19/08/2019

L'avenir des sécheresses et de la gestion de l'eau au 21e siècle (Wan et al 2018)

L'actualité du printemps et de l'été 2019 nous le rappelle encore: les sécheresses sévères entraînent des dommages socio-économiques importants par réduction de l'approvisionnement en eau, mauvaises récoltes, production d'électricité réduite, mortalités piscicoles et nombreuses autres perturbations. Huit scientifiques ont fait tourner des modèles climatiques et hydrologiques pour analyser la possible évolution des sécheresses au 21e siècle, en distinguant la sécheresse météorologique (défaut de précipitations), la sécheresse agricole (sols secs), la sécheresse hydrologique (baisse des nappes et débits). Leur travail (encore provisoire car les modèles doivent s'améliorer) montre que les épisodes de sécheresses devraient globalement s'aggraver dans la plupart des régions du monde, surtout aux latitudes moyennes. Plus on émet de gaz à effet de serre, plus l'impact sera fort: la prévention par transition énergétique est donc déjà une première nécessité. Les auteurs montrent aussi que l'on peut conjurer les sécheresses agricoles, mais au risque d'aggraver les sécheresses hydrologiques si l'usage de l'eau est localement excessif, notamment pour l'irrigation. Il devient indispensable d'avoir une vue précise de la ressource en eau de chaque bassin et de ses connexions à l'aval, tant pour les besoins de la société que pour la préservation des milieux aquatiques. En ce domaine qui relève de la sécurité des humains et de la survie de nombreuses espèces, le dogmatisme ne saurait être de mise. Notamment sur la question des barrages et retenues, otage de postures trop souvent radicales.   


Un épisode de sécheresse a généralement pour origine un déficit en précipitations (ou une augmentation de l'évapotranspiration) sur une longue période (sécheresses météorologiques), ce qui entraîne une réduction de l'infiltration et de l'humidité du sol (sécheresses agricoles) et, par conséquent, une réduction du ruissellement direct, des écoulements souterrains et des débits (sécheresses hydrologiques). Cette traduction d’une condition météorologique anormale en une sécheresse agricole et / ou hydrologique est définie en recherche comme une "propagation de la sécheresse". Elle implique des processus météorologiques et hydrologiques non linéaires : interactions entre déficits de précipitations, dynamique de la végétation, évapotranspiration excessive, dynamique des écoulements, activités humaines.

La majorité des études récentes attribuent au changement climatique une tendance croissante aux sécheresses météorologiques, agricoles comme hydrologiques.

Wenhua Wan et 7 collègues ont testé le couplage entre des modèles climatiques et des modèles hydrologiques pour analyser l'évolution possible de ces sécheresses au cours du 21e siècle, cela à l'échelle globale. Ils préviennent que ce travail reste préliminaire et indicatif en raison de la complexité des interactions, notamment dans les modèles hydrologiques et dans le couplage aux projections des activités humaines.

Voici le résumé de la recherche par les auteurs :
"Cette étude examine les effets du changement climatique et de la gestion de l'eau, y compris l'irrigation agricole, les prélèvements d'eau et la régulation des réservoirs, sur les futures sécheresses météorologiques, agricoles et hydrologiques, et leurs connexions. L'analyse est basée sur les simulations de quatre modèles hydrologiques globaux forcés avec les projections de cinq modèles climatiques globaux pour la période historique 1971-2000 et la période future 2070-2099, avec et sans gestion de l'eau. Trois indices de sécheresse unifiés, l’indice normalisé de précipitation, l’indice normalisé d’humidité du sol et l’indice normalisé de débit, sont adoptés pour représenter respectivement les sécheresses météorologiques, agricoles et hydrologiques. 
L'analyse suggère que les changements de la sécheresse pour cause climatique se renforcent, mais dans des directions différentes pour les trois types de sécheresse, tandis que les changements induits par la gestion de l'eau dans les sécheresses agricoles et hydrologiques sont plus cohérents dans l'espace et les simulations. Globalement, les activités de gestion de l’eau réduisent la durée et l’intensité des sécheresses agricoles d’un ordre de grandeur environ, tout en augmentant celles des sécheresses hydrologiques jusqu’à 50%. Une analyse à l'échelle du bassin révèle que plus l'intensité de l'irrigation est élevée, plus les changements dus à la sécheresse induits par la gestion de l'eau seront importants. En raison des activités de gestion de l'eau dans certaines régions, les périodes de retour de sécheresses agricoles extrêmes (en termes de gravité) peuvent passer de 100 à 300 ans, voire plus, alors que des sécheresses hydrologiques typiques d'une durée de 100 ans sont susceptibles de se produire plus souvent dans les régions situées en latitudes 25°N–40°N et 15°S–50°S. 
Cette étude fournit une vision globale de la modification de la sécheresse dans l'Anthropocène, ce qui contribuera à améliorer les stratégies d'adaptation aux futures sécheresses."

Dans le détail, la projection confirme une aggravation des sécheresses dans la plupart des régions (dont la France), cela de manière d'autant plus marquée que les émissions de carbone augmentent (les RCP 2,6 et 8,5 désignent des hypothèses de forçages radiatifs par effet de serre de 2,6 et 8,5 W/m2 en 2100):
"Bien qu'en moyenne, les précipitations à l'échelle mondiale soient plus importantes au siècle prochain, cependant, en raison de la répartition inégale spatio-temporelle des précipitations et des influences humaines, les trois types de sécheresse s'intensifient, en particulier dans les régions peuplées. Comparativement, les changements dans la structure de la sécheresse sont beaucoup plus importants pour le RCP8.5 que pour le RCP2.6, ce qui peut être attribué à l'inégalité croissante des précipitations, accompagnée d'une température plus élevée et de taux d'évaporation plus élevés."
Ce tableau donne les tendances de la durée, intensité et sévérité des trois types de sécheresse, pour les 2 hypothèses d'émissions carbone. Les valeurs sont en pourcentages. La colonne Nat-hist/hist indique comment l'effet climatique seul augmente les effets des sécheresses par rapport à la situation de fin de 20e siècle. La colonne Hum-nat/nat indique comment la poursuite de la gestion actuelle de l'eau seule augmente (ou baisse) les effets des sécheresses par rapport à une situation où nous stopperions des prélèvements à leur niveau actuel.

Extrait de Wan et al 2018, art cit, cliquer pour agrandir. 

On doit ainsi s'attendre à une hausse de sévérité des sécheresses hydrologiques comprise entre 57 et 140% du seul fait du changement climatique. Mais la poursuite à l'identique des modes de gestion de l'eau peut encore aggraver cette sécheresse hydrologique, même si elle limite la sécheresse agricole.

Cette carte montre l'exemple de l'évolution des intensités de sécheresses agricoles et hydrologiques, selon les deux scénarios 2.6 et 8.5, avec ou sans évolution de la gestion humaine de l'eau.

Extrait de Wan et al 2018, art cit, cliquer pour agrandir. 

Les scientifiques observent : "Les effets de la gestion de l'eau sur les sécheresses agricoles et hydrologiques sont toutefois cohérents entre les RCP. Dans l'ensemble, les activités de gestion de l'eau permettront d'atténuer les caractéristiques de la sécheresse agricole, en particulier dans les régions intensément irriguées. Cependant, ces changements dus à la gestion de l'eau sont bien moins importants que les changements induits par le climat, mais atteignent un niveau de consensus plus élevé au sein des projections des modèles. En revanche, les changements induits par la gestion de l'eau dans les sécheresses hydrologiques peuvent être soit un allégement lorsque la demande d'irrigation est relativement faible, soit une intensification lorsque la demande en eau d'irrigation est élevée. En outre, ces changements induits par la gestion de l'eau dans les sécheresses hydrologiques peuvent être comparables aux changements induits par le climat. L'analyse des sécheresses extrêmes basée sur le concept de fréquence de sécheresse suggère que la gestion de l'eau conduira à des sécheresses agricoles extrêmes moins fréquentes, mais à des sécheresses hydrologiques plus fréquentes dans le monde."

Les auteurs concluent à la nécessité d'un partage des eaux fondés sur de bonnes anticipations :
"Cette étude souligne l’importance des activités de gestion de l’eau dans le contexte des changements climatiques futurs, en plus de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'évolution spatio-temporelle et la propagation des sécheresses ont souvent un impact important sur les systèmes intégrés d'eau, d'énergie et d'alimentation. Par exemple, l'atténuation des sécheresses agricoles (eg via le détournement de l'eau des canaux ou des réservoirs en amont) peut être bénéfique pour la sécurité alimentaire, mais entraîner une réduction du débit des rivières en aval, mettant ainsi en péril la sécurité de l'énergie et de l'eau. L'évolution et la propagation des sécheresses peuvent également franchir les frontières des pays et des régions, entraînant ainsi des conséquences politiques. Par exemple, la demande excessive en eau dans les pays en amont peut déclencher des sécheresses hydrologiques dans les pays en aval. En effet, non seulement le changement climatique, mais les activités de gestion de l’eau affecteront fondamentalement les caractéristiques et l’évolution des futures sécheresses météorologiques, agricoles et hydrologiques, qui auront de profondes influences socio-économiques et politiques. Par conséquent, nous recommandons que des stratégies de gestion de l'eau appropriées soient prises en compte dans la modélisation de la gestion de la sécheresse et de l'atténuation de ses effets."
Discussion
Le partage des eaux entre les activités humaines, mais aussi entre le besoin humain et celui des milieux aquatiques naturels, est déjà un enjeu majeur et cette tendance devrait s'accentuer dans le siècle à mesure que s'installe une plus forte incertitude climatique. Pour être résilientes, nos sociétés devront être capables d'affronter des amplitudes thermiques et hydrologiques incluant des épisodes extrêmes. S'il reste une première approximation globale par modèles à améliorer, le travail de Wenhua Wan et de ses collèges a le mérite de montrer que la sécheresse agricole et la sécheresse hydrologique doivent être pensées ensemble. Leur étude suggère aussi in fine que la baisse des émissions de gaz à effet de serre par hausse des productions d'origine renouvelable non carbonée reste la première urgence du moment : un scénario à fort émission de gaz à effet de serre (RCP 8.5) produirait des effets nettement plus difficiles à gérer.

Dans une campagne contre la construction de barrages et retenues, France Nature Environnement a présenté ainsi ce travail de Wan et al : "Une étude publiée en 20181 dans le Journal of Geophysical Research montre que ces aménagements humains pourraient certes réduire la sécheresse agricole de 10 % mais conduiront à une augmentation de l’intensité des sécheresses sur l'ensemble du bassin à hauteur de... 50 %." (site FNE, version consultable du 17/08/2019)

Comme on le voit, la lecture attentive de la référence citée par FNE ne raconte pas tout à fait la même histoire. Une baisse d'un ordre de grandeur (un facteur 10) n'est pas une baisse de 10% : l'étude de Wan et al confirme bien l'efficacité possible de la lutte contre les sécheresses agricoles. Les sécheresses induites par le changement climatique seul seront de toute façon plus marquées, donc se pose d'une manière ou d'une autre la question de nos choix de gestion et d'abord de la prévention des émissions carbone. Savoir si la gestion humaine de l'eau aggravera les sécheresses hydrologiques reste une question ouverte et largement liée à l'intensité locale des besoins en irrigation. Enfin, cette recherche est muette sur la question des barrages de retenues et de leur répartition optimale dans un bassin versant : retenir toute l'eau à l'amont aurait forcément des effets négatifs à l'aval, mais répartir des retenues sur le bassin peut être plus intéressant. Au demeurant, c'était le cas en France jadis, les cartes anciennes montrant un grand nombre de petites retenues présentes dans toutes les vallées, certainement à but premier piscicole, mais aussi avec des effets probables de réserve d'eau. Bien entendu, du fait de sa consommation d'eau et de la hausse attendue du coût de cette eau, le modèle agricole est le premier concerné par une réflexion sur l'avenir des usages. C'est aussi le cas du tourisme continental en été, les rivières et plans d'eau voyant de fortes affluences.

L'INRA et Irstea ont publié en 2016 une expertise collégiale sur l'effet cumulé des retenues. Les chercheurs français y soulignaient le besoin de connaissance, car les modèles hydrologiques ne sont pas toujours convergents et les données empiriques sont encore rares. De plus, la gestion future de l'eau se fera bassin par bassin en fonction des données fines sur l'eau, les sols, la végétation, les besoins humains, les écosystèmes aquatiques et, dans le cas particulier des retenues, leur nature exacte (retenues collinaires, grands barrages réservoirs, plans d'eau déconnectés du lit mineur, plans d'eau sur lit mineur). L'hypothèse d'une meilleure recharge des nappes par restauration de zones humides est aussi à envisager par bassin : l'idée est bonne, mais elle dépend de l'incision des lits mineurs, de la dynamique de crue, de la disponibilité du foncier en lit majeur, du taux réel de recherche des nappes... toutes choses qui sont à étudier avant d'y voir une solution fiable et à échelle des besoins.  On ne peut donc pas accepter que les uns ou les autres mettent en avant "la science" sur la question de la construction future des retenues, car nous n'avons pas en réalité d'assertion scientifique forte sur le bilan coût-bénéfice.  Pour les retenues qui existent déjà, on peut douter de l'intérêt de les détruire dans une période aussi incertaine sur l'avenir hydrique, climatique et énergétique de nos sociétés. Hélas, l'Etat français a pour le moment choisi cette option au nom de la "continuité écologique".

Certains ne jurent que par les solutions fondées sur la nature, d'autres réclament des constructions de barrages partout où un besoin est exprimé. La solution ne sera probablement pas unique ni systématique, elle devra être fondée sur des faits et des preuves, des expérimentations avec des évaluations précises, des concertations locales visant à construire des compromis.  Il nous faut surtout éviter des postures de principe confinant au dogmatisme et des choix mal informés ne tenant pas compte de l'ensemble des attentes sociales sur l'eau.

Référence : Wan W et al (2018), A holistic view of water management impacts on future droughts: A global multimodel analysis, JGR Atmosphere, 123, 11, 5947-5972

Illustration en haut : Lit de la rivière Doubs complètement asséché, fin octobre 2018. Maisons-du-Bois-Lièvremont. CC Espirat

18/08/2019

La plus ancienne représentation graphique connue d'un moulin à eau

C'est dans les catacombes paléochrétiennes de Rome que l'on trouve la première représentation connue d'une roue à aube de moulin à eau, sur une fresque murale du Coemeterium Maius. Explications.



Cette image est une photographie de fresque murale du Coemeterium Maius (catacombe majeure), située le long de la Via Nomentana, dans le quartier moderne de Trieste. Cette catacombe a été bâtie vers le milieu du 3e siècle de notre ère. Divers peuples de l'Antiquité enterraient déjà leurs défunts dans des souterrains, mais les premiers Chrétiens créèrent des cimetières à hypogée plus complexes et plus vastes. Leurs peintures, mosaïques, sculptures reflètent des récits religieux et parfois des scènes de la vie ordinaire.

C'est à l'historien et archéologue suédois Örjan Wikander, spécialiste des technologies anciennes de l'eau, que l'on doit d'avoir identifié cette fresque du Coemeterium Maius comme la plus ancienne représentation graphique actuellement connue d'une roue de moulin (Wikander 1980; Wikander 1985; voir aussi Reynolds 1983).

L'origine exacte des moulins à eau reste encore débattue. Des descriptions anciennes du 3e et du 2e siècles avant notre ère mentionnent des roues que la plupart des historiens des techniques considèrent comme des noria (outil pour élever l'eau d'un point bas) plutôt que des moulins. Il paraît néanmoins probable que de premières utilisations énergétiques de roues virent localement le jour dans cette période, en Asie mineure et au Proche Orient, dans le sillage des nombreuses expérimentations de la mécanique de l'ère hellénistique. Strabon puis Vitruve et Pline décrivent explicitement le moulin à eau au tournant de notre ère, tant en roue horizontale que verticale. A partir de l'empire romain, qui l'utilisa dans ses zones rurales (voir exemple de Barbegal), le moulin à eau se répandit en Occident.  Le moulin à eau représente la première machine de production pouvant être mue automatiquement sans nécessiter de force humaine ou animale. C'est une étape majeure de l'histoire des techniques, et une exceptionnelle continuité historique puisque des moulins sont encore en usage de nos jours.

Source image : Archives pontificales, commission pour l'archéologie sacrée, STO - Mag, D, 98

17/08/2019

Cesser d'opposer patrimoine naturel et patrimoine culturel (Sajaloli 2019)

Le 6e colloque international du Groupe d'histoire des zones humides s'était tenu en Morvan et ses actes viennent d'être publiés. Dans leur conclusion, le président du GHZH Bertrand Sajaloli livre de très intéressantes réflexions sur le caractère hybride de la nature, que révèlent de plus en plus clairement les progrès en histoire et archéologie de l'environnement. L'universitaire revient de manière critique sur certains choix faits en matière de continuité écologique, avec une cécité initiale au patrimoine culturel et aux dynamiques historiques de l'environnement modifié par l'homme. Il souhaite une démarche plus participative, associant les riverains à la construction dynamique du paysage, ce lieu où nature et société fusionnent.  


Bertrand Sajaloli (Université d’Orléans, Laboratoire EA 1210 CEDETE) dirige le Groupe d'histoire des zones humides, fondé en 2003 par des historiens, des géographes, des juristes et des environnementalistes. Le GHZH a tenu son 6e colloque international dans le Morvan, et ses actes viennent d'être publiés par la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature. Nous publions ci-après quelques extraits de la conclusion du colloque par Bertrand Sajaloli. L'universitaire y revient sur les controverses de la continuité écologique, qu'il replace dans le contexte des paradigmes en compétition de la nature : y a-t-il une nature originelle qui aurait été perturbée par l'humain, dont nous devrions retrouver les propriétés, ou une nature co-construite par l'humain, dont nous devons accepter le caractère hybride? L'histoire et l'archéologie de l'environnement montrent pour leur part que l'évolution des bassins fluviaux, notamment des zones humides, est inséparable de l'action humaine.

Extraits

Patrimoine écologique versus patrimoine archéologique, écouler l'eau et dissoudre le temps des hommes?
L'articulation entre patrimoine naturel et patrimoine culturel fournit aussi de belles perspectives de réflexion que la table-ronde a notamment évoquées en abordant la restauration de la continuité écologique des cours d'eau et des milieux aquatiques préconisée par l'Union Européenne dans la Directive Cadre sur !'Eau (DCE)  en 2000 et reprise par la France dans la Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006. S'y confrontent, parfois violemment, deux systèmes de valeur dissemblables et inconciliables, la défense de la nature et la possibilité pour les espèces et les sédiments de migrer librement d'une part, la défense du patrimoine historique lié aux aménage­ments fluviaux (gués, moulins, miroirs d'eau, écluses...) dont certains, pluriséculaires, déterminent de riches écosystèmes, d'autre part. La LEMA de 2006 et la loi Grenelle 2 de 2010 (Trame verte et bleue) accordent une place importante à l'hydromorphologie et notamment à la continuité écologique afin d'assurer le bon transport des sédiments (charge solide) et la circulation amont-aval des poissons ainsi que la connectivité des milieux. Cette continuité préconise l'effacement ou l'aménagement des «obstacles à l'écoulement» en lit mineur (continuité longitudinale) ou en berge (continuité latérale) . Selon le référentiel des obstacles à l'écoulement, il en existe à ce jour plus de 97 000 qu'il s'agirait de supprimer sur une période courte (2013-2018). Outre les contestations inhérentes au bien-fondé écologique de l'effacement de ces ouvrages, beaucoup de conflits naissent de la non prise en compte de leur valeur archéologique et paysagère alors même que certains sont protégés au titre des Monuments historiques. Dès lors, les débats s'engagent sur les modalités d'arbitrage entre ces deux types de patrimoine.

Les premières relèvent de la concertation et de la diffusion des informations. Il s'agit que les gestionnaires archéologiques du territoire (DRAC, INRAP... ) s' engagent en amont dans les SDAGE et les SAGE afin de réaliser des inventaires patrimoniaux et d'envi­sager des opérations préventives. Il s'agit également de favoriser des rapprochements entre l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) et les DREAL (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement), en charge de la continuité écologique, avec les DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), en charge du patrimoine historique• La vigueur des conflits et parfois l'aberration des décisions prises, tient en effet à l'absence de transversalité dans l'analyse des territoires de l'eau et plus encore à celle d'instances où des sensibilités différentes peuvent s'exprimer. De même, l'échelle locale, qui seule permet de hiérarchiser les différentes valeurs patrimoniales des obstacles à effacer, doit prendre le pas sur l'échelle nationale où des impératifs administratifs ou doctrinaires monothématiques sont avancés.

Mais ceci ne résout pas toutes les situations! Restaurer la continuité écologique, c'est accélérer l'écoulement et donc menacer, par abaissement des niveaux d'eau, bon nombre de marais adjacents et leurs vestiges archéologiques comme le souligne Annick Ribhard (2009), notamment au sujet de Clairvaux et de Chalain (Arbogast & Richard, 2014). Effacer un barrage, comme celui du Port Mort sur la Seine en amont de Rouencomme l'évoque Philippe Fajon, c'est aussi supprimer ce que l'ouvrage hydraulique a laissé dans le paysage environnant, et notamment les systèmes parcellaires sur les deux rives. Enfin, abattre un ouvrage sur une petite rivière, c'est encore éradiquer des espèces liées aux eaux calmes d'amont comme la très belle libellule dite la Naïade aux yeux rouges. Franck Faucher oppose quant à lui, la protection des espèces d'eau courante, plus rares, menacées et patrimonialisées, aux espèces d'eau stagnante, plus banales et répandues, mais ceci doit-il être systématique alors même que dans la Creuse, par exemple, des barrages construits dans les années 1930 ne sont pas concernés par la DCE car ils produisent de l'électricité ? Yves Billaud (Ministère de la Culture, laboratoire Archéologie et archéométrie) pose dès lors la question de la finalité de la gestion, de l'impossible recherche de l'état de référence, prétendu initial et supposé antérieur à l'occupation humaine  (Magny et al., 2015). Philippe Fajon rajoute celle du choix territorial et de la trajectoire paysagère effectué à propos du marais Vernier où l'édiction d'un nouveau règlement de l'eau modifiera usages et paysages (Fajon, 2011). Sachant que plus de 1 700 personnes vivent dans cet ancien méandre de la Seine, combien de courtils faut-il garder : quelques-uns afin de montrer comment le système maraîcher fonctionnait, ou alors faut-il muséographier tout le paysage ? Ces interrogations nécessitent de s'ouvrir aux autres disciplines mais les naturalistes  sont alors désarmés  car  les études archéologiques et géohistoriques des zones humides, notamment des plus petites, sont rares et manquantes. L'approche culturelle des lieux d'eau apparaît bien sous-investie! Et avec elle, la question de la place de l'homme dans ces milieux: parce que les densités humaines y sont souvent moins importantes aujourd'hui qu'hier, parce que les usages y sont à la fois moins nombreux et moins vitaux, il faudrait alors, pour reprendre les mots de Marie-Christine Marinval, effacer les marais, détruire les vestiges archéologiques, noyer toute trace d'intervention anthropique? Quel est ce nouveau mythe de l'eau qui coule? Quelles représentations inconscientes masque-t-il?

Enjeux naturalistes versus enjeux culturels : des limites floues pour des milieux hybrides?
Cesser d'opposer patrimoine naturel et patrimoine culturel, de dramatiser le choix entre telle ou telle espèce protégée et tel autre vestige archéologique inscrit, se résout en partie en dépassant la vision duale, binaire du couple nature-culture. Christine Dodelin (Conservatrice de la Réserve naturelle régionale des Tourbières du Morvan) s'étonne en effet que l'on scinde ces enjeux et dénonce le caractère artificiel, flou des limites entre ces deux patrimoines. Évoquant la moule perlière,  bivalve  d'eau douce,  espèce phare du Morvan, qui vit 100 ans au fond des sédiments  des rivières et ne se déplace pas, sauf par le biais des Salmonidés descendant et montant les cours d'eau, qui a besoin d'une eau d'extrême qualité pour se reproduire, Christine Dodelin souligne comment cette espèce extraordinaire est un formidable marqueur de l'histoire séculaire du bassin­ versant, de la manière  dont  on l'a  aménagé,  de celle dont on y  vit  actuellement. Il n'y a donc pas  d'antagonismes systématiques  entre  la chronique  des hommes et celle de la biodiversité : la nature  est un  construit  historique,  une œuvre  sociale  ; inversement, la biodiversité est un problème de société dont doivent s'emparer les historiens, les anthropologues, les géographes et les sociologues. Dès lors, pourquoi ne pas davantage s'appuyer sur la vie quotidienne des habitants, des usagers, des riverains? Sur leurs perceptions et représentations, sur leurs pratiques du territoire et raisonner en termes de services rendus et d'attentes en biens de nature? Il  s'agit  de confronter,  par exemple, les valeurs d'une retenue d'eau d' amont (biodiversité, économie de loisir, agrément paysager, importance des vestiges archéologiques... ) à celles que provoqueraient sa disparition (fin de la déstabilisation des berges que le piégeage des  sédiments  suscite en aval, retour des espèces d'eau courante... ). Quelles fonctionnalités sont mobilisées dans ce choix? Comment se répètent-elles sur le linéaire du chevelu hydrographique?

L'expérience du Parc naturel régional du Morvan engagé depuis six ans dans la restau­ration de la continuité écologique révèle un grand choix des possibles et des modalités d'intervention, après concertation. Les ouvrages à enjeux historiques et patrimoniaux forts ont été laissés, d'autres abaissés, d'autres équipés de passes à poissons, d'autres enfin supprimés en accord avec leur propriétaire. Le bruit de la chute d'eau, la présence de truites, le spectacle d'une surface étale ou au contraire d'un débit rapide... sont sou­vent apparus décisifs, comme éteindre les controverses (Barraud & Germaine, 2017) par le dialogue et le jeu des acteurs de terrain!

Dans cette approche participative, le paysage, par son caractère intégrateur, parce qu'il reflète les interactions entre l'évolution des milieux naturels et celle des interventions anthropiques, parce qu'enfin il détermine des cadres de vie autour desquels se nouent le bien-être et l'identité des habitants, fournit un cadre de réflexion idoine et fédérateur. (…)

Le paysage facilite également le glissement d'une conception linéaire des impacts de l'humain sur la nature vers une approche plus novatrice liée à son hybridité. li s'agit en effet de cesser de raisonner en termes de gradients de naturalité ou d'artificialité qui, par des étapes repérables et donc rectifiables par des mesures de gestion, assureraient le passage d'une nature naturelle, vierge de toute empreinte anthropique, à une nature artificielle, voire à une absence de tout élément biologique ! Appréhender les milieux naturels comme des milieux hybrides, comme le suggère Laurent Lespez (Dufour & Lespez, 2019), c'est leur reconnaître des propriétés et des caractéristiques spécifiques, uniques, fruit d'un rapport singulier entre les temps longs et courts de l'histoire des sociétés et de celle de la nature. Le bocage, construction on ne peut plus anthropique dotée d'une biodiversité singulière, fournit un bel exemple de la pertinence de ce concept d'hybridité. La biodiversité ne répond donc à aucun gradient d'artificialité des milieux comme le souligne Patrice Notteghem mais à une qualité des rapports dialectiques entre sociétés et écosystèmes, d'où la notion de culturalité écologique.



Commentaire
Depuis quarante ans, les politiques publiques des sociétés industrielles sont saisies par la question écologique, avec de grandes lois ayant émergé à partir des années 1970 et s'étant renforcées depuis. Ces politiques publiques s'inspirent des savoirs positifs et des expériences de terrain.

Mais l'objet "nature" ou "environnement" est complexe, et les savoirs sont multiples. De plus, ces savoirs évoluent. Des écosystèmes que l'on croyait jadis des expressions d'une "naturalité sans l'homme" se révèlent en fait issus en partie d'interventions humaines. L'histoire et l'archéologie des zones humides révèlent cet entralecement, que l'on nomme le caractère hybride de la nature. Il en va de même pour d'autres milieux (rivières, forêts).

Du même coup, cela interroge aussi nos actions contemporaines et ce à partir de quoi nous devrions juger ces actions.

La création d'une retenue va par exemple noyer des micro-habitats en place sur sa superficie, et représentera donc une perte nette de biodiversité locale lors de sa création. Mais au fil du temps, la retenue va elle-même devenir un habitat pour d'autres espèces et en dernier ressort, elle ne sera pas éternelle, laissant place à d'autres milieux plus tard. Dans cette dynamique sans fin, doit-on et de toute façon peut-on "geler" un état présent du vivant? Doit-on faire une stricte comptabilité des espèces et vouloir "ne rien perdre", "ne rien changer", quand la nature elle-même montre le spectacle de gains et de pertes tout au long de son évolution? Et quand un choix avantage une espèce menacée mais désavantage une autre espèce menacée, ce qui devient finalement courant à mesure que les données s'enrichissent et que des lois protègent un plus grand nombre de ces espèces, comment affronte-t-on ces choix cornéliens? Parmi les humains - puisque nous parlons toujours en dernier ressort de décisions humaines -, qui fera le choix de l'état de la nature au sein des différentes trajectoires possibles, par quelle légitimité sociale et politique? Ces questions n'ont aucune réponse simple, mais elles se posent déjà et se poseront de plus en plus. Avec l'Anthopocène vient la conscience que l'humain instaure sans cesse de nouveaux états de la nature. On notera que ces questions concernent aussi bien le patrimoine bâti qui évolue lui aussi au fil du temps.

La continuité écologique en long se révèle un cas d'école de ces débats. Sa mise en oeuvre s'est révélée particulièrement conflictuelle en France (en large part pour des raisons d'objectifs irréalistes assortis d'une gouvernance autoritaire et opaque) mais elle n'est en réalité apaisée nulle part, car les ouvrages hydrauliques hérités de l'histoire, parfois naturalisés, sont l'objet d'usages socio-économiques et d'attachements psychologiques. Il existe aussi un désir de continuité historique et de continuité symbolique dans l'imaginaire humain. Au-delà, ce sont des visions de la nature idéale qui s'entrechoquent, sauvage et spontanée pour les uns, maîtrisée et aménagée pour les autres. Un schéma un peu naïf voudrait qu'après les excès rationalistes, productivistes et prométhéens de la première modernité, nous revenions simplement aux vertus d'une nature laissée à son libre cours. Mais ce serait supposer que la modernité fut juste une erreur, un moment d'égarement, alors que de toute évidence la maîtrise moderne de la nature a aussi apporté des bénéfices aux humains. Le débat renaît d'ailleurs dès que nous affrontons des adversités naturelles, comme le révèle l'actualité des sécheresses et canicules à répétition, avec la question du choix entre ingénierie grise (construire de nouvelles retenues) ou verte (reprofiler des lits d'inondation). Dans tous ces débats, l'éclairage de l'historien et de l'archéologue est aussi précieux que celui du naturaliste et de l'écologue pour nourrir des réflexions pluridisciplinaires et permettre des échanges mieux informés.

Sources : Sajaloli B (2019), Archéologie en zones humides: une heuristique de l'hybridation entre nature et culture, in Zones humides et archéologie, Actes du VIe colloque international du groupe d'histoire des zones humides, revue scientifique Bourgne-Frenche-Comté Nature, HS 16, 245-251

Pour aller plus loin : Zones humides et archéologie. Actes du VIe colloque international du groupe d'histoire des zones humides 
Ce VIe colloque international Zones humides et Archéologie, organisé par le Groupe d’histoire des zones humides (GHZH), avec le concours du Centre archéologique européen du Mont-Beuvray et du Parc naturel régional du Morvan, a pour objectif d’appréhender les zones humides au prisme de l’archéologie. L'étude de données brutes et les informations « hors sites » de nouvelle nature : structures en creux naturelles (paléomarais, paléoméandres) ou anthropiques (mares, etc.) ont impliqué l’élaboration de marqueurs spécifiques – bio-indicateurs végétaux et animaux, sédiments – par les disciplines des archéosciences (palynologie, dendrologie, macro-restes végétaux). Ces éléments sont devenus des vecteurs de reconstitutions paysagères et paléoécologiques de reconnaissance de milieux humides. Les exemples archéologiques, qui se sont multipliés un peu partout, mettent l’accent sur la complexité de ces espaces qu’il s’agisse de tourbières, de zones humides littorales, de vallée alluviale ou encore de plaine : diversité de leurs trajectoires spatio-temporelles, de leurs modes de valorisation. Ces rencontres ont favorisé le croisement des regards, nourri la réflexion accompagnant les prises de décision dans le cadre d’une gestion durable – de restauration et préservation – de ces milieux d’eaux.
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Illustrations : biefs et seuil sur le Serein.

14/08/2019

L'excellent bilan énergétique cycle de vie de l'hydro-électricité

Un trait peu connu de l'énergie hydro-électrique : elle a le meilleur taux de retour énergétique (EROI "energy return on investment") de toutes les sources d'énergie actuelles, y compris pétrole, charbon ou nucléaire. Cela veut dire qu'elle produit beaucoup plus d'énergie dans son cycle de vie qu'elle n'en consomme pour être mise en place. La raison en est sa simplicité et sa longue durée de vie, avec une quasi-absence de déchets à recycler. Cette caractéristique en fait une énergie de choix pour la transition énergétique, fondée sur la sobriété de moyens, à l'heure où 64% de la consommation finale d'énergie en France est encore d'origine fossile. Cela ne rend que plus aberrantes les tentatives d'une fraction dévoyée de l'administration française à l'écoute de quelques lobbies minoritaires pour empêcher l'équipement des barrages et moulins, voire pour les détruire. Cessons cette régression et retrouvons la vocation hydraulique de notre pays : la très grande majorité des ouvrages en place sur les rivières ne produisent pas, et de nouvelles installations pourraient servir de stockage de l'énergie intermittente (solaire, éolien) par pompage-turbinage. Le parlement vient d'en voter le principe, donc Elisabeth Borne devra délivrer un message clair à ce sujet, contrairement à ses éphémères et controversés prédécesseurs.


Centrale de Malassis sur la Cure, en Bourgogne, bâtie sur le site d'un moulin du XVIe siècle.

Trois auteurs (Charles A.S.Hall, Jessica G.Lambert et Stephen B.Balogh) ont passé en revue le taux de retour sur investissement énergétique (EROI) des différentes sources d'énergie. Cette notion de EROI calcule, sur le cycle de vie d'un système énergétique, la quantité d'énergie nécessaire à la mise et en place et au démantèlement du système par rapport à ce qu'il va produire au long de son existence.

Par exemple, on sait que l'idée de faire du carburant à partie de la biomasse a un rendement médiocre, raison pour laquelle ces politiques sont peu à peu abandonnées ou très limitées après avoir connu du succès dans les années 2000. Cela s'explique physiquement : la photosynthèse n'est pas efficace à la base pour stocker l'énergie solaire (rendement de quelques %), il faut des machines (donc de l'énergie) pour planter, récolter, transporter, la transformation de la récolte en carburant utile coûte à nouveau de l'énergie. Au final, on consomme de grandes surfaces et on dépense de l'énergie dans tout le processus, mais on ne produit pas beaucoup d'énergie utile à l'arrivée. L'EROI calcule ces bilans sous forme d'un taux de retour entre le gain et la dépense : pour une unité énergétique dépensée, combien en a-t-on vraiment gagné à l'arrivée?

Les meilleurs systèmes sont ceux qui sont simples à installer et démanteler tout restant productifs longtemps et en produisant peu de déchets à recycler.

Ce graphique, construit avec les données de l'article de Charles A.S.Hall et de ses collègues, donne le résultat pour quelques sources d'énergie. L'une d'entre elles se détache : l'hydro-électricité, qui a de loin le meilleur taux de retour énergétique!

Source : Hall et al 2014, Energy policy, art cit.

Il s'agit là de méta-analyses mondiales, donc cela regroupe une variabilité importante (le solaire sera évidemment plus productif en Espagne qu'en Islande). Concernant l'hydro-électricité, la statistique ne concerne pas les dispositifs de type hydroliennes immergées exploitant le courant des fleuves ou le mouvement des marées (le rendement est plus faible que l'hydraulique de barrage réservoir ou de barrage au fil de l'eau, un dispositif immergé dans le fluide et n'exploitant que la vitesse est soumis à limite de Betz).

Les auteurs donnent par ailleurs une interprétation assez pessimiste de l'évolution du EROI dans le temps. Ils soulignent que l'énergie fossile à son âge d'or (gisement abondants, accessibles, de bonne qualité) avait un EROI remarquable, comme par exemple 100:1 pour le pétrole au début du 20e siècle. Les valeurs ne font que baisser, et elles deviennent faibles pour les fossiles non-conventionnels, par ailleurs très polluants au sol et en émission carbone. Cette baisse du EROI joue un rôle plutôt dépressif sur l'économie moderne, qui est dépendante de l'énergie pour toute ses activités et qui ne peut faire croître à l'infini des gains de productivité. L'âge de l'énergie abondante et facile à extraire est pour le moment derrière nous.

Autre avertissement des auteurs : nous implémentons des énergies non-fossiles en utilisant de l'énergie fossile (pour extraire et purifier les matières premières, pour construire et installer les dispositifs de captage), mais à mesure que l'énergie fossile baissera en disponibilité (par politique climatique ou par manque de ressources), les choses pourraient devenir plus compliquées. Le coût relatif des énergies devrait changer, celles qui demandent le moins de transformations dans leur cycle de vie étant avantagées. Aujourd'hui, plus de 80% de l'énergie primaire mondiale restent d'origine fossile (chiffre assez stable depuis 20 ans). En France, selon les derniers chiffres du CGDD (année 2018), le fossile représente encore 64% des sources de la consommation finale, largement à cause du poids du pétrole en transport et chauffage (50%).

Quoiqu'il en soit, le fait que l'énergie hydro-électrique ait le meilleur EROI aujourd'hui est à prendre en compte dans les politiques de transition énergétique. C'est une source d'énergie simple et robuste de conception, maîtrisée de longue date, impliquant peu de matière première, offrant une certaine prévisibilité et pouvant être pilotable  dans certains schémas (barrages réservoirs, barrages de pompage-turbinage servant aussi au stockage). En zone tropicale, le bilan carbone de l'hydro-électricité peut être médiocre en raison du méthane des retenues (un problème commun aux zones humides), alors que ce bilan carbone est très bon en zone tempérée et boréale. La plupart des pays qui parviennent à de bons scores en bilan carbone sont aussi ceux qui ont une part importante d'hydraulique dans leurs productions.


Les problèmes de l'hydro-électricité sont connus : les grands ouvrages noient des vallées, modifient l'hydrologie et la thermie (donc l'écologie) des cours d'eau, entravent la circulation des poissons migrateurs et le transit de sédiments. Ces problèmes peuvent être très atténués pour des ouvrages de basse chute, à moindre impact (mais aussi à moindre production). En tout état de cause, quand des ouvrages hydrauliques sont déjà en place, il n'y a pas de nouveaux impacts (voir Punys et al 2019). C'est le cas des ouvrages anciens (moulins, forges), des barrages d'irrigation, de loisir ou d'eau potable. Contrairement à une fable narrée aux décideurs par des lobbies (pêcheurs et environnementalistes radicaux), la France n'a pas du tout épuisé son potentiel hydro-électrique puisque le taux d'équipement des barrages et chaussées en place est faible.

La transition énergétique a donné lieu à beaucoup d'annonces et d'espoirs, mais on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle est longue, complexe et coûteuse. Certaines sources posent des problèmes aux riverains et sont contestées (cas de l'éolien ou du nucléaire). Elle est aussi consommatrice d'espace car on cherche à exploiter des flux naturels renouvelables à faible densité énergétique. Aussi se gardera-t-on, au regard de ces difficultés, des postures idéologiques de ceux qui disent "non" à tout. Et plus encore de ceux qui détruisent le patrimoine hydraulique du pays (ci-dessus), une aberration par rapport aux engagements énergétiques du pays et aux priorités des politiques publiques.

La France a la chance d'avoir un bon potentiel hydraulique, et l'hydraulique d'avoir un bon taux de retour énergétique : nous devons favoriser son développement, comme les parlementaires viennent de l'inscrire dans la loi. Revenons à la simplicité et au bon sens.

Source : Hall CAS et al (2014), EROI of different fuels and the implications for society, Energy Policy, 64, 141-152

A lire en complément
Les moulins au service de la transition énergétique: le dossier complet 
Le bilan carbone de l'énergie hydraulique 
Le bilan environnemental (usage des métaux) de l'énergie hydraulique 

12/08/2019

Droit d'eau du moulin et ruine d'ouvrage, gare aux abus de pouvoir de l'administration

L'administration de l'eau et de la biodiversité a de plus en plus de mal à justifier la casse du patrimoine hydraulique français au nom de sa vision radicale et contestée de la continuité dite "écologique". Aussi recourt-elle à d'autres stratégies, comme l'abrogation des droits d'eau fondés en titre entraînant obligation de remise en état du site, notamment pour motif de ruine. Il ne se passe guère une semaine sans que notre association soit informée d'un cas par une consoeur, ou saisie par un propriétaire. L'abrogation de droit d'eau pour motif de ruine donne lieu à de nombreux abus de pouvoir des DDT-M. En effet, le conseil d'Etat se montre très exigeant dans la définition de la ruine, qui signifie concrètement la disparition quasi-totale des éléments utiles à la force motrice de l'eau et l'impossibilité à moins de lourds travaux d'exploiter une chute ou un débit. Un barrage ébréché même largement, des vannes absentes, un bief engravé ou encore une ruine du bâtiment du moulin ne signifient pas que le droit d'eau a disparu si la force motrice peut encore être mobilisée au prix de confortements et travaux d'entretien. Le point sur la jurisprudence pour savoir répondre à l'administration quand une ruine est alléguée. 



Le droit d'eau dans le cas des moulins et usines hydrauliques est un droit réel immobilier tenant à la capacité d'user de la force motrice de l'eau. Ce droit d'eau existe pour:
  • les usines hydrauliques de moins de 150 kW de puissance réglementées avant 1919,
  • les moulins en cours d'eau non domaniaux existant avant 1790,
  • les moulins  en cours d'eau domaniaux existant avant 1566.
Etangs et canaux d'irrigation ont aussi des régimes de droit d'eau, que nous ne détaillons pas ici.

Le droit d'eau dit fondé en titre (site existant avant 1790) ou sur titre (réglementé entre 1790 et 1919) d'un moulin ou d'une usine hydro-électrique est essentiellement attaché au génie civil du bien : à partir du moment où il est physiquement possible sur le site d'utiliser la force motrice de l'eau, le droit d'eau existe.

Le droit d'eau peut se perdre par la "ruine". Mais cette notion est complexe à apprécier. La préfecture (service de police de l'eau DDT-M, par défaut services de OFB, ex AFB-Onema) doit exposer matériellement un état de ruine. Il lui revient de démontrer l'exactitude de ses assertions factuelles et leur bonne interprétation au plan du droit.

Les arrêts du conseil d'Etat sur la notion de ruine depuis 15 ans
La jurisprudence du Conseil d'Etat exige une ruine complète qui empêche tout usage de la force motrice, et non pas une ruine partielle des divers éléments constitutif du droit d'eau (le barrage, le bief, la chambre d'eau, le coursier de roue, etc.). Les quinze derrières années ont vu une jurisprudence constante de la plus haute instance du droit administratif. (Rappelons que les interprétations du fond par le conseil d'Etat prévalent sur celles des cours de rang inférieur comme les tribunaux administratifs et cours d'appel administratives, donc que le plaignant doit si besoin faire appel puis cassation s'il estime que les cours inférieures ont mal jugé son cas).

L'arrêt "Laprade" (Conseil d'Etat, n°246929, 5 juillet 2004) a posé le principe d'interprétation qui prévaut et qui se trouve répété dans la plupart des arrêts ultérieurs: à savoir que "la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété ; qu'il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau ; qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit".

Dans cet arrêt "Laprade", le conseil d'Etat observe qu'une ruine alléguée de barrage, une obstruction partielle de canal d'amenée et une végétalisation partielle de canal de fuite ne permettent pas de valider une perte du droit d'eau :
"Considérant ainsi que la non-utilisation du moulin Vignau depuis 1928 n'est pas de nature à remettre en cause le droit d'usage de l'eau, fondé en titre, attaché à cette installation ; que si l'administration fait état de la ruine du barrage, elle n'apporte pas la preuve de cette allégation et, notamment, ne fournit aucune précision sur la nature des dommages subis à l'occasion de la crue centennale de 1928 ; qu'en revanche la SA LAPRADE ENERGIE fait valoir, sans être contredite sur ces différents points, que le canal d'amenée n'est qu'obstrué par les travaux de terrassement entrepris dans le cadre d'une autorisation préfectorale accordée le 8 juillet 1983 puis annulée par le juge administratif ; que le canal de fuite, s'il est envahi par la végétation, demeure tracé depuis le moulin jusqu'au point de restitution ; qu'il pourrait être remédié à la dégradation subie en son centre par la digue, qui consiste pour partie en un banc rocheux naturel, par un simple apport d'enrochement ; qu'ainsi, la possibilité d'utiliser la force motrice de l'ouvrage subsiste pour l'essentiel ; qu'il suit de là que c'est à tort que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a considéré que le droit fondé en titre de la SA LAPRADE ENERGIE était éteint". 

Dans l'arrêt du Conseil d'Etat n°263010, 16 janvier 2006, le caractère partiellement délabré d'un site ne suffit pas à abroger son droit d'eau dès lors qu'il peut encore "être utilisé par son détenteur":
"Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des actes produits par l'intéressé, que le moulin situé sur la rivière Le Lausset, dans la commune d'Araujuzon, acquis par M. A, existait avant 1789 ; que si cet ouvrage est partiellement délabré, ses éléments essentiels ne sont pas dans un état de ruine tel qu'il ne soit plus susceptible d'être utilisé par son détenteur ; que, dès lors, il doit être regardé comme fondé en titre et qu'ainsi le moyen tiré de ce que son exploitation serait soumise à autorisation selon les règles de droit commun ne peut qu'être écarté"

Dans l'arrêt du Conseil d'État n°280373 du 7 février 2007, l'absence d''entretien d'un étang de retenue, son encombrement d'embâcle et son assèchement n'implique pas que le moulin attenant ne peut utiliser la force motrice si l'hydaulique originelle est rétablie, donc cela ne suffit pas à établir que le droit d'eau devrait être abrogé:
"qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit de prise d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ; Considérant qu'en se fondant, pour juger que l'étang situé sur la rivière 'Le Gouessant', à proximité du moulin dit de 'la Ville Angevin', ne pouvait être regardé comme fondé en titre, sur la circonstance que cet étang n'a pas été entretenu et est resté encombré de débris depuis au moins vingt ans, et se trouve actuellement asséché, sans rechercher si la force motrice de cet ouvrage était encore susceptible d'être utilisée par son détenteur, la cour administrative d'appel de Nantes a entaché l'arrêt attaqué d'erreur de droit ; que M. et Mme A sont fondés à en demander, pour ce motif, l'annulation"

Dans l'arrêt du Conseil d'État n°414211 du 11 avril 2019, arrêt important dit "moulin du Boeuf", des dégradations passées affectant le barrage et les vannes, de même que l'engravement par le temps du bief n'empêchent nullement le propriétaire de faire des travaux de réfection, de faire constater l'existence d'une puissance hydraulique exploitable et donc de voir reconnaître son droit d'eau (et de faire valoir indemnisation en cas de perte d'un droit réel immobilier par action administrative) :
"il ressort des appréciations souveraines de la cour non arguées de dénaturation que si les dégradations ayant par le passé affecté le barrage et les vannes ont eu pour conséquence une modification ponctuelle du lit naturel du cours d'eau, des travaux ont été réalisés par les propriétaires du moulin afin de retirer les végétaux, alluvions, pierres et débris entravant le barrage et de nettoyer les chambres d'eau et la chute du moulin des pierres et débris qui les encombraient, permettant à l'eau d'y circuler librement avec une hauteur de chute de quarante-cinq centimètres entre l'amont et l'aval du moulin, où une roue et une vanne récentes ont été installées. La cour, en jugeant que ces éléments caractérisaient un défaut d'entretien régulier des installations de ce moulin à la date de son arrêt, justifiant l'abrogation de l'autorisation d'exploitation du moulin distincte, ainsi qu'il a été dit, du droit d'usage de l'eau, a inexactement qualifié les faits de l'espèce."

Dans l'arrêt du Conseil d'État n°420764 du 24 avril 2019, le caractère ébréché d'un barrage, même assez largement pour restaurer un écoulement préférentiel en lit mineur, ne forme pas pour autant un état de ruine si la réfection n'implique pas "reconstruction complète":
"Par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, la cour a tout d'abord relevé, que le barrage du moulin de Berdoues, qui s'étend sur une longueur de 25 mètres en travers du cours d'eau, comporte en son centre une brèche de 8 mètres de longueur pour une surface de près de 30 mètres carrés, puis relevé que si les travaux requis par l'état du barrage ne constitueraient pas une simple réparation, leur ampleur n'était pas telle " qu'ils devraient faire considérer l'ouvrage comme se trouvant en état de ruine ". Ayant ainsi nécessairement estimé que l'ouvrage ne nécessitait pas, pour permettre l'utilisation de la force motrice, une reconstruction complète, elle n'a pas inexactement qualifié les faits en jugeant que le droit fondé en titre attaché au moulin n'était pas perdu dès lors que l'ouvrage ne se trouvait pas en l'état de ruine"

La philosophie commune qui anime l'ensemble de cette jurisprudence des conseillers d'Etat est claire: la ruine des éléments nécessaires à l'usage de la puissance de l'eau doit être telle qu'il est impossible d'exploiter cette puissance sauf à engager une reconstruction complète ou quasi-complète du site.

Les services de l'Etat sont donc en erreur d'appréciation et en excès de pouvoir quand ils tentent d'abroger des droits d'eau au motif d'un assec partiel, d'un barrage ébréché, de vannes manquantes, d'en engravement et végétalisation de bief, etc.

Procédure à suivre
Nous observons assez souvent des services instructeurs de la DDT-M qui ignorent ces dispositions et qui tentent d'imposer aux propriétaires un arrêté préfectoral d'abrogation du droit d'eau dans des cas ne le justifiant pas au plan des faits et du droit.

Les préfectures procèdent par constat sur site (soit de la DDT-M, soit de l'AFB-OFB), suivi d'un courrier au propriétaire avec projet d'arrêté d'abrogation.

En cas de désaccord avec la préfecture, vous devez suivre les étapes suivantes :

  • contester l'interprétation du constat de la préfecture (en citant les éléments de droit ci-dessus et en montrant par photos le bien en eau, donc en capacité d'user de la force motrice),
  • demander l'abandon de la procédure,
  • faire un recours gracieux si l'arrêté est malgré tout promulgué,
  • faire un recours contentieux si le recours gracieux est rejeté.

A noter qu'un syndicat de rivière ou une fédération de pêche ne dispose d'aucun pouvoir régalien en ce domaine du droit d'eau et ils doivent être dénoncés s'ils exercent des interprétations illégitimes du droit et des pressions indues sur un maître d'ouvrage (pour les récidivistes de l'abus d'autorité, une plainte pénale contre la personne prétendant à une fonction qu'elle n'a pas peut être déposée, au cas où le signalement au préfet du comportement abusif ne suffit pas à clarifier les rôles et stopper les abus).

Nous insistons sur la nécessité de rejoindre des associations de moulins et riverains, ou de les créer si elle n'existe pas sur le bassin. En effet, les propriétaires ne subissent le harcèlement administratif que du fait de leur isolement, de leur manque d'information, de leur absence de position unitaire et solidaire. Comme la gestion du moulin implique de nombreuses obligations (pas seulement éviter la ruine), il est de toute façon préférable  que les propriétaires d'ouvrage reprennent l'habitude d'une gestion concertée sur chaque rivière, partagent les bonnes pratiques et adoptent des positions communes vis-à-vis de l'Etat comme des tiers (communes, région, pêcheurs, kayakistes, riverains etc.).

L'erreur la plus classique est le propriétaire mal informé qui appelle de bonne foi l'administration pour s'informer de ses obligations sur l'eau et qui se retrouve avec un procès-verbal de ruine, car il ignore que l'Etat mène une politique active et contestée de destruction des moulins, en commençant par l'abrogation de leurs droits d'eau. Les agents immobiliers comme les notaires devraient eux aussi consulter régulièrement les associations de moulins de leur département en cas de doute, afin d'éviter des erreurs dans les actes et dans le bon déroulement des transactions. (Il est aussi nécessaire de connaître les devoirs du propriétaire d'ouvrage, pas seulement ses droits, et ces éléments doivent être spécifiés à l'achat puisque le droit d'eau est un droit réel immobilier. Trop de moulins sont encore achetés comme résidences secondaires sans connaissance des obligations de bonne gestion).

Quand ces politiques abusives d'abrogation de droit d'eau sont observées, il convient également pour l'association de lever l'opacité délétère et d'en faire un objet de débat démocratique:
  • écrire au préfet pour demander que cessent les abus de pouvoir des fonctionnaires concernés,
  • écrire au député et sénateur de la circonscription avec copie de la lettre au préfet, pour leur demander de saisir le ministre de l'écologie sur la persistance de la volonté administrative de destruction des moulins, forges, étangs et autres éléments du patrimoine (contraire à l'esprit soi-disant ouvert et respectueux de la "continuité apaisée"),
  • saisir les médias pour que ces manoeuvres opaques deviennent connues, qu'elles fassent l'objet d'un débat public et que d'autres propriétaires soient alertés des mauvaises pratiques des fonctionnaires de l'eau et de la biodiversité.
Aucune zone de confort ne doit être désormais laissée aux casseurs et harceleurs des ouvrages hydrauliques, qu'il s'agisse d'administrations, de collectivités ou de lobbies. Cette pression est nécessaire aussi longtemps que le ministère de l'écologie ne précisera pas formellement à tous ses agents que les ouvrages hydrauliques autorisés sont légitimes, que l'objectif n'est pas de les détruire, qu'ils n'ont pas à faire l'objet de harcèlement, mais bien d'un accompagnement de la part des services publics de l'eau et de la biodiversité.

Rappel : ce texte, comme tous ceux de ce site (en particulier ceux de la rubrique vademecum donnant des conseils précis) est libre d'usage. Il a vocation à être diffusé, réutilisé, simplifié, augmenté, etc. à la convenance du lecteur et selon les besoins. Il est très important que l'ensemble des propriétaires, collectifs, associations disposent des bonnes informations.

Illustration : une chaussée de moulin en voie de végétalisation. Cela peut arriver par négligence du propriétaire, ou par long intervalle de vente du moulin inhabité après une succession. Cette croissance d'arbustes puis arbres est mauvaise car elle fragilise l'ouvrage (dislocation progressive des empierrements par les racines). Mais en tout état de cause, elle ne constitue en rien un état de ruine et ne change pas le principe de diversion des eaux par la chaussée, permettant un usage de force motrice.

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