables
Le biais piscicole et halieutique de l'Onema n'est donc pas un mythe, mais une réalité observable dans la lexicométrie de sa communication. L'office avait une approche sélective des écosystèmes aquatiques et de leur biodiversité, donnant un large prépondérance aux poissons, même à des espèces non menacées.
A l"heure où les personnels de l'Onema travaillent dans le cadre de l'Agence française pour la biodiversité, il faut souhaiter que ces biais disparaissent, tant dans la connaissance que dans la surveillance et la gestion des milieux. Nous avons par exemple saisi l'AFB pour une destruction d'étang et zones humides (qui menace certainement davantage les amphibiens ou les oiseaux que les truites) : ce sera l'occasion de vérifier si ses agents s'intéressent désormais à toute la biodiversité, dont celle des systèmes lentiques. Ou s'ils continuent de donner carte blanche aux pêcheurs pour augmenter la biomasse des seules espèces qui les intéressent.
Illustration : (haut) crapaud sonneur à ventre jaune, espèce menacée en France. Sandra Velitchko, CC-ASA-4.0
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