29/03/2018

Conseil d'Etat: pas d'annulation du droit d'eau ni de remise en état d'un site sans procédure contradictoire

Dans un arrêt venant d'être rendu, le Conseil d'Etat donne tort à une fédération de pêche et à une préfecture qui avaient voulu annuler un droit d'eau et remettre la rivière en état sans informer ni entendre le co-propriétaire des installations autorisées jouissant de ce droit d'eau. Les hauts magistrats rappellent que tous les détenteurs de droits réels sur un ouvrage ou ses annexes doivent être consultés. Ils remettent utilement à leur place les fonctionnaires et lobbies qui se précipitent aujourd'hui à casser des ouvrages hydrauliques un peu partout, dans le mépris des ayant-droits, et parfois également des milieux.


La décision que viennent de rendre les magistrats du Conseil d'Etat (CE, 16 mars 2018, n°405864) est fort intéressante à l'heure où diverses préfectures, se heurtant à la difficulté croissante à appliquer l'article L 214-17 du code de l'environnement après 10 ans d'interprétation biaisée et militante de son contenu, essaient de se rabattre sur l'abandon du droit d'eau pour continuer la politique décriée de destruction du patrimoine hydraulique français.

Voici les faits ayant mené à cette décision :
"il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un décret présidentiel du 5 juin 1852 a autorisé l'édification du moulin dit " Breuschmühle " à Dinsheim-sur-Bruche et a autorisé son propriétaire à utiliser l'énergie hydraulique de la Bruche ; qu'un arrêté du ministre pour l'Alsace Lorraine du 12 juillet 1904 a modifié la consistance de cette autorisation ; qu'une partie de l'installation, comprenant les terrains sur l'emprise desquels se trouve le canal d'amenée de l'eau, a été cédée avec la mention "en ce compris le droit de l'eau du canal usinier" à la fédération du Bas-Rhin pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDPPMA) par un acte du 9 novembre 1995 ; que la société MMC a acquis auprès de la société Bubendorf, le 2 décembre 2005, le reste de l'installation, comprenant notamment le bâtiment de l'usine hydroélectrique ; que le 21 janvier 2011, après avoir abandonné un projet d'ouvrage piscicole sur ce site, la FDPPMA a informé le préfet du Bas-Rhin de son intention de remettre le site en état et lui a demandé l'abrogation de l'autorisation réglementant l'usage du cours d'eau ; qu'elle a porté à la connaissance du préfet, le 16 mai 2012, le dossier de remise en état du site ; que, par un arrêté en date du 18 septembre 2012, le préfet a, d'une part, prescrit les modalités de remise en état du site, et d'autre part, abrogé le décret du 5 juin 1852 et l'arrêté du 12 juillet 1904 précités"
Nous avons donc un canal dont la propriété avait été partiellement cédée à une fédération de pêche, qui voulait le détruire. Le préfet a cassé le droit d'eau et ordonné la remise en état. C'est ce point qui a été contesté par le propriétaire des autres éléments constitutifs du droit d'eau (dont l'usine).

Le Conseil d'Etat rappelle d'abord la procédure à suivre en pareille circonstance :
"aux termes de l'article R. 214-29 du code de l'environnement alors applicable : "La décision de retrait d'autorisation est prise par un arrêté préfectoral ou interpréfectoral qui, s'il y a lieu, prescrit la remise du site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun danger ou aucun inconvénient pour les éléments concourant à la gestion équilibrée de la ressource en eau." ; que l'article R. 214-30 du même code, alors applicable, prévoit que ces dispositions sont applicables à une demande de retrait présentée par le bénéficiaire d'une autorisation ; qu'aux termes de l'article R. 214-26 du même code, dans sa rédaction alors applicable : "Lorsqu'il y a lieu de retirer une autorisation, le préfet peut établir un projet de remise en état des lieux, accompagné des éléments de nature à le justifier. / Le préfet notifie un exemplaire du dossier ainsi constitué au bénéficiaire de l'autorisation, au propriétaire de l'ouvrage ou de l'installation, ou aux titulaires de droits réels sur ceux-ci." ; qu'aux termes de l'article R. 214-28 du même code, dans sa version alors applicable : "Les personnes mentionnées au dernier alinéa de l'article R. 214 26 disposent, selon le cas, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui leur a été faite en application de cet article ou du délai fixé par l'avis prévu à l'article R. 21 27 pour faire connaître, par écrit, leurs observations." 
Or, la préfecture a cédé à la demande de la fédération de pêche sans informer le propriétaire de l'usine et sans lui permettre de poser des observations. Le Conseil d'Etat caractérise ce point comme défaut d'information et concertation rendant caduque la procédure :
"Considérant que l'arrêté litigieux a prononcé, à la demande de la FDPPMA, l'abrogation de l'autorisation administrative relative à l'usage de la force motrice de la Bruche acquise au bénéfice des dispositions de l'article L. 511-9 du code de l'énergie ; qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que la SCI MMC était bénéficiaire, en sa qualité de propriétaire d'une partie de l'installation, de cette autorisation, même si l'installation n'était plus en fonctionnement ; que cette abrogation a été prononcée sans que la SCI MMC en ait fait la demande ni qu'elle ait été mise à même de présenter ses observations dans les conditions fixées par les articles R. 214-26 et R. 214-28 du code de l'environnement cités au point précédent ; que, par suite, en jugeant que cette circonstance était sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit"
Parmi les points intéressants à relever :
  • même si un droit d'eau n'est plus employé, ses co-bénéficiaires doivent participer à une procédure visant son abrogation,
  • tous les titulaires de droits réels sur les ouvrages et leurs annexes hydrauliques doivent être intégrés dans les procédures de préparation des arrêtés préfectoraux les concernant.
En dehors du moyen principal de cet arrêt, même quand un propriétaire abandonne son droit d'eau, le projet de remise en état doit prendre en considération "les éléments concourant à la gestion équilibrée de la ressource en eau" (R 214-29 Code env) de sorte qu'une destruction de l'ouvrage, un assèchement des canaux et un reprofilage de la rivière ne sont pas les seules issues envisageables, et que ces issues peuvent parfaitement être contestées en justice si elles contreviennent aux différents éléments qui concourent à le gestion équilibrée et durable de l'eau telle que définit par l'article L 211-1 du code de l'environnement (et divers autres).

Les riverains, les propriétaires, les associations de protection des patrimoines naturels et culturels trouveront donc matière dans cette décision du Conseil d'Etat et dans les dispositions de la loi à motiver des requêtes contre les casseurs d'ouvrage hydraulique. Certains effacements sont peu contestés. Mais ceux qui le sont doivent faire systématiquement l'objet de contentieux si les administrations et lobbies refusent  d'entendre la voix des riverains. Notre association vous aidera à défendre vos droits.

Illustration : casse du patrimoine hydraulique de l'Ellé au service du lobby pêche, souhaitant y augmenter la pression de prédation du saumon pour son loisir — un loisir de plus en plus contesté par ailleurs. Les pêcheurs attachés au patrimoine hydraulique et à ses milieux gagneraient à se désolidariser clairement des dérives de certaines de leurs fédérations au regard des tensions de plus en plus fortes et contentieux de plus en plus nombreux que provoquent les opérations de destruction.

27/03/2018

Lettre à Edouard Philippe sur les barrages et lacs de la Sélune

Après l'interpellation de Nicolas Hulot par 100 élus locaux, Hydrauxois, les Amis des barrages ainsi que 50 élus et associations ont choisi de saisir le Premier Ministre sur la destruction des barrages et lacs de la Sélune. Les signataires appellent à un ré-examen du dossier dont le caractère conflictuel et contesté rend impossible un choix serein pour l'avenir de la vallée.  La disparition des barrages et lacs présenterait une somme considérable d'inconvénients pour des bénéfices très faibles. Ce n'est pas ce que nous attendons d'un gouvernement élu sur la promesse d'un usage responsable de l'argent public et d'une écoute des citoyens exaspérés par les décisions hors-sol des politiques. 


Monsieur le Premier Ministre,

Dans votre déclaration du 17 janvier 2018 justifiant l'abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, vous avez affirmé :
"les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet (…) un tel projet d'aménagement, qui structure un territoire pour un siècle, ne peut se faire dans un contexte d'opposition exacerbée entre deux parties presque égales de la population. Les grands projets qui ont réussi dans les années récentes (…) se sont tous réalisés (…) parce qu'ils étaient largement portés et acceptés par la population".
Ces paroles de sagesse nous amènent à vous demander l’arrêt du programme de destruction des barrages et lac de la Sélune.

Dans un communiqué en date du 14 novembre 2017 ayant surpris tous les acteurs, le ministère de la Transition écologique et solidaire a annoncé l'engagement du chantier de destruction des barrages de la Sélune. L'effacement du barrage de Vezins était censé commencer dès le printemps 2018, suivi par celui du barrage de la Roche-Qui-Boit. Cette destruction avait déjà été annoncée en 2009 par Mme Chantal Jouanno, puis suspendue par Mme Ségolène Royal en 2014, en raison de la forte opposition locale, du désaccord sur le diagnostic, des informations essentielles manquant lors de l’enquête publique et du coût excessif du chantier.

La destruction de deux barrages et lacs de cette dimension est une opération reconnue comme exceptionnelle et sans précédent en Europe. Nous nous étonnons qu’elle soit de nouveau annoncée par simple communiqué et sans aucune poursuite de la concertation engagée.

Au plan économique et humain, les riverains de la vallée ont déjà dit leur opposition massive à la disparition des lacs et des activités qui leur sont associées (98,89 % d’opposition chez les 19 276 riverains ayant voté à la consultation de 2015), sans que leur voix soit entendue. Les travaux les plus récents des chercheurs en sciences humaines et sociales ont montré que le projet n’a jamais été consensuel depuis sa première annonce, déjà contestée, en 2010. Et que la concertation a été défaillante, sans réel projet de territoire co-construit avec les habitants (voir Germaine et Lespez 2017).

Pour ces habitants, la suppression des barrages et des lacs représente une perte d’activité des installations et activités touristiques en lien direct avec la retenue (gîtes, base nautique, etc.), une perte de retombées socio-économiques pour les collectivités locales, un risque de ne jamais retrouver des activités durables vu le caractère très encaissé de la vallée et des fréquentes inondations rendant difficile l'aménagement des berges.

Cette problématique de la Sélune s’inscrit dans la forte opposition citoyenne à la destruction d’ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique, qui a été constatée par le rapport de décembre 2016 du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Les rapporteurs Alain Brandeis et Dominique Michel y soulignent notamment : «Il paraît en effet aujourd'hui souhaitable de rechercher − et possible d'obtenir ‒ un meilleur équilibre entre les trois objectifs de continuité écologique, de valorisation du patrimoine lié à l'eau et de développement des énergies renouvelables.»

Au plan hydrique et sécuritaire, les lacs (surtout Vezins) représentent la seule réserve d’eau du Sud-Manche, région qui est presque totalement dépourvue de nappes phréatiques. Au regard du changement climatique en cours, de la fréquence des sécheresses et étiages sévères, la remise en cause de cette fonction de réservoir ignore le principe de précaution. Les communes situées à l’aval des barrages soulignent pour leur part leur rôle de limitation des crues modestes à temps de retour fréquent et de retardateur pour les autres, le temps de remplissage des barrages depuis leur cote d’hiver jusqu’à leur cote normale, permettant ainsi de diffuser les alertes et limiter les risques. Les inondations récentes les ont conduites à saisir M. le Préfet de la Manche de la nécessité d’abandonner le projet de destruction.

Au plan énergétique, les deux barrages sont des outils de production hydro-électrique très bas-carbone, et leur destruction en pleine transition énergétique est incompréhensible, d'autant que la France peine à réaliser ses objectifs de baisse des émissions et de sortie progressive du nucléaire. Les barrages en activité représentaient 18 % du parc des énergies renouvelables de la Manche : détruire ce patrimoine industriel utile et en place contredit toutes les déclarations de la France sur la priorité de la lutte contre le changement climatique. La configuration exceptionnelle de deux lacs qui se suivent peut constituer un outil de stockage et de régulation stratégique pour accompagner les productions d’énergies intermittentes. Un industriel a déjà déposé un projet de reprise et de gestion pour une nouvelle concession de 30 ans : il nous paraît indispensable d’approfondir cette option, en concertation avec l’ensemble des collectivités locales concernées.

Au plan écologique, le retour potentiel maximal de saumons sur la Sélune amont a été estimé par les chercheurs à 1300 individus (Forget et al 2014) pour cela le coût minimum de la destruction serait de 57 millions €. Pour autant il existe d’autres solutions, déjà utilisées en France et ailleurs, pour assurer le franchissement d’un grand barrage par des migrateurs. En supposant que le bénéfice saumon de la destruction soit réel, il est relativement négligeable sur la Sélune par rapport aux opérations nord-américaines du même type et de même coût, qui ouvrent la voie à des dizaines ou des centaines de milliers de migrateurs. À échelle de temps de l’écologie (de la décennie au millénaire), la durabilité des retours des saumons sur le bassin atlantique est d’ailleurs incertaine en situation de réchauffement climatique et de modification des routes migratoires. Enfin, les saumons ne résument pas tout le vivant : le bilan global de biodiversité du chantier pourrait être mauvais, car les lacs et zones humides annexes hébergent de nombreuses espèces d’intérêt, dont certaines protégées, et ils remplissent des services écosystémiques d’épuration et de régulation bénéficiant à l’aval et à la baie du Mont-Saint-Michel.

Au plan juridique et politique, un arrêté autorisant la destruction se traduirait par le dépôt immédiat de recours en annulation par les riverains, les professionnels et les associations en subissant le préjudice ou en pointant les manquements au droit, engageant un long cycle de contestation judiciaire et de radicalisation des oppositions que nul ne souhaite.

Pour ces raisons, et bien d’autres qu’il serait trop long de détailler dans ce courrier, nous sollicitons de votre sagesse la mise en place:
• d’un moratoire sur le projet de destruction des barrages de la Sélune,
• d’un groupe de travail pour évaluer les alternatives.

26/03/2018

Destruction d'ouvrages hydrauliques à Meursanges et Combertault, la gabegie continue

La préfecture de Côte d'Or annonce sur son site une enquête publique sur deux nouvelles destructions d'ouvrages hydrauliques de la Bouzaise. Dans un cas, la rivière n'a pas été classée en liste 2 mais en liste 1, choix censé indiquer un bon état écologique. Et le bief est signalé comme milieu d'intérêt pour sa biodiversité, un comble. Dans l'autre cas, l'ouvrage était utilisé pour divertir les crues en lit majeur… précisément ce que nous sommes censés rechercher pour éviter les inondations! Le denier public est encore gâché pour le dogme de la continuité écologique. Pendant que les bureaucraties divertissent l'attention et dépensent les rares moyens sur ces sujets secondaires, la biodiversité crève à petit feu. 

Le complexe hydraulique de l’ancien moulin d’Aignay est implanté sur le cours de la Bouzaise, aux limites communales de Meursanges et Marigny-les-Reullée.

Les espèces cibles locales du projet sont le brochet et la truite fario, dont rien n'indique dans le projet soumis à enquête qu'elles rencontrent un déficit de peuplement dans la rivière et que ce déficit serait attribuable aux ouvrages. Rien n'indique non plus que la protection de la truite et du brochet, justifiant des choix radicaux de destruction et reprofilage, sera associé à d'autres mesures de sauvegarde, comme l'interdiction de leur pêche de loisir. (Rappelons que sur ces rivières non domaniales, tout riverain peut s'opposer à la pêche, nous contacter à cette fin.)

Le projet précise : "Le cours de la Bouzaise est classé en liste 1 par arrêté préfectoral au titre du L214-17CE mais pas en liste 2, il n’y a donc pas aujourd’hui d’obligation réglementaire à restaurer une continuité écologique. Néanmoins, la restauration de la continuité écologique sur ce site a été identifiée comme un enjeu majeur sur la Bouzaise et inscrite à l’annexe 1 du Contrat d’Agglomération et de Territoire Beaune-Dheune (2014-2017)."

Comme d'habitude, on nage dans l'arbitraire. Le classement en liste 1 de la rivière est censé refléter sa bonne qualité écologique et ne devrait donc induire aucun chantier tant que les rivières en listes 2 à visée de restauration prioritaire ne sont pas déjà traitées (80% des ouvrages y sont orphelins de financement). A moins que ces classements n'aient finalement aucune valeur, hypothèse que l'on saurait exclure vu l'opacité complète des travaux ayant abouti à leur définition, en comités fermés de l'Onema, des Dreal et des pêcheurs, sans aucune modélisation scientifique pour prioriser les axes, les espèces, les sites.



A noter cette précision intéressante : "Au cours des phases précédentes, le maintien de l’alimentation de ce bief est apparu comme important. En effet, il permet l’alimentation d’un étang en rive droite de la Bouzaise, mais il constitue aussi un ensemble écologique intéressant. En effet, de nombreuses espèces faunistiques et floristiques ont proliféré sur ce linéaire et présente un intérêt vif pour les riverains de ce secteur. Le portfolio ci-dessous présente une partie de cette vie au sein du bief (nénuphars, oiseaux, cygnes, canards, libellule, héron etc)." (image ci-dessus).

On reconnait donc que les biefs et étangs sont d'intérêt (au moins l'effort est fait ici d'un inventaire, ce que des syndicats plus paresseux et plus dogmatiques refusent). Mais cela n'empêche pas de perturber les ouvrages et milieux en place.

Coût : 258 645 € incluant les tranches conditionnelles dues au changement futur de lit de la rivière.

Le vannage de Combertault se situe pour sa part sur la commune éponyme, lui aussi sur le cours de la Bouzaise, en aval du village.



Le projet précise : "Cet ancien vannage a vraisemblablement été construit dans le milieu du XXe siècle avec le dessein de favoriser l’inondation des champs alentours dans l’objectif de les amender avec les sédiments fins et organiques transportés par la Bouzaise."

Or, le ministère de l'Ecologie et les divers acteurs publics de l'eau ne cessent de communiquer sur le fait que la prévention des crues passe par des solutions plus naturelles, en particulier l'usage du lit majeur d'inondation comme réceptacle des eaux en excès.

Mais à Combertault, cette méthode ancienne va être détruite avec le tampon de la préfecture. Bien entendu, nos fonctionnaires de l'eau inventeront toujours des explications ad hoc pour dire que leurs contradictions n'en sont pas et que le citoyen doit de toute façon respecter leur opinion arbitraire comme la voie de la sagesse.

Coût de ce chantier : 26 000 €.

Pendant qu'on s'acharne à détruire ainsi des ouvrages aux impacts mineurs, voire des ouvrages présentants des bénéfices pour des milieux aquatiques et rivulaires ou des intérêts pour la gestion des crues, l'IPBES vient de publier un premier rapport mondial sur l'état de la biodiversité, indiquant une crise majeure, et notamment en Europe. Ceux qui divertissent l'argent public pour des chantiers à enjeux secondaires pour la santé des milieux aquatiques portent la co-responsabilité de l'impuissance à conjurer cette crise. Ce sont les mêmes institutions qui n'ont rien fait d'efficace depuis 50 ans contre l'artificialisation et la pollution de nombreux bassins versants, quand elles ne les ont pas financées. Affirmer que la destruction des ouvrages anciens est une priorité, voire un intérêt malgré la biodiversité observée dans certains cas, est une absurdité totale qu'il s'agit de dénoncer sans relâche dans le débat public comme auprès des parlementaires.

25/03/2018

Les crues de janvier 2018 en Châtillonnais

Pierre Potherat, ingénieur en chef des travaux publics de l’Etat aujourd'hui retraité, livre une réflexion intéressante sur les dernières crues de la Seine et ses affluents en Châtillonnais. L'auteur demande notamment aux autorités d'évaluer les impacts des actions en rivières et berges, notamment la destruction des ouvrages hydrauliques qui tend à accélérer l'écoulement dans le lit mineur et à limiter des expansions de crue en amont des points durs que représente chaque ouvrage. Nous souhaitons que cette démarche d'expertise publique soit menée, à l'heure où certains apprentis sorciers ont décidé de détruire le maximum de moulins, étangs et plans d'eau sans procéder à une évaluation des conséquences de leurs actions cumulées à échelle du bassin versant. 



Les 23 et 24 janvier 2018, le pays Châtillonnais a dû faire face à une crue majeure à la suite de fortes pluies tombées depuis le début du mois.

Les dégâts ont été conséquents puisqu’à Châtillon la caserne des pompiers et plusieurs établissements scolaires ont été impactés (Saint Vincent-Saint Bernard, Lycée Désiré Nisard, collège Fontaine des Ducs, maternelles François Rousselet). La place de la Résistance a été submergée et plusieurs rues ont été interdites à la circulation, notamment dans les quartiers du Théâtre, de Saint Nicolas et de la Douix. De nombreuses caves ont été inondées dans ces quartiers nécessitant l’intervention des pompiers pendant plusieurs jours.

Plusieurs villages alentours ont également été touchés, en particulier, dans les vallées de la Seine, de l’Ource, de l’Aube et même de la Laignes.

Plusieurs routes ont été coupées à la circulation, aussi bien dans la vallée de la Seine que dans celle de l’Ource ou de l’Aube.

Certains habitants, très surpris, ont eu à déplorer une montée très rapide des eaux dans des secteurs jusqu’alors épargnés, y compris par la crue de janvier 1955.

Le parallèle avec les inondations relatives à cette crue historique, qualifiée de crue cinquantenale, n’a pas manqué d’être fait. Ces deux événements sont-ils comparables ?

Lire la suite : charger le pdf

Illustration : à l'amont d'un ouvrage de l'Ource dont la crête est encore visible, l'eau se répand vers le lit majeur. Lorsque l'onde de crue se forme sur une rivière, quel rôle peuvent jouer les ouvrages dans la vitesse de l'écoulement puis dans son expansion latérale? Répondre à cette question paraît une précaution élémentaire pour la puissance publique. Surtout à l'heure où l'on vante les méthodes naturelles d'usage des lits majeurs pour diminuer le risque aval des zones urbanisées.

A lire sur le sujet
Casser les ouvrages hydrauliques sans aggraver le risque d'inondation? Nos décideurs vont devoir prendre leurs responsabilités 
Idée reçue #17: "L'effacement des ouvrages hydrauliques permet de s'adapter au changement climatique" 
La continuité écologique au risque des crues, inondations et étiages, rapport OCE 

23/03/2018

Barrages de la Sélune: les mauvais comptes de Sébastien Lecornu, qui cache aux citoyens la facture de 53 millions €

Interrogé par le sénateur Jean Bizet, le secrétaire d'Etat à l'écologie Sébastien Lecornu affirme que le projet énergétique de poursuite des activités hydro-électriques des barrages de la Sélune a été écarté par le gouvernement en raison du "coût de soutien public". C'est une provocation puisque le coût minimum du projet de destruction des barrages et des lacs a été estimé par le CGEDD à 53 millions €, pour le bénéfice de saumons déjà présents par ailleurs dans les fleuves de la baie du mont Saint-Michel. Si le gouvernement met en avant le coût public, alors il doit stopper cette destruction absurde. Ce que nous lui demandons.


Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, était interrogé par le sénateur de la Manche Jean Bizet sur l'avenir des barrages de la Sélune.

Le sénateur estime que "sur le plan local, des informations sont régulièrement répandues sur l’existence de projets alternatifs proposés tant par la société Valorem que par l’association Ecologie Normande portant le projet H2 Sélune. Ces démarches troublent nos concitoyens et participent à autant de désinformation au travers de propositions économiques totalement irréalistes" et demande son avis à S. Lecornu.

Le secrétaire d'Etat répond :

"Les ouvrages ne présentent pas de perspectives sérieuses de reprise d’activité de production d’électricité dans des conditions économiquement rentables (…) Le projet Valorem n’a, ainsi, pas été retenu car le coût de soutien public qu’il nécessitait était trop important au regard de l’enjeu énergétique."

S. Lecornu pointe donc le coût public. Qu'en est-il ?

Le groupe Valorem a remis en mars 2016 au ministère de l'écologie une proposition de reprise des barrages de la Sélune, dont on peut consulter la synthèse à ce lien.

Ce rapport reprend notamment les chiffres qui ont été avancés depuis 5 ans sur ce dossier, en particulier les coûts du démantèlement tels qu'ils figurent dans le rapport de 2015 du CGEDD, voir à ce lien.



Le chiffre de 16,6 M€ correspond aux dépenses engagées par l'Etat (maître d'ouvrage) dans le cadre actuel de l'arrêté de vidange et d'auscultation des ouvrages.

On constate que le coût total de la destruction des barrages et des investissements subséquents a été estimé à 53,6 M€.

Donc, l'Etat français choisit de faire payer aux contribuables un surcoût de  35 M€ en vue de détruire des barrages et des lacs qui, rappelons-le :

  • produisent une énergie bas carbone,
  • ralentissent les inondations de la vallée aval,
  • forment la principale réserve d'eau potable locale,
  • nourrissent les activités socio-économiques autour des lacs,
  • protègent la baie du Mont-Michel des pollutions,
  • sont défendus par leurs 20 000 riverains opposés à la casse.

L'objectif de cette dépense est le retour estimé d'environ 1300 saumons supplémentaires, sachant que le poisson est déjà présent sur la Sélune aval ainsi que dans les autres fleuves de la baie du mont Saint-Michel. Sachant aussi qu'il fait l'objet de prédation autorisée pour le loisir pêche, dont le lobby est notamment à l'origine de ce projet de destruction des barrages et des lacs.

Conclusion : le gouvernement valide une gabegie d'argent public au détriment de la solution d'intérêt général, qui est le maintien des barrages. Et il le fait en cachant aux citoyens les enjeux réels derrière le projet.

A lire pour comprendre
Barrages et lacs de la Sélune : stop à la destruction !