12/02/2019

Faut-il reconstruire des barrages mimant ceux des castors ? (Lautz et al 2019)

Les Etats-Unis avaient été pionniers de la politique de destruction des grands barrages dans le dernier tiers du XXe siècle. Une nouvelle pratique s'y répand aujourd'hui : la multiplication de petits seuils artificiels mimant les effets des barrages de castor, là où les grands rongeurs semi-aquatiques ont été décimés. Car ces ralentissements de l'eau ont des effets recherchés, comme la lutte contre l'incision, le débordement en lit majeur, la diversification des habitats ou encore la recharge de la nappe phréatique au long de l'année. Des chercheurs appellent toutefois à mesurer les impacts avant de généraliser, d'autres techniques de restauration de rivières ayant révélé des échecs ces dernières décennies. Le débat sur l'intérêt des petits ouvrages est néanmoins relancé, car divers effets positifs des barrages de castors existent aussi bien pour des seuils et chaussées en rivière issus de l'histoire humaine, que certains réputent pourtant en France dénués de tout intérêt écologique...



Les castors sont des ingénieurs de l'écosystème. Lorsqu'ils construisent leurs barrages pour retenir l'eau, on observe des effets à l'échelle du bassin sur l'hydrologie, la dynamique des sédiments, la composition et la diversité des communautés animales aussi bien que végétales.

Comme l'observent Laura Lautz et ses collègues, "il n’est peut-être pas surprenant que des ingénieurs travaillant à la restauration de cours d’eau imitent maintenant les activités des castors, dans l’espoir de produire des effets similaires sur l’écosystème."

Les "barrages de type castor" (Beaver Dam Analogues, BDA) sont ainsi des "barrages construits par l'humain, conçus pour imiter les barrages de castors naturels dans le but de ralentir le débit de l'eau, d'augmenter les dépôts de sédiments et d'améliorer les habitats des rivières et des berges (Pilliod et al 2018)."

Des milliers de ces "BDA" ont déjà été déployés dans les montagnes de l'Ouest des États-Unis et leur popularité ne cesse de croître là-bas.

Pour les chercheurs, "le BDA en tant qu'outil de restauration de cours d'eau représente un changement de paradigme, passant de méthodes de conception statiques à long terme, telles que la conception de canaux naturels (NCD), à des approches de conception dynamiques à court terme."

Les BDA, conçus pour être provisoires, ne sont toutefois pas des analogues exacts des barrages construits par les castors. Ils sont souvent implantés pour en mimer les effets là où les castors ont disparu, où le lit s'est incisé et la nappe abaissée.

"Les BDA ne créent pas de conditions géomorphorlogiques statiques et sont conçus pour durer quelques années. Les BDA ont pour but de modifier les schémas d'érosion et les niveaux des cours d'eau et des nappes phréatiques, permettant ainsi au canal d'évoluer vers des formes de canaux plus naturelles (par exemple, des prairies et des chenaux de rivière tressés) (Pollock et al 2014). Les BDA ne sont pas non plus explicitement équivalents aux barrages de castor naturels, mis à part leur forme physique. En effet, ils sont généralement installés pour restaurer une étendue dégradée en raison de l'extinction locale du castor dans le paysage. La perte de castors entraîne généralement une érosion du chenal (en raison de la vitesse élevée de celui-ci), une diminution de la disponibilité de l'eau en fin d'été (en raison de la nappe phréatique abaissée) et une productivité réduite de la végétation riveraine (en raison de l'humidité limitée du sol; Bouwes et al 2016). Au moment de l'installation des BDA, les canaux sont souvent tellement incisés que les castors ne sont pas censés le réoccuper sans BDA, même s'ils sont introduits pour le repeuplement."

Les chercheurs appellent toutefois les gestionnaires à modérer les ardeurs : il est désormais reconnu que des erreurs ont été faites en restauration écologique de rivières "naturelles" ces dernières décennies, avec des choix précipités sans retours d'expérience très solides :

"Dans de nombreux cas, des études montrent que les rivières impactées passent à un nouvel état après restauration, mais qu'elles ne se dirigent pas nécessairement vers un statut de référence (par exemple, Daniluk, Lautz, Gordon et Endreny 2013). En outre, le simple concept de rivière de référence peut ne pas constituer une conceptualisation réaliste dans les régions fortement touchées par l'agriculture et l'urbanisation (McMillan et Vidon 2014). Malheureusement, beaucoup de ces résultats ont été publiés après que la conception de flot naturel soit devenu synonyme de restauration de cours d'eau. Même s'il existe des cas où les approches de restauration des cours d'eau ont porté leurs fruits, la popularité et l'utilisation systématique de ces travaux dans de nombreuses régions se poursuivent malgré le manque de preuves de leur efficacité."

Sans nier l'intérêt potentiel de cette technique, Laura Lautz et ses collègues suggèrent donc une certaine prudence et une analyse plus systématique des effets des recréations de petits barrages de type castor.

Discussion
La disparition de castors suite à leur chasse excessive par les humains a entraîné des effets bien documentés par la recherche scientifique : érosion, incision, moindre disponibilité d'eau à l'étiage, baisse de la productivité biologique en berge.

A l'heure où l'administration française s'est mis en tête de supprimer le maximum d'ouvrages hydrauliques, mêmes modestes, pour restaurer des cours d'eau rapides comme paradigme de la "nature retrouvée" (et pour la satisfaction de certains usagers pêcheurs de salmonidés), il est intéressant de voir que les idées évoluent en hydro-écologie. Peut-être faudrait-il éviter de se précipiter avec des politiques à coûts élevés et retours d'expérience encore peu rigoureux, comme Laura Lautz et ses collègues le demandent outre-Atlantique? La restauration de cours d'eau est loin d'être une science exacte, et les modes du moment peuvent révéler des effets pervers inattendus. On aimerait que les gestionnaires publics aient cette prudence à l'esprit avant de perturber des systèmes d'hydraulique ancienne présent depuis des siècles, formant parfois des écosystèmes originaux, et qu'il sera bien difficile de reconstruire si le bilan de leur disparition se révèle moins bon que prévu.

Quant au retour du castor européen dans les rivières, déjà bien entamé en France, il est évidement le bienvenu. Ce retour ne manquera pas de montrer que les discontinuités hydrologiques et morphologiques sont aussi nombreuses là où des hydrosystèmes reprennent leurs propres dynamiques.

Référence : Lautz L et al (2019), Restoring stream ecosystem function with beaver dam analogues: Let's not make the same mistake twice, Hydrological Processes, 33, 1, 174-177

Illustration : un barrage artificiel de type castor, sur le ruisseau de Red Canyon, dans le Wyoming. Extrait de Lautz et al 2019, art cit, tous droits réservés.

09/02/2019

Le déclin mondial des insectes et ses causes majeures (Sánchez-Bayoa et Wyckhuys 2019)

Dans une méta-analyse de la littérature mondiale, deux chercheurs soulignent que 40% des espèces d'insectes dans le monde subissent des pressions et pourraient être conduites vers l'extinction au cours de ce siècle. Ces pressions existent notamment sur quatre taxons aquatiques majeurs (odonates, plécoptères, trichoptères et éphéméroptères). Dans leur passage en revue des causes concernant les milieux aquatiques, les chercheurs soulignent les changements d'usage des sols (agriculture urbanisation) et les pollutions. Ils appellent à limiter prioritairement ces facteurs de dégradation, en particulier tous les ruissellements de produits toxiques finissant dans les cours d'eau ainsi que la conservation ou restauration de zones humides, le maintien de milieux en eaux en permanence face aux menaces de sécheresse et d'excès de prélèvements. 


La biodiversité des insectes est menacée dans le monde entier. Deux chercheurs présentent dns la revue Biological Conservation  un examen complet de 73 rapports historiques sur le déclin des insectes et évaluent systématiquement les facteurs sous-jacents.

Voici le résumé de leur étude :

"Nos travaux révèlent des taux de déclin spectaculaires qui pouraient entraîner l'extinction de 40% des espèces d'insectes dans le monde au cours des prochaines décennies. Dans les écosystèmes terrestres, les lépidoptères, les hyménoptères et les coléoptères semblent être les taxons les plus touchés, alors que quatre taxons aquatiques majeurs (odonate, plécoptère, trichoptère et éphéméroptère) ont déjà perdu une proportion considérable d’espèces. Les groupes d'insectes touchés comprennent non seulement les spécialistes occupant des niches écologiques particulières, mais également de nombreuses espèces communes et généralistes. Parallèlement, l’abondance d’un petit nombre d’espèces augmente; ce sont toutes des espèces adaptables et généralistes qui occupent les niches laissées vacantes par celles en déclin. Parmi les insectes aquatiques, les généralistes de l’habitat et de l’alimentation, ainsi que les espèces tolérantes aux polluants, remplacent les pertes importantes de biodiversité subies dans les eaux en milieu agricole et urbain. 

Les principaux facteurs de déclin des espèces semblent être par ordre d'importance: i) la perte d'habitat et la conversion en agriculture intensive et en urbanisation; ii) la pollution, principalement par les pesticides de synthèse et les engrais; iii) les facteurs biologiques, y compris les agents pathogènes et les espèces introduites; et iv) le changement climatique. Ce dernier facteur est particulièrement important dans les régions tropicales, mais ne concerne qu'une minorité d’espèces dans les climats plus froids et les montagnes des zones tempérées. Il est urgent de repenser les pratiques agricoles actuelles, en particulier une réduction importante de l'utilisation des pesticides et son remplacement par des pratiques plus durables et écologiques, afin de ralentir ou d'inverser les tendances actuelles, de permettre la reconstitution des populations d'insectes en déclin et de préserver les services écosystémiques vitaux qu'elles fournissent. En outre, des technologies de dépollution efficaces devraient être appliquées pour dépolluer les eaux en milieu agricole et urbain."



Concernant plus particulièrement les espèces aquatiques (ci-dessus, niveau de menace dans le monde des quatre taxons les plus étudiés), les auteurs observent les points suivants.

Pertes d'habitat en zones agricoles, gains dans certains systèmes artificiels - "L'intensification agricole implique également la canalisation des cours d'eau, l'assèchement des zones humides, la modification des plaines inondables et l'enlèvement du couvert végétal couvert, entraînant une perte subséquente de sol et d'éléments nutritifs, le tout entraînant l'homogénéisation des microhabitats des cours d'eau et l'altération des communautés d'insectes aquatiques (Houghton et Holzenthal 2010). Ces activités augmentent l'eutrophisation, l'envasement et la sédimentation dans les masses d'eau, réduisant ainsi la richesse des broyeurs et des prédateurs tout en favorisant les espèces filtrantes (Burdon et al 2013; Niyogi et al 2007; Olson et al 2016). Les diverses communautés de plantes aquatiques constituent un élément important de l'habitat dans les systèmes lentiques tels que les rizières, permettant l'herbivorie, la ponte et l'émergence de nombreux insectes et offrant un refuge aux nymphes d'odonates (Nakanishi et al 2014). En général, la perte d'écoulements permanents dans les cours d'eau entraîne une diminution de la biodiversité (King et al 2016), alors que les masses d'eau irriguées et artificielles dans les zones urbanisées peuvent avoir favorisé certaines espèces (Kalkman et al 2005, 2010)."

Polllutions - "Les insecticides pyréthroïdes, néonicotinoïdes et fipronil ont un impact dévastateur sur les insectes aquatiques et les crustacés en raison de leur toxicité aiguë et chronique élevée (Beketov et Liess 2008; Kasai et al 2016; Mian et Mulla 1992; Roessink et al 1992, 2013), réduisant ainsi de manière significative leur abondance dans les masses d'eau (van Dijk et al 2013). Les résidus persistants de fipronil dans les sédiments inhibent l'émergence de libellules (Jinguji et al 2013; Ueda et Jinguji 2013) et le développement de chironomidés et d'autres larves d'insectes, avec des effets en cascade négatifs sur la survie des poissons (Weston et al 2003, 2015). Les insecticides systémiques nuisent à la viabilité à long terme des larves de broyeurs qui décomposent la litière de feuilles et d’autres matières organiques (Kreutzweiser et al 2008), sapent la base du réseau alimentaire des insectes (Sánchez-Bayo et al 2016a) et nuisent ainsi aux ressources naturelles. mécanismes de contrôle biologique, par exemple dans les écosystèmes de rizières (Settle et al 1996)."

Conclusion : "Pour les insectes aquatiques, la réhabilitation des marais et l'amélioration de la qualité de l'eau sont indispensables au rétablissement de la biodiversité (van Strien et al 2016). Cela peut nécessiter la mise en œuvre de technologies de rémédiation efficaces pour nettoyer les eaux polluées existantes (Arzate et al 2017; Pascal-Lorber et Laurent 2011). Cependant, la priorité devrait être donnée à la réduction de la contamination par ruissellement et lessivage de produits chimiques toxiques, en particulier de pesticides. Seules de telles conditions peuvent permettre la recolonisation par une multitude d'espèces distinctes qui soutiennent des services écosystémiques essentiels tels que la décomposition de la litière et le recyclage des éléments nutritifs, fournissent de la nourriture aux poissons et autres animaux aquatiques et qui sont des prédateurs efficaces des ravageurs des cultures, des mauvaises herbes aquatiques et moustiques nuisibles."

Discussion
Cette méta-analyse confirme ce qui avait déjà été observé par les premiers travaux d'hydro-écologie des années 1960-1970, par exemple ceux de Verneaux en France. La pollution des cours d'eau est le premier facteur expliquant le déclin des insectes, et après eux de la chaîne trophique qui en dépend.

Référence : Sánchez-Bayoa F, Wyckhuys KAG (2019), Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers, Biological Conservation, 232, 8–27

Illustration (haut) : couple d'agrion au bord d'un bief en Morvan.

04/02/2019

Grand débat : écrivons les doléances des rivières et de leurs patrimoines !

Pollution, destruction d'ouvrages et plans d'eau, gestion de crues et étiages, prise en compte de la biodiversité, participation des riverains et écoute de leurs attentes... Dans le cadre du Grand Débat national, exprimez-vous sur la politique actuelle des rivières et des ouvrages hydrauliques. Un formulaire en ligne est proposé par les associations de moulins, étangs, riverains, défense des patrimoines des rivières et des droits des riverains. Les résultats feront l'objet d'une synthèse qui sera disponible en téléchargement pour l'adresser aux élus locaux, et par ailleurs envoyée au gouvernement et à ses administrations.



30/01/2019

La place de l'hydro-électricité dans la nouvelle stratégie énergie-climat de la France (PPE 2019)

Le ministère de l'écologie vient de publier sur son site les textes définitifs de la programmation pluri-annuelle de l'énergie. Ce document pose les objectifs de l'Etat sur 5 et 10 ans (2023 et 2028), ainsi que la doctrine publique en matière de soutien à l'énergie. Nous publions et commentons ici les extraits relatifs à l'hydro-électricité. Plusieurs motifs de satisfaction : le développement hydro-électrique est reconnu comme d'intérêt pour la transition, l'équipement de sites déjà en place est considéré comme de moindre impact, la petite hydro-électricité sera intégrée dans les appels  d'offres. A noter un point important pour les associations de moulins : tous les documents de programmation publique devront intégrer ces orientations (notamment les schémas régionaux, dont certains ignorent aujourd'hui l'hydro-électricité, et les planifications relatives aux cours d'eau). Il faudra donc être vigilant lors des discussions et consultations publiques sur ces textes d'orientation dans chaque territoire. Une autre condition est requise pour que cette programmation réussisse : changer la culture administrative de la haute fonction publique qui, depuis 15 ans, n'a trop souvent soutenu que les grands projets industriels au détriment des centaines de petites initiatives favorables à la transition bas-carbone, mais assommées de complexités parfois inutiles et disproportionnées. 

La PPE rappelle le rôle essentiel de l'hydro-électricité :
La filière hydroélectrique est essentielle pour la transition du système électrique : 
- il s’ agit d’ une filière renouvelable prédictible et pilotable ; 
- sa flexibilité (installations de lacs et d’ éclusée) permet d’ assurer de manière réactive l’ équilibre offre-demande lors des périodes de tension sur le système électrique, à la place de moyens thermiques coûteux et fortement émetteurs de gaz à effet de serre ; 
- le stockage hydraulique permet en outre de placer la production pour suivre la consommation sur des périodes longues (hebdomadaires voire saisonnières) 
Il arrive régulièrement que l'hydroélectricité représente plus de 20% de la puissance électrique sur le réseau pendant les périodes de pointe. Par ailleurs, grâce à sa flexibilité, cette filière représente environ 50% du mécanisme d'ajustement, qui est un dispositif permettant à RTE d'assurer à tout moment l'égalité entre la production et la consommation d'électricité.

Objectifs
L’objectif est d’augmenter le parc de l’ordre de 200 MW d'ici 2023 et de 900 à 1200 MW d'ici 2028, qui devrait permettre une production supplémentaire de l’ordre de 3 à 4 TWh dont environ 60% par l'optimisation d'aménagements existants.
Commentaire : nous devons trouver en dix ans 300 à 600 MW d'équipements nouveaux non liés à l'optimisation de sites producteurs déjà existants. Si la moitié de cet objectif est lié à la petite hydroélectricité d'ouvrage anciens (de loin les sites les plus nombreux, cf Punys et al 2019), cela représente quelques milliers de sites entre 10 et 100 kW à équiper. Cet objectif (quelques dizaines de sites par département en 10 ans) est largement tenable (et même dépassable) à condition d'avoir un soutien clair des pouvoirs publics, et non comme aujourd'hui une tendance à ralentir le volet hydraulique de la transition énergétique.

Mesures complémentaires en hydro-électricité
• Optimiser la production et la flexibilité du parc hydroélectrique, notamment au-travers de suréquipements et de l’installation de centrales hydroélectriques sur des barrages existants non-équipés 
• Mettre en place un dispositif de soutien à la rénovation des centrales autorisées entre 1MW et 4-5MW ; 
• Lancer l'octroi de nouvelles concessions sur quelques sites dont le potentiel aura été identifié ; 
• Lancer des appels d’offres pour la petite hydroélectricité
Commentaire : nous observons avec satisfaction que l'équipement de barrages existants est désormais considéré comme une stratégie opportune et que la petite hydro-électricité fera partie des appels d'offres. Toutefois, concernant cette petite hydro-électricité, l'urgence est à la simplification des relances : interlocuteur unique, procédure plus rapide en gestion des dossiers par les DDT-M, priorisation claire et réaliste en continuité écologique, baisse des coûts d'équipements environnementaux, davantage de transparence sur les coûts d'équipement hydromécaniques et électrotechniques.

Coûts unitaires
L’hydroélectricité est une énergie renouvelable compétitive en raison d’une durée de vie des installations importante sous réserve d’investissements réguliers. Les coûts de construction sont élevés (génie civil, équipement, raccordement au réseau), pour des coûts d’exploitation et de maintenance relativement faibles. Les coûts liés aux aménagements à visée environnementale sont de plus en plus significatifs.(...) 
Les coûts unitaires moyens observés sont compris : 
- entre 30 et 50 €/MWh pour de grandes installations au fil de l'eau ; 
- entre 70 et 90 €/MWh pour les installations de forte puissance et exploitant des hautes chutes ; 
- entre 70 et 160 €/MWh pour les installations de plus faible puissance.
Commentaire : les coûts unitaires n'ont pas de raison d'être élevés dans les sites existants (moulins, forges, barrages à autres usages) si leur génie civil est correct. Une grande partie de ces coûts vient aujourd'hui de demandes réglementaires disproportionnées aux impacts (exemple récent, cas fréquent) ainsi que de dispositifs de continuité écologique parfois surdimensionnés.

Réglementation environnementale
Afin de préserver la qualité des milieux aquatiques et de garantir les autres usages de l’eau, la réglementation environnementale applicable aux ouvrages hydroélectriques a été sensiblement renforcée : maintien d’un débit minimum dans le cours d’eau, aménagements de rétablissement de la continuité écologique, dispositifs pour limiter la mortalité piscicole, etc.
A l’instar des ouvrages existants, les projets hydroélectriques soulèvent des problématiques environnementales très différentes suivant la taille du projet et selon le lieu d’implantation. Pour un projet de faible ampleur visant l’équipement d’un barrage existant, l’impact du projet pourra se limiter à la problématique de dévalaison des poissons en lien avec l’installation d’une turbine et à la modification du régime hydrologique en cas de tronçon court-circuité. Pour un projet hydroélectrique sur site vierge, des impacts supplémentaires sont à considérer comme ceux liés à l’ennoiement (hydromorphologie, qualité de l’eau), ou encore ceux touchant à la continuité écologique pour la montaison ou le transit des sédiments. Sur les projets d’envergure comportant des barrages réservoirs, la gestion, lors de la conception du projet, des impacts du fonctionnement par éclusée est déterminante. Enfin, quelle que soit la taille du projet, les effets cumulés sont à évaluer lorsque des ouvrages équipent déjà le cours d’eau concerné, notamment en termes de continuité écologique ou lorsqu’un ennoiement est envisagé.
Compte tenu de leur coût plus élevé et de leur bénéfice moins important pour le système électrique au regard de leur impact environnemental, le développement de nouveaux projets de faible puissance doit être évité sur les sites présentant une sensibilité environnementale particulière. En revanche, les suréquipements ou les nouveaux aménagements permettant d'améliorer la flexibilité du parc doivent être priorisés.
Commentaire : il est reconnu que des projets de faible ampleur sur un barrage existant représentent un impact modéré, et que la dévalaison en est l'enjeu premier. Concernant la "sensibilité environnementale particulière", celle-ci est tout à fait compréhensible pour des raisons de protection de la biodiversité endémique, mais elle doit être précisée. On a vu et vécu trop de dérives où la simple présence de truites communes dans une rivière est considérée comme un enjeu majeur, cela davantage sur pression d'une fédération de pêche que sur une base d'écologie scientifique... Les impacts négatifs de l'hydro-électricité peuvent être raisonnablement maitrisés aujourd'hui, en particulier la petite hydro-électricité à ouvrages modestes, et ils sont rarement le premier facteur de dégradation des bassins.

Opposabilité 
Les stratégies et les documents de planification qui comportent des orientations sur l’énergie doivent être compatibles avec les orientations formulées dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Commentaire : il conviendra de vérifier dans chaque région que les schémas régionaux traitant du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'équilibre des territoires (SRADDET) incluent correctement les disposition de la PPE, notamment l'hydro-électricité. De même, les agences de l'eau devront intégrer ce volet de la PPE dans leur choix de financement sur les ouvrages hydrauliques en place.

Source : MTES (2019), Stratégie française pour l'énergie et le climat. Programmation pluri-annuelle 2019-2023, 2024-2028, 368 p.

28/01/2019

Les riverains en lutte pour sauver le canal d'Elne

Alors que Nicolas Hulot avait promis une continuité écologique "apaisée" pour calmer la colère croissante des riverains face aux destructions de moulins, forges, barrages et autres éléments hérités de la longue histoire des vallées, rien ne change en France : partout on persiste à détruire le patrimoine hydraulique, partout on assèche les biefs, les canaux, les étangs et les lacs, sans égard pour la biodiversité en place ni pour les avis des citoyens. Mais partout aussi émergent désormais des collectifs en lutte contre les diktats de l'Etat et de son administration trahissant l'esprit des lois. Les riverains du canal d'Elne ont rejoint ce mouvement, face aux menaces qui pèsent sur un site aux atouts remarquables. Voici leur appel, que l'on peut signer en ligne par solidarité.  Face à tout abus persistant, alors que le pays entier ne supporte plus l'absence de démocratie dans la conduite des politiques publiques et les erreurs de priorité en écologie, le mot d'ordre doit être clair : mobilisation des citoyens, contentieux devant les tribunaux, manifestations de terrain.




Sauvons le Canal d'Elne : un canal millénaire, un atout pour l’agriculture, l’écologie et le patrimoine ! 

Ce canal sur le Tech est aujourd’hui fortement menacé par une mauvaise interprétation de la loi qui conduira à la destruction du seuil permettant son alimentation à partir de la rivière et, par là-même, à faire disparaître à terme le canal.

Le Canal d’Elne est un atout indispensable pour lutter contre les effets du réchauffement climatique ; il doit absolument pouvoir continuer à couler librement.

Aux agriculteurs, propriétaires et riverains, défenseurs de la nature, amoureux d’un patrimoine millénaire et simples promeneurs attachés à un paysage traditionnel.

Dans la vallée du Tech, en l’absence de retenue d’eau, le seul moyen de retenir la circulation de l'eau douce vers la mer est le remarquable et ancestral maillage de nos canaux d'arrosage, dont celui d’Elne, le plus ancien sur le Tech, et de leurs ruisseaux adjacents.

Les fonctions du Canal d’Elne sont multiples :
  • Il permet depuis des siècles d’alimenter les nappes phréatiques et il est aujourd’hui un moyen efficace et indispensable pour lutter contre les effets du réchauffement climatique.
  • Il préserve une ressource en eau pour une agriculture responsable du présent et du futur de plus en plus menacée. Il pourrait être raccordé au réseau souterrain de l’ASA de Villeneuve.
  • En cas de fortes précipitations, il permet d'évacuer les trop-pleins des eaux de pluie en régulant les eaux d’inondation par son réseau.
  • Il conserve la biodiversité de la flore et de la faune des rives et berges humides installées depuis un millénaire tout au long d’un corridor de 17 km pouvant être aménagé facilement en voie bleue ou voie verte dans un paysage agréable.
  • Il maintient la permanence d’une zone humide à l’échelle du delta du Tech (le canal alimente en partie l’étang de Canet et la lagune de Saint Cyprien).
  • Il préserve les échanges verticaux et latéraux de la zone humide avec les nappes aquifères sous-jacentes.
  • Le patrimoine culturel et historique du Canal d’Elne se compose de sept moulins médiévaux et de divers ouvrages d’art constituant un argument touristique concrétisé aujourd’hui par deux gites.
  • Plusieurs moulins ont conservé une partie de leur chute d’eau et leurs vannes qui, restaurées, pourraient générer une production énergétique intéressante. Le seuil en lui-même présente un potentiel important de 216 kW soit un productible de 1 015 000 kW/h par an (DREAL 2011).


Les manifestations publiques organisées par le Collectif de défense ont rappelé ces atouts. Or le Canal d’Elne et son maillage sont désormais menacés. Pourquoi ?

L’administration en charge de l’eau a engagé en 2009 un plan d’action pour la restauration de la «continuité écologique» des cours d’eau, et procédé en 2012-2013 au classement, à cette fin, de nombreuses rivières. La «continuité écologique» veut dire en réalité, sous un vocable flatteur et consensuel, l’éradication de tous les obstacles sur les rivières, dont de nombreux moulins ont déjà fait les frais en France ainsi que des ouvrages d’art comme les seuils ou rescloses permettant d’alimenter les canaux. Au vu d’une affirmation très douteuse concernant la présence de deux nouveaux poissons migrateurs, le cours inférieur du Tech, dans un premier temps épargné, a été reclassé dans la catégorie des rivières devant aménager la «continuité écologique», et accessoirement, celle de «continuité sédimentaire».

Ce classement menace directement le seuil (resclosa) qui permet depuis un millénaire à l’eau du Tech d’alimenter le canal d’Elne par gravité, c’est-à-dire sans aucun besoin d’énergie.

Le système actuel de circulation de l’eau du Canal emprunte des anciens bras d’inondation du Tech ; son alimentation et son cours se réalisent par simple gravité. La menace administrative s’exprime par différentes solutions successivement envisagées et abandonnées, traduisant ainsi la perplexité des acteurs. L’arasement total de la resclosa, un temps préconisé, a été remplacé par un projet d’abaissement du seuil, ce qui ne change rien pour ce qui concerne l’alimentation du canal puisque la hauteur du seuil actuel permet tout juste à l’eau d’entrer dans la prise du canal. A cet aménagement menaçant l’alimentation gravitaire, a succédé un projet d’alimentation intermittent par des pompes électriques énergivores par nature et dont le prix d’achat et le coût de maintenance ne sont pas évalué.

Nous sommes favorables, bien sûr, à l’amélioration des conditions de vie des poissons migrateurs, même si leur présence est ici hypothétique. Mais, pour une gestion équilibrée, cette politique doit respecter les autres dimensions de la biodiversité. C'est ce principe que la loi impose, mais que l'administration méconnait. L’écologie ne se réduit pas à une sanctuarisation des milieux ou à un retour hypothétiquement originel. Les aménagements «doux» de continuité (vannes, passes à poissons, rivières de contournement) constituent autant de pistes qui n’ont pas été envisagées.

Les atouts du Canal d’Elne ont été souvent ignorés et minimisés par les administrations en charge de l’eau dont la priorité va au respect mécanique et à l’application dogmatique d’une consigne qui est inadaptée aux conditions environnementales de la zone humide du Canal d’Elne et du delta du Tech.

Aussi par cette pétition :

  • Nous nous opposons à la destruction même partielle du seuil permettant l’alimentation du Canal d’Elne, comme nous refusons tout ouvrage hydraulique qui menacerait la permanence de cette alimentation.
  • Nous nous opposons à la perte du droit millénaire Fondé en Titre qui rendrait la mesure définitive et à tout jamais irréversible.
  • Nous déplorons la manière dont les diverses collectivités et organismes instruisent la continuité écologique du cours inférieur du Tech et, en particulier les refus d'associer le Collectif de défense aux travaux menés par les administrations ainsi que l'absence de réponses aux demandes légitimes d'éclaircissement formulées par l'association.
  • Nous refusons l’application « à l’aveugle » d’une continuité écologique agressive et destructrice qui n’est plus acceptable et n'est plus acceptée, comme l’ont déjà reconnu les rapports parlementaires et les audits administratifs en d’autres régions de France.
  • Devant la méconnaissance des atouts du canal, nous contesterons, si nécessaire en justice, les décisions qui seront prises si elles devaient persister dans le sens actuel d’une volonté systématique de destruction des ouvrages.

Pour signer ce texte