Les retardateurs de flamme bromés PBDE ont été partiellement interdits en Europe au début des années 2000 en raison de leur toxicité et de leur forte diffusion dans l'environnement. Deux chercheurs espagnols montrent que malgré cette interdiction, les poissons européens comme les poissons asiatiques ou nord-américains restent massivement contaminés aux PBDE, avec des accumulations dans l'organisme jusqu'à 10.000 fois supérieures aux normes de qualité environnementale. Les retardateurs de flamme ne sont qu'une famille parmi les dizaines de molécules polluantes considérées comme prioritaires par la directive-cadre européenne sur l'eau. Et une parmi les centaines circulant aujourd'hui dans les eaux. Ce travail rappelle le retard important pris dans l'analyse des effets des micro-polluants sur le vivant aquatique, alors que ces mêmes substances soulèvent des inquiétudes croissantes sur la santé humaine.
Ethel Eljarrata et Damià Barceló (IDAEA-CSIC, Institut catalan de recherche sur l'eau) viennent de se pencher sur la question des pollutions par les retardateurs de flammes. Il s'agit d'un groupe de composés ajoutés ou appliqués aux matériaux (plastiques, meubles, véhicules, électronique) pour augmenter leur résistance au feu.
Les polybromodiphényléthers (PBDE), produits à trois degrés différents de bromation (Penta-BDE, Octa-BDE et Deca-BDE), sont parmi les molécules les plus largement utilisées. En raison de leur toxicité prouvée, les mélanges commerciaux de penta- et d'octa-BDE ont été interdits dans l'Union européenne (UE) et dans certains États américains depuis 2004, ainsi qu'au Canada à partir de 2006. En 2009, ils ont été désignés comme polluants organiques persistants (POP) et la Convention de Stockholm a décidé d'ajouter les mélanges commerciaux avec quatre, cinq, six et sept bromes à l'Annexe A, pour mettre fin à leur production et utilisation.
L'hexabromocyclododécane (HBCD) est un autre retardateur largement répandu, principalement utilisé dans les matériaux de construction d'isolation thermique, les textiles de rembourrage et l'électronique comme ignifuge. Le produit est composé de plusieurs isomères et ses propriétés physico-chimiques sont similaires à celles de certains PBDE. Certaines études indiquent un rôle possible du HBCD en tant que perturbateur endocrinien.
La directive-cadre sur l'eau 2000/60/CE a introduit un cadre juridique pour protéger l'environnement aquatique en Europe. Cette stratégie impliquait l'identification des substances prioritaires parmi celles qui présentent un risque important pour l'environnement aquatique. En 2001, une première liste de 33 substances ou groupes de substances prioritaires a été fixée au niveau de l'Union. Cette liste incluait déjà les PBDE. Elle a été récemment révisée en vertu de la directive 2013/39/UE (Commission européenne, 2013), avec 45 substances ou groupes de substances parmi lesquelles le HBCD est inclus. En outre, la directive 2008/105/UE, entrée en vigueur en janvier 2009, a défini des normes de qualité environnementale (NQE) pour ces substances prioritaires. Certaines substances très hydrophobes, comme les PBDE et le HBCD, s'accumulent dans le vivant et sont difficilement détectables dans l'eau, même en utilisant les techniques analytiques avancées. Pour ces substances, les NQE devraient être définies pour le biote.
Pour les PBDE, la NQE du biote a été fixée à 0,0085 ng/g ww (poids humide). Pour l'HBCD, la NQE biote a été fixée à 167 ng/g ww. Ces NQE devraient être prises en compte pour la première fois dans les plans de gestion des bassins hydrographiques couvrant la période 2015-2021 et devraient être respectées d'ici la fin de 2021.
Compte tenu de l'interdiction de la production des PBDE et HBCD, on s'attend à ce que leurs niveaux dans l'environnement diminuent au fil des ans. Afin d'évaluer la situation actuelle, la recherche documentaire des deux scientifiques a été limitée aux 5 dernières années (2012-2017). Ils ont trouvé 13 articles traitant des données PBDE dans 15 pays européens différents (Belgique, Bosnie-Herzégovine, Croatie, République tchèque, France, Allemagne, Grèce, Italie, Lettonie, Pologne, Serbie, Slovaquie, Espagne, Pays-Bas et Royaume-Uni), ainsi que 7 en Amérique du Nord, 8 en Asie (Chine et Corée) et 2 en Afrique (Afrique du Sud et Tanzanie). Une étude en Antarctique a également été publiée. Les études européennes ont analysé des échantillons de poissons collectés entre 2007 et 2015, à l'exception d'un seul travail sur des échantillons collectés entre 2000 et 2009. Une grande variété d'espèces est étudiée, parmi lesquelles les plus communes sont les carpes, les truites et les anguilles européennes.
Résultat: "Malgré l'interdiction des PBDE en Europe depuis 2004, ces polluants sont toujours présents dans pratiquement tous les poissons de rivière européens. À l'exception de quelques échantillons dans lesquels les PBDE n'ont pas été détectés, tous les autres échantillons de poisson ont clairement dépassé les NQE européennes. La même situation a été observée dans d'autres parties du monde, telles que l'Amérique du Nord, l'Asie et l'Afrique. Même les niveaux de PBDE trouvés dans une étude réalisée avec des poissons antarctiques ont dépassé les NQE européennes."
Le dépassement est très net : "Nous avons trouvé des données PBDE rapportées chez des poissons européens dépassant cent fois la NQE (0,85 ng/g poids humide) dans 5 études sur 16, dépassant mille fois la NQE (8,5 ng/g poids humide) dans 7 études sur 16, et dépassant dix mille fois la NQE (85 ng/g poids humide) dans 5 des 16 études. Des pourcentages similaires ont été observés pour l'Asie, mais la situation est plus critique dans le cas de l'Amérique du Nord où, dans 6 études sur 7, les niveaux d'EDP dépassaient de dix mille fois la valeur NQE."
Ce schéma modélise la probabilité de contamination (ws = worst case, bs = best case, cliquer pour agrandir, source article cité) :
En Europe, et en tenant compte du meilleur scénario, entre 73% et 100% des poissons analysés dépassaient la valeur biotique de contamination fixée par l'Europe. La somme de six PBDE était supérieure de plusieurs ordres de grandeur à la NQE du biote : entre 50% et 100% des niveaux de poissons étaient supérieurs à 10 fois la valeur, entre 4% et 96% au dessus de 100 fois, entre 0 % et 62% au-dessus de 1000 fois la valeur EQS, et entre 0% et 4% au-dessus de 10 000 fois la NQE.
Discussion
Tout au long du XXe siècle et en particulier après les années 1950, la chimie de synthèse a produit un grand nombre de molécules qui se sont diffusées dans les usages courants des sociétés humaines. Certaines d'entre elles ont des effets néfastes sur le vivant, qu'elles soient génotoxiques, reprotoxiques ou neurotoxiques.
La rivière et ses sédiments sont souvent les exutoires des activités du bassin versant et des substances transportées par les écoulements : on s'attend donc à des effets sensibles. Mais la recherche scientifique, si elle a beaucoup travaillé sur les impacts des nutriments (nitrates, phosphates), reste nettement moins développée sur les effets cumulés et synergistiques de ces centaines de molécules dans l'environnement. Le travail d'Ethel Eljarrata et de Damià Barceló sur la présence persistante et massive des retardateurs de flammes pourtant interdits montre l'actualité de cette question, alors que la France a déjà la plus grande difficulté à mesurer la présence de ces substances, sans même parler d'évaluer leurs effets sur les assemblages biologiques des rivières.
Référence : Eljarrata E, Barceló D (2018), How do measured PBDE and HCBD levels in river fish compare to the European Environmental Quality Standards?, Environmental Research, 160, 203–211
A lire sur le même thème
Les pollutions chimiques doivent devenir un enjeu prioritaire des rivières françaises
Qualité de l'eau: la Commission européenne demande à la France de lutter davantage contre les pollutions diffuses
Pesticides: le retard français (Hossard et el 2017)
Illustration : anguille morte, par Adityamadhav83 - travail personnel, CC BY-SA 4.0. La seule étude française compilée dans le travail de Eljarrata et Barceló concernait les anguilles de l'estuaire de la Loire. Les concentrations de PBDE (0,1–18,1 ng/g/ww) étaient largement supérieures aux normes européennes (Couderc et al 2015).
28/02/2018
26/02/2018
La continuité de la rivière, un enjeu allant bien au-delà de l'écologie (Drouineau et al 2018)
Dans un article venant de paraître dans la revue Environmental Management, dix chercheurs proposent une réflexion sur la restauration de continuité de la rivière en lien aux poissons diadromes (ayant une partie de leur cycle de vie en mer et une autre dans l'eau douce). Après avoir observé que ces politiques sont anciennes, qu'elles obtiennent des résultats mitigés et que l'option récente d'effacement d'ouvrages en préférence aux aménagements ouvre de nouveaux enjeux sociaux, les auteurs proposent diverses pistes d'amélioration. Ils soulignent notamment que la continuité de la rivière est une question sociale et économique autant qu'écologique. Nous montrons ici que leurs critiques rejoignent nos constats de carence dans la préparation et la mise en oeuvre de la réforme de continuité en France. Mais nous émettons également diverses réserves sur la mise en oeuvre des préconisations proposées, en particulier sur la rigueur nécessaire pour l'approche objective des services rendus par les écosystèmes et de la valeur intrinsèque des acteurs non humains de la rivière, qu'il s'agisse des espèces vivantes (ne se limitant pas aux poissons diadromes), des patrimoines bâtis ou des paysages vécus. Le décideur doit écouter la société en amont de ses décisions, pas rationaliser des préjugés pour mieux les imposer.
Hilaire Drouineau et neuf collègues (Irstea, EDF−R&D en France, EIFER en Allemagne) proposent une réflexion sur la mise en oeuvre de la continuité écologique. Ils observent : "La fragmentation des écosystèmes constitue une menace sérieuse pour la biodiversité et l'un des principaux défis en restauration des écosystèmes. La restauration de la continuité des rivières (RCR) a souvent ciblé les poissons diadromes, un groupe d'espèces qui soutient de fortes valeurs culturelles et économiques et qui est particulièrement sensible à la fragmentation des rivières. Pourtant, elle a souvent produit des résultats mitigés et les poissons diadromes restent à des niveaux d'abondance très bas."
Après avoir rappelé que les poissons migrateurs diadromes (environ 250 espèces dans le monde, une dizaine en France) font l'objet de diverses valorisations, les auteurs soulignent que les politiques de reconstitution de leurs stocks n'ont pas toujours été marquées par le succès :
"Malgré des efforts à long terme pour restaurer les poissons diadromes (les premières lois ont été adoptées dans les années 1700 pour le saumon: Brown et al 2013), ces programmes de restauration ont également connu un succès mitigé (Lichatowich et Lichatowich 2001 Lichatowich and Williams 2009). Un exemple célèbre est l'échec du programme de rétablissement du saumon du Pacifique dans le fleuve Columbia, que l'on a qualifié de plus grande tentative de restauration des écosystèmes au monde, mais qui a échoué (Lichatowich et Williams 2009). La réglementation des activités de pêche, la construction de passes à poissons et le repeuplement sont parmi les principales mesures mises en œuvre pour conserver et restaurer les poissons diadromes. En ce qui concerne plus spécifiquement la RCR pour les poissons diadromes, la construction de passes à poissons pour atténuer l'impact des obstacles à la migration est la mesure d'atténuation la plus courante."
Les chercheurs observent que l'efficacité limitée des passes (ou leur impossibilité dans certains cas) a conduit à l'émergence de la suppression des obstacles comme solution alternative, ce qui a engagé des enjeux sociaux et économiques beaucoup plus larges:
"Les passes à poissons peuvent être considérées comme des demi-mesures (Brown et al 2013), c'est-à-dire des mesures qui ne préviennent pas le problème, mais atténuent les symptômes et ont une efficience limitée (Noonan et al 2012). L'élimination des obstacles semble être beaucoup plus efficace écologiquement (Garcia De Leaniz 2008, Hitt et al 2012) et est de plus en plus perçue comme un outil essentiel dans la restauration des rivières en général, et des poissons migrateurs en particulier (Doyle et al 2013, Magilligan et al 2017). Cependant, elle soulève beaucoup plus de questions socio-économiques que des demi-mesures (Jørgensen et Renöfält 2013, Magilligan et al 2017) en raison de la perte potentielle des avantages récréatifs ou des valeurs culturelles, esthétiques et historiques fournies par l'obstacle (par exemple patrimoine des moulins, réservoirs artificiels créés par les barrages et utilisés pour la pêche, la voile, le canoë)".
Ces demi-échecs de la restauration des populations de poissons diadromes et ces enjeux désormais élargis soulèvent donc plusieurs défis. Hilaire Drouineau et ses coauteurs en discernent trois pour l'approche écologique de la question:
Outre une certaine confusion et perte d'efficience dans ces dispositifs superposés, les chercheurs soulignent que la restauration de continuité entre en conflit normatif avec d'autres orientations publiques, y compris parfois dans le domaine de l'écologie. Il est ainsi observé :
"Toutes ces réglementations de conservation et de restauration interagissent potentiellement entre elles et, en fonction de la manière dont elles sont interprétées par les acteurs politiques, peuvent provoquer des conflits politiques. Par exemple, certains milieux humides ou lacs créés par la construction d'un barrage sont classés par Natura 2000 en raison de leur intérêt pour les oiseaux ou d'autres animaux ou plantes, bien qu'ils modifient la libre circulation des poissons et des sédiments. Mais cette réglementation peut entrer en conflit avec d'autres, comme sur l'utilisation de l'eau. Par exemple, à l'échelle européenne, la directive 2009/28/CE encourage l'utilisation des énergies renouvelables, y compris l'hydroélectricité, bien que les installations hydroélectriques soient souvent obstacle à la libre circulation des poissons et source de mortalité pour les espèces migrantes (Blackwell et al 1998b, Muir et al 2006, Larinier 2008, Pedersen et al 2012). La RCR [restauration de continuité écologique] peut également entrer en conflit avec la réglementation sur la propagation des espèces exotiques et des maladies (Rahel 2013, McLaughlin et al 2013, Tullos et al 2016). Rahel (2013) fournit de nombreux exemples intéressants sur la manière dont les gestionnaires ont utilisé la fragmentation pour prévenir la propagation de maladies en Norvège, en République tchèque ou aux États-Unis. En Europe, cette question est particulièrement importante pour l'aquaculture piscicole: la directive européenne 2006/88/CE définit la condition à remplir pour qu'une zone soit considérée comme 'indemne', en accordant des facilités spécifiques pour l'aquaculture. Une telle zone peut être soit un ou plusieurs bassins versants, soit une sous-partie du bassin versant délimitée par 'une barrière naturelle ou artificielle qui empêche la migration vers le haut des animaux aquatiques'. Par conséquent, la restauration de la connectivité et de la migration pourrait remettre en question le statut de zone indemne de maladie accordée aux zones finlandaises, suédoises, irlandaises, danoises ou britanniques (décision de la Commission européenne du 15 avril 2010). Enfin, la RCR peut interférer avec d'autres réglementations d'utilisation de l'eau, en particulier les règles concernant le débit minimum et l'extraction d'eau."
Au-delà de cette complexité normative à prendre en compte, en raisons des multiples biens et services que la rivière procure à la société, la restauration de continuité ne peut pas être seulement une "question écologique", mais doit être aussi traitée comme une "question socio-économique".
Plusieurs pistes sont proposées pour avancer en ce sens, avec une insistance sur la nécessité de croiser les approches de façon interdisciplinaire :
Discussion
Le travail de Hilaire Drouineau et de ses collègues confirme divers diagnostics portés à partir de notre expérience associative. La continuité écologique pratiquée en France à ce jour a été conçue à traits assez grossiers : elle est peu adossée à des modélisations permettant d'avoir une vue d'ensemble de l'enjeu pour chaque espèce diadrome, de prioriser les axes migrateurs et les sites les plus impactants dans les bassins, d'évaluer les coûts et bénéfices attendus, donc au final de juger l'efficience des investissements passés ou d'anticiper celle des investissements futurs.
Le principal outil français de mise en oeuvre de cette continuité (classement 2012-2013 au titre de l'article L 214-17 CE) a remplacé un autre qui était déjà défaillant (L 432-6 CE s'exerçant sur la période 1984-2005) et a été construit à dire d'experts locaux agrégés sur grands bassins hydrographiques, d'où il ressort plusieurs défauts :
Quant à la dimension socio-économique, elle a été initialement réduite à la caricature "ouvrage inutile" versus "ouvrage utile", en totale cécité aux diverses modalités d'attachement des propriétaires et des riverains aux ouvrages et à leurs paysages. Le discours de la destruction des ouvrages a donc soulevé une opposition diffuse (Barraud et Germaine 2017), la France n'étant pas une exception (voir Cox et al 2016, Magilligan 2017). L'expérience a ainsi montré le caractère non consensuel des grilles de lecture de la rivière et la résistance de la société à une politique perçue comme trop autoritaire, trop systématique et finalement trop peu convaincante sur les bénéfices apportés aux citoyens par cette dépense d'argent public. La solution la plus sage serait de repenser substantiellement la manière dont on envisage la défragmentation des rivières, mais cette issue a peu de chance de voir le jour, sauf si la loi sur l'eau de 2006 recevait un ré-examen complet.
La rivière faisant l'objet de divergences voire conflits d'usages et d'images dans la population, le décideur public est en quête de moyens d'objectiver la situation pour faire les choix approchant le mieux d'un intérêt général. L'approche en services rendus par les écosystèmes est un outil dédié à cette fin, comme le rappellent Hilaire Drouineau et ses collègues.
Mais à notre connaissance, depuis son émergence dans les années 2000, on n'a pas vraiment assisté à un affinement consensuel et convergent de cette méthodologie par la communauté savante. Il y a certes pléthore de publications et même une revue spécialisée entièrement dédiée (Ecosystem Services). Mais cette abondance signale la complexité du sujet et l'existence de biais potentiellement nombreux quand il s'agit de bâtir une méthode assez simple et applicable par le gestionnaire. Les biens ou services environnementaux sont souvent de nature immatérielle, non marchande ou non monétaire (leur trouver un équivalent mesurable qui reflète vraiment l'état d'esprit d'une population est peu évident), les conflits d'usages et d'images se transposent immanquablement dans le poids que l'on va donner à certaines dimensions de la rivière ou de ses espèces. Les paramétrisations de tels modèles de services écosystèmiques demandent un travail assez lourd et plurisciplinaire à l'amont, pour bien prendre en compte l'ensemble des attentes sociales que l'on prétend mesurer sur une échelle commune (ou pour analyser l'effet réel de bénéfices physiques supposés comme l'épuration, la limitation de crue). Le non respect de cette rigueur ferait perdre à l'outil sa fonction d'arbitrage par évaluation objective, risquerait de conduire à des investissements non optimaux et reconduirait la défiance vis-à-vis d'un gestionnaire produisant des outils ad hoc pour rationaliser des choix opérés a priori, et non pour observer les attentes sociales sans préjugé.
Donc pourquoi pas une évaluation en services rendus par les écosystèmes, mais il faut y mettre des moyens, confier cela à la recherche, garantir une participation élargie dans la validation des outils, trouver la bonne échelle spatiale d'estimation comme de décision. Et de ce point de vue, le travail de Drouineau et al soulève déjà des questions. Par exemple, dans la restauration de continuité écologique, le poisson diadrome et l'ouvrage hydraulique sont l'un comme l'autre des "acteurs non humains" de la rivière (Dufour et al 2017) et il n'y a aucun raison scientifique de pré-orienter l'analyse sur les services que rendrait l'un, et pas l'autre. Parler de l'ouvrage comme un "obstacle" est déjà un biais d'orientation. Pareillement, sous l'angle de la valeur intrinsèque du vivant, le poisson diadrome est l'individu d'une espèce au même titre que tous les individus de toutes les espèces de la rivière, y compris celles qui profitent à divers titres des aménagements anthropisés ou de leurs annexes. Quelle valeur donnera-t-on aux tritons, libellules, aigrettes, saules ou potamots qui profitent d'un bief représentant une nuisance pour des saumons ou des aloses? Et déjà, comment garantira-t-on la prise en compte de cette diversité avant d'intervenir?
Référence : Drouineau H et al (2018), River continuity restoration and diadromous fishes: much more than an ecological issue, Environmental Management, DOI: 10.1007/s00267-017-0992-3
Illustration : en haut, seuils joints en tuf calcaire d'une rivière jurassienne, des discontinuités naturelles.
A lire sur le même thème
Développer des grilles de priorisation écologique des ouvrages hydrauliques (Grantham et al 2014)
L'écologie de la restauration et l'oubli du social (Martin 2017)
"La science est politique : effacer des barrages pour quoi? Qui parle?" (Dufour et al 2017)
Hilaire Drouineau et neuf collègues (Irstea, EDF−R&D en France, EIFER en Allemagne) proposent une réflexion sur la mise en oeuvre de la continuité écologique. Ils observent : "La fragmentation des écosystèmes constitue une menace sérieuse pour la biodiversité et l'un des principaux défis en restauration des écosystèmes. La restauration de la continuité des rivières (RCR) a souvent ciblé les poissons diadromes, un groupe d'espèces qui soutient de fortes valeurs culturelles et économiques et qui est particulièrement sensible à la fragmentation des rivières. Pourtant, elle a souvent produit des résultats mitigés et les poissons diadromes restent à des niveaux d'abondance très bas."
Après avoir rappelé que les poissons migrateurs diadromes (environ 250 espèces dans le monde, une dizaine en France) font l'objet de diverses valorisations, les auteurs soulignent que les politiques de reconstitution de leurs stocks n'ont pas toujours été marquées par le succès :
"Malgré des efforts à long terme pour restaurer les poissons diadromes (les premières lois ont été adoptées dans les années 1700 pour le saumon: Brown et al 2013), ces programmes de restauration ont également connu un succès mitigé (Lichatowich et Lichatowich 2001 Lichatowich and Williams 2009). Un exemple célèbre est l'échec du programme de rétablissement du saumon du Pacifique dans le fleuve Columbia, que l'on a qualifié de plus grande tentative de restauration des écosystèmes au monde, mais qui a échoué (Lichatowich et Williams 2009). La réglementation des activités de pêche, la construction de passes à poissons et le repeuplement sont parmi les principales mesures mises en œuvre pour conserver et restaurer les poissons diadromes. En ce qui concerne plus spécifiquement la RCR pour les poissons diadromes, la construction de passes à poissons pour atténuer l'impact des obstacles à la migration est la mesure d'atténuation la plus courante."
Les chercheurs observent que l'efficacité limitée des passes (ou leur impossibilité dans certains cas) a conduit à l'émergence de la suppression des obstacles comme solution alternative, ce qui a engagé des enjeux sociaux et économiques beaucoup plus larges:
"Les passes à poissons peuvent être considérées comme des demi-mesures (Brown et al 2013), c'est-à-dire des mesures qui ne préviennent pas le problème, mais atténuent les symptômes et ont une efficience limitée (Noonan et al 2012). L'élimination des obstacles semble être beaucoup plus efficace écologiquement (Garcia De Leaniz 2008, Hitt et al 2012) et est de plus en plus perçue comme un outil essentiel dans la restauration des rivières en général, et des poissons migrateurs en particulier (Doyle et al 2013, Magilligan et al 2017). Cependant, elle soulève beaucoup plus de questions socio-économiques que des demi-mesures (Jørgensen et Renöfält 2013, Magilligan et al 2017) en raison de la perte potentielle des avantages récréatifs ou des valeurs culturelles, esthétiques et historiques fournies par l'obstacle (par exemple patrimoine des moulins, réservoirs artificiels créés par les barrages et utilisés pour la pêche, la voile, le canoë)".
Ces demi-échecs de la restauration des populations de poissons diadromes et ces enjeux désormais élargis soulèvent donc plusieurs défis. Hilaire Drouineau et ses coauteurs en discernent trois pour l'approche écologique de la question:
- le premier défi consiste à changer d'échelle, avec une approche de la continuité passant de l'examen des sites à l'approche par populations (incluant une phase océanique, rappelons-le) et par bassins versants;
- le deuxième défi est d'élargir des impacts directs aujourd'hui analysés (mortabilité en turbines hydroélectrique, blocage à la montaison) vers les impacts indirects (surpêche, stress, pression sélective, isolement génétique, coût énergétique);
- le troisième défi est de mettre au point des outils d'aide à la décision, sachant qu'"il existe un besoin évident d'un modèle mécanistique tenant compte des mouvements des poissons et de la dynamique des populations, de la structure dendritique des réseaux fluviaux fragmentés, et l'impact direct et indirect des obstacles pour (i) évaluer l'impact des obstacles à l'échelle des obstacles et à l'échelle de la population et (ii) prédire l'effet des actions de restauration."
Outre une certaine confusion et perte d'efficience dans ces dispositifs superposés, les chercheurs soulignent que la restauration de continuité entre en conflit normatif avec d'autres orientations publiques, y compris parfois dans le domaine de l'écologie. Il est ainsi observé :
"Toutes ces réglementations de conservation et de restauration interagissent potentiellement entre elles et, en fonction de la manière dont elles sont interprétées par les acteurs politiques, peuvent provoquer des conflits politiques. Par exemple, certains milieux humides ou lacs créés par la construction d'un barrage sont classés par Natura 2000 en raison de leur intérêt pour les oiseaux ou d'autres animaux ou plantes, bien qu'ils modifient la libre circulation des poissons et des sédiments. Mais cette réglementation peut entrer en conflit avec d'autres, comme sur l'utilisation de l'eau. Par exemple, à l'échelle européenne, la directive 2009/28/CE encourage l'utilisation des énergies renouvelables, y compris l'hydroélectricité, bien que les installations hydroélectriques soient souvent obstacle à la libre circulation des poissons et source de mortalité pour les espèces migrantes (Blackwell et al 1998b, Muir et al 2006, Larinier 2008, Pedersen et al 2012). La RCR [restauration de continuité écologique] peut également entrer en conflit avec la réglementation sur la propagation des espèces exotiques et des maladies (Rahel 2013, McLaughlin et al 2013, Tullos et al 2016). Rahel (2013) fournit de nombreux exemples intéressants sur la manière dont les gestionnaires ont utilisé la fragmentation pour prévenir la propagation de maladies en Norvège, en République tchèque ou aux États-Unis. En Europe, cette question est particulièrement importante pour l'aquaculture piscicole: la directive européenne 2006/88/CE définit la condition à remplir pour qu'une zone soit considérée comme 'indemne', en accordant des facilités spécifiques pour l'aquaculture. Une telle zone peut être soit un ou plusieurs bassins versants, soit une sous-partie du bassin versant délimitée par 'une barrière naturelle ou artificielle qui empêche la migration vers le haut des animaux aquatiques'. Par conséquent, la restauration de la connectivité et de la migration pourrait remettre en question le statut de zone indemne de maladie accordée aux zones finlandaises, suédoises, irlandaises, danoises ou britanniques (décision de la Commission européenne du 15 avril 2010). Enfin, la RCR peut interférer avec d'autres réglementations d'utilisation de l'eau, en particulier les règles concernant le débit minimum et l'extraction d'eau."
Au-delà de cette complexité normative à prendre en compte, en raisons des multiples biens et services que la rivière procure à la société, la restauration de continuité ne peut pas être seulement une "question écologique", mais doit être aussi traitée comme une "question socio-économique".
Le contexte de la restauration de continuité, dont la prise en compte suppose une analyse élargie (in Drouineau et al 2018, art cit, droit de courte citation).
- évaluer les biens et services écosystémiques associés aux poissons diadromes (valeur économique, culturelle, récréative)
- comprendre la construction sociale de la restauration de continuité écologique, notamment le jeu croisé des multiples acteurs (favorables ou défavorables) dans la mise en oeuvre des réglementations puis dans leur application à diverses échelles spatiales (de l'Europe au bassin versant).
Discussion
Le travail de Hilaire Drouineau et de ses collègues confirme divers diagnostics portés à partir de notre expérience associative. La continuité écologique pratiquée en France à ce jour a été conçue à traits assez grossiers : elle est peu adossée à des modélisations permettant d'avoir une vue d'ensemble de l'enjeu pour chaque espèce diadrome, de prioriser les axes migrateurs et les sites les plus impactants dans les bassins, d'évaluer les coûts et bénéfices attendus, donc au final de juger l'efficience des investissements passés ou d'anticiper celle des investissements futurs.
Le principal outil français de mise en oeuvre de cette continuité (classement 2012-2013 au titre de l'article L 214-17 CE) a remplacé un autre qui était déjà défaillant (L 432-6 CE s'exerçant sur la période 1984-2005) et a été construit à dire d'experts locaux agrégés sur grands bassins hydrographiques, d'où il ressort plusieurs défauts :
- modèles déterministes habitats-potentiels assez simplistes car ne prenant pas en compte toutes les pressions et la dynamique des populations concernées ;
- disproportion de l'effort programmé (20000 ouvrages) à l'investissement public et au délai réglementaire ;
- anomalies dans l'intensité spatiale du classement (certaines zones très couvertes, d'autres très peu, pas toujours en proportion d'un enjeu migrateur, beaucoup de grands barrages épargnés rendant illisible l'effort sur des ouvrages modestes);
- confusion des espèces amphihalines et des espèces holobiotiques qui n'ont pas les mêmes enjeux de migration ni les mêmes menaces d'extinction;
- superposition de motivations "fonctionnalistes" sur la restauration de capacité migratoire et de motivations "conservationnistes" sur la renaturation ou le changement d'habitats locaux, alors que ce ne sont pas les mêmes justifications normatives (légales, réglementaires) ni préconisations techniques qui permettraient d'asseoir ces prétentions ;
- centrage halieutique n'ayant pas pris en compte les conflits de normes et parfois d'enjeux de biodiversité dont parlent Hilaire Drouineau et ses collègues.
Quant à la dimension socio-économique, elle a été initialement réduite à la caricature "ouvrage inutile" versus "ouvrage utile", en totale cécité aux diverses modalités d'attachement des propriétaires et des riverains aux ouvrages et à leurs paysages. Le discours de la destruction des ouvrages a donc soulevé une opposition diffuse (Barraud et Germaine 2017), la France n'étant pas une exception (voir Cox et al 2016, Magilligan 2017). L'expérience a ainsi montré le caractère non consensuel des grilles de lecture de la rivière et la résistance de la société à une politique perçue comme trop autoritaire, trop systématique et finalement trop peu convaincante sur les bénéfices apportés aux citoyens par cette dépense d'argent public. La solution la plus sage serait de repenser substantiellement la manière dont on envisage la défragmentation des rivières, mais cette issue a peu de chance de voir le jour, sauf si la loi sur l'eau de 2006 recevait un ré-examen complet.
La rivière faisant l'objet de divergences voire conflits d'usages et d'images dans la population, le décideur public est en quête de moyens d'objectiver la situation pour faire les choix approchant le mieux d'un intérêt général. L'approche en services rendus par les écosystèmes est un outil dédié à cette fin, comme le rappellent Hilaire Drouineau et ses collègues.
Mais à notre connaissance, depuis son émergence dans les années 2000, on n'a pas vraiment assisté à un affinement consensuel et convergent de cette méthodologie par la communauté savante. Il y a certes pléthore de publications et même une revue spécialisée entièrement dédiée (Ecosystem Services). Mais cette abondance signale la complexité du sujet et l'existence de biais potentiellement nombreux quand il s'agit de bâtir une méthode assez simple et applicable par le gestionnaire. Les biens ou services environnementaux sont souvent de nature immatérielle, non marchande ou non monétaire (leur trouver un équivalent mesurable qui reflète vraiment l'état d'esprit d'une population est peu évident), les conflits d'usages et d'images se transposent immanquablement dans le poids que l'on va donner à certaines dimensions de la rivière ou de ses espèces. Les paramétrisations de tels modèles de services écosystèmiques demandent un travail assez lourd et plurisciplinaire à l'amont, pour bien prendre en compte l'ensemble des attentes sociales que l'on prétend mesurer sur une échelle commune (ou pour analyser l'effet réel de bénéfices physiques supposés comme l'épuration, la limitation de crue). Le non respect de cette rigueur ferait perdre à l'outil sa fonction d'arbitrage par évaluation objective, risquerait de conduire à des investissements non optimaux et reconduirait la défiance vis-à-vis d'un gestionnaire produisant des outils ad hoc pour rationaliser des choix opérés a priori, et non pour observer les attentes sociales sans préjugé.
Donc pourquoi pas une évaluation en services rendus par les écosystèmes, mais il faut y mettre des moyens, confier cela à la recherche, garantir une participation élargie dans la validation des outils, trouver la bonne échelle spatiale d'estimation comme de décision. Et de ce point de vue, le travail de Drouineau et al soulève déjà des questions. Par exemple, dans la restauration de continuité écologique, le poisson diadrome et l'ouvrage hydraulique sont l'un comme l'autre des "acteurs non humains" de la rivière (Dufour et al 2017) et il n'y a aucun raison scientifique de pré-orienter l'analyse sur les services que rendrait l'un, et pas l'autre. Parler de l'ouvrage comme un "obstacle" est déjà un biais d'orientation. Pareillement, sous l'angle de la valeur intrinsèque du vivant, le poisson diadrome est l'individu d'une espèce au même titre que tous les individus de toutes les espèces de la rivière, y compris celles qui profitent à divers titres des aménagements anthropisés ou de leurs annexes. Quelle valeur donnera-t-on aux tritons, libellules, aigrettes, saules ou potamots qui profitent d'un bief représentant une nuisance pour des saumons ou des aloses? Et déjà, comment garantira-t-on la prise en compte de cette diversité avant d'intervenir?
Référence : Drouineau H et al (2018), River continuity restoration and diadromous fishes: much more than an ecological issue, Environmental Management, DOI: 10.1007/s00267-017-0992-3
Illustration : en haut, seuils joints en tuf calcaire d'une rivière jurassienne, des discontinuités naturelles.
A lire sur le même thème
Développer des grilles de priorisation écologique des ouvrages hydrauliques (Grantham et al 2014)
L'écologie de la restauration et l'oubli du social (Martin 2017)
"La science est politique : effacer des barrages pour quoi? Qui parle?" (Dufour et al 2017)
24/02/2018
L'Agence de l'eau Seine-Normandie auto-satisfaite du bilan de la continuité écologique (pas nous)
L'Agence de l'eau Seine-Normandie a demandé à trois bureaux d'études de faire un diagnostic "indépendant" de la mise en oeuvre de la continuité écologique. Problème : ce diagnostic énonce des choses attendues (il y a davantage de migrateurs quand il y a moins d'obstacles) mais n'examine aucune des questions qui fâchent. Au point que dans une enquête à questionnaire sur deux ouvrages effacés, on ne demande même pas au public s'il préfère le site avant ou après! Analyse critique.
Dans le n°66 du magazine Confluence, l'Agence de l'eau Seine-Normandie revient sur le bilan de la continuité écologique. Elle en dresse un bilan tout à fait satisfait. Ce qui certifie au moins une chose : les bureaucraties publiques de l'eau sont toujours aussi sourdes aux critiques.
L'AESN a procédé à un diagnostic : "Pour évaluer sa pertinence mais aussi les meilleurs moyens de la mettre en œuvre, l'agence de l'eau a chargé un groupement de trois bureaux d'études indépendants d'évaluer cette politique en scrutant à la loupe les actions menées ces dernières années."
Nous n'allons pas nous étendre ici en détail sur le caractère "indépendant" de l'évaluation alors que le diagnostic biologique et morphologique a été manifestement rédigé par un ancien fonctionnaire de l'Onema qui travaille depuis peu dans le privé. Certes, tout cela est formellement indépendant de l'Agence. Ces pratiques ne sortent cependant pas du sérail ni des biais connus de l'Office. Elles aboutissent à des méthodes et visions assez différentes de celles d'universitaires — eux réellement indépendants des politiques publiques mises en oeuvre depuis 2006 — qui ont étudié les restaurations de certaines des rivières citées dans le rapport (voir l'exemple de la Touques analysé chez Germaine 2011, Lespez et al 2016 ; voir le livre de Barraud et Germaine 2017 du bilan Reppaval sur le démantèlement de barrages dans l'Ouest de la France, à la tonalité beaucoup plus critique).
Ne pas poser les questions, un bon moyen de ne pas chercher les réponses
Au plan écologique, si l'on doit résumer à leur plus simple expression les résultats majeurs de ce travail d'évaluation par les bureaux d'études, cela donnerait :
En revanche, voici diverses questions auxquelles l'étude ne répond pas :
Au plan de la méthode, l'étude produit diverses informations factuelles intéressantes sur les bassins de Seine et côtiers normands, mais elle n'apporte cependant aucun résultat scientifique proprement dit : des exemples sont choisis sans tirage aléatoire et avec des échantillons faibles, aucun travail statistique (avec incertitude, marge d'erreur, tests de puissance, etc.) n'est réalisé, aucune hypothèse n'est formulée avec ses conditions de vérification et test de réfutation.
Voici quelques observations de détail sur le rapport.
Des passes qui fonctionnent, après tout. Les focus sur les trois fleuves normands (Vire, Orne, Touques, pp. 72 et suivantes) montrent que les effectifs de migrateurs augmentent même avec des choix de passes à poissons (dont des passes réputées non fonctionnelles). Cela contredit le discours selon lequel les successions de PAP nuiraient à l'obtention de résultats en terme de recolonisation des migrateurs (voir cette idée reçue). Les indices d'abondance de la Sienne (jugé satisfaisants, p. 69) vont dans le même sens puisque ce fleuve côtier a reçu 18 passes à poissons, anciennes de surcroît, pour 2 effacements seulement. Casser n'est donc pas une fatalité. Ces résultats sont contradictoires avec la dépréciation des passes par le rapport, voir plus bas.
Bonne densité de truites de mer... sans effort. Le cas de la Bresles (p. 97, ci-dessus, truites de mer, erreur dans la légende d'ordonnée "saumons"), ayant connu peu d'aménagement de continuité écologique et de restauration morphologique, montre que cette rivière comptabilise bon nombre de migrateurs (la Bresles a plus de truites de mer que la Vire ou l'Orne), même s'il n'y a pas de tendance à la hausse de ces migrateurs. Idem pour la Sée, dont les densités de juvéniles de saumon sont jugées satisfaisantes (p. 69) alors que la rivière a connu peu d'aménagements. Ce qui pose diverses questions: vise-t-on la présence de certaines espèces ou veut-on à tout prix en augmenter la densité à son maximum ? Et dans la seconde hypothèse pourquoi et pour qui au juste ? Pourquoi ne pas comparer davantage de rivières aménagées / non aménagées pour mieux mesurer les bénéfices réels ?
En milieu et tête de bassin, des résultats triviaux. Les 8 zooms territoriaux sur les holobiotiques en dehors de l'arc normand (pp. 99 et suivantes) sont centrés sur les arasements seuls. Le tableau de synthèse n°32 (p. 106, ci-dessus) montre qu'on ne peut guère tirer de conclusion sur cet échantillon modeste, le signal le plus clair mais aussi le plus trivial étant que des espèces rhéophiles et lithophiles augmentent localement quand on supprime un habitat lentique (plan d'eau). Ce qui va de soi. Le tableau détaillé n°33 montre que la richesse spécifique (diversité des espèces de poissons) baisse aussi souvent qu'elle monte. Certains hydro-écologues visent une "typologie idéale" de chaque station de la rivière renaturée, mais on peut aussi bien considérer que la diversité d'espèces reste le marqueur le plus simple (et le plus parlant pour le public) de la biodiversité. Quant à cette biodiversité en dehors des poissons (soit 98% du vivant aquatique), elle est totalement ignorée et non mesurée, alors que les petits plans d'eau sont réputés des zones assez riches. L'intérêt réel de la continuité en tête de bassin n'est pas démontrée : la truite n'a pas besoin impératif de longues migrations dans son cycle de vie (contrairement aux amphihalins) et n'est pas une espèce menacée ; le chabot ou la lamproie de Planer ne sont pas des migrateurs.
Dans le Morvan, un zoom qui reste flou. Le zoom sur le Morvan (pp. 118 et suivantes) est flou sur la nature exacte des travaux engagés et sur la méthodologie de la comparaison 2005-2012. Au vu de la variabilité interannuelle des truites (pouvant atteindre un facteur 10 voire davantage sur le même site échantillonné, voir ces mesures sur le Cousin), on ne sait pas si la tendance est prise sur 2 années témoin, sur des séquences de plusieurs années avant/après moyennées, etc. Par ailleurs, il semble que l'action concerne la petite continuité (buses, etc.) en ruisseau pépinière, ce qui aurait pu donner un comparatif intéressant sur le coût-bénéfice par rapport aux travaux lourds sur des moulins et étangs du cours principal.
Choix ad hoc sur le Serein. L'analyse du Serein (p. 115) arrive comme un choix ad hoc avec 2 stations sur 12 extraites d'une étude de Baran et al 2007. On aurait pu aussi prendre l'étude de Bouchard 2009 sur la retenue du barrage de Semur-en-Auxois (rivière Armançon), qui montrait des biomasses et une biodiversité (lentique) notables dans la retenue. Ce type de comparaison habitat de retenue / habitat de zone amont-aval des retenues n'a de sens que moyenné sur un certain nombre de stations et d'années (avec également des mesures d'étiage pour voir comment se répartissent les poissons en stress hydrique). Les auteurs ont tout à fait raison de souligner que les stations de référence du réseau de surveillance sont généralement prises en dehors d'habitats artificialisés. Mais ils restent scotchés à leur volonté de "renaturer" la morphologie de la totalité du lit de la rivière, alors qu'en tête de bassin versant à pente soutenue, la majorité de ce linéaire est non étagée et non ennoyée par les ouvrages. Donc le vivant dispose déjà de zones à écoulement non contraint. Tant que cet intégrisme de la renaturation (refus des zones lentiques ou artificialisées partout) inspirera la doctrine, elle sera rejetée pour ses excès, ses coûts, son indifférence aux autres enjeux des vallées et attentes des citoyens.
Passes à poissons mal conçues. Le tableau 39 (p. 95) montre que 21% des 221 passes à poissons analysées du bassin sont jugées non fonctionnelles. Pour ces passes non fonctionnelles, le génie civil a été mal dimensionné dans 25% des cas, dégradé dans 12% des cas, l'entretien est défaillant dans 11% des cas et la cible biologique a changé dans 6% des cas. Les problèmes concernent souvent les passes anciennes (conçues avant 2005). Rappelons que ces passes ont été faites sous l'autorité du conseil supérieur de la pêche dans les années 1980 à 2000 : demain, l'AFB demandera-t-elle encore de démolir les dispositifs que l'on vient de payer à grands frais ? Il est vrai que des chercheurs ont récemment montré que les saumons préfèrent passer directement sur le seuil d'un moulin que dans une "passe Larinier" (voir Newton et al 2017), ce qui suggère un peu de recul sur la prétention des sachants à maîtriser le comportement des migrateurs !
2 M€/ an pour les passes à poissons. Le coût public entre 1984 et 2015 des passes à poissons est estimé à 71 M€ (p. 135), soit de l'ordre de 2 M€ par an. On se rappellera que le budget de l'AESN est de l'ordre de 1 milliard € / an aujourd'hui. Cette somme est donc faible rapportée à la dépense totale.
Appel à la casse plutôt qu'à la passe. Les auteurs de l'étude donnent leur avis (p. 135), qui est ô surprise de réserver la dépense publique à l'effacement, sauf exception : "Au vu des moyens à déployer, de la technicité demandée et de la densité des ouvrages, le dimensionnement, la construction puis la surveillance d'un parc important de passes à poissons correspondant aux nombre d'ouvrages classés n'est absolument pas en adéquation avec les moyens actuels de l'ingénierie privée et surtout publique. Ce constat plaide inévitablement pour orienter les investissements vers des actions dont la pérennité sera assurée et dont l'efficacité écologique sera maximale. Les effacements d'ouvrages répondent à ses objectifs. Les dispositifs de franchissement sont donc à réserver aux obstacles à enjeu et pour lesquels aucune autre solution n'est possible". Le mieux est l'ennemi du bien : avec cette doctrine, la continuité avancera difficilement, les conflits se développeront de plus belle si les administrations tentent d'imposer la défragmentation par destruction contrainte. Cet avis est par ailleurs contradictoire avec le retour de migrateurs sur diverses rivières abondamment équipées de passes (Sienne, Touques, etc. voir ci-dessus).
Une enquête de terrain… qui évite la question principale (!). En p. 200, une enquête de terrain est réalisée sur des sites effacés au Fourneau de Condé à Condé-sur-Iton et au barrage d'Aubigny à la Mancellière sur Vire : "Le questionnaire réalisé n'a pas permis d'aller jusqu'à interroger les visiteurs sur leur préférence entre le site avant et après l'effacement." On évite donc la question centrale, celle de la préférence des riverains : incroyable ! A noter tout de même même que la "richesse de la faune et de la flore" ou les "mouvements de l'eau" ne figurent pas parmi les points les moins bien notés dans l'appréciation des sites (cf tableau ci-dessus), ce qui contredit l'idée que la rivière "rentaturée" serait le premier thème recherché par les promeneurs. Pour les pêcheurs de poissons d'eau vive, c'est autre chose... mais le jour où l'on reconnaîtra que la continuité "à la française" a d'abord été portée par et pour ce lobby de la pêche n'est pas encore venu (on y travaille cependant).
Dans le n°66 du magazine Confluence, l'Agence de l'eau Seine-Normandie revient sur le bilan de la continuité écologique. Elle en dresse un bilan tout à fait satisfait. Ce qui certifie au moins une chose : les bureaucraties publiques de l'eau sont toujours aussi sourdes aux critiques.
L'AESN a procédé à un diagnostic : "Pour évaluer sa pertinence mais aussi les meilleurs moyens de la mettre en œuvre, l'agence de l'eau a chargé un groupement de trois bureaux d'études indépendants d'évaluer cette politique en scrutant à la loupe les actions menées ces dernières années."
Nous n'allons pas nous étendre ici en détail sur le caractère "indépendant" de l'évaluation alors que le diagnostic biologique et morphologique a été manifestement rédigé par un ancien fonctionnaire de l'Onema qui travaille depuis peu dans le privé. Certes, tout cela est formellement indépendant de l'Agence. Ces pratiques ne sortent cependant pas du sérail ni des biais connus de l'Office. Elles aboutissent à des méthodes et visions assez différentes de celles d'universitaires — eux réellement indépendants des politiques publiques mises en oeuvre depuis 2006 — qui ont étudié les restaurations de certaines des rivières citées dans le rapport (voir l'exemple de la Touques analysé chez Germaine 2011, Lespez et al 2016 ; voir le livre de Barraud et Germaine 2017 du bilan Reppaval sur le démantèlement de barrages dans l'Ouest de la France, à la tonalité beaucoup plus critique).
Ne pas poser les questions, un bon moyen de ne pas chercher les réponses
Au plan écologique, si l'on doit résumer à leur plus simple expression les résultats majeurs de ce travail d'évaluation par les bureaux d'études, cela donnerait :
- quand on supprime ou aménage des ouvrages barrant une rivière, les poissons migrateurs amphihalins migrent davantage vers l'amont,
- quand on supprime une zone lentique au profit d'une zone lotique en tête de bassin versant, les espèces lentiques disparaissent au profit des espèces lotiques (holobiotiques).
En revanche, voici diverses questions auxquelles l'étude ne répond pas :
- comment se comportent les migrateurs selon la densité, l'emplacement et la hauteur des obstacles du cours d'eau?
- le retour des migrateurs s'obtient-il au détriment d'autres espèces de poissons ?
- la défragmentation favorise-t-elle la diffusion d'espèces invasives ?
- quel est l'effet de la suppression des plans d'eau sur la biomasse et la biodiversité totale (faune-flore-fonge-microbiote) ?
- quel est l'effet de la restauration de continuité en long sur la classe qualité écologique et chimique DCE des masses d'eau?
- combien coûte en moyenne la restauration morphologique complète d'une rivière en vue d'y accueillir les migrateurs?
- quels sont les services rendus aux citoyens par le retour des migrateurs?
- quels sont les services rendus aux citoyens par le retour des rhéophiles?
- serait-il opportun de hiérarchiser l'importance des migrateurs (notamment en fonction de leur statut de vulnérabilité IUCN) dans l'investissement public?
- y a-t-il un consentement à payer dans la population générale pour varier la densité des migrateurs ou des rhéophiles sur un cours d'eau, et à combien s'élève-t-il?
- certains usagers de l'eau (par exemple les pêcheurs) sont-ils davantage favorisés par ces mesures et dépenses publiques de continuité?
- y a-t-il des avis négatifs sur cette politique, selon quels registres et dans quelle proportion parmi des échantillons représentatifs de riverains?
- que rapporterait comme revenus la production des sites hydroélectriques en cas d'équipement plutôt que d'effacement?
- comment objective-t-on la valeur du patrimoine et du paysage des rivières aménagées?
Au plan de la méthode, l'étude produit diverses informations factuelles intéressantes sur les bassins de Seine et côtiers normands, mais elle n'apporte cependant aucun résultat scientifique proprement dit : des exemples sont choisis sans tirage aléatoire et avec des échantillons faibles, aucun travail statistique (avec incertitude, marge d'erreur, tests de puissance, etc.) n'est réalisé, aucune hypothèse n'est formulée avec ses conditions de vérification et test de réfutation.
Voici quelques observations de détail sur le rapport.
Des passes qui fonctionnent, après tout. Les focus sur les trois fleuves normands (Vire, Orne, Touques, pp. 72 et suivantes) montrent que les effectifs de migrateurs augmentent même avec des choix de passes à poissons (dont des passes réputées non fonctionnelles). Cela contredit le discours selon lequel les successions de PAP nuiraient à l'obtention de résultats en terme de recolonisation des migrateurs (voir cette idée reçue). Les indices d'abondance de la Sienne (jugé satisfaisants, p. 69) vont dans le même sens puisque ce fleuve côtier a reçu 18 passes à poissons, anciennes de surcroît, pour 2 effacements seulement. Casser n'est donc pas une fatalité. Ces résultats sont contradictoires avec la dépréciation des passes par le rapport, voir plus bas.
Bonne densité de truites de mer... sans effort. Le cas de la Bresles (p. 97, ci-dessus, truites de mer, erreur dans la légende d'ordonnée "saumons"), ayant connu peu d'aménagement de continuité écologique et de restauration morphologique, montre que cette rivière comptabilise bon nombre de migrateurs (la Bresles a plus de truites de mer que la Vire ou l'Orne), même s'il n'y a pas de tendance à la hausse de ces migrateurs. Idem pour la Sée, dont les densités de juvéniles de saumon sont jugées satisfaisantes (p. 69) alors que la rivière a connu peu d'aménagements. Ce qui pose diverses questions: vise-t-on la présence de certaines espèces ou veut-on à tout prix en augmenter la densité à son maximum ? Et dans la seconde hypothèse pourquoi et pour qui au juste ? Pourquoi ne pas comparer davantage de rivières aménagées / non aménagées pour mieux mesurer les bénéfices réels ?
En milieu et tête de bassin, des résultats triviaux. Les 8 zooms territoriaux sur les holobiotiques en dehors de l'arc normand (pp. 99 et suivantes) sont centrés sur les arasements seuls. Le tableau de synthèse n°32 (p. 106, ci-dessus) montre qu'on ne peut guère tirer de conclusion sur cet échantillon modeste, le signal le plus clair mais aussi le plus trivial étant que des espèces rhéophiles et lithophiles augmentent localement quand on supprime un habitat lentique (plan d'eau). Ce qui va de soi. Le tableau détaillé n°33 montre que la richesse spécifique (diversité des espèces de poissons) baisse aussi souvent qu'elle monte. Certains hydro-écologues visent une "typologie idéale" de chaque station de la rivière renaturée, mais on peut aussi bien considérer que la diversité d'espèces reste le marqueur le plus simple (et le plus parlant pour le public) de la biodiversité. Quant à cette biodiversité en dehors des poissons (soit 98% du vivant aquatique), elle est totalement ignorée et non mesurée, alors que les petits plans d'eau sont réputés des zones assez riches. L'intérêt réel de la continuité en tête de bassin n'est pas démontrée : la truite n'a pas besoin impératif de longues migrations dans son cycle de vie (contrairement aux amphihalins) et n'est pas une espèce menacée ; le chabot ou la lamproie de Planer ne sont pas des migrateurs.
Dans le Morvan, un zoom qui reste flou. Le zoom sur le Morvan (pp. 118 et suivantes) est flou sur la nature exacte des travaux engagés et sur la méthodologie de la comparaison 2005-2012. Au vu de la variabilité interannuelle des truites (pouvant atteindre un facteur 10 voire davantage sur le même site échantillonné, voir ces mesures sur le Cousin), on ne sait pas si la tendance est prise sur 2 années témoin, sur des séquences de plusieurs années avant/après moyennées, etc. Par ailleurs, il semble que l'action concerne la petite continuité (buses, etc.) en ruisseau pépinière, ce qui aurait pu donner un comparatif intéressant sur le coût-bénéfice par rapport aux travaux lourds sur des moulins et étangs du cours principal.
Choix ad hoc sur le Serein. L'analyse du Serein (p. 115) arrive comme un choix ad hoc avec 2 stations sur 12 extraites d'une étude de Baran et al 2007. On aurait pu aussi prendre l'étude de Bouchard 2009 sur la retenue du barrage de Semur-en-Auxois (rivière Armançon), qui montrait des biomasses et une biodiversité (lentique) notables dans la retenue. Ce type de comparaison habitat de retenue / habitat de zone amont-aval des retenues n'a de sens que moyenné sur un certain nombre de stations et d'années (avec également des mesures d'étiage pour voir comment se répartissent les poissons en stress hydrique). Les auteurs ont tout à fait raison de souligner que les stations de référence du réseau de surveillance sont généralement prises en dehors d'habitats artificialisés. Mais ils restent scotchés à leur volonté de "renaturer" la morphologie de la totalité du lit de la rivière, alors qu'en tête de bassin versant à pente soutenue, la majorité de ce linéaire est non étagée et non ennoyée par les ouvrages. Donc le vivant dispose déjà de zones à écoulement non contraint. Tant que cet intégrisme de la renaturation (refus des zones lentiques ou artificialisées partout) inspirera la doctrine, elle sera rejetée pour ses excès, ses coûts, son indifférence aux autres enjeux des vallées et attentes des citoyens.
Passes à poissons mal conçues. Le tableau 39 (p. 95) montre que 21% des 221 passes à poissons analysées du bassin sont jugées non fonctionnelles. Pour ces passes non fonctionnelles, le génie civil a été mal dimensionné dans 25% des cas, dégradé dans 12% des cas, l'entretien est défaillant dans 11% des cas et la cible biologique a changé dans 6% des cas. Les problèmes concernent souvent les passes anciennes (conçues avant 2005). Rappelons que ces passes ont été faites sous l'autorité du conseil supérieur de la pêche dans les années 1980 à 2000 : demain, l'AFB demandera-t-elle encore de démolir les dispositifs que l'on vient de payer à grands frais ? Il est vrai que des chercheurs ont récemment montré que les saumons préfèrent passer directement sur le seuil d'un moulin que dans une "passe Larinier" (voir Newton et al 2017), ce qui suggère un peu de recul sur la prétention des sachants à maîtriser le comportement des migrateurs !
2 M€/ an pour les passes à poissons. Le coût public entre 1984 et 2015 des passes à poissons est estimé à 71 M€ (p. 135), soit de l'ordre de 2 M€ par an. On se rappellera que le budget de l'AESN est de l'ordre de 1 milliard € / an aujourd'hui. Cette somme est donc faible rapportée à la dépense totale.
Appel à la casse plutôt qu'à la passe. Les auteurs de l'étude donnent leur avis (p. 135), qui est ô surprise de réserver la dépense publique à l'effacement, sauf exception : "Au vu des moyens à déployer, de la technicité demandée et de la densité des ouvrages, le dimensionnement, la construction puis la surveillance d'un parc important de passes à poissons correspondant aux nombre d'ouvrages classés n'est absolument pas en adéquation avec les moyens actuels de l'ingénierie privée et surtout publique. Ce constat plaide inévitablement pour orienter les investissements vers des actions dont la pérennité sera assurée et dont l'efficacité écologique sera maximale. Les effacements d'ouvrages répondent à ses objectifs. Les dispositifs de franchissement sont donc à réserver aux obstacles à enjeu et pour lesquels aucune autre solution n'est possible". Le mieux est l'ennemi du bien : avec cette doctrine, la continuité avancera difficilement, les conflits se développeront de plus belle si les administrations tentent d'imposer la défragmentation par destruction contrainte. Cet avis est par ailleurs contradictoire avec le retour de migrateurs sur diverses rivières abondamment équipées de passes (Sienne, Touques, etc. voir ci-dessus).
Une enquête de terrain… qui évite la question principale (!). En p. 200, une enquête de terrain est réalisée sur des sites effacés au Fourneau de Condé à Condé-sur-Iton et au barrage d'Aubigny à la Mancellière sur Vire : "Le questionnaire réalisé n'a pas permis d'aller jusqu'à interroger les visiteurs sur leur préférence entre le site avant et après l'effacement." On évite donc la question centrale, celle de la préférence des riverains : incroyable ! A noter tout de même même que la "richesse de la faune et de la flore" ou les "mouvements de l'eau" ne figurent pas parmi les points les moins bien notés dans l'appréciation des sites (cf tableau ci-dessus), ce qui contredit l'idée que la rivière "rentaturée" serait le premier thème recherché par les promeneurs. Pour les pêcheurs de poissons d'eau vive, c'est autre chose... mais le jour où l'on reconnaîtra que la continuité "à la française" a d'abord été portée par et pour ce lobby de la pêche n'est pas encore venu (on y travaille cependant).
Conclusion
Les désaccords sur la continuité écologique persistent. Nous ne parviendrons manifestement pas à un consensus car ces désaccords s'alimentent à des visions différentes de la rivière et de l'écologie. Il est dommage que l'on produise des simulacres d'objectivation de ces désaccords, en évitant l'examen des critiques que nous posons depuis plusieurs années et surtout en ne recourant pas à une analyse proprement scientifique des données récoltées sur 30 ans de restauration de continuité (depuis la loi de 1984 et les premiers plans migrateurs).
En attendant, l'Agence de l'eau Seine-Normandie (comme plusieurs de ses consoeurs) dépense l'argent public pour favoriser la destruction du patrimoine hydraulique des vallées, leurs paysages, leurs usages et leurs habitats. Nous jugeons pour notre part que ce choix est contraire à l'intérêt général comme à la gestion équilibrée et durable de la ressource tels que les définit la loi française. La continuité est un élément d'appréciation et de fonctionnalité de la rivière, mais elle n'est pas isolée : elle doit s'envisager dans le respect des autres dimensions d'intérêt posées dans la loi, en prenant en considération les autres compartiments du fonctionnement écologique des rivières aménagées de longue date.
En 2019, les Agences procéderont à des révisions des programmes de mesures des SDAGE, et notamment des barèmes de financement. Notre association prépare avec ses consoeurs une requête de changement des arbitrages actuels, dont la dimension conflictuelle, non conforme à la loi et déséquilibrée par rapport aux attentes des riverains est plus que manifeste. Nous mettrons donc les élus du comité de bassin comme les représentants de l'Etat au sein des agences devant leur responsabilité.
Lien pour télécharger l'étude. Tous les tableaux et graphiques sont des citations de ce travail, droits réservés.
Illustration en haut : truite de mer (Salmo trutta trutta) franchissant un obstacle, Rupert Fleetingly [CC BY-SA 2.0], via Wikimedia Commons. Cette espèce est relativement abondante sur toutes les côtes européennes du Maroc à la Scandinavie. Elle n'est pas considérée comme vulnérable par l'IUCN. La question se pose de la légitimité des investissements publics visant à optimiser une rivière pour cette espèce (comme cela fut fait sur la Touques) alors que seul un public de pêcheurs spécialisés tire un réel service des variations locales de densité du poisson. Depuis quelques années, les sciences humaines et sociales ont développé une approche critique des restaurations de rivière sous l'angle de l'analyse des réseaux d'acteurs, de leurs discours, de leurs stratégies. Les agences de l'eau gagneraient à s'inspirer aussi de ces démarches quand elles évaluent les pertinences de leurs investissements.
En attendant, l'Agence de l'eau Seine-Normandie (comme plusieurs de ses consoeurs) dépense l'argent public pour favoriser la destruction du patrimoine hydraulique des vallées, leurs paysages, leurs usages et leurs habitats. Nous jugeons pour notre part que ce choix est contraire à l'intérêt général comme à la gestion équilibrée et durable de la ressource tels que les définit la loi française. La continuité est un élément d'appréciation et de fonctionnalité de la rivière, mais elle n'est pas isolée : elle doit s'envisager dans le respect des autres dimensions d'intérêt posées dans la loi, en prenant en considération les autres compartiments du fonctionnement écologique des rivières aménagées de longue date.
En 2019, les Agences procéderont à des révisions des programmes de mesures des SDAGE, et notamment des barèmes de financement. Notre association prépare avec ses consoeurs une requête de changement des arbitrages actuels, dont la dimension conflictuelle, non conforme à la loi et déséquilibrée par rapport aux attentes des riverains est plus que manifeste. Nous mettrons donc les élus du comité de bassin comme les représentants de l'Etat au sein des agences devant leur responsabilité.
Lien pour télécharger l'étude. Tous les tableaux et graphiques sont des citations de ce travail, droits réservés.
Illustration en haut : truite de mer (Salmo trutta trutta) franchissant un obstacle, Rupert Fleetingly [CC BY-SA 2.0], via Wikimedia Commons. Cette espèce est relativement abondante sur toutes les côtes européennes du Maroc à la Scandinavie. Elle n'est pas considérée comme vulnérable par l'IUCN. La question se pose de la légitimité des investissements publics visant à optimiser une rivière pour cette espèce (comme cela fut fait sur la Touques) alors que seul un public de pêcheurs spécialisés tire un réel service des variations locales de densité du poisson. Depuis quelques années, les sciences humaines et sociales ont développé une approche critique des restaurations de rivière sous l'angle de l'analyse des réseaux d'acteurs, de leurs discours, de leurs stratégies. Les agences de l'eau gagneraient à s'inspirer aussi de ces démarches quand elles évaluent les pertinences de leurs investissements.
23/02/2018
Le Conseil d'Etat reconnaît un droit étendu d'accès aux informations environnementales détenues par l'administration
L'Office national des forêts avait refusé de communiquer à la FRAPNA des courriers et courriels relatifs aux compensations de destruction de zones humides pour le projet de Center Parcs de Roybon. Le Conseil d'Etat vient de donner tort à l'ONF. Une association ou un citoyen dispose donc d'un droit d'accès étendu aux informations environnementales détenues par l'administration comme par toute personne physique ou morale fournissant des services publics en lien à l'environnement. Les riverains gagnent à exercer ce droit pour s'informer de tous les projets mettant en péril des plans d'eau et paysages auxquels ils sont attachés, mais dont ils sont si souvent exclus des comités de pilotage.
Dans son arrêt n° 410678 du 21 février 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux vient de produire une nouvelle avancée pour le droit d'accès des riverains et de leurs associations aux informations relatives à l'environnement.
Dans le cadre du projet dit Center Parcs à Roybon (Isère), l’association Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) avait demandé à l’Office national des forêts une communication de l’ensemble des documents et correspondances, courriers et courriels entre l'établissement public et le porteur de projet, à propos des mesures de compensation de destruction de zones humides.
Le directeur territorial Rhône-Alpes de l’ONF avait refusé, mais par jugement n°1601929 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision pour excès de pouvoir.
L'ONF s'est alors pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat demandant de surseoir et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Ce recours était fondé sur une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le Conseil d'Etat relève que ce moyen est sans objet "en l’absence de mise en cause d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France", et le rejette.
Les hauts magistrats rappellent ensuite le droit européen en matière d'obligation de transmettre les informations relatives à l'environnement :
L’article L. 124-3 du code de l’environnement transfère en droit français cette obligation.
Il en résulte que l'ONF, établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’Etat, n'était pas fondé à refuser la communication des pièces détenues, "y compris celles résultant de ses activités commerciales". Et y compris également les correspondances papiers ou électroniques relatives à des projets (ici de compensation).
Nous rappelons à nos lecteurs riverains ou membres d'associations confrontés à des projets problématiques de destruction d'ouvrages hydrauliques, de plans d'eau, de canaux, de zones humides qu'ils disposent de ce droit d'accès vis-à-vis des administrations de l'Etat (Dreal, DDT-M), des établissement publics (AFB, Agence de l'eau), mais aussi des collectivités, des EPCI type EPTB ou EPAGE (syndicats, parcs), des associations à agrément public (notamment fédérations et associations de pêche), des délégataires industriels de service public, etc. (voir ce lien).
A lire sur le même thème
Accès à l'information environnementale: un droit pour les citoyens et les associations
Dans son arrêt n° 410678 du 21 février 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux vient de produire une nouvelle avancée pour le droit d'accès des riverains et de leurs associations aux informations relatives à l'environnement.
Dans le cadre du projet dit Center Parcs à Roybon (Isère), l’association Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA) avait demandé à l’Office national des forêts une communication de l’ensemble des documents et correspondances, courriers et courriels entre l'établissement public et le porteur de projet, à propos des mesures de compensation de destruction de zones humides.
Le directeur territorial Rhône-Alpes de l’ONF avait refusé, mais par jugement n°1601929 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision pour excès de pouvoir.
L'ONF s'est alors pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat demandant de surseoir et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Ce recours était fondé sur une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le Conseil d'Etat relève que ce moyen est sans objet "en l’absence de mise en cause d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France", et le rejette.
Les hauts magistrats rappellent ensuite le droit européen en matière d'obligation de transmettre les informations relatives à l'environnement :
"l’article 3 de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement relatif à l’accès sur demande aux informations environnementales : « 1. Les États membres veillent à ce que les autorités publiques soient tenues, conformément à la présente directive, de mettre à la disposition de tout demandeur, et sans que celui-ci soit obligé de faire valoir un intérêt, les informations environnementales qu'elles détiennent ou qui sont détenues pour leur compte (...) ». L’article 2 précise qu’aux fins de cette directive, on entend par : « 2° « autorité publique » : / a) le gouvernement ou toute autre administration publique, y compris les organes consultatifs publics, au niveau national, régional ou local ;/ b) toute personne physique ou morale qui exerce, en vertu du droit interne, des fonctions administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services spécifiques en rapport avec l'environnement, et / c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec l'environnement, sous le contrôle d'un organe ou d'une personne visé(e) au point a) ou b) (...) ». Dans son arrêt de grande chambre du 19 décembre 2013 Fish Legal, Emily Shirley contre Information Commissionner (C-279/12), la Cour de justice de l’Union Européenne a dit pour droit que seules les personnes relevant de l’article 2, point 2, sous c) de cette directive se trouvant sous le contrôle d’un organe ou d’une personne visé à l’article 2, point 2, sous a) ou b) voyaient leur obligation de fournir les informations environnementales qu’elles détiennent limitée à celles se rapportant au service public dans le domaine de l’environnement dont elles ont la charge."
L’article L. 124-3 du code de l’environnement transfère en droit français cette obligation.
Il en résulte que l'ONF, établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’Etat, n'était pas fondé à refuser la communication des pièces détenues, "y compris celles résultant de ses activités commerciales". Et y compris également les correspondances papiers ou électroniques relatives à des projets (ici de compensation).
Nous rappelons à nos lecteurs riverains ou membres d'associations confrontés à des projets problématiques de destruction d'ouvrages hydrauliques, de plans d'eau, de canaux, de zones humides qu'ils disposent de ce droit d'accès vis-à-vis des administrations de l'Etat (Dreal, DDT-M), des établissement publics (AFB, Agence de l'eau), mais aussi des collectivités, des EPCI type EPTB ou EPAGE (syndicats, parcs), des associations à agrément public (notamment fédérations et associations de pêche), des délégataires industriels de service public, etc. (voir ce lien).
A lire sur le même thème
Accès à l'information environnementale: un droit pour les citoyens et les associations
22/02/2018
L'épuration des polluants par les retenues, reconnue à contre-coeur
L'Agence de l'eau Seine-Normandie commence à reconnaître que les ouvrages hydrauliques ne suppriment pas l'auto-épuration des nutriments, mais peuvent au contraire la favoriser dans certains cas. Toutefois, elle le fait en caricaturant le débat et en inventant un épouvantail (une hypothétique reconstruction de tous les ouvrages présents sur Cassini). Réponse.
Dans le n°66 du magazine Confluence, l'AESN revient sur le bilan de la continuité écologique. Nous ferons un commentaire critique des assertions contenues dans ce dossier. Voici déjà la réponse à cet encadré sur l'auto-épuration :
"Et si les obstacles, en créant des bassins de décantation, contribuaient à la qualité de l’eau ? Cette idée est née d’une lecture un peu hâtive de publications scientifiques, dont une étude réalisée par l’équipe de Gilles Billen, directeur de recherche au CNRS et bio-géochimiste spécialiste du fonctionnement des systèmes hydriques continentaux. Mise au point. «Lorsqu’on regarde la carte de Cassini dressée au XVIIIe siècle, le bassin de la Seine est constellé d’étangs, de petites mares, de seuils et de vannages. Dans une étude publiée en 2012 dans le magazine scientifique Science of the Total Environment, nous avions essayé de voir si ces zones stagnantes avaient un impact sur la qualité de l’eau. Or nos résultats montrent que si on remettait des petites retenues et des mares sur les deux tiers de la surface du bassin, on n’abattrait au mieux, par auto-épuration dans les sédiments, que 20 à 30 % de la pollution par les nitrates sur les sites les plus favorables. À l’échelle de l’ensemble du bassin de la Seine, la réduction ne serait que de l’ordre de 3 % : un bien piètre résultat pour un tel bouleversement du paysage. Un cours d’eau n’est pas une station d’épuration ! Il est dangereux d’imaginer l’aménagement des rivières en fonction d’un objectif de traitement des pollutions diffuses qui doivent et peuvent être évitées à la source, en particulier par une agriculture plus respectueuse de l’environnement», souligne Gilles Billen."
Commentaires :
Dans le n°66 du magazine Confluence, l'AESN revient sur le bilan de la continuité écologique. Nous ferons un commentaire critique des assertions contenues dans ce dossier. Voici déjà la réponse à cet encadré sur l'auto-épuration :
"Et si les obstacles, en créant des bassins de décantation, contribuaient à la qualité de l’eau ? Cette idée est née d’une lecture un peu hâtive de publications scientifiques, dont une étude réalisée par l’équipe de Gilles Billen, directeur de recherche au CNRS et bio-géochimiste spécialiste du fonctionnement des systèmes hydriques continentaux. Mise au point. «Lorsqu’on regarde la carte de Cassini dressée au XVIIIe siècle, le bassin de la Seine est constellé d’étangs, de petites mares, de seuils et de vannages. Dans une étude publiée en 2012 dans le magazine scientifique Science of the Total Environment, nous avions essayé de voir si ces zones stagnantes avaient un impact sur la qualité de l’eau. Or nos résultats montrent que si on remettait des petites retenues et des mares sur les deux tiers de la surface du bassin, on n’abattrait au mieux, par auto-épuration dans les sédiments, que 20 à 30 % de la pollution par les nitrates sur les sites les plus favorables. À l’échelle de l’ensemble du bassin de la Seine, la réduction ne serait que de l’ordre de 3 % : un bien piètre résultat pour un tel bouleversement du paysage. Un cours d’eau n’est pas une station d’épuration ! Il est dangereux d’imaginer l’aménagement des rivières en fonction d’un objectif de traitement des pollutions diffuses qui doivent et peuvent être évitées à la source, en particulier par une agriculture plus respectueuse de l’environnement», souligne Gilles Billen."
Commentaires :
- après l'avoir farouchement nié comme ses consoeurs (ou l'Onema) dans les années 2000, l'Agence de l'eau Seine-Normandie reconnaît donc que les plans d'eau jouent un rôle d'épuration,
- il n'a jamais été question de transformer la rivière en "station d'épuration", la caricature n'est pas une bonne pratique de discussion. Il s'agit non de reconstruire des ouvrages partout, mais d'évaluer le bilan chimique, biologique et physique réel des ouvrages existants,
- une partie des ouvrages signalés sur la carte de Cassini est encore présente sur les rivières, et quand Gilles Billen parle d'un "bouleversement du paysage", il ne saurait ignorer le vrai bouleversement en cours, à savoir le financement de la destruction systématique de la plupart de ces ouvrages par l'AESN (75% de choix de destruction dans le rapport CGED 2016). La question est de savoir si l'argent public doit servir à détruire des plans d'eau, étangs, retenues, réservoirs, etc., si cela représente un intérêt écologique et un intérêt général,
- on peut certainement éviter les pollutions à la source (l'action stagne désormais en ce domaine, après des baisses dans les années 1980-1990), la question est cependant de savoir si, à pression égale sur le bassin, une retenue va plutôt éliminer des excès d'azote, phosphore ou pesticides (sachant que l'usage agricole des sols reste un premier prédicteur de la dégradation écologique),
- le passage à l'agriculture biologique (6% seulement des parcelles aujourd'hui) n'évitera pas à lui seul le problème des nutriments, car tout système agricole utilise des intrants (organiques ou synthétiques), la diffusion de bonnes pratiques sera donc lente et complexe,
- l'AFB vient de lancer un appel à projets sur les impacts cumulés des retenues d'eau sur les bassins versants. Nous souhaitons que ce travail mesure systématiquement les différences de concentrations en nutriments et micropolluants à l'exutoire des bassins à occupation des sols similaires et selon leur densité d'ouvrages. Nous attendons désormais des faits et des preuves, pas des généralités ni des promesses.
A lire sur le même thème
Inscription à :
Articles (Atom)