Les casiers Girardon sont des structures installées en bord de Rhône à partir du XIXe siècle, afin de stabiliser les berges (alluvionnement) et de favoriser la navigation fluviale. Comme d'autres aménagements de type épis ou digues, ces casiers ont été considérés a priori comme des ruptures de continuité (latérale), ayant des effets négatifs sur le milieu. Or, comme le montre une équipe française de chercheurs, les casiers restés en eau et non végétalisés contribuent au contraire à la biodiversité du système fluvial, jouant le rôle de bras morts lentiques accueillants pour le vivant. Il y a donc intérêt à les conserver dans certains cas comme des "nouveaux écosystèmes" certes issus d'une artificialisation originelle, mais ayant acquis au fil du temps des propriétés écologiques d'intérêt. Cet exemple appuie la requête que porte notre association : mener une étude scientifique sur la biodiversité acquise des hydrosystèmes de moulins, d'étangs et de lacs, à l'heure où l'on fait disparaître un peu partout des aménagements anciens sans aucune évaluation sérieuse de leur faune, de leur flore, de leurs fonctionnalités et de leurs services écosystémiques.
Le plan Rhône a proposé la réactivation de la dynamique du fleuve, en particulier du travail d'érosion et d'inondation des berges correspondant à un fonctionnement sédimentaire plus naturel et à un enrichissement des écotones du lit majeur. Dans ce cadre, le démantèlement systématique des casiers Girardon a été envisagé comme une issue.
Maxine Thorel et ses 19 collègues, impliqués dans le diagnostic et le suivi scientifiques de ce plan Rhône, rappellent l'origine de ces casiers :
"Historiquement, les infrastructures d'ingénierie ont été développées principalement sur les parties basses et moyennes du Rhône au cours de deux périodes principales: (1) de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle lorsque la navigation a été favorisée; et du milieu à la fin du XXe siècle, lorsque la production d'hydroélectricité a impliqué une série de tronçons de dérivation, avec des canaux parallèles au chenal naturel du Rhône. La première période, qui concernait principalement le tronçon de 300 km de l'aval de Lyon à la mer Méditerranée, a impliqué la construction d'un système complexe de casiers Girardon de protection de berges. Des infrastructures submersibles longitudinales et latérales ont été construites dans le canal d'écoulement principal dans le but de rétrécir le chenal naturel et de concentrer le flux en le déconnectant des canaux secondaires. Les surfaces généralement rectangulaires, délimitées par les infrastructures, sont appelées "casiers Girardon". En une centaine d'années, la plupart de ces structures se sont remplies de sédiments et sont devenues terrestres, et elles ne remplissent plus leur rôle antérieur de pièges à sédiments." Toutefois une certaine proportion de ces casiers (environ 20%) sont toujours en eau aujourd'hui.
Des propositions pour enlever les casiers Girardon et restaurer les marges alluviales ont émergé après des inondations majeures au début des années 2000 (période de retour d'environ 100 ans dans le tronçon inférieur du Rhône). Mais les chercheurs rappellent que d'autres enjeux liés aux casiers sont aussi apparus concernant l'avenir de ces aménagements hydrauliques : "au fil du temps, d'autres fonctions et services écosystémiques (par exemple, les avantages de la végétation alluviale, le refuge des organismes riverains, la restauration, l'appréciation esthétique, la valeur des établissements humains ...) ont été inclus dans le débat public avec l'objectif de préserver les casiers Girardon. Par conséquent, il devenait nécessaire de déterminer et d'équilibrer les bénéfices et les risques liés à l'élimination des casiers".
Si les casiers terrestrialisés sont de faible intérêt écologique, il n'en va pas de même pour les casiers Girardon qui sont encore en eau. Une campagne de mesure de la diversité biologique a été organisée sur deux points, Le Péage-de-Roussillon (PDR) et Arles (ARL).
"La diversité α a été calculée pour 12 casiers distincts dans les stations PDR et ARL sur la base de la diversité des macro-invertébrés et du phytoplancton. Les deux sites présentaient des situations distinctes permettant l'examen de différentes perspectives de restauration. Les six casiers PDR étaient situés dans un tronçon de rivière contourné contrairement aux six casiers ARL, qui étaient situés directement dans le chenal principal. Les patrons de diversité alpha variaient parmi les casiers étudiés, allant de 13 à 42 espèces pour le phytoplancton et de 11 à 39 taxons pour les macro-invertébrés."
"Des valeurs plus élevées de β-diversité pour le phytoplancton et les macro-invertébrés ont été observées sur le site ARL, avec 45 espèces et 17 espèces respectivement, alors que le site PDR présentait un plus haut degré de similarité pour le phytoplancton (37,4 espèces) et les macro-invertébrés (15,4). Les systèmes d'épis du PDR présentaient un taux de renouvellement des espèces légèrement inférieur à celui d'ARL. Cependant, les deux sites présentaient une valeur assez élevée de β-diversité (…). Enfin, les assemblages de faune et de flore dans les casiers étaient dissemblables entre PDR et ARL. Cela contribue à la diversité globale entre les tronçons de la rivière. Différentes vitesses du courant, caractéristiques des substrats et connexions hydrologiques produisent une large gamme d'habitats et d'ensembles biologiques divers associés lorsque tous les champs d'épis sont analysés ensemble."
Il existe donc un intérêt écologique au maintien de ces casiers-là plutôt qu'à leur démantèlement, pourvu qu'un modèle de décision bien informé soit conçu. Les scientifiques concluent :
"Les casiers Girardon aquatiques sont des nouveaux écosystèmes, principalement lentiques, qui pourraient être considérés comme des bras morts écologiquement importants. De telles caractéristiques sont connues pour fournir des conditions de vie favorables à plusieurs organismes aquatiques tels que les amphibiens ou les poissons pendant l'ontogenèse (Tockner et al., 1998), ainsi que les macro-invertébrés et le phytoplancton comme démontré dans notre étude."
Discussion
Le travail de Maxine Thonel et de ses collègues s'inscrit dans un mouvement prenant de plus en plus de vigueur en écologie de la conservation : la prise en compte des "nouveaux écosystèmes", c'est-à-dire des écosystèmes résultant d'une action humaine passée dont le but n'était pas l'environnement, mais dont la faune et la flore ont finalement profité (voir par exemple Backstrom et al 2018). Un travail similaire sur le rôle des épis hydrauliques dans la biodiversité (des trichoptères) vient de paraître sur le bassin de l'Oder (voir Buczynnska et al 2018)
Les chercheurs français font observer : "les directives de gestion des Casiers Girardon du Rhône devraient être adaptées en fonction des conditions locales, des bénéfices attendus et des besoins, et être conduites en coordination avec tous les acteurs impliqués et affectés par la restauration." Cette phrase, nous pourrions la reprendre mot pour mot en remplaçant les casiers Girardon par les étangs, les retenues et biefs de moulins, les lacs de barrage. Tous ces systèmes hydrauliques sont la résultante de l'action humaine et tous sont susceptibles de bénéficier localement au vivant. Pour le savoir, il faut le vérifier : faire des inventaires de biodiversité et de fonctionnalité. Mais les travaux restent extrêmement rares en France (voir pour des exemples sur les canaux Aspe et al 2014 et sur les étangs Wezel et al 2014, dont les conclusions suggèrent qu'il y a bel et bien matière à inventorier ces systèmes; voir les résultats de Davis et al 2008 au Royaume-Uni sur les petits systèmes lentiques et l'appel de Hill et al 2018 pour intégrer les "oubliés" de la politique européenne de l'eau).
Il serait du ressort de l'agence française pour la biodiversité de coordonner, animer, inspirer ce travail d'examen critique des nouveaux écosystèmes aquatiques. Mais il y a plusieurs conditions à cela : que cette agence ne reste pas prisonnière de directives politiques où la connaissance doit d'abord certifier divers choix publics, et non pas chercher librement à comprendre la complexité du réel (au risque de contredire parfois ces choix publics) ; que l'approche écologique des milieux aquatiques ne se résume pas à un conservationnisme strict, voire un horizon fixiste (Alexandre et al 2017) où le retour aux conditions pré-industrielles ("renaturation") et l'atteinte d'un "état de référence" intangible formeraient les seuls guides de réflexion et d'action ; que les biais halieutiques s'expliquant par des trajectoires institutionnelles anciennes ne continuent pas de focaliser à l'excès sur certaines espèces dans l'examen du vivant aquatique.
L'étude de la biodiversité des hydrosystèmes et de sa dynamique à l'Anthropocène est encore un champ en construction. Avant d'intervenir sur les milieux, leur diagnostic sans préjugé est un impératif et, dans le cas aquatique, des fonds publics sont mobilisables en ce sens. Mais il y faut la volonté: existe-t-elle, à l'heure où le ministère annonce un plan pour la biodiversité?
Référence : Thonel M et al (2018), Socio-environmental implications of process-based restoration strategies in large rivers: should we remove novel ecosystems along the Rhône (France)?, Regional Environmental Change, https://doi.org/10.1007/s1011
Illustration : le Rhône au Péage-de-Roussillon (source IGN, Géoportail).
05/07/2018
04/07/2018
Un rapport parlementaire sur l'eau rappelle la nécessité d'ouvrages et de retenues face aux changements climatiques
Les députés Adrien Morenas (président-rapporteur) et Loïc Prud’homme (co-rapporteur) avaient été désignés en novembre 2017 par le bureau de la Commission du développement durable à l'Assemblée nationale en vue d'une mission d'information sur l'avenir de la ressource en eau. Le rapport vient de paraître, après un programme d'auditions, de déplacements de terrain en province et de discussions à la Commission européenne. Parmi les orientations proposées : la nécessité de conserver, entretenir voire construire des retenues face à la pression croissante des sécheresses aux étiages. Mais alors, pourquoi le ministère de l'écologie et son administration planifient-ils partout l'assèchement des lacs, réservoirs, retenues, étangs, plans d'eau, canaux et biefs, cela au nom de la sacro-sainte "continuité écologique" devenue un dogme non questionné de la gestion de bassin? On nage dans les contradictions, avec des politiques de l'eau mal coordonnées et mal priorisées, où chacun défend son objectif sans vision d'ensemble et de long terme. Nicolas Hulot compte-t-il passer du régime des joutes symboliques et actions superficielles à un travail de fond sur la remise à plat des programmations publiques défaillantes? Car c'est ce que l'on attend de ce gouvernement...
Comme bien d'autres avant lui, le rapport Morenas et Prud'homme 2018 constate l'importance présente et à venir de la question de l'eau, tenant non seulement aux prévisions sur l'évolution du climat, mais aussi aux choix d'aménagement et aux usages humains : "La pression sur la ressource en eau n’est pas liée exclusivement au réchauffement climatique mais également à la défaillance des politiques d’aménagement du territoire qui font que, l’héliotropisme aidant, la concentration des populations en bord de mer et dans le sud de la France rend plus difficile la gestion de l’approvisionnement en eau".
Outre un point national avec quelques aperçus européens et mondiaux sur la question de la ressource en eau, le rapport parlementaire s'interroge aussi sur la gouvernance. Il est notamment souligné que le modèle des agences de l'eau est mis à mal depuis que ces agences doivent abonder la politique de la biodiversité (en finançant l'agence française pour la biodiversité), l'Etat ayant débloqué trop peu de fonds propres de son budget central sur cette question. Le même Etat prélève par ailleurs sur les trésoreries des agences pour boucler ses lois de finance publique, rompant le principe "l'eau paie l'eau" et achevant de transformer les taxes payées par les usagers de l'eau en une fiscalité déconnectée de services rendus par les agences.
Dans les propositions du rapport, un point retient notre attention : celui de la gestion quantitative de la ressource (cf extrait ci-dessous). Les rapporteurs y soulignent que l'incertitude liée au changement climatique et le développement des besoins en eau rendront nécessaires la "création ou l'amélioration d'ouvrages".
Hélas, le rapport ne pointe pas l'action aberrante en ce domaine de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie. En raison d'une politique en silo où chacun développe son projet sans tenir compte des données et des enjeux du voisin, la stratégie de continuité écologique conduit depuis déjà près de 10 ans à la destruction massive et à l'assèchement ou la diminution surfacique d'innombrables points de retenues d'eau répartis sur le territoire (lacs, étangs, plans d'eau, retenues, biefs, canaux). Ces choix ont des effets négatifs sur la recharge des nappes et sur les usages locaux de l'eau. Nombre de riverains se plaignent déjà de ne retrouver dans les rivières massivement "défragmentées" que des filets d'eau chaude et polluée à l'étiage, comme le triste exemple du Vicoin censé être un "modèle" pour certains gestionnaires de l'eau alors qu'il est plutôt un cauchemar les années sèches.
Une telle politique a généralement été conçue sous l'angle de l'hydrobiologie et de l'ichtyologie visant à optimiser certaines conditions pour certains poissons, mais ce petit bout de la lorgnette reste sourd et aveugle aux autres enjeux environnementaux, sociaux ou économiques. Un autre paradigme justificateur des destructions d'ouvrages et de retenues est celui de la "renaturation" : mais l'option de laisser la nature à elle-même ne garantit précisément pas que les écosystèmes rendront encore demain des services à la société. Et comme l'hydrologie est en train d'être modifiée par le changement climatique, la "nature" évolue de toute façon sur une trajectoire altérée par l'homme, de sorte que son invocation ne suffit pas vraiment à fonder une politique cohérente de l'eau. (On lira aussi l'article de recherche très intéressant d'Alexandre Gaudin et Sara Fernandez 2018 sur les politiques de l'eau et des barrages dans le sud-ouest de la France, montrant comment les politiques publiques essaient de rationaliser post hoc des choix contradictoires, au risque de perdre toute lisibilité).
A ce jour Nicolas Hulot n'a manifesté aucune intention de reprendre sérieusement en main ce dossier de l'eau, malgré les nombreux problèmes observés dans la gouvernance, le financement, le retard sur les objectifs européens, la conciliation des usages. Pire, il a confirmé sans concertation ni réflexion le projet absurde de destruction des deux lacs réservoirs de la Sélune, soit 50 millions € d'argent public à contre-courant des besoins de notre société, si ce projet insensé devait se réaliser. Il serait temps de sortir de l'inertie et des inepties.
Extrait des préconisations
Action en faveur de la biodiversité et de la gestion quantitative de l’eau
Référence : Morenas Adrien, Prud'homme Loïc (2018), Rapport d’information sur la ressource en eau, n°1101, 206 pages.
Illustration : lac de Guerlédan à sec, côté Caurel (Côtes-d'Armor, France), fin août 2015, arbres morts. Fab5669, travail personnel, CC-ASA 4.0
A lire sur ce thème
Les barrages comme refuges? Intégrer le changement climatique dans les choix sur les ouvrages hydrauliques (Beatty et al 2017)
Comme bien d'autres avant lui, le rapport Morenas et Prud'homme 2018 constate l'importance présente et à venir de la question de l'eau, tenant non seulement aux prévisions sur l'évolution du climat, mais aussi aux choix d'aménagement et aux usages humains : "La pression sur la ressource en eau n’est pas liée exclusivement au réchauffement climatique mais également à la défaillance des politiques d’aménagement du territoire qui font que, l’héliotropisme aidant, la concentration des populations en bord de mer et dans le sud de la France rend plus difficile la gestion de l’approvisionnement en eau".
Outre un point national avec quelques aperçus européens et mondiaux sur la question de la ressource en eau, le rapport parlementaire s'interroge aussi sur la gouvernance. Il est notamment souligné que le modèle des agences de l'eau est mis à mal depuis que ces agences doivent abonder la politique de la biodiversité (en finançant l'agence française pour la biodiversité), l'Etat ayant débloqué trop peu de fonds propres de son budget central sur cette question. Le même Etat prélève par ailleurs sur les trésoreries des agences pour boucler ses lois de finance publique, rompant le principe "l'eau paie l'eau" et achevant de transformer les taxes payées par les usagers de l'eau en une fiscalité déconnectée de services rendus par les agences.
Dans les propositions du rapport, un point retient notre attention : celui de la gestion quantitative de la ressource (cf extrait ci-dessous). Les rapporteurs y soulignent que l'incertitude liée au changement climatique et le développement des besoins en eau rendront nécessaires la "création ou l'amélioration d'ouvrages".
Hélas, le rapport ne pointe pas l'action aberrante en ce domaine de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie. En raison d'une politique en silo où chacun développe son projet sans tenir compte des données et des enjeux du voisin, la stratégie de continuité écologique conduit depuis déjà près de 10 ans à la destruction massive et à l'assèchement ou la diminution surfacique d'innombrables points de retenues d'eau répartis sur le territoire (lacs, étangs, plans d'eau, retenues, biefs, canaux). Ces choix ont des effets négatifs sur la recharge des nappes et sur les usages locaux de l'eau. Nombre de riverains se plaignent déjà de ne retrouver dans les rivières massivement "défragmentées" que des filets d'eau chaude et polluée à l'étiage, comme le triste exemple du Vicoin censé être un "modèle" pour certains gestionnaires de l'eau alors qu'il est plutôt un cauchemar les années sèches.
Une telle politique a généralement été conçue sous l'angle de l'hydrobiologie et de l'ichtyologie visant à optimiser certaines conditions pour certains poissons, mais ce petit bout de la lorgnette reste sourd et aveugle aux autres enjeux environnementaux, sociaux ou économiques. Un autre paradigme justificateur des destructions d'ouvrages et de retenues est celui de la "renaturation" : mais l'option de laisser la nature à elle-même ne garantit précisément pas que les écosystèmes rendront encore demain des services à la société. Et comme l'hydrologie est en train d'être modifiée par le changement climatique, la "nature" évolue de toute façon sur une trajectoire altérée par l'homme, de sorte que son invocation ne suffit pas vraiment à fonder une politique cohérente de l'eau. (On lira aussi l'article de recherche très intéressant d'Alexandre Gaudin et Sara Fernandez 2018 sur les politiques de l'eau et des barrages dans le sud-ouest de la France, montrant comment les politiques publiques essaient de rationaliser post hoc des choix contradictoires, au risque de perdre toute lisibilité).
A ce jour Nicolas Hulot n'a manifesté aucune intention de reprendre sérieusement en main ce dossier de l'eau, malgré les nombreux problèmes observés dans la gouvernance, le financement, le retard sur les objectifs européens, la conciliation des usages. Pire, il a confirmé sans concertation ni réflexion le projet absurde de destruction des deux lacs réservoirs de la Sélune, soit 50 millions € d'argent public à contre-courant des besoins de notre société, si ce projet insensé devait se réaliser. Il serait temps de sortir de l'inertie et des inepties.
Extrait des préconisations
Action en faveur de la biodiversité et de la gestion quantitative de l’eau
- Un plan national de préparation au changement climatique (comme l’a fait la Corse) intégrant la question du soutien des étiages doit être élaboré dans une optique environnementale. Il indiquera en fonction des données climatiques et des perspectives de réchauffement les besoins d’aménagement des cours d’eau dans un double objectif : garantir l’alimentation des populations en eau potable et maintenir la biodiversité des cours d’eau. Le rôle essentiel des retenues d’eau doit être réaffirmé, ainsi que l’importance de l’hydroélectricité pour la fourniture en électricité de notre pays et le soutien d’étiage.
- Le soutien des étiages en été est une nécessité évidente pour maintenir une quantité minimale d’eau dans les cours d’eau nécessaires à la vie. Cette action implique la création ou l’amélioration d’ouvrages, en particulier de retenues. Une action de communication et de concertation de grande ampleur doit être engagée pour éviter que des résistances trop grandes ne bloquent les projets qui ne doivent pas apparaître comme réservés à un nombre limité d’agriculteurs, mais comme une action favorable à l’environnement et à la santé publique dans la mesure où la qualité de l’eau est liée au volume des cours d’eau (plus le volume est important, plus les pollutions sont diluées).
- Un plan national d’économies d’eau doit être mis en œuvre, prévoyant des incitations fiscales, par exemple pour la création de dispositifs de récupération de l’eau de pluie.
- La récupération et le traitement des eaux de pluie doivent être intégrés dans la politique d’assainissement.
Référence : Morenas Adrien, Prud'homme Loïc (2018), Rapport d’information sur la ressource en eau, n°1101, 206 pages.
Illustration : lac de Guerlédan à sec, côté Caurel (Côtes-d'Armor, France), fin août 2015, arbres morts. Fab5669, travail personnel, CC-ASA 4.0
A lire sur ce thème
Les barrages comme refuges? Intégrer le changement climatique dans les choix sur les ouvrages hydrauliques (Beatty et al 2017)
03/07/2018
Rhône-Méditerranée : plus que deux semaines pour respecter le premier délai de 5 ans de la continuité
L'arrêté de classement de continuité écologique des rivières dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse date du 19 juillet 2013. Les propriétaires d'ouvrages hydrauliques en rivières liste 2 doivent donc se manifester (par courrier recommandé adressé au préfet du département) avant le 19 juillet 2018. Ce respect formel de la loi permet d'éviter la mise en demeure. Rappel de la marche à suivre, pour une position unitaire de tous les ouvrages hydrauliques engagés dans la résistance à l'arbitraire administratif.
Nous renvoyons les propriétaires d'ouvrages de ce bassin hydrographique à cet article qui propose 5 lettres types à l'administration selon les cas de figure, c'est-à-dire selon:
Nous rappelons les règles fondamentales valables sur toutes les rivières classées en liste 2 de continuité écologique au titre de l'article L 214-17 CE , la loi ayant pré-éminence sur les interprétations parfois tendancieuses voire militantes qu'en propose la haute administration en charge de l'eau et de la biodiversité:
Déjà plus de 4000 propriétaires et riverains ont signé la lettre-pétition à Nicolas Hulot posant qu'ils refuseront de détruire leur ouvrage quoiqu'il advienne : rejoignez-les si ce n'est déjà fait, et diffusez cette lettre-pétition sur tous les sites menacés. C'est la capacité collective des ouvrages hydrauliques à se défendre qui déterminera leur avenir.
Nous renvoyons les propriétaires d'ouvrages de ce bassin hydrographique à cet article qui propose 5 lettres types à l'administration selon les cas de figure, c'est-à-dire selon:
- si votre ouvrage a été étudié ou non,
- si une solution solvable est proposée ou non,
- si l'ouvrage produit de l'électricité ou non.
Nous rappelons les règles fondamentales valables sur toutes les rivières classées en liste 2 de continuité écologique au titre de l'article L 214-17 CE , la loi ayant pré-éminence sur les interprétations parfois tendancieuses voire militantes qu'en propose la haute administration en charge de l'eau et de la biodiversité:
- chaque ouvrage doit être "géré, équipé, entretenu", la loi n'a jamais prévu la destruction de sites. Un service administratif (DDT-M, AFB, agence de l'eau) qui exercerait une pression explicite en vue de la destruction doit faire l'objet de plainte pour excès de pouvoir,
- les règles de gestion, équipement, entretien sont "définies par l'autorité administrative" en concertation et au cas par cas, donc une administration n'ayant rien proposé aux propriétaires se place en situation de carence (il n'existe a priori aucune preuve qu'un ouvrage répond à la définition d'un obstacle à la continuité au sens précis du L 214-17 CE),
- les choix d'aménagement (comme les passes à poissons ou les rivières de contournement) représentant une "charge spéciale et exorbitante" ouvrent "droit à indemnité", donc la préfecture doit garantir un financement public de l'essentiel des travaux, par le biais de l'agence de l'eau ou par tout autre moyen si l'agence de l'eau se refuse à subventionner les seules solutions légalement prescrites (gestion, équipement, entretien).
Déjà plus de 4000 propriétaires et riverains ont signé la lettre-pétition à Nicolas Hulot posant qu'ils refuseront de détruire leur ouvrage quoiqu'il advienne : rejoignez-les si ce n'est déjà fait, et diffusez cette lettre-pétition sur tous les sites menacés. C'est la capacité collective des ouvrages hydrauliques à se défendre qui déterminera leur avenir.
02/07/2018
L'histoire longue des rivières à l'honneur aux rencontres hydrauliques de Semur-en-Auxois
Plus d'une centaine de congressistes étaient présents aux rencontres annuelles Hydrauxois-Arpohc des 30 juin et 1er juillet 2018, à Semur-en-Auxois. Deux chercheurs invités, l'archéologue Gilles Rollier (Inrap, U. Lyon) et le géographe Jean-Paul Bravard (CNRS U. Lyon), ont notamment exposé des réflexions sur l'histoire longue des rivières françaises et européennes, le rôle qu'y a joué l'implantation précoce des ouvrages hydrauliques et la nécessité de ré-insérer les choix actuels d'intervention en cours d'eau dans une approche informée, complexe, multidisciplinaire. L'historien Jérôme Benêt a illustré cette longue durée à travers la visite commentée de plusieurs ouvrages de la capitale de l'Auxois, qui entend bien préserver cet héritage et le ré-inscrire dans sa vocation énergétique. La visite de l'abbaye de Fontenay, fêtant cette année les 900 ans de sa fondation, a permis de découvrir l'hydraulique monastique et son rôle dans l'implantation précoce de la sidérurgie bourguignonne.
Gilles Rollier, archéologue (Inrap, UMR 5138 Lyon II), spécialiste de l'hydraulique monastique (sa thèse portait sur Cluny), a notamment été le co-organisateur d'un colloque de référence sur le renouveau de l'archéologie des moulins hydrauliques, à traction animale et à vent.
Sa conférence a brossé une vaste fresque du déploiement des moulins de l'Antiquité au XIXe siècle, avec une insistance particulière sur le progrès de connaissances concernant la période médiévale, l'évolution de ses techniques (notamment la place du bois dans les constructions anciennes) et la logique des choix d'implantations de site à travers les âges. L'archéologue a notamment souligné l'importance précoce qu'ont eue les implantations hydrauliques dans la configuration des bassins versants, dont les formes fluviales étaient jadis plus complexes (rivières en bras, lits majeurs connectés). Son intervention a permis de comprendre que l'histoire longue des rivières, où s'inscrivent nos actions actuelles visant à retrouver certains styles fluviaux, est celle d'une métamorphose graduelle dont on ne peut abstraire l'influence permanente de l'homme. La présence bimillénaire de moulins, exploitant depuis l'Antiquité l'une des principales énergies renouvelables, représente une continuité historique tout à fait remarquable et la recherche archéologique européenne sur cette trajectoire technologique est aujourd'hui très dynamique.
Conférence de Gilles Rollier (pdf) Nota : les illustrations de cette conférence ne sont pas toutes libres de droit, leur usage ne concerne qu'une lecture privée et n'appelle pas publication.
Jean-Paul Bravard, médaille d'argent du CNRS, membre de l'Institut universitaire de France, chercheur en géographie physique et géomorphologie fluviale, a été un artisan majeur des programmes interdisciplinaires et internationaux d'études des hydrosystèmes fluviaux mis en place depuis les années 1980. Après avoir rappelé rapidement la genèse de cette réflexion et de ses outils de connaissance, le géographe a souligné la faiblesse scientifique de certains attendus des politiques actuelles de continuité en long. Parmi les préconisations du chercheur :
Conférence de Jean-Paul Bravard (pdf)
Enfin Jérôme Benêt, historien, auteur d'une remarquable monographie sur Semur-en-Auxois au XVème siècle (le paysage urbain d'une "bonne ville" du duché de Bourgogne sous les Valois), a exposé sur le terrain la genèse de plusieurs ouvrages de moulins dans les faubourgs de la capitale de l'Auxois. La ville de Semur-en-Auxois a compté jusqu'à 13 moulins dont onze sont encore présents aujourd'hui, certains ayant une forme très conservée en ce qui concerne la structure des chaussées en rivière et l'alimentation des biefs. Outre la mouture de la farine, nombre de ces moulins ont servi de foulons pour la draperie semuroise, qui était réputée à l'âge médiéval et classique. Cet héritage n'a aucune envie de disparaître aujourd'hui, la maire de la Commune (Catherine Sadon) ayant confirmé sa volonté de préserver un patrimoine exceptionnel et de lui rendre son sens énergétique à l'heure de la transition bas carbone. De la même manière, l'abbaye de Fontenay, visitée le samedi matin par les congressistes, mène une réflexion sur la mise en valeur du contexte hydraulique de ce chef d'oeuvre cistercien, où le ruisseau de Fontenay alimentait des piscicultures, réseaux d'assainissement, fontaines et bien sûr ateliers de production sidérurgique.
Gilles Rollier, archéologue (Inrap, UMR 5138 Lyon II), spécialiste de l'hydraulique monastique (sa thèse portait sur Cluny), a notamment été le co-organisateur d'un colloque de référence sur le renouveau de l'archéologie des moulins hydrauliques, à traction animale et à vent.
Sa conférence a brossé une vaste fresque du déploiement des moulins de l'Antiquité au XIXe siècle, avec une insistance particulière sur le progrès de connaissances concernant la période médiévale, l'évolution de ses techniques (notamment la place du bois dans les constructions anciennes) et la logique des choix d'implantations de site à travers les âges. L'archéologue a notamment souligné l'importance précoce qu'ont eue les implantations hydrauliques dans la configuration des bassins versants, dont les formes fluviales étaient jadis plus complexes (rivières en bras, lits majeurs connectés). Son intervention a permis de comprendre que l'histoire longue des rivières, où s'inscrivent nos actions actuelles visant à retrouver certains styles fluviaux, est celle d'une métamorphose graduelle dont on ne peut abstraire l'influence permanente de l'homme. La présence bimillénaire de moulins, exploitant depuis l'Antiquité l'une des principales énergies renouvelables, représente une continuité historique tout à fait remarquable et la recherche archéologique européenne sur cette trajectoire technologique est aujourd'hui très dynamique.
Conférence de Gilles Rollier (pdf) Nota : les illustrations de cette conférence ne sont pas toutes libres de droit, leur usage ne concerne qu'une lecture privée et n'appelle pas publication.
L'essentiel des constructions de moulins antiques et médiévaux était en bois, comme l'a rappelé G. Rollier. Des témoignages ethnographiques, comme ces moulins traditionnels de Bosnie ou de Roumanie (droits réservés), illustrent ce que l'archéologie retrouve dans les fouilles menées en Europe occidentale.
- réaliser des bilans critiques des opérations d’effacement/arasement réalisées dans différents contextes géographiques et en tirer les leçons objectives avant de systématiser,
- les rares études approfondies soulignant le caractère contestable des «états de référence» retenus, cette notion doit être repensée,
- réaliser des bilans sédimentaires et piscicoles à l’échelle des sous-bassins aménagés, pas seulement à l’échelle des seuils, tenir compte pour cela des sources sédimentaires actuelles, des flux entrant dans le système et en sortant,
- prendre en compte des lieux, des territoires, en évitant une politique nationale normée et rigide à laquelle échappe forcément la complexité du réel.
Conférence de Jean-Paul Bravard (pdf)
Un exemple commenté par JP Bravard : seuil de la vallée de l'Eyrieux (Ardèche), où l'on voit à aval du choix d'implantation des blocs formant une transition d'écoulement rapide et la reprise du style fluvial spontané après la retenue.
27/06/2018
Destruction du seuil, de la retenue et de la chute de Perrigny-sur-Armançon
Le 26 juin 2018, en quelques heures, la chaussée du moulin de Perrigny-sur-Armançon a disparu sous les coups de la pelle mécanique, avec elle la chute et la retenue qui agrémentaient le cadre de vie du village depuis le XIXe siècle. Telle est la triste issue où mènent les idées folles que propagent des intégristes et qu'exécutent des arrivistes. La destruction précipitée et forcée des ouvrages est une page honteuse de l'histoire de nos rivières. Arrêtons cette dérive.
L'enquête publique sur le premier arrêté de 2016 avait conclu à l'absence d'intérêt écologique et à l'absence d'intérêt général du projet. Et pour cause : la chute était modeste, les relevés piscicoles ne démontraient pas d'impact majeur, l'analyse morphologique du bassin n'avait pas conclu à un déséquilibre notable, l'endroit était charmant. Outre que la rivière Armançon est fragmenté de barrages beaucoup plus importants et sans projet, mais aussi polluée et soumise à des sécheresses parfois sévères, ce qui inquiète davantage les riverains.
Mais ce chantier est caractéristique de la routine dogmatique des effacements d'ouvrage en France : on le fait car il y a un diktat du ministère de l'écologie, une obéissance sans esprit critique des rouages administratifs et des syndicats, un budget de l'agence de l'eau ayant toujours de l'argent public à gâcher sur les modes du moment, quelques élus locaux prêts à tirer la gloriole d'une soi-disant "restauration de la rivière" alors que les causes majeures de sa dégradation ne sont pas modifiées. Les mêmes faisaient le contraire 40 ans plus tôt, en aménageant à l'époque lourdement les cours d'eau et en affirmant déjà que leurs travaux étaient tout à fait indispensables au bien commun. Bêtise et vanité...
A Perrigny-sur-Armançon, l'association Hydrauxois avait requis l'annulation de l'arrêté de 2016 et la préfecture de l'Yonne avait préféré retirer le texte, obtenant un non-lieu devant la justice. Mais un autre arrêté a été promulgué en novembre 2017, cette fois sans enquête. Bel exemple du déni démocratique massif entourant la question des ouvrages hydrauliques : pourquoi donc entendre les citoyens, puisqu'ils refusent de penser comme l'Etat exige qu'ils le fassent? Si cette "écologie"-là se croit un avenir, elle se trompe.
L'association Hydrauxois appelle les propriétaires et riverains de l'Armançon à exprimer leur désapprobation au SMBVA, aux élus et aux administratifs. Ainsi qu'à s'engager à ses côtés sur tous les autres projets en cours où la destruction est encore proposée comme option, en attendant que des choix nationaux mettent éventuellement fin à cette version absurde, destructrice et coûteuse de la continuité écologique.
L'enquête publique sur le premier arrêté de 2016 avait conclu à l'absence d'intérêt écologique et à l'absence d'intérêt général du projet. Et pour cause : la chute était modeste, les relevés piscicoles ne démontraient pas d'impact majeur, l'analyse morphologique du bassin n'avait pas conclu à un déséquilibre notable, l'endroit était charmant. Outre que la rivière Armançon est fragmenté de barrages beaucoup plus importants et sans projet, mais aussi polluée et soumise à des sécheresses parfois sévères, ce qui inquiète davantage les riverains.
Mais ce chantier est caractéristique de la routine dogmatique des effacements d'ouvrage en France : on le fait car il y a un diktat du ministère de l'écologie, une obéissance sans esprit critique des rouages administratifs et des syndicats, un budget de l'agence de l'eau ayant toujours de l'argent public à gâcher sur les modes du moment, quelques élus locaux prêts à tirer la gloriole d'une soi-disant "restauration de la rivière" alors que les causes majeures de sa dégradation ne sont pas modifiées. Les mêmes faisaient le contraire 40 ans plus tôt, en aménageant à l'époque lourdement les cours d'eau et en affirmant déjà que leurs travaux étaient tout à fait indispensables au bien commun. Bêtise et vanité...
A Perrigny-sur-Armançon, l'association Hydrauxois avait requis l'annulation de l'arrêté de 2016 et la préfecture de l'Yonne avait préféré retirer le texte, obtenant un non-lieu devant la justice. Mais un autre arrêté a été promulgué en novembre 2017, cette fois sans enquête. Bel exemple du déni démocratique massif entourant la question des ouvrages hydrauliques : pourquoi donc entendre les citoyens, puisqu'ils refusent de penser comme l'Etat exige qu'ils le fassent? Si cette "écologie"-là se croit un avenir, elle se trompe.
L'association Hydrauxois appelle les propriétaires et riverains de l'Armançon à exprimer leur désapprobation au SMBVA, aux élus et aux administratifs. Ainsi qu'à s'engager à ses côtés sur tous les autres projets en cours où la destruction est encore proposée comme option, en attendant que des choix nationaux mettent éventuellement fin à cette version absurde, destructrice et coûteuse de la continuité écologique.
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