Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) vient de rendre public un rapport sur la mise en oeuvre par la France de la Convention européenne du paysage (2000), ratifiée en 2006. Parmi leurs constats : la Trame verte et bleue (corridors et continuités écologiques) a été pensée de manière parfois trop sectorisée et trop fermée par les acteurs de la biodiversité, en négligeant son intégration dans le paysage — ce dernier étant une notion plus large, bien perçue par les citoyens et plus fidèle à leurs attentes. Nous ne pouvons que souscrire à cette recommandation, et souhaiter sa mise en oeuvre pour l'aménagement du paysage des vallées françaises.
La Convention européenne du paysage (adoptée au Conseil de l’Europe le 19 juillet 2000) définit ainsi le paysage : "partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques". La définition est certes un peu technocratique, comme toujours avec l'Europe, mais l'élément essentiel y est : la perception par les gens. L'être humain n'habite pas la nature, il habite d'abord des paysages façonnés par la rencontre de la nature et de la culture au cours de l'histoire.
La France a ratifié en 2006 cette Convention européenne du paysage, ce qui l'engage à une amélioration de la qualité des paysages et une maîtrise de leur évolution. Le CGEDD vient de publier un rapport d'analyse des politiques paysagères de huit pays (Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Suisse, Italie et Espagne).
Le rapport du CGEDD formule huit recommandations dont la première et principale consiste à élaborer une stratégie nationale interministérielle du paysage.
Le rapport observe les résistances à la mise en œuvre des engagements européens de la France dans ce domaine, notamment les cloisonnements administratifs et disciplinaires, la faible incitation aux contributions citoyennes pour des actions locales, l'insuffisante sensibilité de certains gestionnaires à la reconquête qualitative du paysage.
Trame verte et bleue, une politique "sectorielle et verticale"
De manière intéressante, l'une des recommandations du CGEDD concerne la Trame verte et bleue, c'est-à-dire le réseau des continuités et corridors écologiques que la France met en place depuis le Grenelle de l'environnement de 2007.
Voici ce qu'observe le CGEDD à ce sujet :
"À la différence de l’Angleterre et de l’Allemagne, la France a choisi une conception restreinte du concept d’infrastructure verte essentiellement centrée sur la protection de la biodiversité : la Trame verte et bleue (TVB).
Les lois Grenelle de 2009 et 2010 auraient pu faire des continuités écologiques un enjeu pour l’aménagement durable du territoire mais la TVB française a eu pour seul objectif d’ «enrayer la perte de biodiversité», même si elle «contribue à [...] améliorer la qualité et la diversité des paysages», tout en «prenant en compte les activités humaines». La TVB s’affirme comme une politique sectorielle et verticale. Il en résulte une conception restreinte et fonctionnelle du foncier et une adhésion des acteurs locaux incertaine, au-delà de la prise en compte – souvent a minima – des «corridors» et «réservoirs» de biodiversité dans les documents d’urbanisme.
Or, l’infrastructure verte, telle que conçue par l’Union européenne et mise en œuvre ou envisagée dans quelques pays, n’est pas une politique mais un outil au service d’une politique d’aménagement, de programmation et de planification, véritable armature territoriale qui s’appuie sur l’approche paysagère des espaces ouverts. Cet outil offre la possibilité d’une conception et d’une gestion coordonnée de l’aménagement d’un espace. (…)
En France, la démarche de «corridor écologique» ou «trame verte et bleue» mériterait donc d’être développée et étendue à une véritable approche multifonctionnelle du paysage. Il s'agirait donc, tout en préservant la biodiversité, de limiter l’espace «artificialisé» dans une perspective de développement durable, de prendre en compte des effets du changement climatique (notamment les risques naturels induits) et des aspirations des citoyens à une amélioration de leur cadre de vie, rural et urbain et de leur vie quotidienne. Le récent rapport commandé par la DGALN à l’Association des paysagistes-conseils de l’état (APCE) préconise le recrutement d’équipes pluridisciplinaires pour élaborer ou réviser ces trames à l’échelon régional ou local. Il ne va pas toutefois jusqu’à affirmer la multifonctionnalité de ces espaces ou le lien ville-campagne qu’ils peuvent représenter, comme c’est aujourd’hui le cas dans les expériences d’outre-Manche ou comme le suggère la Commission européenne.
Il faut donc utiliser l’approche paysagère pour aller plus loin.
Recommandation [à la DGALN] : élargir la Trame verte et bleue au-delà de la biodiversité à une approche territoriale multifonctionnelle structurant le paysage rural et urbain."
La rivière et sa plaine alluviale demain : renaturation ou interrelation ?
Au-delà des observations du CGEDD sur l'excès de compartimentation et spécialisation de l'action publique, l'évolution souhaitée ne sera possible qu'au prix d'une réflexion pluridisciplinaire sur les rapports entre paysage et biodiversité, notamment pour la Trame bleue.
On sait qu'une partie de la politique de biodiversité en France est séduite par le paradigme de la "renaturation", dont l'idéal implicite est une suppression des impacts humains sur les bassins versants, notamment morphologiques, avec une non-intervention ou intervention minimale sur le lit mineur et la plaine alluviale. On sait aussi que la forme lotique est vue par certains comme la forme "normale" et désirable d'eau courante, toute exception lentique (lac, retenue, plan d'eau, étang) devenant anomalie du continuum. Cette vision subjective est possible, mais sa logique conduit à opposer la nature à la culture, le sauvage au maîtrisé, pour préférer le premier terme. Et pourtant, si l'on prend l'exemple du Morvan, les centaines d'étangs, plans d'eau et lacs apparus au cours des derniers siècles du fait de l'action humaine ne font-ils pas partie désormais de l'identité paysagère régionale, d'ailleurs souvent valorisés par les acteurs du territoire quand il s'agit de le faire connaître? Et ces zones n'hébergent-elles pas une biodiversité nouvelle et riche, outre parfois celle endémique à la région?
Si l'on veut que biodiversité et paysage dialoguent dans la perspective d'aménagement des vallées, il faudra donc prendre en compte les relations dynamiques des actions humaines et naturelles, comme l'écrivit le Conseil de l'Europe en 2000, c'est-à-dire accepter également des formes données par l'homme à la rivière et à son lit majeur. Ainsi que le caractère évolutif, et non statique, de la biodiversité.
Référence : CGEDD, JL Cabrit, MC Soulié, PJ Thibault (2017), Démarches paysagères en Europe. éléments de parangonnage pour les politiques publiques françaises, Rapport n° 010731-01, 174 p.
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Contenus Onema 2007-2017 : pas davantage proportionnés aux publications scientifiques
Nous avons montré qu'entre 2007 et 2017, l'Onema employait davantage le mot continuité que les mots pollution, changement climatique ou espèce exotique sur l'ensemble du contenu de son site internet. Mais après tout, ces répartitions de fréquence pourraient-elles être le reflet des contenus de la littérature scientifique sur la même période? Il semble que non : en lien au thème de la rivière, la science parle 3 fois plus du changement climatique mais 8 fois moins de la continuité. Cette dernière semble décidément avoir été une marotte de l'Office. Au détriment d'autres interrogations plus contemporaines?
En réaction à notre article sur les thèmes traités par l'Onema, un lecteur a fait en commentaire une hypothèse intéressante : le poids relatif des mots clé que nous avions comparés (continuité, pollution, changement climatique, espèce exotique) pourrait être le reflet des interrogations les plus en pointe de la communauté scientifique, et non pas particulièrement des problèmes ou programmations des rivières. Donc pendant ses 11 ans d'existence, l'Onema parlerait davantage sur son site des sujets les plus traités par les chercheurs. Ce qui serait conforme à son rôle de conseil scientifique et technique des politiques publiques.
Pour trouver une première confirmation ou infirmation de cette hypothèse, nous avons fait une recherche rapide sur Google Scholar, en article entier, avec les 4 thèmes filtrés par une association au mot "river", sur la même période 2007-2017.
La requête donne 853 K résultats pour le changement climatique, 338 K pour la pollution, 67 K pour la continuité et 20 K pour les espèces exotiques.
Pour comparer le poids relatif de chacun de ces items dans l'ensemble comparé, ils ont été renormalisés sur total 100 dans le graphique ci-dessous.
L'hypothèse de notre lecteur n'est pas confirmée.
En réaction à notre article sur les thèmes traités par l'Onema, un lecteur a fait en commentaire une hypothèse intéressante : le poids relatif des mots clé que nous avions comparés (continuité, pollution, changement climatique, espèce exotique) pourrait être le reflet des interrogations les plus en pointe de la communauté scientifique, et non pas particulièrement des problèmes ou programmations des rivières. Donc pendant ses 11 ans d'existence, l'Onema parlerait davantage sur son site des sujets les plus traités par les chercheurs. Ce qui serait conforme à son rôle de conseil scientifique et technique des politiques publiques.
Pour trouver une première confirmation ou infirmation de cette hypothèse, nous avons fait une recherche rapide sur Google Scholar, en article entier, avec les 4 thèmes filtrés par une association au mot "river", sur la même période 2007-2017.
La requête donne 853 K résultats pour le changement climatique, 338 K pour la pollution, 67 K pour la continuité et 20 K pour les espèces exotiques.
Pour comparer le poids relatif de chacun de ces items dans l'ensemble comparé, ils ont été renormalisés sur total 100 dans le graphique ci-dessous.
L'hypothèse de notre lecteur n'est pas confirmée.
- En association aux rivières, le changement climatique revient beaucoup plus souvent (3 fois plus) dans la littérature scientifique que chez l'Onema. C'est le 1er mot dans les publications indexées sur Scholar, le 3e seulement chez l'Onema.
- La pollution, 2e place dans les deux corpus, est à peu près similaire.
- La continuité confirme son anomalie forte dans le contenu de communication de l'Onema : le mot y est en tête, et surtout 8 fois plus présent que dans les publications peer-reviewed, où sa place reste modeste (12 fois moins important que le climat, 5 fois moins que la pollution).
- Enfin, l'Onema évoque davantage les espèces exotiques (5 fois plus) que la littérature scientifique sur les rivières.
Une recherche plus détaillée sur les abstracts et dans les bases scientifiques Thomson-Reuters, avec des champs sémantiques plus complets, pourrait faire évoluer cette première approximation. Cela excède notre mission associative : nous espérons que des chercheurs en sciences sociales auront l'occasion de mener plus avant ce type d'interrogation sur la construction, la formulation et la diffusion de savoirs publics dans le domaine de l'eau en France.
13/02/2018
Un "ouvrage irrégulier" ? Nouvelle tentative de contournement de la loi par les DDT-M
Depuis quelques semaines, certaines DDT(-M) tentent de mettre en avant la notion d'un "ouvrage irrégulier" pour refuser le délai de 5 ans dans la mise en oeuvre de la continuité écologique au titre du L 214-17 CE ou pour refuser l'exemption de continuité au titre du L 214-18-1 CE. Explications et arguments pour se défendre.
La mauvaise gouvernance de la réforme de continuité écologique et les rapports déplorables des services de l’Etat (DDT-M, AFB) avec les propriétaires de moulin et les exploitants en petite hydro-électricité ont déjà été reconnus par deux rapports d’audit administratif du CGEDD 2012 et 2016.
Des réformes étaient souhaitées par le CGEDD : elles n’ont pas été engagées par l’administration.
Les parlementaires, informés de ces réalités et inquiets de leur dérive, ont déjà modifié à quatre reprises le régime de la continuité écologique entre 2015 et 2017 (loi patrimoine, loi biodiversité, loi montagne, loi autoconsommation). Ils ont pris soin de préciser lors des débats qu’il fallait cesser l’acharnement à détruire le patrimoine ou à exiger des dépenses exorbitantes à des particuliers, ce qui n’avait jamais été le texte et l’esprit de la loi sur l’eau de 2006.
Hélas, une partie de l'administration persiste aujourd'hui dans cette attitude négative. La croisade insensée d'incitation à la destruction du patrimoine par la menace réglementaire et le chantage financier n'a toujours pas cessé. Le découragement de la relance hydro-électrique des moulins s'est même accentué, en contradiction flagrante avec la politique de transition énergétique.
Ainsi, pour refuser le délai de 5 ans supplémentaires prévu par le réforme du L 214-17 CE ou pour refuser la dérogation du L 214-18-1 CE pour les moulins équipés pour produire de l'électricité, les DDT-M tentent une interprétation de la notion d'ouvrage "régulièrement autorisé", mentionnée dans ces textes.
Dans un premier cas qui nous a été soumis, la DDT mettait en avant un rapport selon lequel le moulin avait été modifié dans les années 1960 et ne possédait plus (selon la DDT) un élément nécessaire à l'usage de la puissance de l'eau. Le propriétaire n'était pas d'accord. Quoiqu'il en soit, un simple rapport n'a pas de valeur opposable, c'est un élément de procédure contradictoire. Si la DDT considère que le droit d'eau est caduc, elle prend un arrêté préfectoral pour en déclarer l'abrogation. Cet arrêté peut alors être attaqué devant le tribunal administratif, et c'est seulement si le contentieux est perdu par le propriétaire que l'arrêté prend effet et que la remise en état de la rivière est exigible. Mais tant que cela n'est pas fait, une DDT-M n'est pas fondée en droit à prétendre que l'ouvrage est "irrégulier" au plan réglementaire ou légal. C'est un excès de pouvoir.
Dans le second cas qui nous a été soumis, la DDT-M mettait en avant le fait que la rivière avait été classée cours d'eau poissons migrateurs par décret au titre de l'ancien article L 432-6 CE (l'ancêtre du L 214-17 CE, déjà imposé par le lobby pêche en 1984, déjà inappliquable donc déjà inappliqué). Pour cette DDT-M, l'ouvrage n'ayant pas réalisé de passe à poissons dans le délai imparti par l'ancien article L 432-6 CE, il serait aujourd'hui irrégulier. Est cité un arrêt de la cour d'appel de Nancy (n°15NC00542). A notre connaissance, cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, pas encore instruit.
Cet argument n'est pas plus recevable : l'article L 432-6 du code de l'environnement est abrogé et a cessé de produire effet, la continuité écologique est exigible au titre du L 214-17 CE depuis le classement des rivières en L1 ou L2 (2012 ou 2013). Il en résulte que l'administration doit respecter les obligations que lui a assignées la loi de 2006 et les réformes subséquentes du L 214-17 CE:
Telle est la position que nous défendons, et défendrons devant les tribunaux si les désaccords persistent sur la continuité écologique. Nous rappelons que les propriétaires et les riverains profitant de leurs biefs ou retenues ont tout intérêt à :
La mauvaise gouvernance de la réforme de continuité écologique et les rapports déplorables des services de l’Etat (DDT-M, AFB) avec les propriétaires de moulin et les exploitants en petite hydro-électricité ont déjà été reconnus par deux rapports d’audit administratif du CGEDD 2012 et 2016.
Des réformes étaient souhaitées par le CGEDD : elles n’ont pas été engagées par l’administration.
Les parlementaires, informés de ces réalités et inquiets de leur dérive, ont déjà modifié à quatre reprises le régime de la continuité écologique entre 2015 et 2017 (loi patrimoine, loi biodiversité, loi montagne, loi autoconsommation). Ils ont pris soin de préciser lors des débats qu’il fallait cesser l’acharnement à détruire le patrimoine ou à exiger des dépenses exorbitantes à des particuliers, ce qui n’avait jamais été le texte et l’esprit de la loi sur l’eau de 2006.
Hélas, une partie de l'administration persiste aujourd'hui dans cette attitude négative. La croisade insensée d'incitation à la destruction du patrimoine par la menace réglementaire et le chantage financier n'a toujours pas cessé. Le découragement de la relance hydro-électrique des moulins s'est même accentué, en contradiction flagrante avec la politique de transition énergétique.
Ainsi, pour refuser le délai de 5 ans supplémentaires prévu par le réforme du L 214-17 CE ou pour refuser la dérogation du L 214-18-1 CE pour les moulins équipés pour produire de l'électricité, les DDT-M tentent une interprétation de la notion d'ouvrage "régulièrement autorisé", mentionnée dans ces textes.
Dans un premier cas qui nous a été soumis, la DDT mettait en avant un rapport selon lequel le moulin avait été modifié dans les années 1960 et ne possédait plus (selon la DDT) un élément nécessaire à l'usage de la puissance de l'eau. Le propriétaire n'était pas d'accord. Quoiqu'il en soit, un simple rapport n'a pas de valeur opposable, c'est un élément de procédure contradictoire. Si la DDT considère que le droit d'eau est caduc, elle prend un arrêté préfectoral pour en déclarer l'abrogation. Cet arrêté peut alors être attaqué devant le tribunal administratif, et c'est seulement si le contentieux est perdu par le propriétaire que l'arrêté prend effet et que la remise en état de la rivière est exigible. Mais tant que cela n'est pas fait, une DDT-M n'est pas fondée en droit à prétendre que l'ouvrage est "irrégulier" au plan réglementaire ou légal. C'est un excès de pouvoir.
Dans le second cas qui nous a été soumis, la DDT-M mettait en avant le fait que la rivière avait été classée cours d'eau poissons migrateurs par décret au titre de l'ancien article L 432-6 CE (l'ancêtre du L 214-17 CE, déjà imposé par le lobby pêche en 1984, déjà inappliquable donc déjà inappliqué). Pour cette DDT-M, l'ouvrage n'ayant pas réalisé de passe à poissons dans le délai imparti par l'ancien article L 432-6 CE, il serait aujourd'hui irrégulier. Est cité un arrêt de la cour d'appel de Nancy (n°15NC00542). A notre connaissance, cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, pas encore instruit.
Cet argument n'est pas plus recevable : l'article L 432-6 du code de l'environnement est abrogé et a cessé de produire effet, la continuité écologique est exigible au titre du L 214-17 CE depuis le classement des rivières en L1 ou L2 (2012 ou 2013). Il en résulte que l'administration doit respecter les obligations que lui a assignées la loi de 2006 et les réformes subséquentes du L 214-17 CE:
- proposer des mesures de gestion, équipement, entretien,
- indemniser toute charge spéciale et exorbitante,
- exempter du L 214-17 CE le moulin équipé dont le droit d'eau n'a pas été abrogé,
- s'interdire toute interprétation de la continuité qui remettrait en question les autres éléments de la "gestion équilibrée et durable" de la ressource, notamment ceux énumérés au L 211-1 CE.
Telle est la position que nous défendons, et défendrons devant les tribunaux si les désaccords persistent sur la continuité écologique. Nous rappelons que les propriétaires et les riverains profitant de leurs biefs ou retenues ont tout intérêt à :
- rejoindre une association ou à se constituer en collectif sur chaque rivière,
- se coordonner pour défendre une position claire et solidaire,
- saisir les députés et sénateurs de leurs problèmes en demandant systématiquement aux parlementaires d'interpeller le ministre de l'écologie sur la dérive de son administration,
- saisir les médias pour informer l'opinion des pratiques de destruction du patrimoine hydraulique, de son paysage et de sa biodiversité sur argent du contribuable.
12/02/2018
Barrages et invertébrés, pas de liens clairs dans les rivières des Etats-Unis (Hill et al 2017)
Comprendre et cartographier la variation spatiale de la condition biologique des cours d'eau est aujourd'hui un enjeu important pour l'évaluation, la conservation et la restauration des écosystèmes fluviaux. Compte-tenu des coûts importants de ces politiques, le gestionnaire public ne peut prendre des décisions sur la base de données imprécises et de compréhension inadéquate des impacts sur le vivant. Une équipe de chercheurs américains vient de produire un premier modèle prédictif de l'état écologique de l'ensemble des masses d'eau des Etats-Unis (états contigus), pour l'instant limité à l'indice invertébrés (MMI). De manière intéressante, les facteurs naturels restent les premiers prédicteurs de variation et, au sein des facteurs anthropiques, les barrages ne montrent pas de signal clair, avec des effets tantôt positifs et tantôt négatifs dans 4 régions sur 9, pas de signal clair ailleurs. L'agriculture et l'urbanisation restent pour leur part de forts prédicteurs (négatifs) de la qualité des masses d'eau, ainsi que les pressions du bassin versant et non du seul tronçon. Un clou supplémentaire, après tant d'autres, dans le couvercle du cercueil de la "continuité en long comme facteur décisif pour la qualité écologique des rivières", une hypothèse non démontrée que l'administration française et les officines halieutiques présentent indûment comme des certitudes.
Aux Etats-Unis, l'évaluation nationale des rivières et des cours d'eau 2008-2009 (National Rivers and Streams Assessment) a défini les linéaires de cours d'eau dans les États américains limitrophes qui se trouvent dans un état biologique bon, passable ou médiocre sur la base d'un indice multimétrique des assemblages d'invertébrés benthiques (MMI). Mais ces mesures ne fournissent pas un aperçu efficaces de la distribution spatiale des mêmes conditions dans les endroits non échantillonnés.
Pour pallier au défaut de mesures de terrain, Ryan A. Hill et collègues ont utilisé la technique d'apprentissage des forêts d'arbres de décision (ou forêts aléatoires, random forest) pour modéliser et prédire l'état probable de plusieurs millions de kilomètres de cours d'eau à travers les États-Unis contigus. Ce modèle a intégré les caractéristiques du bassin versant et des variations amont-aval, y compris les modifications anthropiques. À l'échelle nationale, leur modèle a correctement prédit la classe de condition biologique de 75% des sites NRSA.
Nous attacherons seulement ici à détailler les prédicteurs de ce modèle, reposant sur les corrélations assez robustes entre les données d'entrée et l'état biologique tel que mesuré par les invertébrés.
Parmi les dix prédicteurs les plus importants des neuf régions, 19 étaient des prédicteurs locaux et les 71 autres étaient des prédicteurs au niveau des bassins versants; cela souligne l'importance de comprendre le contexte global des bassins hydrographiques.
Les facteurs naturels représentaient plus de la moitié des prédicteurs les mieux classés. Dans de nombreuses régions, la superficie des bassins hydrographiques, les débits et l'indice d'humidité topographique figuraient parmi les facteurs naturels les plus importants. En général, les zones à grands bassins avaient une relation positive avec les probabilités de bon état. Les mesures liées au climat figuraient également parmi les paramètres naturels les plus importants dans tous les modèles. La température de l'air figure parmi les dix prédicteurs les plus importants dans six des neuf modèles régionaux (températures plus chaudes et déficits de précipitations ont abaissé la probabilité de bon état écologique dans la plupart des bassins).
Concernant les impacts anthropiques, les auteurs observent :
"L'urbanisation et l'agriculture étaient les indicateurs anthropiques les plus courants dans tous les modèles. Dans tous les cas, la relation entre ces mesures et la probabilité de bon état était négative (annexe S3), en cohérence avec d'autres études de ce type (par exemple, Carlisle et al 2009, Falcone et al 2010). L'urbanisation était importante pour tous les modèles et ces mesures d'urbanisation comprenaient divers paramètres (par exemple % du bassin hydrographique comprenant l'utilisation des terres urbaines, l'unité de logement ou la densité de population, le nombre de traversées de route pondérées par la pente du tronçon). De plus, une métrique composite de perturbation (soit l'agriculture et l'urbanisation dans le bassin versant ou dans la zone tampon riveraine) se classait parmi les dix prédicteurs les plus importants dans quatre des neuf modèles régionaux.
Diverses mesures de l'endiguement des rivières (c'est-à-dire la densité et le volume des barrages) étaient importantes dans quatre régions, mais la direction de la relation avec la condition biologique dépendait de la région. Les retenues d'eau étaient négativement associées à la probabilité de bon état dans les régions du nord des Appalaches et des zones xériques, mais positivement corrélées dans les régions des Plaines du Nord et des Plaines tempérées (annexe S3). Les régions du nord des Appalaches et des zones xériques sont des régions montagneuses et les types, tailles et par conséquent impacts des barrages diffèrent probablement de ceux trouvés dans les plaines et peuvent expliquer les différences de réponses entre ces régions."
Discussion
Grâce aux progrès des outils numériques et à l'accumulation des données, la modélisation des réseaux hydrographiques à différentes échelles spatiales devient un outil indispensable du gestionnaire public en charge de l'environnement. Elle ne peut évidemment décrire les rivières avec un niveau fin de granularité (échelle du site, de la station, du micro-habitat), mais elle permet en revanche de nourrir la réflexion sur les zones d'action prioritaire selon les finalités que se donnent les décideurs. Cette modélisation permet aussi, et surtout, de pondérer l'importance relative des différents facteurs naturels et anthropiques à l'oeuvre dans les variations biologiques observables.
Le processus est encore embryonnaire en France et, comme tout modèle sensible à la qualité de ses données d'entrée, la robustesse de l'exercice va dépendre de la précision des descripteurs : connaître et mesurer les impacts comme les variables biologiques sur un nombre suffisant de sites pour un bon apprentissage du modèle. Le retard pris sur l'acquisition de données et la construction de modèles est dommageable, et l'argent public de l'eau serait utilement consacré à financer des équipes de recherche dédiées à ces tâches au lieu d'être dilapidé dans divers travaux à l'utilité et à la cohérence souvent douteuses.
Par ailleurs, le travail de Ryan Hill et de ses collègues sur la base des invertébrés confirme ce qui est déjà observé dans de nombreuses études récentes (voir cette synthèse) : le poids des barrages et des discontinuités en long est assez faible dans la variance biologique, et peu prédicteur à lui seul de l'état des masses d'eau. Sur les invertébrés et sur les ouvrages de petites dimensions, la méta-analyse de Mbaka et Mwaniki 2015 n'avait déjà pas trouvé de signal clair. Ce signal était plus prononcé en France avec l'indicateur I2M2 chez Van Looy 2014, mais restait inférieur aux autres impacts chez Villeneuve 2015 (nous reviendrons sur une étude française récente à ce sujet).
L'affirmation française selon laquelle la continuité écologique longitudinale serait un enjeu de premier plan pour améliorer l'écologie des rivières ou pour atteindre le bon état écologique DCE reste donc à ce jour une hypothèse non démontrée, que l'on trouve davantage dans la littérature administrative visant à justifier des choix politiques ou dans la littérature halieutique sur le cas particulier des poissons migrateurs que dans les résultats chiffrés de la littérature scientifique en hydro-écologie quantitative. Tant que ce point n'est pas clarifié par une expertise scientifique collective et multidisciplinaire, il sera difficile d'asseoir cette politique de continuité sur une base légitime.
Référence : Hill RA et al (2018), Predictive mapping of the biotic condition of conterminous U.S. rivers and streams, Ecological Applications, 8, 2397–2415
Illustration : barrage EDF de La Palisse, sur la Loire (07).
Aux Etats-Unis, l'évaluation nationale des rivières et des cours d'eau 2008-2009 (National Rivers and Streams Assessment) a défini les linéaires de cours d'eau dans les États américains limitrophes qui se trouvent dans un état biologique bon, passable ou médiocre sur la base d'un indice multimétrique des assemblages d'invertébrés benthiques (MMI). Mais ces mesures ne fournissent pas un aperçu efficaces de la distribution spatiale des mêmes conditions dans les endroits non échantillonnés.
Pour pallier au défaut de mesures de terrain, Ryan A. Hill et collègues ont utilisé la technique d'apprentissage des forêts d'arbres de décision (ou forêts aléatoires, random forest) pour modéliser et prédire l'état probable de plusieurs millions de kilomètres de cours d'eau à travers les États-Unis contigus. Ce modèle a intégré les caractéristiques du bassin versant et des variations amont-aval, y compris les modifications anthropiques. À l'échelle nationale, leur modèle a correctement prédit la classe de condition biologique de 75% des sites NRSA.
Nous attacherons seulement ici à détailler les prédicteurs de ce modèle, reposant sur les corrélations assez robustes entre les données d'entrée et l'état biologique tel que mesuré par les invertébrés.
Parmi les dix prédicteurs les plus importants des neuf régions, 19 étaient des prédicteurs locaux et les 71 autres étaient des prédicteurs au niveau des bassins versants; cela souligne l'importance de comprendre le contexte global des bassins hydrographiques.
Les facteurs naturels représentaient plus de la moitié des prédicteurs les mieux classés. Dans de nombreuses régions, la superficie des bassins hydrographiques, les débits et l'indice d'humidité topographique figuraient parmi les facteurs naturels les plus importants. En général, les zones à grands bassins avaient une relation positive avec les probabilités de bon état. Les mesures liées au climat figuraient également parmi les paramètres naturels les plus importants dans tous les modèles. La température de l'air figure parmi les dix prédicteurs les plus importants dans six des neuf modèles régionaux (températures plus chaudes et déficits de précipitations ont abaissé la probabilité de bon état écologique dans la plupart des bassins).
Concernant les impacts anthropiques, les auteurs observent :
"L'urbanisation et l'agriculture étaient les indicateurs anthropiques les plus courants dans tous les modèles. Dans tous les cas, la relation entre ces mesures et la probabilité de bon état était négative (annexe S3), en cohérence avec d'autres études de ce type (par exemple, Carlisle et al 2009, Falcone et al 2010). L'urbanisation était importante pour tous les modèles et ces mesures d'urbanisation comprenaient divers paramètres (par exemple % du bassin hydrographique comprenant l'utilisation des terres urbaines, l'unité de logement ou la densité de population, le nombre de traversées de route pondérées par la pente du tronçon). De plus, une métrique composite de perturbation (soit l'agriculture et l'urbanisation dans le bassin versant ou dans la zone tampon riveraine) se classait parmi les dix prédicteurs les plus importants dans quatre des neuf modèles régionaux.
Diverses mesures de l'endiguement des rivières (c'est-à-dire la densité et le volume des barrages) étaient importantes dans quatre régions, mais la direction de la relation avec la condition biologique dépendait de la région. Les retenues d'eau étaient négativement associées à la probabilité de bon état dans les régions du nord des Appalaches et des zones xériques, mais positivement corrélées dans les régions des Plaines du Nord et des Plaines tempérées (annexe S3). Les régions du nord des Appalaches et des zones xériques sont des régions montagneuses et les types, tailles et par conséquent impacts des barrages diffèrent probablement de ceux trouvés dans les plaines et peuvent expliquer les différences de réponses entre ces régions."
Discussion
Grâce aux progrès des outils numériques et à l'accumulation des données, la modélisation des réseaux hydrographiques à différentes échelles spatiales devient un outil indispensable du gestionnaire public en charge de l'environnement. Elle ne peut évidemment décrire les rivières avec un niveau fin de granularité (échelle du site, de la station, du micro-habitat), mais elle permet en revanche de nourrir la réflexion sur les zones d'action prioritaire selon les finalités que se donnent les décideurs. Cette modélisation permet aussi, et surtout, de pondérer l'importance relative des différents facteurs naturels et anthropiques à l'oeuvre dans les variations biologiques observables.
Le processus est encore embryonnaire en France et, comme tout modèle sensible à la qualité de ses données d'entrée, la robustesse de l'exercice va dépendre de la précision des descripteurs : connaître et mesurer les impacts comme les variables biologiques sur un nombre suffisant de sites pour un bon apprentissage du modèle. Le retard pris sur l'acquisition de données et la construction de modèles est dommageable, et l'argent public de l'eau serait utilement consacré à financer des équipes de recherche dédiées à ces tâches au lieu d'être dilapidé dans divers travaux à l'utilité et à la cohérence souvent douteuses.
Par ailleurs, le travail de Ryan Hill et de ses collègues sur la base des invertébrés confirme ce qui est déjà observé dans de nombreuses études récentes (voir cette synthèse) : le poids des barrages et des discontinuités en long est assez faible dans la variance biologique, et peu prédicteur à lui seul de l'état des masses d'eau. Sur les invertébrés et sur les ouvrages de petites dimensions, la méta-analyse de Mbaka et Mwaniki 2015 n'avait déjà pas trouvé de signal clair. Ce signal était plus prononcé en France avec l'indicateur I2M2 chez Van Looy 2014, mais restait inférieur aux autres impacts chez Villeneuve 2015 (nous reviendrons sur une étude française récente à ce sujet).
L'affirmation française selon laquelle la continuité écologique longitudinale serait un enjeu de premier plan pour améliorer l'écologie des rivières ou pour atteindre le bon état écologique DCE reste donc à ce jour une hypothèse non démontrée, que l'on trouve davantage dans la littérature administrative visant à justifier des choix politiques ou dans la littérature halieutique sur le cas particulier des poissons migrateurs que dans les résultats chiffrés de la littérature scientifique en hydro-écologie quantitative. Tant que ce point n'est pas clarifié par une expertise scientifique collective et multidisciplinaire, il sera difficile d'asseoir cette politique de continuité sur une base légitime.
Référence : Hill RA et al (2018), Predictive mapping of the biotic condition of conterminous U.S. rivers and streams, Ecological Applications, 8, 2397–2415
Illustration : barrage EDF de La Palisse, sur la Loire (07).
10/02/2018
L'Onema à travers ses mots: comment l'Office a surexprimé les enjeux poisson et continuité dans sa communication
Poissons et amphibiens endémiques de France vivent dans les milieux aquatiques et humides, ont un nombre similaire d'espèces (69 et 35) et une proportion identique d'espèces menacées selon l'IUCN (23% et 22%). Nous montrons ici que sur le site internet qui rassemble 11 ans de sa communication (2007-2017), l'Onema a mentionné 90 fois plus les poissons que les amphibiens. Ce n'est pas un biais tenant à ces deux mots puisque des espèces de poissons non menacées en France, comme la truite ou le chabot, sont également beaucoup plus citées par l'Office que les grenouilles, les tritons ou les salamandres. De même, la mention de la continuité dépasse largement celle de la pollution, du réchauffement climatique ou des espèces exotiques. Cette observation s'ajoute à bien d'autres pour montrer le biais manifeste de l'Onema en faveur des questions piscicoles et halieutiques, alors que la mission confiée par le gouvernement concernait tous les écosystèmes aquatiques. L'AFB (agence française pour la biodiversité) va-t-elle continuer cette approche manifestement déséquilibrée du vivant aquatique? Va-t-on enfin s'intéresser sans préjugé en France à la biodiversité observable des masses d'eau naturelles et artificielles comme des zones humides, au lieu de consacrer un temps et un argent disproportionnés à certaines espèces qui profitent à certains usages?
L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) a été créé par la loi sur l'eau de 2006 et a pris existence en 2007. Il remplaçait le conseil supérieur de la pêche. Il a été fusionné au 1er janvier 2018 au sein de l'agence française pour la biodiversité (AFB).
Pendant ses 11 années d'existence, l'Onema a communiqué vers ses publics sur le site onema.fr, qui est encore ouvert.
Une mission de connaissance de tous les écosystèmes aquatiques
Les fonctions de l'Onema étaient précisées par l'ancien article R. 213-12-2 du code de l’environnement, dont ce premier alinéa :
Nous avons fait un test lexical en comparant l'intérêt de l'Onema pour certains thèmes à travers quelques mentions de mots. Cette approche est purement quantitative, mais la répartition des mots reflète raisonnablement les préoccupations du locuteur.
Nous nous sommes intéressés au site onema.fr par le biais de la fonction de recherche de mot Google en filtrage par url. Cette fonction ne garantit pas de trouver l'intégralité des mentions (il peut y avoir des variations de l'ordre de 5% en test re-test), mais les algorithmes de fouille Google étant identiques sur un nom de domaine, les statistiques qui en résultent donne une approximation correcte sur le volume d'ensemble. (Une autre approche de contrôle, fondée sur l'analyse des pdf de 3 séries de médias Onema sur la période 2007-2016 par le linguisticiel Tropes®, produit des statistiques comparables en ordre de grandeur. Des résultats plus détaillés seront publiés).
Les poissons intéressent beaucoup l'Onema, les amphibiens nettement moins
Selon l'IUCN et ses listes rouges construites avec le Museum d'histoire naturelle, la France compte 35 espèces d'amphibiens endémiques en métropole et 69 espèces de poissons (ou agnathes) endémiques. Huit espèces d'amphibiens sont menacées (soit 23%), quinze espèces de poissons sont dans ce cas (soit 22%). Ces deux groupes d'espèces sont donc de même ordre de grandeur en nombre, et très similaire en niveau de menace.
L'item "poisson" donne 2060 résultats en recherche sur le site onema.fr. L'item "amphibien" donne 23 résultats.
Nous avons donc 90 fois plus de mentions des poissons que des amphibiens. La mention de ces derniers est marginale vu le volume du site.
Truite ou chabot, non menacés mais très mentionnés
Mais nous pourrions imaginer que cette recherche simple est biaisée, car il y a aussi des nomenclatures techniques comme le bio-indicateur "indice poisson rivière" (IPR) ou des dispositifs comme la "passe à poissons", faisant ressortir en excès le mot "poisson". (En soi cependant, le choix de cet indicateur ou de ce dispositif peut lui aussi être considéré comme faisant partie de l'haliocentrisme actuel de la gestion écologique de rivière.)
Pour en avoir le coeur net, nous avons fait une recherche sur la truite et le chabot, deux espèces non menacées et non objets de plans nationaux ou européens spécifiques (contrairement au saumon ou à l'anguille, par exemple).
L'item "truite" donne 463 résultats sur le site onema.fr. L'item "chabot" donne 146 résultats. En comparaison, les mentions de grenouille ont 50 résultats, de triton 21, de crapaud 19, de salamandre 8.
La continuité fut plus intéressante que la pollution ou le réchauffement…
Du point de vue des impacts et des enjeux, nous nous sommes demandés comment se plaçait la continuité par rapport à la pollution, au changement climatique et aux espèces exotiques dans les 11 années de communication de l'Onema.
L'item "continuité" donne 1730 résultats. L'item "pollution" donne 1340 résultats. L'item "changement climatique" donne 816 résultats. L'item "espèces exotiques" donne 377 résultats
La continuité n'est pourtant qu'un aspect de la morphologie des cours d'eau, elle-même n'étant qu'un compartiment des impacts possibles. Mais pendant 11 ans, cette continuité a davantage intéressé la communication de l'Onema vers ses publics que la pollution, le climat ou les invasives.
Conclusion : des biais réels, et peu acceptables
Le biais piscicole et halieutique de l'Onema n'est donc pas un mythe, mais une réalité observable dans la lexicométrie de sa communication. L'office avait une approche sélective des écosystèmes aquatiques et de leur biodiversité, donnant un large prépondérance aux poissons, même à des espèces non menacées.
A l"heure où les personnels de l'Onema travaillent dans le cadre de l'Agence française pour la biodiversité, il faut souhaiter que ces biais disparaissent, tant dans la connaissance que dans la surveillance et la gestion des milieux. Nous avons par exemple saisi l'AFB pour une destruction d'étang et zones humides (qui menace certainement davantage les amphibiens ou les oiseaux que les truites) : ce sera l'occasion de vérifier si ses agents s'intéressent désormais à toute la biodiversité, dont celle des systèmes lentiques. Ou s'ils continuent de donner carte blanche aux pêcheurs pour augmenter la biomasse des seules espèces qui les intéressent.
Illustration : (haut) crapaud sonneur à ventre jaune, espèce menacée en France. Sandra Velitchko, CC-ASA-4.0
A lire en complément
Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes
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Contenus Onema 2007-2017 : pas davantage proportionnés à la littérature scientifique
L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) a été créé par la loi sur l'eau de 2006 et a pris existence en 2007. Il remplaçait le conseil supérieur de la pêche. Il a été fusionné au 1er janvier 2018 au sein de l'agence française pour la biodiversité (AFB).
Pendant ses 11 années d'existence, l'Onema a communiqué vers ses publics sur le site onema.fr, qui est encore ouvert.
Une mission de connaissance de tous les écosystèmes aquatiques
Les fonctions de l'Onema étaient précisées par l'ancien article R. 213-12-2 du code de l’environnement, dont ce premier alinéa :
"Au titre de la connaissance, de la protection et de la surveillance de l’eau et des milieux aquatiques, l’office mène en particulier des programmes de recherche et d’études consacrés à la structure et au fonctionnement des écosystèmes aquatiques, à l’évaluation des impacts des activités humaines, à la restauration des milieux aquatiques et à l’efficacité du service public de l’eau et de l’assainissement."L'Onema a-t-il rempli sa fonction de connaissance et information sur tous les écosystèmes aquatiques? A-t-il souffert, comme certains le suggèrent (dont notre association), d'un biais vers son ancienne spécialisation de pêche, donc vers l'approche halieutique des cours d'eau?
Nous avons fait un test lexical en comparant l'intérêt de l'Onema pour certains thèmes à travers quelques mentions de mots. Cette approche est purement quantitative, mais la répartition des mots reflète raisonnablement les préoccupations du locuteur.
Nous nous sommes intéressés au site onema.fr par le biais de la fonction de recherche de mot Google en filtrage par url. Cette fonction ne garantit pas de trouver l'intégralité des mentions (il peut y avoir des variations de l'ordre de 5% en test re-test), mais les algorithmes de fouille Google étant identiques sur un nom de domaine, les statistiques qui en résultent donne une approximation correcte sur le volume d'ensemble. (Une autre approche de contrôle, fondée sur l'analyse des pdf de 3 séries de médias Onema sur la période 2007-2016 par le linguisticiel Tropes®, produit des statistiques comparables en ordre de grandeur. Des résultats plus détaillés seront publiés).
Les poissons intéressent beaucoup l'Onema, les amphibiens nettement moins
Selon l'IUCN et ses listes rouges construites avec le Museum d'histoire naturelle, la France compte 35 espèces d'amphibiens endémiques en métropole et 69 espèces de poissons (ou agnathes) endémiques. Huit espèces d'amphibiens sont menacées (soit 23%), quinze espèces de poissons sont dans ce cas (soit 22%). Ces deux groupes d'espèces sont donc de même ordre de grandeur en nombre, et très similaire en niveau de menace.
L'item "poisson" donne 2060 résultats en recherche sur le site onema.fr. L'item "amphibien" donne 23 résultats.
Nous avons donc 90 fois plus de mentions des poissons que des amphibiens. La mention de ces derniers est marginale vu le volume du site.
Truite ou chabot, non menacés mais très mentionnés
Mais nous pourrions imaginer que cette recherche simple est biaisée, car il y a aussi des nomenclatures techniques comme le bio-indicateur "indice poisson rivière" (IPR) ou des dispositifs comme la "passe à poissons", faisant ressortir en excès le mot "poisson". (En soi cependant, le choix de cet indicateur ou de ce dispositif peut lui aussi être considéré comme faisant partie de l'haliocentrisme actuel de la gestion écologique de rivière.)
Pour en avoir le coeur net, nous avons fait une recherche sur la truite et le chabot, deux espèces non menacées et non objets de plans nationaux ou européens spécifiques (contrairement au saumon ou à l'anguille, par exemple).
L'item "truite" donne 463 résultats sur le site onema.fr. L'item "chabot" donne 146 résultats. En comparaison, les mentions de grenouille ont 50 résultats, de triton 21, de crapaud 19, de salamandre 8.
La continuité fut plus intéressante que la pollution ou le réchauffement…
Du point de vue des impacts et des enjeux, nous nous sommes demandés comment se plaçait la continuité par rapport à la pollution, au changement climatique et aux espèces exotiques dans les 11 années de communication de l'Onema.
L'item "continuité" donne 1730 résultats. L'item "pollution" donne 1340 résultats. L'item "changement climatique" donne 816 résultats. L'item "espèces exotiques" donne 377 résultats
La continuité n'est pourtant qu'un aspect de la morphologie des cours d'eau, elle-même n'étant qu'un compartiment des impacts possibles. Mais pendant 11 ans, cette continuité a davantage intéressé la communication de l'Onema vers ses publics que la pollution, le climat ou les invasives.
Conclusion : des biais réels, et peu acceptables
Le biais piscicole et halieutique de l'Onema n'est donc pas un mythe, mais une réalité observable dans la lexicométrie de sa communication. L'office avait une approche sélective des écosystèmes aquatiques et de leur biodiversité, donnant un large prépondérance aux poissons, même à des espèces non menacées.
A l"heure où les personnels de l'Onema travaillent dans le cadre de l'Agence française pour la biodiversité, il faut souhaiter que ces biais disparaissent, tant dans la connaissance que dans la surveillance et la gestion des milieux. Nous avons par exemple saisi l'AFB pour une destruction d'étang et zones humides (qui menace certainement davantage les amphibiens ou les oiseaux que les truites) : ce sera l'occasion de vérifier si ses agents s'intéressent désormais à toute la biodiversité, dont celle des systèmes lentiques. Ou s'ils continuent de donner carte blanche aux pêcheurs pour augmenter la biomasse des seules espèces qui les intéressent.
Illustration : (haut) crapaud sonneur à ventre jaune, espèce menacée en France. Sandra Velitchko, CC-ASA-4.0
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