23/02/2019
17/02/2019
Dix orientations pour une continuité écologique "apaisée" et efficace
Quelle politique publique des ouvrages en rivière et de la continuité écologique reflétant à la fois l'état des connaissances et celui des aspirations démocratiques? Voici 10 positions qui devraient selon nous organiser les choix d'orientation du gouvernement et des décideurs locaux, plus particulièrement les débats en cours au comité national de l'eau. Ce sont autant de préalables à une gestion apaisée et efficace de la continuité, sans lesquels la réforme persistera non seulement dans sa conflictualité sociale et judiciaire actuelle, mais aussi dans des choix qui ont de mauvais rapport coût-efficacité, voire des effets dommageables sur la biodiversité, la pollution, la transition énergétique et l'adaptation au changement climatique.
Reconnaître les dimensions multiples de l'eau. La rivière et les plans d'eau sont des phénomènes naturels - physique, chimique, biologique, écologique - existant avant l'homme mais ils sont également au coeur de la vie et des activités humaines depuis la sédentarisation. La recherche a parlé des "hydro-éco-socio-systèmes" pour qualifier cette réalité hybride à la croisée de l'histoire, de la société et de la nature. Si certains bassins versants ont été peu occupés ou tôt délaissés par l'être humain, offrant aujourd'hui le visage d'une "naturalité" assez spontanée dont la protection écologique forte peut être d'intérêt, ce n'est pas le cas commun. Une politique publique vise la gestion équilibrée et durable de ces milieux aquatiques, en acceptant par principe que les enjeux environnementaux, sociaux et économiques doivent être pensés ensemble, de manière synergique et non pas antagoniste.
Respecter les ouvrages autorisés. Sauf cas de construction illégale, les ouvrages aujourd'hui présents en rivière sont des ouvrages autorisés. Comme tels, ils ont droit au respect de la propriété inscrit dans la constitution. La continuité écologique ne consiste pas à mener des campagnes de contestation de leur existence en vue de les détruire, mais à rechercher des moyens de gestion ou équipement au meilleur ratio coût-efficacité pour améliorer la circulation des poissons et le transit des sédiments. En conséquence, aucune politique publique ne peut partir du principe que la destruction des ouvrages hydrauliques serait une solution supérieurement financée (agences de l'eau) ou proposée en première intention (EPAGE, EPTB).
Assurer la circulation des poissons migrateurs. La continuité écologique a été construite sur le premier objectif de protéger certains poissons ayant des besoins de migrations dans les rivières. La plupart des poissons d'eau douce ont des cycles de vie compatibles avec des aires limitées de nourriture, croissance, reproduction, et donc compatibles avec la fragmentation des rivières qui est en partie naturelle dans l'histoire de l'environnement (chutes et cascades, barrages de castors et d'embâcles, etc.). La continuité écologique s'adresse d'abord aux exigences biologiques de poissons ayant besoin de migrations à longue distance, en particulier les espèces menacées faisant l'objet de plans de protection (anguille, saumon, esturgeon). La circulation ouverte à toutes espèces est une option de mieux-disant halieutique, comportant parfois des désavantages (exotiques, pathogènes), mais elle ne doit pas être la requête de principe sur chaque ouvrage.
Gérer le transit des sédiments au cas par cas. Les dynamiques sédimentaires permettent des apports solides et des habitats variés dans le lit des rivières. Elles sont très variables selon les évolutions et les usages des bassins versants, qui répondent encore aujourd'hui à des pressions vieilles de plusieurs siècles. En raison de la déprise agricole et de la reforestation, certains bassins sont plutôt en déficit d'apport sédimentaire par l'érosion, et en phase d'incision. Ailleurs, les labours mécanisés ont pu augmenter la charge des sédiments fins dans les rivières. De plus, les sédiments (comme l'eau) portent la mémoire des pollutions persistantes liées aux activités humaines passées ou présentes, y compris celles liées à l'urbanisation et à l'usage des produits chimiques de synthèse. La gestion sédimentaire relève donc du cas par cas, avec une approche impérativement définie par bassin versant, en fonction de la quantité et qualité de la charge solide, ainsi que celle des polluants.
Prendre en compte la biomasse et la biodiversité au droit des ouvrages. Les ouvrages hydrauliques sont de nature très variable, mais en règle générale ils augmentent le volume et/ou la surface en eau, par l'existence d'une retenue ou d'un réservoir et de canaux de diversion. Ces milieux aquatiques ou humides d'origine humaine sont aujourd'hui considérés par la recherche en écologie comme des écosystèmes artificiels susceptibles d'abriter eux aussi de la biodiversité, et parfois même une diversité supérieure à des milieux naturels adjacents mais appauvris. Ils peuvent aussi servir de refuges en situation de stress. Une intervention sur les ouvrages hydrauliques doit commencer par un inventaire de leur biodiversité faune-flore et de leurs fonctionnalités écologiques, afin de prendre une décision éclairée par le réalité du vivant sur site.
Evaluer le rôle protecteur des ouvrages. Dans diverses situations - changement climatique multipliant les assecs et stressant les nappes, pollutions aigües se diffusant dans les rivières, espèces exotiques colonisant des bassins, espèces d'élevage menaçant d'introgression des souches endémiques, crues à temps de retour fréquent –, les ouvrages hydrauliques peuvent jouer des rôles bénéfiques pour des milieux aquatiques et rivulaires, ou pour la régulation des eaux au bénéfice des riverains. Les préconisations de gestion dans chaque bassin versant doivent étudier et intégrer ces dimensions, par un diagnostic mené tant au niveau de chaque site qu'au niveau de la dynamique globale du bassin et sa projection en situation de changement climatique. Etant donné le caractère encore incomplet de nos connaissances écologiques et le caractère incertain des projections hydro-climatiques, une solution réversible de continuité est par principe préférable à un choix irrémédiable.
Développer l'énergie hydraulique pour la transition. Une partie des ouvrages hydrauliques ont servi à produire de l'énergie dans l'histoire, d'autres peuvent le faire bien que ce ne soit pas leur vocation d'origine. Des techniques permettent aujourd'hui d'exploiter la plupart des conditions de chute ou de débit, en autoconsommation ou en injection réseau. La France est le pays à plus fort potentiel d'équipement d'ouvrages en place en Europe selon le bilan 2019 de Restor-Hydro. Notre pays a pris des engagements européens et internationaux faisant de la prévention du changement climatique et de la décarbonation de l'énergie une priorité, avec un bilan zéro carbone net en 2050, soit une génération seulement. La mobilisation des ouvrages hydrauliques dans cette transition est dès lors un choix de première intention.
Tenir compte de la continuité historique et paysagère. De nombreux ouvrages hydrauliques sont en place depuis plusieurs générations, puisque 110 000 moulins et forges étaient recensés au milieu du XIXe siècle. Les plus anciens sont attestés dès le Moyen Âge. Il existe donc une transmission historique remarquable et une intégration paysagère des ouvrages dans leurs vallées. Le paysage n'est certes pas plus immuable que la nature, mais il est en France un élément important du cadre de vie et l'objet de préférences marquées de la part des riverains. La mise en oeuvre d'une politique de continuité doit intégrer cette réalité, telle qu'elle est éprouvée par les citoyens eux-mêmes et non par des experts, sans réfuter cet attachement comme une erreur ou une incompréhension.
Garantir le soutien économique à la continuité. Quand ils prennent la forme de projets ambitieux permettant un passage de toutes espèces (passes à poissons, rivières de contournement), les aménagements de continuité écologique ont des coûts de conception et réalisation qui excèdent largement la charge financière que l'on peut imposer à un particulier ou un petit exploitant pour une motivation d'intérêt général. Pour solvabiliser la réforme, il convient donc que le financeur public, au premier chef les agences de bassin dédiées aux investissements dans le grand cycle de l'eau, intègre la prise en charge de la majeure partie de ces coûts dans ses programmes d'intervention. Des compléments peuvent être apportés par les collectivités territoriales et leurs établissements en charge de la compétence GEMAPI, ainsi que les parcs naturels.
Ré-inventer la gestion locale, ouverte et démocratique des bassins. Dans le domaine des rivières comme ailleurs, il existe en France une crise de la gouvernance démocratique. Les décisions sont perçues comme trop centralisées et trop éloignées du terrain, les instances politico-administratives sont nombreuses et complexes, les acteurs locaux n'ont pas assez d'autonomie décisionnelle et financière, les nouveaux outils numériques de collecte, de concertation et de participation sont très peu exploités pour dégager les préférences des citoyens, les logiques d'urgence et de court-terme nuisent au temps long du débat, de l'observation et de la réflexion. En ce qu'elles sont sources de débats, la continuité écologique et plus généralement la gestion de la rivière sont le terrain propice à une avancée de la démocratisation. Cela passe par le renouveau de l'esprit de décentralisation et d'autonomie qui avait présidé à la création des agences de bassin en 1964, avec l'unité élémentaire de chaque bassin versant comme lieu premier du diagnostic des besoins et de discussion des moyens. Toutes les parties prenantes doivent y être intégrées dès l'amont des projets.
Reconnaître les dimensions multiples de l'eau. La rivière et les plans d'eau sont des phénomènes naturels - physique, chimique, biologique, écologique - existant avant l'homme mais ils sont également au coeur de la vie et des activités humaines depuis la sédentarisation. La recherche a parlé des "hydro-éco-socio-systèmes" pour qualifier cette réalité hybride à la croisée de l'histoire, de la société et de la nature. Si certains bassins versants ont été peu occupés ou tôt délaissés par l'être humain, offrant aujourd'hui le visage d'une "naturalité" assez spontanée dont la protection écologique forte peut être d'intérêt, ce n'est pas le cas commun. Une politique publique vise la gestion équilibrée et durable de ces milieux aquatiques, en acceptant par principe que les enjeux environnementaux, sociaux et économiques doivent être pensés ensemble, de manière synergique et non pas antagoniste.
Respecter les ouvrages autorisés. Sauf cas de construction illégale, les ouvrages aujourd'hui présents en rivière sont des ouvrages autorisés. Comme tels, ils ont droit au respect de la propriété inscrit dans la constitution. La continuité écologique ne consiste pas à mener des campagnes de contestation de leur existence en vue de les détruire, mais à rechercher des moyens de gestion ou équipement au meilleur ratio coût-efficacité pour améliorer la circulation des poissons et le transit des sédiments. En conséquence, aucune politique publique ne peut partir du principe que la destruction des ouvrages hydrauliques serait une solution supérieurement financée (agences de l'eau) ou proposée en première intention (EPAGE, EPTB).
Assurer la circulation des poissons migrateurs. La continuité écologique a été construite sur le premier objectif de protéger certains poissons ayant des besoins de migrations dans les rivières. La plupart des poissons d'eau douce ont des cycles de vie compatibles avec des aires limitées de nourriture, croissance, reproduction, et donc compatibles avec la fragmentation des rivières qui est en partie naturelle dans l'histoire de l'environnement (chutes et cascades, barrages de castors et d'embâcles, etc.). La continuité écologique s'adresse d'abord aux exigences biologiques de poissons ayant besoin de migrations à longue distance, en particulier les espèces menacées faisant l'objet de plans de protection (anguille, saumon, esturgeon). La circulation ouverte à toutes espèces est une option de mieux-disant halieutique, comportant parfois des désavantages (exotiques, pathogènes), mais elle ne doit pas être la requête de principe sur chaque ouvrage.
Gérer le transit des sédiments au cas par cas. Les dynamiques sédimentaires permettent des apports solides et des habitats variés dans le lit des rivières. Elles sont très variables selon les évolutions et les usages des bassins versants, qui répondent encore aujourd'hui à des pressions vieilles de plusieurs siècles. En raison de la déprise agricole et de la reforestation, certains bassins sont plutôt en déficit d'apport sédimentaire par l'érosion, et en phase d'incision. Ailleurs, les labours mécanisés ont pu augmenter la charge des sédiments fins dans les rivières. De plus, les sédiments (comme l'eau) portent la mémoire des pollutions persistantes liées aux activités humaines passées ou présentes, y compris celles liées à l'urbanisation et à l'usage des produits chimiques de synthèse. La gestion sédimentaire relève donc du cas par cas, avec une approche impérativement définie par bassin versant, en fonction de la quantité et qualité de la charge solide, ainsi que celle des polluants.
Prendre en compte la biomasse et la biodiversité au droit des ouvrages. Les ouvrages hydrauliques sont de nature très variable, mais en règle générale ils augmentent le volume et/ou la surface en eau, par l'existence d'une retenue ou d'un réservoir et de canaux de diversion. Ces milieux aquatiques ou humides d'origine humaine sont aujourd'hui considérés par la recherche en écologie comme des écosystèmes artificiels susceptibles d'abriter eux aussi de la biodiversité, et parfois même une diversité supérieure à des milieux naturels adjacents mais appauvris. Ils peuvent aussi servir de refuges en situation de stress. Une intervention sur les ouvrages hydrauliques doit commencer par un inventaire de leur biodiversité faune-flore et de leurs fonctionnalités écologiques, afin de prendre une décision éclairée par le réalité du vivant sur site.
Evaluer le rôle protecteur des ouvrages. Dans diverses situations - changement climatique multipliant les assecs et stressant les nappes, pollutions aigües se diffusant dans les rivières, espèces exotiques colonisant des bassins, espèces d'élevage menaçant d'introgression des souches endémiques, crues à temps de retour fréquent –, les ouvrages hydrauliques peuvent jouer des rôles bénéfiques pour des milieux aquatiques et rivulaires, ou pour la régulation des eaux au bénéfice des riverains. Les préconisations de gestion dans chaque bassin versant doivent étudier et intégrer ces dimensions, par un diagnostic mené tant au niveau de chaque site qu'au niveau de la dynamique globale du bassin et sa projection en situation de changement climatique. Etant donné le caractère encore incomplet de nos connaissances écologiques et le caractère incertain des projections hydro-climatiques, une solution réversible de continuité est par principe préférable à un choix irrémédiable.
Développer l'énergie hydraulique pour la transition. Une partie des ouvrages hydrauliques ont servi à produire de l'énergie dans l'histoire, d'autres peuvent le faire bien que ce ne soit pas leur vocation d'origine. Des techniques permettent aujourd'hui d'exploiter la plupart des conditions de chute ou de débit, en autoconsommation ou en injection réseau. La France est le pays à plus fort potentiel d'équipement d'ouvrages en place en Europe selon le bilan 2019 de Restor-Hydro. Notre pays a pris des engagements européens et internationaux faisant de la prévention du changement climatique et de la décarbonation de l'énergie une priorité, avec un bilan zéro carbone net en 2050, soit une génération seulement. La mobilisation des ouvrages hydrauliques dans cette transition est dès lors un choix de première intention.
Tenir compte de la continuité historique et paysagère. De nombreux ouvrages hydrauliques sont en place depuis plusieurs générations, puisque 110 000 moulins et forges étaient recensés au milieu du XIXe siècle. Les plus anciens sont attestés dès le Moyen Âge. Il existe donc une transmission historique remarquable et une intégration paysagère des ouvrages dans leurs vallées. Le paysage n'est certes pas plus immuable que la nature, mais il est en France un élément important du cadre de vie et l'objet de préférences marquées de la part des riverains. La mise en oeuvre d'une politique de continuité doit intégrer cette réalité, telle qu'elle est éprouvée par les citoyens eux-mêmes et non par des experts, sans réfuter cet attachement comme une erreur ou une incompréhension.
Garantir le soutien économique à la continuité. Quand ils prennent la forme de projets ambitieux permettant un passage de toutes espèces (passes à poissons, rivières de contournement), les aménagements de continuité écologique ont des coûts de conception et réalisation qui excèdent largement la charge financière que l'on peut imposer à un particulier ou un petit exploitant pour une motivation d'intérêt général. Pour solvabiliser la réforme, il convient donc que le financeur public, au premier chef les agences de bassin dédiées aux investissements dans le grand cycle de l'eau, intègre la prise en charge de la majeure partie de ces coûts dans ses programmes d'intervention. Des compléments peuvent être apportés par les collectivités territoriales et leurs établissements en charge de la compétence GEMAPI, ainsi que les parcs naturels.
Ré-inventer la gestion locale, ouverte et démocratique des bassins. Dans le domaine des rivières comme ailleurs, il existe en France une crise de la gouvernance démocratique. Les décisions sont perçues comme trop centralisées et trop éloignées du terrain, les instances politico-administratives sont nombreuses et complexes, les acteurs locaux n'ont pas assez d'autonomie décisionnelle et financière, les nouveaux outils numériques de collecte, de concertation et de participation sont très peu exploités pour dégager les préférences des citoyens, les logiques d'urgence et de court-terme nuisent au temps long du débat, de l'observation et de la réflexion. En ce qu'elles sont sources de débats, la continuité écologique et plus généralement la gestion de la rivière sont le terrain propice à une avancée de la démocratisation. Cela passe par le renouveau de l'esprit de décentralisation et d'autonomie qui avait présidé à la création des agences de bassin en 1964, avec l'unité élémentaire de chaque bassin versant comme lieu premier du diagnostic des besoins et de discussion des moyens. Toutes les parties prenantes doivent y être intégrées dès l'amont des projets.
Illustrations : ouvrage et bief de Til-Châtel (21) sur l'Ignon, un patrimoine auquel les riverains sont attachés. Au plan écologique, cette zone de l'Ignon et la Tille est sujette à des assecs fréquents en été, qui risquent de s'aggraver en fréquence ou en intensité avec le changement climatique. Se posent aussi la question de la présence (non vérifiée à date) de truites de souche méditerranéenne en amont (qui pourraient subir une introgression génétique de truite fario d'élevage, de souche atlantique) et la nécessité d'engager aujourd'hui chaque territoire dans la transition énergétique, par la baisse de sa consommation comme par l'exploitation de tous les potentiels en place, dont l'hydroélectricité.
16/02/2019
La continuité écologique "apaisée" est-elle un enfumage? Les fédérations de moulins et riverains doivent exiger un texte clair
Après de nombreuses critiques parlementaires, des audits administratifs défavorables, des contentieux judiciaires multiples, la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) du ministère de l'écologie a été contrainte de réviser la mise en oeuvre de la continuité écologique des rivières. Rappelons que l'Etat et les agences de l'eau ont engagé depuis 2010 une politique non concertée et aberrante de destruction préférentielle des barrages, moulins, étangs, lacs, plans d'eau, entraînant de vives protestations dans tous les territoires. Notre association a reçu information des dernières évolutions du plan de continuité "apaisée" qui a été adopté par le gouvernement en 2018. Sa circulaire d'application est inacceptable en l'état. Nous appelons donc les fédérations de moulins et riverains, qui participent à la concertation au comité national de l'eau, à faire évoluer drastiquement ce texte, ou à quitter les négociations s'il s'agit seulement de donner une caution à une politique décriée. Dans tous les cas, la base n'acceptera pas la poursuite des pratiques de l'administration ni un pseudo-apaisement qui n'apporterait aucune solution durable aux problèmes de fond.
Sur le terrain, malgré l'adoption du Plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique par le ministère de l'écologie en 2018, rien ne change dans nos bassins versants. Les destructions et les pressions administratives continuent. Les agences de l'eau persistent à adopter dans leurs programmes d'intervention et dans leurs projets de SDAGE 2022 des financements de destruction préférentielle d'ouvrages. L'agence française pour la biodiversité (AFB ex Onema) et ses antennes régionales persistent à ignorer la biodiversité des milieux anthropisés et à concentrer leur attention sur quelques espèces de poissons au détriment du reste de la faune et de la flore aquatiques. Les porteurs de projets hydro-électriques de relance des moulins sont découragés par des demandes disproportionnées des services instructeurs de l'Etat et des coûts économiques inabordables, qui ralentissent ou stoppent la progression de la transition énergétique sur son volet hydraulique.
Nous avons eu accès à un document de projet du ministère, débattu au comité national de l'eau, relatif à la mise en oeuvre de ce plan de continuité "apaisée" par la direction de l'eau et de la biodiversité. Nous ne le publions pas car c'est un document interne de travail. Mais nous tirons publiquement la sonnette d'alarme : ce projet est inacceptable pour notre association, comme il se sera pour de nombreuses autres et pour les collectifs riverains en lutte pour préserver des sites d'intérêt.
Dans les points à réviser impérativement :
De notre point de vue, les fédérations de moulins (FFAM, FDMF) et de riverains (ARF) participant au comité national de l'eau ne peuvent accepter les solutions proposées en l'état. Dans l'hypothèse où elles le feraient, les associations de terrain et les nombreux collectifs riverains continueraient de toute façon de plus belle leurs luttes contre les arbitraires administratifs.
Depuis 10 ans, nous avons perdu confiance dans l'objectivité et la sincérité de l'Etat et de nombreux gestionnaires publics sur la question des rivières en lien à leurs ouvrages hydrauliques. Pour rétablir cette confiance, il ne nous faut pas des textes complexes, sans hiérarchie des enjeux, des textes remplis de flous qui seront sources de nouveaux contentieux, mais une évolution claire et transparente des choix publics sur les rivières.
Le paradigme de la généralisation de rivières renaturées selon un état de référence pré-anthropique, qui s'était imposé au tournant des années 2000, est d'ores et déjà un échec. Cela pas seulement à cause de son indifférence aux usages sociaux, économiques et patrimoniaux des rivières et plans d'eau, mais aussi en raison d'une mauvaise construction intellectuelle, issue d'une écologie déjà datée des années 1950-70, ignorante de nombreuses publications depuis les années 2000 sur les limites de restauration de rivière et sur le caractère hybride des bassins versants comme des milieux aquatiques. Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner toute ambition écologique, bien au contraire, mais les termes de cette écologie doivent être reprécisés à la lumière des connaissances et des expériences.
A cela s'ajoute qu'à budget très contraint, l'Etat français ne peut pas poursuivre des objectifs contradictoires, la lutte accélérée contre le changement climatique (demandant d'équiper les ouvrages hydrauliques) et la recréation partout de rivières "sauvages" (demandant de supprimer les ouvrages ou d'empêcher leur équipement).
Nous appelons donc les riverains et propriétaires à une vigilance active, en amplifiant la lutte contre les nombreux projets absurdes de destruction qui perdurent hélas dans le pays. Et nous appelons les fédérations de moulins et riverains à porter la voix de ces luttes locales au comité national de l'eau, afin que chacun prenne ses responsabilités pour l'avenir.
Sur le terrain, malgré l'adoption du Plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique par le ministère de l'écologie en 2018, rien ne change dans nos bassins versants. Les destructions et les pressions administratives continuent. Les agences de l'eau persistent à adopter dans leurs programmes d'intervention et dans leurs projets de SDAGE 2022 des financements de destruction préférentielle d'ouvrages. L'agence française pour la biodiversité (AFB ex Onema) et ses antennes régionales persistent à ignorer la biodiversité des milieux anthropisés et à concentrer leur attention sur quelques espèces de poissons au détriment du reste de la faune et de la flore aquatiques. Les porteurs de projets hydro-électriques de relance des moulins sont découragés par des demandes disproportionnées des services instructeurs de l'Etat et des coûts économiques inabordables, qui ralentissent ou stoppent la progression de la transition énergétique sur son volet hydraulique.
Nous avons eu accès à un document de projet du ministère, débattu au comité national de l'eau, relatif à la mise en oeuvre de ce plan de continuité "apaisée" par la direction de l'eau et de la biodiversité. Nous ne le publions pas car c'est un document interne de travail. Mais nous tirons publiquement la sonnette d'alarme : ce projet est inacceptable pour notre association, comme il se sera pour de nombreuses autres et pour les collectifs riverains en lutte pour préserver des sites d'intérêt.
Dans les points à réviser impérativement :
- le ministère de l'écologie refuse de reconnaître explicitement le caractère exceptionnel de la destruction et le caractère normal de la gestion ou de l'équipement des sites, comme le prévoit la loi;
- le ministère de l'écologie refuse de reconnaître que les rivières françaises et européennes sont dans l'immense majorité des cas des milieux déjà anthropisés, de longue date, où l'on doit mesurer la biodiversité in situ et non pas viser un "état de référence" qui n'existe déjà plus et qui changera au cours de siècle avec le climat;
- le ministère de l'écologie refuse en particulier de reconnaître que les retenues, réservoirs, lacs, étangs, canaux, biefs et zones humides annexes sont des milieux à part entière que l'on doit étudier avant d'engager leur perturbation, et dont on doit projeter le rôle en situation de changement climatique, alors qu'il existe une littérature scientifique à ce sujet;
- l'urgence de la réponse aux risques de changement climatique, pourtant actée au plus haut sommet de l'Etat, n'est pas mise en avant alors que sans mobilisation de tous les potentiels énergétiques, la France ne pourra pas tenir ses engagements internationaux (accords de Paris) et européens (Horizon 2030), risquant des procédures contentieuses multiples, y compris des contentieux venant désormais des citoyens eux-mêmes;
- la priorisation (des sites pour la continuité) est présentée comme une simple mesure administrative qui va d'abord permettre à l'Etat de limiter le personnel et la dépense sur certains projets, laissant les autres sites orphelins de toute solution;
- la non priorité n'est assortie d'aucune exemption formelle de travaux par la préfecture, ce qui laisse le propriétaire dans l'insécurité juridique la plus complète (son site n'est pas prioritaire... mais il est censé assurer la continuité quand même!);
- la direction de l'eau et de la biodiversité veut interdire ou rendre très complexe la relance hydro-électrique des moulins dans les rivières en liste 1 (malgré la jurisprudence du conseil d'Etat), alors que ces listes 1 interdisent la construction de nouveaux obstacles, mais pas la relance de ceux qui existent déjà et n'ajoutent pas d'impacts morphologiques;
- la grille de priorisation n'est pas spécifiée (malgré une littérature scientifique à ce sujet, y compris française) et le risque de confier son organisation aux gestionnaires publics locaux déjà défaillants à créer un consensus sur une base objective est évident. Chaque cas est particulier, mais la méthode d'évaluation des cas doit être générale. Sans une hausse de qualité et de rigueur sur la caractérisation écologique des rivières et en particulier des poissons, on reproduira exactement les mêmes désaccords (l'AFB, les DREAL de bassins, les agences de l'eau, les fédérations de pêche sont à l'origine du problème avec un classement irréaliste des rivières en 2011-2012, pourquoi les choses changeraient-elles si les mêmes peuvent subjectivement décider ce qui serait ou non prioritaire, voire développer une idéologie de la rivière sauvage "renaturée" n'ayant rien à voir avec les textes de loi ni même avec leurs circulaires d'application?)
De notre point de vue, les fédérations de moulins (FFAM, FDMF) et de riverains (ARF) participant au comité national de l'eau ne peuvent accepter les solutions proposées en l'état. Dans l'hypothèse où elles le feraient, les associations de terrain et les nombreux collectifs riverains continueraient de toute façon de plus belle leurs luttes contre les arbitraires administratifs.
Depuis 10 ans, nous avons perdu confiance dans l'objectivité et la sincérité de l'Etat et de nombreux gestionnaires publics sur la question des rivières en lien à leurs ouvrages hydrauliques. Pour rétablir cette confiance, il ne nous faut pas des textes complexes, sans hiérarchie des enjeux, des textes remplis de flous qui seront sources de nouveaux contentieux, mais une évolution claire et transparente des choix publics sur les rivières.
Le paradigme de la généralisation de rivières renaturées selon un état de référence pré-anthropique, qui s'était imposé au tournant des années 2000, est d'ores et déjà un échec. Cela pas seulement à cause de son indifférence aux usages sociaux, économiques et patrimoniaux des rivières et plans d'eau, mais aussi en raison d'une mauvaise construction intellectuelle, issue d'une écologie déjà datée des années 1950-70, ignorante de nombreuses publications depuis les années 2000 sur les limites de restauration de rivière et sur le caractère hybride des bassins versants comme des milieux aquatiques. Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner toute ambition écologique, bien au contraire, mais les termes de cette écologie doivent être reprécisés à la lumière des connaissances et des expériences.
A cela s'ajoute qu'à budget très contraint, l'Etat français ne peut pas poursuivre des objectifs contradictoires, la lutte accélérée contre le changement climatique (demandant d'équiper les ouvrages hydrauliques) et la recréation partout de rivières "sauvages" (demandant de supprimer les ouvrages ou d'empêcher leur équipement).
Nous appelons donc les riverains et propriétaires à une vigilance active, en amplifiant la lutte contre les nombreux projets absurdes de destruction qui perdurent hélas dans le pays. Et nous appelons les fédérations de moulins et riverains à porter la voix de ces luttes locales au comité national de l'eau, afin que chacun prenne ses responsabilités pour l'avenir.
14/02/2019
Inquiétudes autour de l'étang du Pont de Kerlouan
Les riverains de l'étang du Pont de Kerlouan, dans la communauté de communes de Lesneven (Finistère) sont inquiets à propos de l'avenir du site. Comme dans bien d'autres lieux en France, la mise en conformité à la continuité écologique est problématique et la solution provisoire demandée par la DDT-M (ouverture en permanence des vannes) nuit aux fonctions écologiques, paysagères et épuratoires du site, de même qu'elle interdit toute reprise de l'activité du moulin en tête d'étang. Nous reproduisons ici la lettre ouverte de ses riverains, qui souhaitent une gestion de l'étang adaptée à l'ensemble de ses enjeux. La position de l'administration du Finistère sera un bon test de la continuité écologique "apaisée" promise par le ministère de l'écologie, mais toujours pas entrée dans les faits. Les territoires demandent davantage de concertation sur l'avenir de leur cadre de vie, et cette attente est particulièrement forte pour la gestion des rivières et étangs.
Lettre
Nous sommes un collectif de riverains qui était préoccupé en premier lieu par l’aspect paysager de ce site méconnu et remarquable. Nous nous sommes également fortement intéressés à l’écologie liée à ce site constitué d’un étang naturel, dortoir et refuges d’oiseaux (principalement des anatidés), hébergement de mollusques filtrants (anodontes) et de poissons, et à la flore remarquable et méconnue. Cet étang est précédé par une zone humide.
En queue de cet étang naturel, traversé par la rivière Quillimadec, s’était développée une activité de meunerie maintenant éteinte.
Les vannages de cette activité de meunerie ont peu à peu contribué à l’envasement de ce petit lac, aidé par le déboisement et la suppression de talus sur l’amont.
D’autre part un curage violent de la rivière en amont (il y a une trentaine d’années) avait déjà entrainé un afflux de boue à l’entrée de l’étang. Les travaux ayant du s’interrompre car le chenillard de curage s’était envasé dans ces boues brassées.
Toutefois, l’activité du moulin réussissait à garder cet étang en eau et à en maintenir son pouvoir filtrant reconnu et non négligeable.
L’arrêt de cette activité meunière et un vannage aléatoire n’ont fait qu’accélérer l’envasement.
La succession du meunier a vendu l’étang en 2015 à la communauté de communes de Lesneven et le moulin a été vendu à un opérateur économique qui devait y moudre de la farine biologique. Hélas cet opérateur a été touché par une liquidation judiciaire avant que de commencer son exploitation. Le moulin est toutefois dans les actifs du failli et le non paiement de la vente dans la masse des créanciers de cette liquidation.
Aujourd’hui, le propriétaire actuel du moulin, en liquidation judiciaire, est mis en demeure par arrêté préfectoral de produire une analyse sur la création d’une passe à poissons pour maintenir la continuité écologique.
A titre conservatoire et le temps donné à cette analyse, les vannes sont maintenues en position ouverte. Ainsi plus 13 hectares d’étang sont à l’air libre et sont menacés à très court terme de se végétaliser, ne laissant passer que la rivière.
Cet arrêté est d’autant plus affligeant qu’il existe un exutoire naturel à ce moulin par lequel la continuité écologique se fait naturellement quand l’étang est en eau. Cet exutoire est l’ancien lit de la rivière Quillimadec. Le meunier avait quant à lui aménagé la queue de l’étang pour faciliter son activité et même installer une turbine de production électrique. Pour ce faire il avait quasiment by-passé la sortie naturelle.
Notre collectif est persuadé qu’il y a des solutions intelligentes pour garder l’étang en eau et maintenir la continuité écologique sans qu’il y ait un curage d’ampleur mais un rétablissement du site naturel d’origine. Ce site est fréquenté par nombres de randonneurs, de photographes animaliers, d’amoureux de la nature sauvage.
Il devrait même être possible de rétablir une production électrique en sortie de ce petit lac alimenté par 25 kilomètres de rivière et 250 kilomètres de ruisseaux et ainsi « effacer positivement» l’activité de meunerie.
L’autre sujet corollaire à cet étang est la considération de son pouvoir filtrant, Ô combien nécessaire dans le cadre des rejets des eaux du Quillimadec dans son estuaire de la baie de Guissény. La coïncidence de l’interdiction de baignade sur deux plages de cette baie avec l’arrêt d’exploitation du moulin est troublante.
Que penser alors du nouvel « affluent » que va constituer le rejet de la nouvelle station d’épuration de Kerlouan-Guissény en amont de l’étang du Pont ? Notamment quand celui ci aura rapidement disparu ne laissant subsister que le chenal du Quillimadec ?
Pour notre réflexion nous sommes mis en contact avec divers organismes et associations ( Eau et Rivières, Moulins et Rivières, Bretagne Vivante, Natura 2000, OCE,…)
Nous posons les questions suivantes :
Illustrations : en haut, l'étang vidé, avec sauvetage de chevreuil prisonnier des vases ; au milieu, l'étang en eau, un réservoir reconnu pour les oiseaux aquatiques ; en bas, le moulin de l'étang du Pont (Ouest-France, DR).
Lettre
Nous sommes un collectif de riverains qui était préoccupé en premier lieu par l’aspect paysager de ce site méconnu et remarquable. Nous nous sommes également fortement intéressés à l’écologie liée à ce site constitué d’un étang naturel, dortoir et refuges d’oiseaux (principalement des anatidés), hébergement de mollusques filtrants (anodontes) et de poissons, et à la flore remarquable et méconnue. Cet étang est précédé par une zone humide.
En queue de cet étang naturel, traversé par la rivière Quillimadec, s’était développée une activité de meunerie maintenant éteinte.
Les vannages de cette activité de meunerie ont peu à peu contribué à l’envasement de ce petit lac, aidé par le déboisement et la suppression de talus sur l’amont.
D’autre part un curage violent de la rivière en amont (il y a une trentaine d’années) avait déjà entrainé un afflux de boue à l’entrée de l’étang. Les travaux ayant du s’interrompre car le chenillard de curage s’était envasé dans ces boues brassées.
Toutefois, l’activité du moulin réussissait à garder cet étang en eau et à en maintenir son pouvoir filtrant reconnu et non négligeable.
L’arrêt de cette activité meunière et un vannage aléatoire n’ont fait qu’accélérer l’envasement.
La succession du meunier a vendu l’étang en 2015 à la communauté de communes de Lesneven et le moulin a été vendu à un opérateur économique qui devait y moudre de la farine biologique. Hélas cet opérateur a été touché par une liquidation judiciaire avant que de commencer son exploitation. Le moulin est toutefois dans les actifs du failli et le non paiement de la vente dans la masse des créanciers de cette liquidation.
Aujourd’hui, le propriétaire actuel du moulin, en liquidation judiciaire, est mis en demeure par arrêté préfectoral de produire une analyse sur la création d’une passe à poissons pour maintenir la continuité écologique.
A titre conservatoire et le temps donné à cette analyse, les vannes sont maintenues en position ouverte. Ainsi plus 13 hectares d’étang sont à l’air libre et sont menacés à très court terme de se végétaliser, ne laissant passer que la rivière.
Cet arrêté est d’autant plus affligeant qu’il existe un exutoire naturel à ce moulin par lequel la continuité écologique se fait naturellement quand l’étang est en eau. Cet exutoire est l’ancien lit de la rivière Quillimadec. Le meunier avait quant à lui aménagé la queue de l’étang pour faciliter son activité et même installer une turbine de production électrique. Pour ce faire il avait quasiment by-passé la sortie naturelle.
Notre collectif est persuadé qu’il y a des solutions intelligentes pour garder l’étang en eau et maintenir la continuité écologique sans qu’il y ait un curage d’ampleur mais un rétablissement du site naturel d’origine. Ce site est fréquenté par nombres de randonneurs, de photographes animaliers, d’amoureux de la nature sauvage.
Il devrait même être possible de rétablir une production électrique en sortie de ce petit lac alimenté par 25 kilomètres de rivière et 250 kilomètres de ruisseaux et ainsi « effacer positivement» l’activité de meunerie.
L’autre sujet corollaire à cet étang est la considération de son pouvoir filtrant, Ô combien nécessaire dans le cadre des rejets des eaux du Quillimadec dans son estuaire de la baie de Guissény. La coïncidence de l’interdiction de baignade sur deux plages de cette baie avec l’arrêt d’exploitation du moulin est troublante.
Que penser alors du nouvel « affluent » que va constituer le rejet de la nouvelle station d’épuration de Kerlouan-Guissény en amont de l’étang du Pont ? Notamment quand celui ci aura rapidement disparu ne laissant subsister que le chenal du Quillimadec ?
Pour notre réflexion nous sommes mis en contact avec divers organismes et associations ( Eau et Rivières, Moulins et Rivières, Bretagne Vivante, Natura 2000, OCE,…)
Nous posons les questions suivantes :
- Qu’est ce qui a motivé l’achat de l’étang par par la Communauté de Communes?
- Pourquoi un achat « partiel » c.a.d sans le moulin et son bief?
- Pourquoi avoir choisi rejet de la station d’épuration dans le Quillimadec au lieu de l’Alanan comme précédemment?
- Pourquoi avoir choisi le rejet de la station d’épuration en amont de l’étang du pont?
- Quid de la continuité écologique ( poissons migrateurs et oiseaux migrateurs, dortoirs...)?
- Quid des capacités d’auto épuration si l’étang est totalement envasé ne laissant que la rivière ( nitrates, phosphore, bactériologique)?
- Les études déjà menées ont-elles été effectuées en connaissance de cause et en tenant compte des potentiels?
- Et enfin : quelles sont les hypothèses d’avenir ?
Illustrations : en haut, l'étang vidé, avec sauvetage de chevreuil prisonnier des vases ; au milieu, l'étang en eau, un réservoir reconnu pour les oiseaux aquatiques ; en bas, le moulin de l'étang du Pont (Ouest-France, DR).
12/02/2019
Faut-il reconstruire des barrages mimant ceux des castors ? (Lautz et al 2019)
Les Etats-Unis avaient été pionniers de la politique de destruction des grands barrages dans le dernier tiers du XXe siècle. Une nouvelle pratique s'y répand aujourd'hui : la multiplication de petits seuils artificiels mimant les effets des barrages de castor, là où les grands rongeurs semi-aquatiques ont été décimés. Car ces ralentissements de l'eau ont des effets recherchés, comme la lutte contre l'incision, le débordement en lit majeur, la diversification des habitats ou encore la recharge de la nappe phréatique au long de l'année. Des chercheurs appellent toutefois à mesurer les impacts avant de généraliser, d'autres techniques de restauration de rivières ayant révélé des échecs ces dernières décennies. Le débat sur l'intérêt des petits ouvrages est néanmoins relancé, car divers effets positifs des barrages de castors existent aussi bien pour des seuils et chaussées en rivière issus de l'histoire humaine, que certains réputent pourtant en France dénués de tout intérêt écologique...
Les castors sont des ingénieurs de l'écosystème. Lorsqu'ils construisent leurs barrages pour retenir l'eau, on observe des effets à l'échelle du bassin sur l'hydrologie, la dynamique des sédiments, la composition et la diversité des communautés animales aussi bien que végétales.
Comme l'observent Laura Lautz et ses collègues, "il n’est peut-être pas surprenant que des ingénieurs travaillant à la restauration de cours d’eau imitent maintenant les activités des castors, dans l’espoir de produire des effets similaires sur l’écosystème."
Les "barrages de type castor" (Beaver Dam Analogues, BDA) sont ainsi des "barrages construits par l'humain, conçus pour imiter les barrages de castors naturels dans le but de ralentir le débit de l'eau, d'augmenter les dépôts de sédiments et d'améliorer les habitats des rivières et des berges (Pilliod et al 2018)."
Des milliers de ces "BDA" ont déjà été déployés dans les montagnes de l'Ouest des États-Unis et leur popularité ne cesse de croître là-bas.
Pour les chercheurs, "le BDA en tant qu'outil de restauration de cours d'eau représente un changement de paradigme, passant de méthodes de conception statiques à long terme, telles que la conception de canaux naturels (NCD), à des approches de conception dynamiques à court terme."
Les BDA, conçus pour être provisoires, ne sont toutefois pas des analogues exacts des barrages construits par les castors. Ils sont souvent implantés pour en mimer les effets là où les castors ont disparu, où le lit s'est incisé et la nappe abaissée.
"Les BDA ne créent pas de conditions géomorphorlogiques statiques et sont conçus pour durer quelques années. Les BDA ont pour but de modifier les schémas d'érosion et les niveaux des cours d'eau et des nappes phréatiques, permettant ainsi au canal d'évoluer vers des formes de canaux plus naturelles (par exemple, des prairies et des chenaux de rivière tressés) (Pollock et al 2014). Les BDA ne sont pas non plus explicitement équivalents aux barrages de castor naturels, mis à part leur forme physique. En effet, ils sont généralement installés pour restaurer une étendue dégradée en raison de l'extinction locale du castor dans le paysage. La perte de castors entraîne généralement une érosion du chenal (en raison de la vitesse élevée de celui-ci), une diminution de la disponibilité de l'eau en fin d'été (en raison de la nappe phréatique abaissée) et une productivité réduite de la végétation riveraine (en raison de l'humidité limitée du sol; Bouwes et al 2016). Au moment de l'installation des BDA, les canaux sont souvent tellement incisés que les castors ne sont pas censés le réoccuper sans BDA, même s'ils sont introduits pour le repeuplement."
Les chercheurs appellent toutefois les gestionnaires à modérer les ardeurs : il est désormais reconnu que des erreurs ont été faites en restauration écologique de rivières "naturelles" ces dernières décennies, avec des choix précipités sans retours d'expérience très solides :
"Dans de nombreux cas, des études montrent que les rivières impactées passent à un nouvel état après restauration, mais qu'elles ne se dirigent pas nécessairement vers un statut de référence (par exemple, Daniluk, Lautz, Gordon et Endreny 2013). En outre, le simple concept de rivière de référence peut ne pas constituer une conceptualisation réaliste dans les régions fortement touchées par l'agriculture et l'urbanisation (McMillan et Vidon 2014). Malheureusement, beaucoup de ces résultats ont été publiés après que la conception de flot naturel soit devenu synonyme de restauration de cours d'eau. Même s'il existe des cas où les approches de restauration des cours d'eau ont porté leurs fruits, la popularité et l'utilisation systématique de ces travaux dans de nombreuses régions se poursuivent malgré le manque de preuves de leur efficacité."
Sans nier l'intérêt potentiel de cette technique, Laura Lautz et ses collègues suggèrent donc une certaine prudence et une analyse plus systématique des effets des recréations de petits barrages de type castor.
Discussion
La disparition de castors suite à leur chasse excessive par les humains a entraîné des effets bien documentés par la recherche scientifique : érosion, incision, moindre disponibilité d'eau à l'étiage, baisse de la productivité biologique en berge.
A l'heure où l'administration française s'est mis en tête de supprimer le maximum d'ouvrages hydrauliques, mêmes modestes, pour restaurer des cours d'eau rapides comme paradigme de la "nature retrouvée" (et pour la satisfaction de certains usagers pêcheurs de salmonidés), il est intéressant de voir que les idées évoluent en hydro-écologie. Peut-être faudrait-il éviter de se précipiter avec des politiques à coûts élevés et retours d'expérience encore peu rigoureux, comme Laura Lautz et ses collègues le demandent outre-Atlantique? La restauration de cours d'eau est loin d'être une science exacte, et les modes du moment peuvent révéler des effets pervers inattendus. On aimerait que les gestionnaires publics aient cette prudence à l'esprit avant de perturber des systèmes d'hydraulique ancienne présent depuis des siècles, formant parfois des écosystèmes originaux, et qu'il sera bien difficile de reconstruire si le bilan de leur disparition se révèle moins bon que prévu.
Quant au retour du castor européen dans les rivières, déjà bien entamé en France, il est évidement le bienvenu. Ce retour ne manquera pas de montrer que les discontinuités hydrologiques et morphologiques sont aussi nombreuses là où des hydrosystèmes reprennent leurs propres dynamiques.
Référence : Lautz L et al (2019), Restoring stream ecosystem function with beaver dam analogues: Let's not make the same mistake twice, Hydrological Processes, 33, 1, 174-177
Illustration : un barrage artificiel de type castor, sur le ruisseau de Red Canyon, dans le Wyoming. Extrait de Lautz et al 2019, art cit, tous droits réservés.
Les castors sont des ingénieurs de l'écosystème. Lorsqu'ils construisent leurs barrages pour retenir l'eau, on observe des effets à l'échelle du bassin sur l'hydrologie, la dynamique des sédiments, la composition et la diversité des communautés animales aussi bien que végétales.
Comme l'observent Laura Lautz et ses collègues, "il n’est peut-être pas surprenant que des ingénieurs travaillant à la restauration de cours d’eau imitent maintenant les activités des castors, dans l’espoir de produire des effets similaires sur l’écosystème."
Les "barrages de type castor" (Beaver Dam Analogues, BDA) sont ainsi des "barrages construits par l'humain, conçus pour imiter les barrages de castors naturels dans le but de ralentir le débit de l'eau, d'augmenter les dépôts de sédiments et d'améliorer les habitats des rivières et des berges (Pilliod et al 2018)."
Des milliers de ces "BDA" ont déjà été déployés dans les montagnes de l'Ouest des États-Unis et leur popularité ne cesse de croître là-bas.
Pour les chercheurs, "le BDA en tant qu'outil de restauration de cours d'eau représente un changement de paradigme, passant de méthodes de conception statiques à long terme, telles que la conception de canaux naturels (NCD), à des approches de conception dynamiques à court terme."
Les BDA, conçus pour être provisoires, ne sont toutefois pas des analogues exacts des barrages construits par les castors. Ils sont souvent implantés pour en mimer les effets là où les castors ont disparu, où le lit s'est incisé et la nappe abaissée.
"Les BDA ne créent pas de conditions géomorphorlogiques statiques et sont conçus pour durer quelques années. Les BDA ont pour but de modifier les schémas d'érosion et les niveaux des cours d'eau et des nappes phréatiques, permettant ainsi au canal d'évoluer vers des formes de canaux plus naturelles (par exemple, des prairies et des chenaux de rivière tressés) (Pollock et al 2014). Les BDA ne sont pas non plus explicitement équivalents aux barrages de castor naturels, mis à part leur forme physique. En effet, ils sont généralement installés pour restaurer une étendue dégradée en raison de l'extinction locale du castor dans le paysage. La perte de castors entraîne généralement une érosion du chenal (en raison de la vitesse élevée de celui-ci), une diminution de la disponibilité de l'eau en fin d'été (en raison de la nappe phréatique abaissée) et une productivité réduite de la végétation riveraine (en raison de l'humidité limitée du sol; Bouwes et al 2016). Au moment de l'installation des BDA, les canaux sont souvent tellement incisés que les castors ne sont pas censés le réoccuper sans BDA, même s'ils sont introduits pour le repeuplement."
Les chercheurs appellent toutefois les gestionnaires à modérer les ardeurs : il est désormais reconnu que des erreurs ont été faites en restauration écologique de rivières "naturelles" ces dernières décennies, avec des choix précipités sans retours d'expérience très solides :
"Dans de nombreux cas, des études montrent que les rivières impactées passent à un nouvel état après restauration, mais qu'elles ne se dirigent pas nécessairement vers un statut de référence (par exemple, Daniluk, Lautz, Gordon et Endreny 2013). En outre, le simple concept de rivière de référence peut ne pas constituer une conceptualisation réaliste dans les régions fortement touchées par l'agriculture et l'urbanisation (McMillan et Vidon 2014). Malheureusement, beaucoup de ces résultats ont été publiés après que la conception de flot naturel soit devenu synonyme de restauration de cours d'eau. Même s'il existe des cas où les approches de restauration des cours d'eau ont porté leurs fruits, la popularité et l'utilisation systématique de ces travaux dans de nombreuses régions se poursuivent malgré le manque de preuves de leur efficacité."
Sans nier l'intérêt potentiel de cette technique, Laura Lautz et ses collègues suggèrent donc une certaine prudence et une analyse plus systématique des effets des recréations de petits barrages de type castor.
Discussion
La disparition de castors suite à leur chasse excessive par les humains a entraîné des effets bien documentés par la recherche scientifique : érosion, incision, moindre disponibilité d'eau à l'étiage, baisse de la productivité biologique en berge.
A l'heure où l'administration française s'est mis en tête de supprimer le maximum d'ouvrages hydrauliques, mêmes modestes, pour restaurer des cours d'eau rapides comme paradigme de la "nature retrouvée" (et pour la satisfaction de certains usagers pêcheurs de salmonidés), il est intéressant de voir que les idées évoluent en hydro-écologie. Peut-être faudrait-il éviter de se précipiter avec des politiques à coûts élevés et retours d'expérience encore peu rigoureux, comme Laura Lautz et ses collègues le demandent outre-Atlantique? La restauration de cours d'eau est loin d'être une science exacte, et les modes du moment peuvent révéler des effets pervers inattendus. On aimerait que les gestionnaires publics aient cette prudence à l'esprit avant de perturber des systèmes d'hydraulique ancienne présent depuis des siècles, formant parfois des écosystèmes originaux, et qu'il sera bien difficile de reconstruire si le bilan de leur disparition se révèle moins bon que prévu.
Quant au retour du castor européen dans les rivières, déjà bien entamé en France, il est évidement le bienvenu. Ce retour ne manquera pas de montrer que les discontinuités hydrologiques et morphologiques sont aussi nombreuses là où des hydrosystèmes reprennent leurs propres dynamiques.
Référence : Lautz L et al (2019), Restoring stream ecosystem function with beaver dam analogues: Let's not make the same mistake twice, Hydrological Processes, 33, 1, 174-177
Illustration : un barrage artificiel de type castor, sur le ruisseau de Red Canyon, dans le Wyoming. Extrait de Lautz et al 2019, art cit, tous droits réservés.
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