La France est déjà en retard sur ses objectifs de transition énergétique, et elle se permettait le luxe de dépenser un argent public rare à décourager l'hydro-électricité, voire à détruire son potentiel et ses outils de production. Mais les temps changent. L'Union européenne vient d'adopter la directive 2018/2001 sur la promotion de l'énergie renouvelable. Ce texte, de transposition obligatoire d'ici 2021, comporte des avancées majeures qui devraient permettre de faire cesser certaines dérives de l'Etat français dans le domaine de l'hydro-électricité. Il exige en effet de chaque Etat la simplification et l'accélération des procédures (un an maximum pour le permis de produire d'une petite puissance), la non-discrimination des sources d'énergie, la proportionnalité des coûts de projet, le soutien massif à l'autoconsommation et aux petites installations disséminées dans les territoires, en particulier ruraux. L'Etat français avait entamé voici 10 ans une politique décriée de destruction des barrages, moulins, forges et autres sites à potentiel hydro-électrique, ainsi que d'imposition de mesures volontairement disproportionnées à l'impact et à la production. Nous reproduisons ici des extraits importants de cette directive européenne. Nous enjoignons les porteurs de projets hydro-électriques de les opposer d'ores et déjà aux services de l'administration en charge de l'eau, mais aussi de les signaler à leurs parlementaires. Il s'agit d'exiger que les services du ministère de l'écologie anticipent la transposition cette directive, changent clairement leurs arbitrages et aident désormais les projets hydro-électriques au lieu de les entraver.
La directive européenne du 11 décembre 2018 concerne l'énergie renouvelable définie comme une "énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l'énergie éolienne, l'énergie solaire (solaire thermique et solaire photovol taïque) et géothermique, l'énergie ambiante, l'énergie marémotrice, houlomotrice et d'autres énergies marines, l'énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz."
Ce texte, supérieur à la loi et la réglementation dans l'ordre normatif, donc s'imposant à l'Etat français, entend donner un coup d'accélérateur à la transition énergétique. Celle-ci est en retard sur ses objectifs 2020 dans plusieurs Etats-membres dont la France, et les nouveaux objectifs 2030 fixent un cap ambitieux. Le parlement européen a entendu libérer l'énergie renouvelable, notamment de certaines contraintes administratives.
Dans les considérants de la directive, on retient les points suivants.
Le développement des énergies renouvelables est une obligation des Etats-membres
Conformément à l'article 194, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la promotion des énergies renouvelable est l'un des objectifs de la politique énergétique de l'Union. Cet objectif est visé par la présente directive. L'augmentation de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, ou «énergie renouvelable», constitue un élément important du paquet de mesures requises afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de se conformer aux engagements pris par l'Union au titre de l'accord de Paris de 2015 sur le changement climatique, adopté lors de la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ci-après dénommé «accord de Paris»), ainsi qu'au cadre d'action de l'Union en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030, notamment l'objectif contraignant de réduction des émissions de l'Union d'au moins 40 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.
Les zones rurales et régions à faible densité ont un enjeu fort à la transition
L'augmentation de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables a également un rôle fondamental à jouer dans la promotion de la sécurité des approvisionnements en énergie, d'une énergie durable à des prix abordables, du développement technologique et de l'innovation, ainsi que de l'excellence technologique et industrielle, tout en procurant des avantages au niveau environnemental, social et sanitaire ainsi que d'importantes perspectives d'emplois et le développement régional, en particulier dans les zones rurales, les zones isolées, les régions ou les territoires à faible densité de population ou en cours de désindustrialisation partielle.
Les petites installations renforcent la transition locale et doivent être soutenues
Les petites installations peuvent largement contribuer à renforcer l'acceptation par le public et à assurer le déploiement de projets en matière d'énergie renouvelable, en particulier au niveau local. Pour s'assurer de la participation des petites installations, des conditions spécifiques, notamment des tarifs de rachat, pourraient dès lors encore s'avérer nécessaires afin de garantir un rapport coûts-avantages positif, conformément au droit de l'Union applicable au marché de l'électricité. Il importe de définir les petites installations aux fins de l'obtention d'une telle aide, afin d'assurer la sécurité juridique pour les investisseurs. Les règles relatives aux aides d'État contiennent des définitions des petites installations.
La stabilité et la prévisibilité des politiques publiques sont nécessaires
Sans préjudice des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il convient que les politiques de soutien aux énergies renouvelables soient prévisibles et stables et ne fassent pas l'objet de modifications fréquentes ou rétroactives. L'imprévisibilité et l'instabilité des politiques ont une incidence directe sur les coûts de financement du capital, sur les coûts de développement des projets et donc sur le coût global du déploiement des énergies renouvelables dans l'Union. Les États membres devraient empêcher que le réexamen des aides allouées à des projets en matière d'énergie renouvelable influence négativement la viabilité économique de ceux-ci. Dans ce contexte, les États membres devraient promouvoir des politiques d'aide efficaces au regard des coûts et garantir leur viabilité financière.
L'autoconsommation d'électricité doit être reconnue et favorisée sans charges disproportionnées
Avec l'importance croissante de l'autoconsommation d'électricité produite à partir de sources renouvelables, il est nécessaire de définir les autoconsommateurs d'énergies renouvelables et les autoconsommateurs d'énergies renouvelables agissant de manière collective. Il est également nécessaire d'établir un cadre réglementaire qui autoriserait les autoconsommateurs d'énergies renouvelables à produire, consommer, stocker et vendre de l'électricité sans devoir supporter de charges disproportionnées.
Dans les articles de la directive, on retient notamment les points suivants :
Article 3 : objectif global contraignant de l'Union à l'horizon 2030
1. Les États membres veillent collectivement à ce que la part d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie de l'Union en 2030 soit d'au moins 32 %. La Commission évalue cet objectif, en vue de présenter d'ici à 2023 une proposition législative destinée à l'augmenter en cas de nouvelle baisse sensible des coûts de la production d'énergie renouvelable, si cela est nécessaire afin de respecter les engagements internationaux pris par l'Union en matière de décarbonisation, ou si une diminution importante de la consommation d'énergie dans l'Union justifie cette augmentation.
Article 4 : aide non discriminatoire aux énergies renouvelables
4. Les États membres garantissent que les aides sont accordées pour l'électricité produite à partir de sources renouvelables de manière ouverte, transparente, concurrentielle, non discriminatoire et efficace au regard des coûts.
Article 15 : exigence de simplification, accélération et proportionnalité des procédures administratives
1. (...) Les États membres prennent notamment les mesures appropriées pour veiller à ce que:
a) les procédures administratives soient simplifiées et accélérées au niveau administratif approprié et des délais prévisibles soient fixés pour les procédures visées au premier alinéa;
b) les règles relatives à l'autorisation, la certification et l'octroi des licences soient objectives, transparentes et proportionnées, ne créent aucune discrimination entre les demandeurs et tiennent pleinement compte des spécificités de chaque technologie en matière d'énergie renouvelable;
c) les frais administratifs acquittés par les consommateurs, les aménageurs, les architectes, les entrepreneurs et les installateurs et fournisseurs d'équipements et de systèmes soient transparents et calculés en fonction des coûts; et
d) des procédures d'autorisation simplifiées et moins contraignantes, y compris une procédure de notification simple, soient mises en place pour les dispositifs décentralisés et pour la production et le stockage d'énergie à partir de sources renouvelables.
(...)
8. Les États membres évaluent les barrières administratives et réglementaires aux contrats d'achat de long terme d'électricité renouvelable et suppriment les barrières injustifiées, et ils facilitent le recours à de tels accords. Ils veillent à ce que ces contrats ne soient pas soumis à des procédures ou des frais discriminatoires ou disproportionnés.
Article 16 : un seul point de contact pour les procédures, délai d'un an (petites puissances) ou deux ans pour aboutir au permis de produire
1. Les États membres mettent en place ou désignent un ou plusieurs points de contact. Ces points de contact, sur demande du demandeur, guident et facilitent l'ensemble de la procédure administrative de demande et d'octroi de permis. Le demandeur n'est pas tenu de contacter plus d'un point de contact pour l'ensemble de la procédure.
(...)
4. Sans préjudice du paragraphe 7, la procédure d'octroi de permis visée au paragraphe 1 n'excède pas deux ans pour les centrales électriques, y compris l'ensemble des procédures pertinentes des autorités compétentes. Dans des circons tances extraordinaires dûment justifiées, ce délai de deux ans peut être prolongé au maximum d'un an.
5. Sans préjudice du paragraphe 7, la procédure d'octroi de permis n'excède pas un an pour les installations d'une capacité électrique inférieure à 150 kW. Dans des circonstances extraordinaires dûment justifiées, ce délai d'un an peut être prolongé au maximum d'un an.
6. Les États membres facilitent le rééquipement des installations existantes utilisant des sources d'énergie renouvelables en garantissant une procédure d'octroi de permis simplifiée et rapide. La durée de cette procédure n'excède pas un an.
Article 21 : autoconsommation favorisée et simplifiée
2. Les États membres garantissent que les autoconsommateurs d'énergies renouvelables, à titre individuel ou par l'intermédiaire d'agrégateurs, sont autorisés à:
a) produire de l'énergie renouvelable, y compris pour leur propre consommation, stocker et vendre leur production excédentaire d'électricité renouvelable, y compris par des contrats d'achat d'électricité renouvelable, via des fournisseurs d'électricité et des arrangements portant sur des échanges de pair à pair, sans être soumis:
i) en ce qui concerne l'électricité qu'ils prélèvent ou injectent dans le réseau, à des procédures et à des frais discrimi natoires ou disproportionnés et à des frais d'accès au réseau qui ne reflètent pas les coûts;
ii) en ce qui concerne l'électricité produite à partir de sources renouvelables qu'ils ont eux-mêmes produite et qui reste dans leurs locaux, à des procédures discriminatoires ou disproportionnées et à des frais ou redevances quelconques;
3. Les États membres peuvent imposer des frais non discriminatoires et proportionnés aux autoconsommateurs d'énergies renouvelables pour l'électricité renouvelable qu'ils ont eux-mêmes produite et qui reste dans leurs locaux, dans l'un ou plusieurs des cas suivants: (...)
c) si l'électricité renouvelable produite par les autoconsommateurs est produite dans des installations d'une capacité électrique installée totale supérieure à 30 kW.
6. Les États membres mettent en place un cadre favorable visant à promouvoir et à favoriser le développement de l'autoconsommation d'énergies renouvelables, sur la base d'une évaluation des obstacles injustifiés existants et du potentiel d'autoconsommation d'énergies renouvelables sur leur territoire et compte tenu de leurs réseaux énergétiques. Ce cadre favorable porte entre autres sur les points suivants:
a) l'accessibilité de l'autoconsommation d'énergies renouvelables pour l'ensemble des consommateurs finals, y compris les ménages à faibles revenus ou vulnérables;
b) les obstacles injustifiés au financement de projets par le marché et les mesures destinées à faciliter l'accès au financement;
c) d'éventuels autres obstacles réglementaires injustifiés à l'autoconsommation d'énergies renouvelables, y compris pour les locataires;
d) des incitations pour encourager les propriétaires d'immeubles à créer des possibilités d'autoconsommation d'énergies renouvelables, y compris pour les locataires;
e) l'accès non discriminatoire des autoconsommateurs d'énergies renouvelables, pour l'électricité renouvelable qu'ils ont eux-mêmes produite et qu'ils injectent dans le réseau, aux régimes d'aide qui existent, ainsi qu'à tous les segments du marché de l'électricité;
f) la nécessité de s'assurer que les autoconsommateurs d'énergies renouvelables contribuent de manière adéquate et équilibrée au partage du coût global du système lorsque de l'électricité est injectée dans le réseau.
Article 36 : transposition en 2021 au plus tard
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 2 à 13, aux articles 15 à 31, à l'article 37 et aux annexes II, III et V à IX au plus tard le 30 juin 2021.
Référence juridique à rappeler dans les courriers et contentieux:
Directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables
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25/02/2019
23/02/2019
17/02/2019
Dix orientations pour une continuité écologique "apaisée" et efficace
Quelle politique publique des ouvrages en rivière et de la continuité écologique reflétant à la fois l'état des connaissances et celui des aspirations démocratiques? Voici 10 positions qui devraient selon nous organiser les choix d'orientation du gouvernement et des décideurs locaux, plus particulièrement les débats en cours au comité national de l'eau. Ce sont autant de préalables à une gestion apaisée et efficace de la continuité, sans lesquels la réforme persistera non seulement dans sa conflictualité sociale et judiciaire actuelle, mais aussi dans des choix qui ont de mauvais rapport coût-efficacité, voire des effets dommageables sur la biodiversité, la pollution, la transition énergétique et l'adaptation au changement climatique.
Reconnaître les dimensions multiples de l'eau. La rivière et les plans d'eau sont des phénomènes naturels - physique, chimique, biologique, écologique - existant avant l'homme mais ils sont également au coeur de la vie et des activités humaines depuis la sédentarisation. La recherche a parlé des "hydro-éco-socio-systèmes" pour qualifier cette réalité hybride à la croisée de l'histoire, de la société et de la nature. Si certains bassins versants ont été peu occupés ou tôt délaissés par l'être humain, offrant aujourd'hui le visage d'une "naturalité" assez spontanée dont la protection écologique forte peut être d'intérêt, ce n'est pas le cas commun. Une politique publique vise la gestion équilibrée et durable de ces milieux aquatiques, en acceptant par principe que les enjeux environnementaux, sociaux et économiques doivent être pensés ensemble, de manière synergique et non pas antagoniste.
Respecter les ouvrages autorisés. Sauf cas de construction illégale, les ouvrages aujourd'hui présents en rivière sont des ouvrages autorisés. Comme tels, ils ont droit au respect de la propriété inscrit dans la constitution. La continuité écologique ne consiste pas à mener des campagnes de contestation de leur existence en vue de les détruire, mais à rechercher des moyens de gestion ou équipement au meilleur ratio coût-efficacité pour améliorer la circulation des poissons et le transit des sédiments. En conséquence, aucune politique publique ne peut partir du principe que la destruction des ouvrages hydrauliques serait une solution supérieurement financée (agences de l'eau) ou proposée en première intention (EPAGE, EPTB).
Assurer la circulation des poissons migrateurs. La continuité écologique a été construite sur le premier objectif de protéger certains poissons ayant des besoins de migrations dans les rivières. La plupart des poissons d'eau douce ont des cycles de vie compatibles avec des aires limitées de nourriture, croissance, reproduction, et donc compatibles avec la fragmentation des rivières qui est en partie naturelle dans l'histoire de l'environnement (chutes et cascades, barrages de castors et d'embâcles, etc.). La continuité écologique s'adresse d'abord aux exigences biologiques de poissons ayant besoin de migrations à longue distance, en particulier les espèces menacées faisant l'objet de plans de protection (anguille, saumon, esturgeon). La circulation ouverte à toutes espèces est une option de mieux-disant halieutique, comportant parfois des désavantages (exotiques, pathogènes), mais elle ne doit pas être la requête de principe sur chaque ouvrage.
Gérer le transit des sédiments au cas par cas. Les dynamiques sédimentaires permettent des apports solides et des habitats variés dans le lit des rivières. Elles sont très variables selon les évolutions et les usages des bassins versants, qui répondent encore aujourd'hui à des pressions vieilles de plusieurs siècles. En raison de la déprise agricole et de la reforestation, certains bassins sont plutôt en déficit d'apport sédimentaire par l'érosion, et en phase d'incision. Ailleurs, les labours mécanisés ont pu augmenter la charge des sédiments fins dans les rivières. De plus, les sédiments (comme l'eau) portent la mémoire des pollutions persistantes liées aux activités humaines passées ou présentes, y compris celles liées à l'urbanisation et à l'usage des produits chimiques de synthèse. La gestion sédimentaire relève donc du cas par cas, avec une approche impérativement définie par bassin versant, en fonction de la quantité et qualité de la charge solide, ainsi que celle des polluants.
Prendre en compte la biomasse et la biodiversité au droit des ouvrages. Les ouvrages hydrauliques sont de nature très variable, mais en règle générale ils augmentent le volume et/ou la surface en eau, par l'existence d'une retenue ou d'un réservoir et de canaux de diversion. Ces milieux aquatiques ou humides d'origine humaine sont aujourd'hui considérés par la recherche en écologie comme des écosystèmes artificiels susceptibles d'abriter eux aussi de la biodiversité, et parfois même une diversité supérieure à des milieux naturels adjacents mais appauvris. Ils peuvent aussi servir de refuges en situation de stress. Une intervention sur les ouvrages hydrauliques doit commencer par un inventaire de leur biodiversité faune-flore et de leurs fonctionnalités écologiques, afin de prendre une décision éclairée par le réalité du vivant sur site.
Evaluer le rôle protecteur des ouvrages. Dans diverses situations - changement climatique multipliant les assecs et stressant les nappes, pollutions aigües se diffusant dans les rivières, espèces exotiques colonisant des bassins, espèces d'élevage menaçant d'introgression des souches endémiques, crues à temps de retour fréquent –, les ouvrages hydrauliques peuvent jouer des rôles bénéfiques pour des milieux aquatiques et rivulaires, ou pour la régulation des eaux au bénéfice des riverains. Les préconisations de gestion dans chaque bassin versant doivent étudier et intégrer ces dimensions, par un diagnostic mené tant au niveau de chaque site qu'au niveau de la dynamique globale du bassin et sa projection en situation de changement climatique. Etant donné le caractère encore incomplet de nos connaissances écologiques et le caractère incertain des projections hydro-climatiques, une solution réversible de continuité est par principe préférable à un choix irrémédiable.
Développer l'énergie hydraulique pour la transition. Une partie des ouvrages hydrauliques ont servi à produire de l'énergie dans l'histoire, d'autres peuvent le faire bien que ce ne soit pas leur vocation d'origine. Des techniques permettent aujourd'hui d'exploiter la plupart des conditions de chute ou de débit, en autoconsommation ou en injection réseau. La France est le pays à plus fort potentiel d'équipement d'ouvrages en place en Europe selon le bilan 2019 de Restor-Hydro. Notre pays a pris des engagements européens et internationaux faisant de la prévention du changement climatique et de la décarbonation de l'énergie une priorité, avec un bilan zéro carbone net en 2050, soit une génération seulement. La mobilisation des ouvrages hydrauliques dans cette transition est dès lors un choix de première intention.
Tenir compte de la continuité historique et paysagère. De nombreux ouvrages hydrauliques sont en place depuis plusieurs générations, puisque 110 000 moulins et forges étaient recensés au milieu du XIXe siècle. Les plus anciens sont attestés dès le Moyen Âge. Il existe donc une transmission historique remarquable et une intégration paysagère des ouvrages dans leurs vallées. Le paysage n'est certes pas plus immuable que la nature, mais il est en France un élément important du cadre de vie et l'objet de préférences marquées de la part des riverains. La mise en oeuvre d'une politique de continuité doit intégrer cette réalité, telle qu'elle est éprouvée par les citoyens eux-mêmes et non par des experts, sans réfuter cet attachement comme une erreur ou une incompréhension.
Garantir le soutien économique à la continuité. Quand ils prennent la forme de projets ambitieux permettant un passage de toutes espèces (passes à poissons, rivières de contournement), les aménagements de continuité écologique ont des coûts de conception et réalisation qui excèdent largement la charge financière que l'on peut imposer à un particulier ou un petit exploitant pour une motivation d'intérêt général. Pour solvabiliser la réforme, il convient donc que le financeur public, au premier chef les agences de bassin dédiées aux investissements dans le grand cycle de l'eau, intègre la prise en charge de la majeure partie de ces coûts dans ses programmes d'intervention. Des compléments peuvent être apportés par les collectivités territoriales et leurs établissements en charge de la compétence GEMAPI, ainsi que les parcs naturels.
Ré-inventer la gestion locale, ouverte et démocratique des bassins. Dans le domaine des rivières comme ailleurs, il existe en France une crise de la gouvernance démocratique. Les décisions sont perçues comme trop centralisées et trop éloignées du terrain, les instances politico-administratives sont nombreuses et complexes, les acteurs locaux n'ont pas assez d'autonomie décisionnelle et financière, les nouveaux outils numériques de collecte, de concertation et de participation sont très peu exploités pour dégager les préférences des citoyens, les logiques d'urgence et de court-terme nuisent au temps long du débat, de l'observation et de la réflexion. En ce qu'elles sont sources de débats, la continuité écologique et plus généralement la gestion de la rivière sont le terrain propice à une avancée de la démocratisation. Cela passe par le renouveau de l'esprit de décentralisation et d'autonomie qui avait présidé à la création des agences de bassin en 1964, avec l'unité élémentaire de chaque bassin versant comme lieu premier du diagnostic des besoins et de discussion des moyens. Toutes les parties prenantes doivent y être intégrées dès l'amont des projets.
Reconnaître les dimensions multiples de l'eau. La rivière et les plans d'eau sont des phénomènes naturels - physique, chimique, biologique, écologique - existant avant l'homme mais ils sont également au coeur de la vie et des activités humaines depuis la sédentarisation. La recherche a parlé des "hydro-éco-socio-systèmes" pour qualifier cette réalité hybride à la croisée de l'histoire, de la société et de la nature. Si certains bassins versants ont été peu occupés ou tôt délaissés par l'être humain, offrant aujourd'hui le visage d'une "naturalité" assez spontanée dont la protection écologique forte peut être d'intérêt, ce n'est pas le cas commun. Une politique publique vise la gestion équilibrée et durable de ces milieux aquatiques, en acceptant par principe que les enjeux environnementaux, sociaux et économiques doivent être pensés ensemble, de manière synergique et non pas antagoniste.
Respecter les ouvrages autorisés. Sauf cas de construction illégale, les ouvrages aujourd'hui présents en rivière sont des ouvrages autorisés. Comme tels, ils ont droit au respect de la propriété inscrit dans la constitution. La continuité écologique ne consiste pas à mener des campagnes de contestation de leur existence en vue de les détruire, mais à rechercher des moyens de gestion ou équipement au meilleur ratio coût-efficacité pour améliorer la circulation des poissons et le transit des sédiments. En conséquence, aucune politique publique ne peut partir du principe que la destruction des ouvrages hydrauliques serait une solution supérieurement financée (agences de l'eau) ou proposée en première intention (EPAGE, EPTB).
Assurer la circulation des poissons migrateurs. La continuité écologique a été construite sur le premier objectif de protéger certains poissons ayant des besoins de migrations dans les rivières. La plupart des poissons d'eau douce ont des cycles de vie compatibles avec des aires limitées de nourriture, croissance, reproduction, et donc compatibles avec la fragmentation des rivières qui est en partie naturelle dans l'histoire de l'environnement (chutes et cascades, barrages de castors et d'embâcles, etc.). La continuité écologique s'adresse d'abord aux exigences biologiques de poissons ayant besoin de migrations à longue distance, en particulier les espèces menacées faisant l'objet de plans de protection (anguille, saumon, esturgeon). La circulation ouverte à toutes espèces est une option de mieux-disant halieutique, comportant parfois des désavantages (exotiques, pathogènes), mais elle ne doit pas être la requête de principe sur chaque ouvrage.
Gérer le transit des sédiments au cas par cas. Les dynamiques sédimentaires permettent des apports solides et des habitats variés dans le lit des rivières. Elles sont très variables selon les évolutions et les usages des bassins versants, qui répondent encore aujourd'hui à des pressions vieilles de plusieurs siècles. En raison de la déprise agricole et de la reforestation, certains bassins sont plutôt en déficit d'apport sédimentaire par l'érosion, et en phase d'incision. Ailleurs, les labours mécanisés ont pu augmenter la charge des sédiments fins dans les rivières. De plus, les sédiments (comme l'eau) portent la mémoire des pollutions persistantes liées aux activités humaines passées ou présentes, y compris celles liées à l'urbanisation et à l'usage des produits chimiques de synthèse. La gestion sédimentaire relève donc du cas par cas, avec une approche impérativement définie par bassin versant, en fonction de la quantité et qualité de la charge solide, ainsi que celle des polluants.
Prendre en compte la biomasse et la biodiversité au droit des ouvrages. Les ouvrages hydrauliques sont de nature très variable, mais en règle générale ils augmentent le volume et/ou la surface en eau, par l'existence d'une retenue ou d'un réservoir et de canaux de diversion. Ces milieux aquatiques ou humides d'origine humaine sont aujourd'hui considérés par la recherche en écologie comme des écosystèmes artificiels susceptibles d'abriter eux aussi de la biodiversité, et parfois même une diversité supérieure à des milieux naturels adjacents mais appauvris. Ils peuvent aussi servir de refuges en situation de stress. Une intervention sur les ouvrages hydrauliques doit commencer par un inventaire de leur biodiversité faune-flore et de leurs fonctionnalités écologiques, afin de prendre une décision éclairée par le réalité du vivant sur site.
Evaluer le rôle protecteur des ouvrages. Dans diverses situations - changement climatique multipliant les assecs et stressant les nappes, pollutions aigües se diffusant dans les rivières, espèces exotiques colonisant des bassins, espèces d'élevage menaçant d'introgression des souches endémiques, crues à temps de retour fréquent –, les ouvrages hydrauliques peuvent jouer des rôles bénéfiques pour des milieux aquatiques et rivulaires, ou pour la régulation des eaux au bénéfice des riverains. Les préconisations de gestion dans chaque bassin versant doivent étudier et intégrer ces dimensions, par un diagnostic mené tant au niveau de chaque site qu'au niveau de la dynamique globale du bassin et sa projection en situation de changement climatique. Etant donné le caractère encore incomplet de nos connaissances écologiques et le caractère incertain des projections hydro-climatiques, une solution réversible de continuité est par principe préférable à un choix irrémédiable.
Développer l'énergie hydraulique pour la transition. Une partie des ouvrages hydrauliques ont servi à produire de l'énergie dans l'histoire, d'autres peuvent le faire bien que ce ne soit pas leur vocation d'origine. Des techniques permettent aujourd'hui d'exploiter la plupart des conditions de chute ou de débit, en autoconsommation ou en injection réseau. La France est le pays à plus fort potentiel d'équipement d'ouvrages en place en Europe selon le bilan 2019 de Restor-Hydro. Notre pays a pris des engagements européens et internationaux faisant de la prévention du changement climatique et de la décarbonation de l'énergie une priorité, avec un bilan zéro carbone net en 2050, soit une génération seulement. La mobilisation des ouvrages hydrauliques dans cette transition est dès lors un choix de première intention.
Tenir compte de la continuité historique et paysagère. De nombreux ouvrages hydrauliques sont en place depuis plusieurs générations, puisque 110 000 moulins et forges étaient recensés au milieu du XIXe siècle. Les plus anciens sont attestés dès le Moyen Âge. Il existe donc une transmission historique remarquable et une intégration paysagère des ouvrages dans leurs vallées. Le paysage n'est certes pas plus immuable que la nature, mais il est en France un élément important du cadre de vie et l'objet de préférences marquées de la part des riverains. La mise en oeuvre d'une politique de continuité doit intégrer cette réalité, telle qu'elle est éprouvée par les citoyens eux-mêmes et non par des experts, sans réfuter cet attachement comme une erreur ou une incompréhension.
Garantir le soutien économique à la continuité. Quand ils prennent la forme de projets ambitieux permettant un passage de toutes espèces (passes à poissons, rivières de contournement), les aménagements de continuité écologique ont des coûts de conception et réalisation qui excèdent largement la charge financière que l'on peut imposer à un particulier ou un petit exploitant pour une motivation d'intérêt général. Pour solvabiliser la réforme, il convient donc que le financeur public, au premier chef les agences de bassin dédiées aux investissements dans le grand cycle de l'eau, intègre la prise en charge de la majeure partie de ces coûts dans ses programmes d'intervention. Des compléments peuvent être apportés par les collectivités territoriales et leurs établissements en charge de la compétence GEMAPI, ainsi que les parcs naturels.
Ré-inventer la gestion locale, ouverte et démocratique des bassins. Dans le domaine des rivières comme ailleurs, il existe en France une crise de la gouvernance démocratique. Les décisions sont perçues comme trop centralisées et trop éloignées du terrain, les instances politico-administratives sont nombreuses et complexes, les acteurs locaux n'ont pas assez d'autonomie décisionnelle et financière, les nouveaux outils numériques de collecte, de concertation et de participation sont très peu exploités pour dégager les préférences des citoyens, les logiques d'urgence et de court-terme nuisent au temps long du débat, de l'observation et de la réflexion. En ce qu'elles sont sources de débats, la continuité écologique et plus généralement la gestion de la rivière sont le terrain propice à une avancée de la démocratisation. Cela passe par le renouveau de l'esprit de décentralisation et d'autonomie qui avait présidé à la création des agences de bassin en 1964, avec l'unité élémentaire de chaque bassin versant comme lieu premier du diagnostic des besoins et de discussion des moyens. Toutes les parties prenantes doivent y être intégrées dès l'amont des projets.
Illustrations : ouvrage et bief de Til-Châtel (21) sur l'Ignon, un patrimoine auquel les riverains sont attachés. Au plan écologique, cette zone de l'Ignon et la Tille est sujette à des assecs fréquents en été, qui risquent de s'aggraver en fréquence ou en intensité avec le changement climatique. Se posent aussi la question de la présence (non vérifiée à date) de truites de souche méditerranéenne en amont (qui pourraient subir une introgression génétique de truite fario d'élevage, de souche atlantique) et la nécessité d'engager aujourd'hui chaque territoire dans la transition énergétique, par la baisse de sa consommation comme par l'exploitation de tous les potentiels en place, dont l'hydroélectricité.
16/02/2019
La continuité écologique "apaisée" est-elle un enfumage? Les fédérations de moulins et riverains doivent exiger un texte clair
Après de nombreuses critiques parlementaires, des audits administratifs défavorables, des contentieux judiciaires multiples, la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) du ministère de l'écologie a été contrainte de réviser la mise en oeuvre de la continuité écologique des rivières. Rappelons que l'Etat et les agences de l'eau ont engagé depuis 2010 une politique non concertée et aberrante de destruction préférentielle des barrages, moulins, étangs, lacs, plans d'eau, entraînant de vives protestations dans tous les territoires. Notre association a reçu information des dernières évolutions du plan de continuité "apaisée" qui a été adopté par le gouvernement en 2018. Sa circulaire d'application est inacceptable en l'état. Nous appelons donc les fédérations de moulins et riverains, qui participent à la concertation au comité national de l'eau, à faire évoluer drastiquement ce texte, ou à quitter les négociations s'il s'agit seulement de donner une caution à une politique décriée. Dans tous les cas, la base n'acceptera pas la poursuite des pratiques de l'administration ni un pseudo-apaisement qui n'apporterait aucune solution durable aux problèmes de fond.
Sur le terrain, malgré l'adoption du Plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique par le ministère de l'écologie en 2018, rien ne change dans nos bassins versants. Les destructions et les pressions administratives continuent. Les agences de l'eau persistent à adopter dans leurs programmes d'intervention et dans leurs projets de SDAGE 2022 des financements de destruction préférentielle d'ouvrages. L'agence française pour la biodiversité (AFB ex Onema) et ses antennes régionales persistent à ignorer la biodiversité des milieux anthropisés et à concentrer leur attention sur quelques espèces de poissons au détriment du reste de la faune et de la flore aquatiques. Les porteurs de projets hydro-électriques de relance des moulins sont découragés par des demandes disproportionnées des services instructeurs de l'Etat et des coûts économiques inabordables, qui ralentissent ou stoppent la progression de la transition énergétique sur son volet hydraulique.
Nous avons eu accès à un document de projet du ministère, débattu au comité national de l'eau, relatif à la mise en oeuvre de ce plan de continuité "apaisée" par la direction de l'eau et de la biodiversité. Nous ne le publions pas car c'est un document interne de travail. Mais nous tirons publiquement la sonnette d'alarme : ce projet est inacceptable pour notre association, comme il se sera pour de nombreuses autres et pour les collectifs riverains en lutte pour préserver des sites d'intérêt.
Dans les points à réviser impérativement :
De notre point de vue, les fédérations de moulins (FFAM, FDMF) et de riverains (ARF) participant au comité national de l'eau ne peuvent accepter les solutions proposées en l'état. Dans l'hypothèse où elles le feraient, les associations de terrain et les nombreux collectifs riverains continueraient de toute façon de plus belle leurs luttes contre les arbitraires administratifs.
Depuis 10 ans, nous avons perdu confiance dans l'objectivité et la sincérité de l'Etat et de nombreux gestionnaires publics sur la question des rivières en lien à leurs ouvrages hydrauliques. Pour rétablir cette confiance, il ne nous faut pas des textes complexes, sans hiérarchie des enjeux, des textes remplis de flous qui seront sources de nouveaux contentieux, mais une évolution claire et transparente des choix publics sur les rivières.
Le paradigme de la généralisation de rivières renaturées selon un état de référence pré-anthropique, qui s'était imposé au tournant des années 2000, est d'ores et déjà un échec. Cela pas seulement à cause de son indifférence aux usages sociaux, économiques et patrimoniaux des rivières et plans d'eau, mais aussi en raison d'une mauvaise construction intellectuelle, issue d'une écologie déjà datée des années 1950-70, ignorante de nombreuses publications depuis les années 2000 sur les limites de restauration de rivière et sur le caractère hybride des bassins versants comme des milieux aquatiques. Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner toute ambition écologique, bien au contraire, mais les termes de cette écologie doivent être reprécisés à la lumière des connaissances et des expériences.
A cela s'ajoute qu'à budget très contraint, l'Etat français ne peut pas poursuivre des objectifs contradictoires, la lutte accélérée contre le changement climatique (demandant d'équiper les ouvrages hydrauliques) et la recréation partout de rivières "sauvages" (demandant de supprimer les ouvrages ou d'empêcher leur équipement).
Nous appelons donc les riverains et propriétaires à une vigilance active, en amplifiant la lutte contre les nombreux projets absurdes de destruction qui perdurent hélas dans le pays. Et nous appelons les fédérations de moulins et riverains à porter la voix de ces luttes locales au comité national de l'eau, afin que chacun prenne ses responsabilités pour l'avenir.
Sur le terrain, malgré l'adoption du Plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique par le ministère de l'écologie en 2018, rien ne change dans nos bassins versants. Les destructions et les pressions administratives continuent. Les agences de l'eau persistent à adopter dans leurs programmes d'intervention et dans leurs projets de SDAGE 2022 des financements de destruction préférentielle d'ouvrages. L'agence française pour la biodiversité (AFB ex Onema) et ses antennes régionales persistent à ignorer la biodiversité des milieux anthropisés et à concentrer leur attention sur quelques espèces de poissons au détriment du reste de la faune et de la flore aquatiques. Les porteurs de projets hydro-électriques de relance des moulins sont découragés par des demandes disproportionnées des services instructeurs de l'Etat et des coûts économiques inabordables, qui ralentissent ou stoppent la progression de la transition énergétique sur son volet hydraulique.
Nous avons eu accès à un document de projet du ministère, débattu au comité national de l'eau, relatif à la mise en oeuvre de ce plan de continuité "apaisée" par la direction de l'eau et de la biodiversité. Nous ne le publions pas car c'est un document interne de travail. Mais nous tirons publiquement la sonnette d'alarme : ce projet est inacceptable pour notre association, comme il se sera pour de nombreuses autres et pour les collectifs riverains en lutte pour préserver des sites d'intérêt.
Dans les points à réviser impérativement :
- le ministère de l'écologie refuse de reconnaître explicitement le caractère exceptionnel de la destruction et le caractère normal de la gestion ou de l'équipement des sites, comme le prévoit la loi;
- le ministère de l'écologie refuse de reconnaître que les rivières françaises et européennes sont dans l'immense majorité des cas des milieux déjà anthropisés, de longue date, où l'on doit mesurer la biodiversité in situ et non pas viser un "état de référence" qui n'existe déjà plus et qui changera au cours de siècle avec le climat;
- le ministère de l'écologie refuse en particulier de reconnaître que les retenues, réservoirs, lacs, étangs, canaux, biefs et zones humides annexes sont des milieux à part entière que l'on doit étudier avant d'engager leur perturbation, et dont on doit projeter le rôle en situation de changement climatique, alors qu'il existe une littérature scientifique à ce sujet;
- l'urgence de la réponse aux risques de changement climatique, pourtant actée au plus haut sommet de l'Etat, n'est pas mise en avant alors que sans mobilisation de tous les potentiels énergétiques, la France ne pourra pas tenir ses engagements internationaux (accords de Paris) et européens (Horizon 2030), risquant des procédures contentieuses multiples, y compris des contentieux venant désormais des citoyens eux-mêmes;
- la priorisation (des sites pour la continuité) est présentée comme une simple mesure administrative qui va d'abord permettre à l'Etat de limiter le personnel et la dépense sur certains projets, laissant les autres sites orphelins de toute solution;
- la non priorité n'est assortie d'aucune exemption formelle de travaux par la préfecture, ce qui laisse le propriétaire dans l'insécurité juridique la plus complète (son site n'est pas prioritaire... mais il est censé assurer la continuité quand même!);
- la direction de l'eau et de la biodiversité veut interdire ou rendre très complexe la relance hydro-électrique des moulins dans les rivières en liste 1 (malgré la jurisprudence du conseil d'Etat), alors que ces listes 1 interdisent la construction de nouveaux obstacles, mais pas la relance de ceux qui existent déjà et n'ajoutent pas d'impacts morphologiques;
- la grille de priorisation n'est pas spécifiée (malgré une littérature scientifique à ce sujet, y compris française) et le risque de confier son organisation aux gestionnaires publics locaux déjà défaillants à créer un consensus sur une base objective est évident. Chaque cas est particulier, mais la méthode d'évaluation des cas doit être générale. Sans une hausse de qualité et de rigueur sur la caractérisation écologique des rivières et en particulier des poissons, on reproduira exactement les mêmes désaccords (l'AFB, les DREAL de bassins, les agences de l'eau, les fédérations de pêche sont à l'origine du problème avec un classement irréaliste des rivières en 2011-2012, pourquoi les choses changeraient-elles si les mêmes peuvent subjectivement décider ce qui serait ou non prioritaire, voire développer une idéologie de la rivière sauvage "renaturée" n'ayant rien à voir avec les textes de loi ni même avec leurs circulaires d'application?)
De notre point de vue, les fédérations de moulins (FFAM, FDMF) et de riverains (ARF) participant au comité national de l'eau ne peuvent accepter les solutions proposées en l'état. Dans l'hypothèse où elles le feraient, les associations de terrain et les nombreux collectifs riverains continueraient de toute façon de plus belle leurs luttes contre les arbitraires administratifs.
Depuis 10 ans, nous avons perdu confiance dans l'objectivité et la sincérité de l'Etat et de nombreux gestionnaires publics sur la question des rivières en lien à leurs ouvrages hydrauliques. Pour rétablir cette confiance, il ne nous faut pas des textes complexes, sans hiérarchie des enjeux, des textes remplis de flous qui seront sources de nouveaux contentieux, mais une évolution claire et transparente des choix publics sur les rivières.
Le paradigme de la généralisation de rivières renaturées selon un état de référence pré-anthropique, qui s'était imposé au tournant des années 2000, est d'ores et déjà un échec. Cela pas seulement à cause de son indifférence aux usages sociaux, économiques et patrimoniaux des rivières et plans d'eau, mais aussi en raison d'une mauvaise construction intellectuelle, issue d'une écologie déjà datée des années 1950-70, ignorante de nombreuses publications depuis les années 2000 sur les limites de restauration de rivière et sur le caractère hybride des bassins versants comme des milieux aquatiques. Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner toute ambition écologique, bien au contraire, mais les termes de cette écologie doivent être reprécisés à la lumière des connaissances et des expériences.
A cela s'ajoute qu'à budget très contraint, l'Etat français ne peut pas poursuivre des objectifs contradictoires, la lutte accélérée contre le changement climatique (demandant d'équiper les ouvrages hydrauliques) et la recréation partout de rivières "sauvages" (demandant de supprimer les ouvrages ou d'empêcher leur équipement).
Nous appelons donc les riverains et propriétaires à une vigilance active, en amplifiant la lutte contre les nombreux projets absurdes de destruction qui perdurent hélas dans le pays. Et nous appelons les fédérations de moulins et riverains à porter la voix de ces luttes locales au comité national de l'eau, afin que chacun prenne ses responsabilités pour l'avenir.
14/02/2019
Inquiétudes autour de l'étang du Pont de Kerlouan
Les riverains de l'étang du Pont de Kerlouan, dans la communauté de communes de Lesneven (Finistère) sont inquiets à propos de l'avenir du site. Comme dans bien d'autres lieux en France, la mise en conformité à la continuité écologique est problématique et la solution provisoire demandée par la DDT-M (ouverture en permanence des vannes) nuit aux fonctions écologiques, paysagères et épuratoires du site, de même qu'elle interdit toute reprise de l'activité du moulin en tête d'étang. Nous reproduisons ici la lettre ouverte de ses riverains, qui souhaitent une gestion de l'étang adaptée à l'ensemble de ses enjeux. La position de l'administration du Finistère sera un bon test de la continuité écologique "apaisée" promise par le ministère de l'écologie, mais toujours pas entrée dans les faits. Les territoires demandent davantage de concertation sur l'avenir de leur cadre de vie, et cette attente est particulièrement forte pour la gestion des rivières et étangs.
Lettre
Nous sommes un collectif de riverains qui était préoccupé en premier lieu par l’aspect paysager de ce site méconnu et remarquable. Nous nous sommes également fortement intéressés à l’écologie liée à ce site constitué d’un étang naturel, dortoir et refuges d’oiseaux (principalement des anatidés), hébergement de mollusques filtrants (anodontes) et de poissons, et à la flore remarquable et méconnue. Cet étang est précédé par une zone humide.
En queue de cet étang naturel, traversé par la rivière Quillimadec, s’était développée une activité de meunerie maintenant éteinte.
Les vannages de cette activité de meunerie ont peu à peu contribué à l’envasement de ce petit lac, aidé par le déboisement et la suppression de talus sur l’amont.
D’autre part un curage violent de la rivière en amont (il y a une trentaine d’années) avait déjà entrainé un afflux de boue à l’entrée de l’étang. Les travaux ayant du s’interrompre car le chenillard de curage s’était envasé dans ces boues brassées.
Toutefois, l’activité du moulin réussissait à garder cet étang en eau et à en maintenir son pouvoir filtrant reconnu et non négligeable.
L’arrêt de cette activité meunière et un vannage aléatoire n’ont fait qu’accélérer l’envasement.
La succession du meunier a vendu l’étang en 2015 à la communauté de communes de Lesneven et le moulin a été vendu à un opérateur économique qui devait y moudre de la farine biologique. Hélas cet opérateur a été touché par une liquidation judiciaire avant que de commencer son exploitation. Le moulin est toutefois dans les actifs du failli et le non paiement de la vente dans la masse des créanciers de cette liquidation.
Aujourd’hui, le propriétaire actuel du moulin, en liquidation judiciaire, est mis en demeure par arrêté préfectoral de produire une analyse sur la création d’une passe à poissons pour maintenir la continuité écologique.
A titre conservatoire et le temps donné à cette analyse, les vannes sont maintenues en position ouverte. Ainsi plus 13 hectares d’étang sont à l’air libre et sont menacés à très court terme de se végétaliser, ne laissant passer que la rivière.
Cet arrêté est d’autant plus affligeant qu’il existe un exutoire naturel à ce moulin par lequel la continuité écologique se fait naturellement quand l’étang est en eau. Cet exutoire est l’ancien lit de la rivière Quillimadec. Le meunier avait quant à lui aménagé la queue de l’étang pour faciliter son activité et même installer une turbine de production électrique. Pour ce faire il avait quasiment by-passé la sortie naturelle.
Notre collectif est persuadé qu’il y a des solutions intelligentes pour garder l’étang en eau et maintenir la continuité écologique sans qu’il y ait un curage d’ampleur mais un rétablissement du site naturel d’origine. Ce site est fréquenté par nombres de randonneurs, de photographes animaliers, d’amoureux de la nature sauvage.
Il devrait même être possible de rétablir une production électrique en sortie de ce petit lac alimenté par 25 kilomètres de rivière et 250 kilomètres de ruisseaux et ainsi « effacer positivement» l’activité de meunerie.
L’autre sujet corollaire à cet étang est la considération de son pouvoir filtrant, Ô combien nécessaire dans le cadre des rejets des eaux du Quillimadec dans son estuaire de la baie de Guissény. La coïncidence de l’interdiction de baignade sur deux plages de cette baie avec l’arrêt d’exploitation du moulin est troublante.
Que penser alors du nouvel « affluent » que va constituer le rejet de la nouvelle station d’épuration de Kerlouan-Guissény en amont de l’étang du Pont ? Notamment quand celui ci aura rapidement disparu ne laissant subsister que le chenal du Quillimadec ?
Pour notre réflexion nous sommes mis en contact avec divers organismes et associations ( Eau et Rivières, Moulins et Rivières, Bretagne Vivante, Natura 2000, OCE,…)
Nous posons les questions suivantes :
Illustrations : en haut, l'étang vidé, avec sauvetage de chevreuil prisonnier des vases ; au milieu, l'étang en eau, un réservoir reconnu pour les oiseaux aquatiques ; en bas, le moulin de l'étang du Pont (Ouest-France, DR).
Lettre
Nous sommes un collectif de riverains qui était préoccupé en premier lieu par l’aspect paysager de ce site méconnu et remarquable. Nous nous sommes également fortement intéressés à l’écologie liée à ce site constitué d’un étang naturel, dortoir et refuges d’oiseaux (principalement des anatidés), hébergement de mollusques filtrants (anodontes) et de poissons, et à la flore remarquable et méconnue. Cet étang est précédé par une zone humide.
En queue de cet étang naturel, traversé par la rivière Quillimadec, s’était développée une activité de meunerie maintenant éteinte.
Les vannages de cette activité de meunerie ont peu à peu contribué à l’envasement de ce petit lac, aidé par le déboisement et la suppression de talus sur l’amont.
D’autre part un curage violent de la rivière en amont (il y a une trentaine d’années) avait déjà entrainé un afflux de boue à l’entrée de l’étang. Les travaux ayant du s’interrompre car le chenillard de curage s’était envasé dans ces boues brassées.
Toutefois, l’activité du moulin réussissait à garder cet étang en eau et à en maintenir son pouvoir filtrant reconnu et non négligeable.
L’arrêt de cette activité meunière et un vannage aléatoire n’ont fait qu’accélérer l’envasement.
La succession du meunier a vendu l’étang en 2015 à la communauté de communes de Lesneven et le moulin a été vendu à un opérateur économique qui devait y moudre de la farine biologique. Hélas cet opérateur a été touché par une liquidation judiciaire avant que de commencer son exploitation. Le moulin est toutefois dans les actifs du failli et le non paiement de la vente dans la masse des créanciers de cette liquidation.
Aujourd’hui, le propriétaire actuel du moulin, en liquidation judiciaire, est mis en demeure par arrêté préfectoral de produire une analyse sur la création d’une passe à poissons pour maintenir la continuité écologique.
A titre conservatoire et le temps donné à cette analyse, les vannes sont maintenues en position ouverte. Ainsi plus 13 hectares d’étang sont à l’air libre et sont menacés à très court terme de se végétaliser, ne laissant passer que la rivière.
Cet arrêté est d’autant plus affligeant qu’il existe un exutoire naturel à ce moulin par lequel la continuité écologique se fait naturellement quand l’étang est en eau. Cet exutoire est l’ancien lit de la rivière Quillimadec. Le meunier avait quant à lui aménagé la queue de l’étang pour faciliter son activité et même installer une turbine de production électrique. Pour ce faire il avait quasiment by-passé la sortie naturelle.
Notre collectif est persuadé qu’il y a des solutions intelligentes pour garder l’étang en eau et maintenir la continuité écologique sans qu’il y ait un curage d’ampleur mais un rétablissement du site naturel d’origine. Ce site est fréquenté par nombres de randonneurs, de photographes animaliers, d’amoureux de la nature sauvage.
Il devrait même être possible de rétablir une production électrique en sortie de ce petit lac alimenté par 25 kilomètres de rivière et 250 kilomètres de ruisseaux et ainsi « effacer positivement» l’activité de meunerie.
L’autre sujet corollaire à cet étang est la considération de son pouvoir filtrant, Ô combien nécessaire dans le cadre des rejets des eaux du Quillimadec dans son estuaire de la baie de Guissény. La coïncidence de l’interdiction de baignade sur deux plages de cette baie avec l’arrêt d’exploitation du moulin est troublante.
Que penser alors du nouvel « affluent » que va constituer le rejet de la nouvelle station d’épuration de Kerlouan-Guissény en amont de l’étang du Pont ? Notamment quand celui ci aura rapidement disparu ne laissant subsister que le chenal du Quillimadec ?
Pour notre réflexion nous sommes mis en contact avec divers organismes et associations ( Eau et Rivières, Moulins et Rivières, Bretagne Vivante, Natura 2000, OCE,…)
Nous posons les questions suivantes :
- Qu’est ce qui a motivé l’achat de l’étang par par la Communauté de Communes?
- Pourquoi un achat « partiel » c.a.d sans le moulin et son bief?
- Pourquoi avoir choisi rejet de la station d’épuration dans le Quillimadec au lieu de l’Alanan comme précédemment?
- Pourquoi avoir choisi le rejet de la station d’épuration en amont de l’étang du pont?
- Quid de la continuité écologique ( poissons migrateurs et oiseaux migrateurs, dortoirs...)?
- Quid des capacités d’auto épuration si l’étang est totalement envasé ne laissant que la rivière ( nitrates, phosphore, bactériologique)?
- Les études déjà menées ont-elles été effectuées en connaissance de cause et en tenant compte des potentiels?
- Et enfin : quelles sont les hypothèses d’avenir ?
Illustrations : en haut, l'étang vidé, avec sauvetage de chevreuil prisonnier des vases ; au milieu, l'étang en eau, un réservoir reconnu pour les oiseaux aquatiques ; en bas, le moulin de l'étang du Pont (Ouest-France, DR).
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