Le gouvernement réfléchit aujourd'hui aux réponses à apporter aux sécheresses futures. La création d'une soixantaine de retenues agricoles à fin d'irrigation a été annoncée. Mais avant de créer des retenues nouvelles, il conviendrait déjà de s'intéresser à celles qui existent. Et d'arrêter leur destruction. Les zones humides naturelles comme artificielles ont de l'intérêt pour l'adaptation au changement hydro-climatique. Dans la phase de préparation d'une expertise sur l'effet cumulé de ces retenues, l'Irstea et l'Onema (aujourd'hui OFB) avaient analysé le rôle des petites zones humides de type mares, lacs et étangs. Nous publions les extraits de ce chapitre, suivis de quelques commentaires sur les changements attendus dans les politiques de l'eau et des rivières.
Extraits de l'expertise Irstea-Onema 2015
Les zones humides, mares et étangs : des modèles pour évaluer l’impact cumulé des retenues ?
"Il est reconnu depuis longtemps que les patrons spatiaux jouent un rôle important sur l’hydrologie, la physico-chimie et l’écologie des milieux lentiques. A contrario, il existe à l’heure actuelle peu d’éléments concernant les impacts cumulés des retenues. Dans la mesure où les milieux lentiques sont «des objets hydroécologiques» présentant des analogies avec les retenues, le paragraphe qui suit présente un bref point bibliographique sur le thème de l’effet cumulé des zones humides sur la qualité des eaux, pour faire ressortir les mécanismes et les métriques envisagées pour les décrire, et permettre d’alimenter la réflexion.
3.a Définitions et éléments d’analogie avec les réservoirs des retenues
La plupart des retenues de petite taille incluses dans cette expertise (d’une profondeur inférieure à 8 m pour fixer les idées) correspondent à des mares ou étangs d’origine anthropique. Même s’il n’y a pas de consensus universel sur la définition des mares et étangs (ponds) dans le monde scientifique, ils se définissent le plus souvent comme des étendues d’eau auxquelles il manque la zone aphotique (sans lumière) des lacs ou de petites étendues d’eau d’origine naturelle ou humaine, d’une superficie comprise entre 1m2 et quelques hectares, d’une profondeur comprise entre quelques centimètres et plusieurs mètres, avec une présence d’eau permanente ou temporaire. En France, ils sont estimés à un million de mares et étangs d’une surface de moins de 0.5 hectare.
Selon la convention de Ramsar, les zones humides sont définies comme «une portion du territoire, naturelle ou artificielle, caractérisée par la présence de l'eau». Cette définition inclut également les cours d’eau et les eaux souterraines.
En France, on appelle ces zones humides au sens large «milieux humides» et on définit la zone humide comme des «terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année» (Art. L.211-1 du Code de l’Environnement). Cette définition exclut les cours d’eau, mais inclut les mares, étangs, tourbières.
Les zones humides sont donc des écosystèmes se développant sur des sols saturés en eau pendant des périodes prolongées et présentant en conséquence une végétation spécifique et adaptée. Elles se caractérisent par une accumulation d’eau au moins périodique, une accumulation de matières organiques et des conditions réductrices plus ou moins intenses dont il résulte des propriétés biogéochimiques spécifiques (transformation de spéciations, couplage de flux, émission de GES, etc...). Les processus sous-jacents sont bien spécifiques et documentés, le plus célèbre étant la dénitrification.
Les zones humides sont alimentées en eau par la pluie, par des écoulements de surface, par l’affleurement de la nappe, par le cours d’eau voisin, ou par un mélange de ces sources. Certaines zones humides, dites ripariennes, sont en continuité avec la rivière ou une autre masse d’eau (fleuve, lac, mer) et des échanges latéraux s’y produisent : selon les périodes, déversement dans la masse d’eau ou alimentation par celle-ci. D’autres sont «endoréiques». Les zones humides constituent donc dans un bassin versant donné, un ensemble de milieux hydroécologiques, à fortes variabilité de rapports avec le réseau hydrographique (autant pour les entrées que pour les sorties). La variabilité s’exprime aussi pour leur géométrie (taille forme..) ou leur organisation dans le paysage. Elles sont parfois organisées en réseau, organisation spatiale hiérarchisée avec divers types de connexions... L’analogie de la typologie hydrologique des zones humides en tête de bassin, esquissée ci-dessus, avec celle des réservoirs peut être relevée.
3.b Rôle des zones humides, mares et étangs.
Ces éléments sont souvent présentés comme des régulateurs hydrologiques, des surfaces hydrologiques ayant un rôle «d’éponge» (on le dit ainsi, à tort ou à raison...), atténuant crues et étiages, et comme des zones tampons susceptibles d’atténuer les charges polluantes.
En ce qui concerne l’impact des zones humides sur le cycle des nutriments et la dynamique de certains polluants, de nombreuses études de cas individuels sont disponibles. Bien qu’une majorité d’études montrent le rôle de « filtre » vis-à-vis de la pollution des eaux et vis-à-vis des matières en suspension, les résultats sont dans le détail très variables, avec de grandes différences d’une zone humide à l’autre, dans les bilans (par exemple dénitrification), voire contradictoires (notamment pour P, qui est soit fixé soit libéré et ce même au sein du même bassin versant. Les facteurs observés de forçage des bilans et donc de l’impact sur la qualité des eaux sont : l’hydrologie (temps de résidence, mode de restitution), les modalités de circulation de l’eau au sein de la zone humide, qui déterminent l’intensité du contact eau–végétation et eau-sols, les «aménagements», les concentrations des flux entrants et leurs effets sur les stocks.
Les mêmes processus spécifiques de base existent dans les diverses zones humides d’un bassin, mais ils se développent avec une très forte variabilité d’intensité d’un milieu à un autre, selon les caractéristiques hydrologiques et la position dans le paysage. C’est cette variabilité plus ou moins hiérarchisée qui rend complexe l’évaluation des effets des zones humides sur les flux cumulés à l’échelle bassin versant. On retrouve là une nouvelle analogie avec la question des réservoirs. Comme pour les réservoirs la question des effets cumulatifs est largement ouverte posée, et peu documentée L’hypothèse d’effets non linéaires ou en cascade est évoquée.
Les mares et étangs, en particulier, sont des écosystèmes peu considérés par la DCE, mais qui abritent de nombreuses espèces patrimoniales sous protection de la Directive Habitats-Faune-Flore et ont une forte valeur écologique. A l’échelle du paysage, mares et étangs sont des habitats exceptionnels vis-à-vis de la biodiversité des eaux douces puisqu’ils contribuent autant que les fleuves ou les lacs au pool régional d’espèces74. Ils jouent un rôle essentiel, d’ailleurs reconnu par l’article 10 de la Directive Habitats, dans l’amélioration de la connectivité entre les habitats d’eau douce en tant que «biotopes-relais» ou «stepping-stone». L’importance de biotopes relais a été démontrée pour de nombreuses espèces dont certaines rares et protégées par la réglementation, comme la libellule Coenagrion mercuriale.
3.c «Patron paysager» et impact des zones humides sur les flux
Si on prend comme exemple l’effet des marais sur les transferts de phosphore, leur effet global, en tant que catégorie de «land cover» est un «effet puits». Cet effet est quantifié, dans le bassin du lac Champlain, à l’aide de modèles empiriques (régressions) reliant flux exportés dans des bassins versants et caractéristiques d’occupation des sols. L’effet semble cependant mieux corrélé pour les marais qui sont connectés aux ordres inférieurs du réseau hydrographique (en l’occurrence ordre 1 à 4 dans l’étude de Weller) que pour les ordres supérieurs. Le type et la position des marais, leur configuration spatiale, sont très souvent cités comme facteurs clés . Le même type de résultats est obtenu dans des sous bassins du lac Léman.
Certaines études prennent comme support la disparition progressive des marais dans un bassin et s’interrogent sur l’effet cumulé de celle-ci. L’étude de Johnston et al. (1990) met en évidence, dans ce contexte, un seuil d’impact hydrologique : pour les bassins ayant moins de 10% de surface de marais il existe une perturbation hydrologique lors des crues. Ces auteurs montrent également qu’il existe une forte corrélation entre la proximité d’un marécage et les paramètres de la qualité des eaux (baisse des NO3 en étiage, baisse de P total, des MES, de NH4 en crue) sur un vaste bassin du Minnesota.
Quelques résultats, notamment ceux relevés par Grimaldi et Dorioz (2014), montrent tout l’intérêt de lier patrons paysagers et effets des zones humides sur les flux hydrochimiques à l’échelle bassin versant.
Les travaux réalisés à l’INRA (UMR SAS Rennes) montrent que l’efficacité sur la réduction des flux de NO3 de zones humides ripariennes, dépend de critères morphologiques comme la concavité ou la convexité du bas de versant, sa pente, le type d’écoulement parallèle ou convergeant; elle dépend aussi de l’ordre des cours d’eau. La dénitrification se développe particulièrement aux frontières, aux interfaces entre le versant et la zone humide. Tout ceci révèle l’importance des formes, des positions dans le paysage des différents compartiments hydrologiques du bassin, des zones humides en particulier.
Autre exemple assez documenté, le pouvoir tampon de zones humides vis-à-vis des transferts de subsurface de phosphore varie avec leur forme, leur taille, leur localisation. Leur effet cumulé à l’échelle du bassin versant dépend alors de caractéristiques globales, telles que la «continuité» des marécages ripariens ou la « sinuosité » du cours d’eau.
Les mares et étangs en particulier jouent également un rôle de puits de carbone, important dans le contexte des changements climatiques. Une étude récente a démontré que les mares et étangs pourraient absorber autant de carbone que les océans à l’échelle mondiale. Leur étude aux Etats-Unis a montré que les étangs et lacs artificiels absorbent plus rapidement le carbone que prévu, jusqu’à 20-50 fois plus rapidement que les arbres. De plus, les mares et étangs absorbent plus rapidement le carbone que les plus grands lacs.
Plusieurs auteurs cités précédemment plébiscitent et de longue date, l’approche paysage (landscape approach) ou la «perspective paysage» comme cadre organisateur de l’étude des effets cumulés. Dans cet objectif les outils de spatialisation type SIG ouvrent des perspectives intéressantes.
3.d Liens entre les populations locales
Ecologiquement, chaque population locale n’est pas totalement déconnectée des populations spatialement proches. Les populations locales sont liées par la dispersion de différentes espèces potentiellement en interaction. La composition des espèces dans un site donné est liée aux interactions entre les conditions biotiques et abiotiques locales et les effets régionaux de la dispersion. Cette théorie a été appliquée dans l’écologie des cours d’eau comme des petits plans d’eau et pourrait permettre de définir un cadre conceptuel des impacts cumulés des retenues. La localisation et le type de retenue a donc vraisemblablement un fort effet sur les communautés. Prendre en compte les paysages et leur biodiversité associée à différentes échelles spatiales pourrait permettre de mieux comprendre les dynamiques et les patterns de population et ainsi l’impact cumulé des retenues."
Nos attentes
Il existe aujourd'hui des dizaines de milliers de retenues en lit mineur, certaines formées d'un simple réservoir plus ou moins grand, profond et complexe (étang, plan d'eau, lac), d'autres produisant des chenaux de dérivation de diverses longueurs (biefs de moulins, canaux d'usines hydro-électriques, canaux d'irrigation gravitaire). Il existe un nombre inconnu d'autres retenues qui ne sont pas construites sur le lit mineur, mais en dérivation de celui-ci, ou encore en contrebas de biefs, en exutoire de fossés, en fond de prairie et de vallée (mares agricoles et d'agrément, étangs d'eaux closes).
Bien que "non naturels", ces milieux partagent certaines fonctionnalités avec des zones humides d'origine non humaine, diversement selon les cas : ralentissement d'écoulement, sédimentation, échanges carbone, azote, phosphore, milieux d'accueil de divers assemblages biologiques, expansion des surfaces d'échange eau-sol-nappe lors des saisons pluvieuses, etc.
A l'heure où se pose la question de l'adaptation au changement climatique, en particulier la gestion des crues et des sécheresses, il est incompréhensible que cette réalité hydrologique massive, présente dans tous nos territoires, soit ignorée des plans de gestion nationaux et par bassins versants. On connaît l'origine de ce retard, ou du moins l'une de ses causes majeures depuis 10 ans: la politique de continuité écologique a été développée en France sous l'angle d'une "renaturation" visant à détruire les aménagements humains, en particulier les retenues et canaux sur lit mineur. Pour justifier cette politique, l'administration en charge de l'eau et de la biodiversité a eu besoin de mettre en avant les seuls défauts de ces ouvrages et de leurs milieux, sans rappeler ni même étudier leurs possibles effets bénéfiques.
Nous souhaitons que dans le cadre de la "politique apaisée de continuité", l'administration engage l'analyse hydrologique, biologique et chimique des bassins versants sans faire l'impasse sur les zones humides, plans d'eau et canaux d'origine humaine. Nous souhaitons également qu'à budget limité, on se penche désormais davantage sur les options de continuité latérale et de recréation de zones humides dans les lits majeurs, ce choix étant associé à des gains de biodiversité et à des recharges en eau des sols comme des nappes.
Source : Irstea-Onema (2015), Rapport préliminaire en vue de l’expertise collective sur l’impact cumulé des retenues, 125 p.
Illustrations : bief d'un moulin ancien du Morvan et ses débordements en saison pluvieuse. De tels milieux, créés par dérivation d'une fraction de l'eau de la rivière, ont des fonctionnalités similaires aux zones humides naturelles et forment des habitats intéressants. Leur effet sur l'hydrologie n'est généralement pas étudié. Cette ignorance doit cesser à l'heure où tous les territoires s'interrogent sur l'avenir de l'eau et de la biodiversité.
01/09/2019
31/08/2019
Une moule parmi les plus menacées au monde trouve refuge dans les canaux d'irrigation (Sousa et al 2019)
La moule perlière du Maroc figure parmi les 100 espèces les plus menacées au monde. Une équipe de chercheurs vient de montrer qu'elle trouve refuge dans des canaux d'irrigation au même titre que dans la rivière où ces canaux s'alimentent. Ils appellent de toute urgence la communauté des chercheurs et gestionnaires à prendre davantage en compte la réalité des habitats anthropiques, aujourd'hui négligés. Leur voix portera-t-elle? Notre association souligne depuis des années l'ignorance des milieux aquatiques nés des usages humains, et l'absence d'inventaire de biodiversité de ces habitats dans la politique des bassins versants.
La moule perlière d'eau douce marocaine Pseudunio marocanus (Pallary, 1918) (= Margaritifera marocana; Lopes-Lima et al., 2018) est un bivalve pouvant atteindre une taille maximale de 17 cm. Son cycle de vie est probablement supérieur à 50 ans. La Pseudunio marocanus est une espèce endémique du Maroc, classée en danger critique d'extinction par l'UICN et considérée comme l'une des 100 espèces les plus menacées au monde (Baillie et Butcher 2012). Cette moule d'eau douce a une importance particulière pour la conservation au regard de sa distribution restreinte, sa très faible abondance, son caractère phylogénétique unique puisqu'il s'agit de la seule espèce reconnue de Margaritiferidae en Afrique.
Depuis 2013, écologues et biologistes mènent des enquêtes approfondies sur les principaux bassins marocains pour mieux informer la répartition et la diversité des moules d'eau douce. Sur les 200 sites recensés jusqu'en 2018, seuls 14 contiennent des populations vivantes de P. marocanus (limitées aux bassins de l'Oum Errabiâ et du Sebou) et seules les rivières Laabid (bassin de l'Oum Errabiâ) et Bouhlou (bassin du Sebou) présentent encore des populations stables avec recrutement.
Lors de l'étude de la rivière Bouhlou, les chercheurs se sont avisés que la moule perlière du Maroc colonise aussi les canaux d'irrigation (appelé "sāqya"). L'analyse révèle qu'en densité au m2, longueur (donc âge) des individus et index de qualité d'habitats, les canaux peuvent parfois être aussi voire plus favorables que la rivière adjacente. Le graphique ci-après le montre :
N'étant pas informés de la présence de l'espèce menacée, les usagers de ces canaux ne prennent aucune précaution particulière. Ce qui peut mettre en danger les colonies installées.
Les chercheurs concluent :
Discussion
Dans une autre étude parue voici quelque mois, les chercheurs avaient montré que la moule perlière européenne - aussi protégée quoique moins menacée - peut trouver refuge dans des biefs de moulin et qu'une gestion mal informée de la répartition des débits entre la rivière et le bief avait conduit à l'extinction d'une population locale (cf Sousa et al 2019a).
Si tous les cas ne sont pas aussi critiques que celui de la moule perlière marocaine, la situation de la biodiversité des milieux aquatiques et humides reste néanmoins dégradée, notamment en France. Cela impose une attention sur tous ces milieux.
Notre association souligne de longue date le désintérêt des gestionnaires publics en France (OFB, agences de l'eau) pour la biodiversité des habitats anthropiques (cf exemple du manque d'analyse des plans d'eau par les instances en charge de l'évaluation écologique). L'absence d'étude et de reconnaissance de ces habitats produit une politique sous-informée de l'environnement aquatique et humide, y compris un manque d'information des propriétaires. C'est d'autant plus dommageable que la politique française de continuité en long est assez unique dans le monde par sa brutalité et son budget, avec une orientation très contestée vers des solutions radicales de destructions d'ouvrages entraînant des mises à sec d'étangs, retenues, canaux et biefs. Cela généralement sans inventaire de biodiversité (car seul le lit mineur à écoulement lotique est regardé comme d'intérêt et seuls les poissons soulèvent parfois l'attention). Nous devons de toute urgence repenser cette politique, qui est non seulement critiquable au plan patrimonial, paysager et énergétique, mais qui peut aussi se révéler dommageable à la conservation de la biodiversité des bassins versants ains qu'à la préservation de l'eau devenant rare.
Tous les ouvrages et leurs annexes n'ont pas forcément un intérêt majeur de conservation. Mais pour le savoir, il faut déjà les étudier, sans préjugé, en fonctionnement normal comme en période de débit exceptionnel (sécheresse, crue).
Référence : Sousa R et al (2019), Refuge in the sāqya: Irrigation canals as habitat for one of the world's 100 most threatened species, Biological Conservation, 238, 108209
Le site d'étude, extrait de Sousa et al 2019, art cit. A La rivière. B le canal rive gauche. C et D: Pseudunio marocanus
La moule perlière d'eau douce marocaine Pseudunio marocanus (Pallary, 1918) (= Margaritifera marocana; Lopes-Lima et al., 2018) est un bivalve pouvant atteindre une taille maximale de 17 cm. Son cycle de vie est probablement supérieur à 50 ans. La Pseudunio marocanus est une espèce endémique du Maroc, classée en danger critique d'extinction par l'UICN et considérée comme l'une des 100 espèces les plus menacées au monde (Baillie et Butcher 2012). Cette moule d'eau douce a une importance particulière pour la conservation au regard de sa distribution restreinte, sa très faible abondance, son caractère phylogénétique unique puisqu'il s'agit de la seule espèce reconnue de Margaritiferidae en Afrique.
Depuis 2013, écologues et biologistes mènent des enquêtes approfondies sur les principaux bassins marocains pour mieux informer la répartition et la diversité des moules d'eau douce. Sur les 200 sites recensés jusqu'en 2018, seuls 14 contiennent des populations vivantes de P. marocanus (limitées aux bassins de l'Oum Errabiâ et du Sebou) et seules les rivières Laabid (bassin de l'Oum Errabiâ) et Bouhlou (bassin du Sebou) présentent encore des populations stables avec recrutement.
Lors de l'étude de la rivière Bouhlou, les chercheurs se sont avisés que la moule perlière du Maroc colonise aussi les canaux d'irrigation (appelé "sāqya"). L'analyse révèle qu'en densité au m2, longueur (donc âge) des individus et index de qualité d'habitats, les canaux peuvent parfois être aussi voire plus favorables que la rivière adjacente. Le graphique ci-après le montre :
Extrait de Sousa et al 2019, cliquer pour agrandir. A la densité, B la longueur des moules et C l'indice d'habitat; comparaison canal rive gauche, canal rive droite, rivière.
Les chercheurs concluent :
"Actuellement, la communauté scientifique se concentre sur la manière dont les humains dégradent les écosystèmes d'eau douce et beaucoup moins d'attention est accordée à la manière dont les infrastructures anthropiques peuvent bénéficier à la biodiversité (Martínez-Abraín et Jímenez 2015). Bien que la présente étude soit géographiquement restreinte, nous recommandons que les futures enquêtes mondiales et les actions de gestion consacrées à la conservation des moules d'eau douce incluent des structures anthropiques telles que des canaux d'irrigation. Ces habitats artificiels ne peuvent se substituer aux conditions naturelles, mais dans un contexte de changement global, leur entretien peut constituer une assurance pour protéger certaines espèces de l'extinction locale. Les scénarios climatiques futurs prévoient une augmentation du nombre et de l'intensité d'événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses dans la région méditerranéenne (Sousa et al 2016). Ainsi, l'identification des habitats de refuge telle que décrite ici peut être essentielle pour la protection de la biodiversité d'eau douce.
Selon Chester et Robson (2013), la plus forte limitation des habitats anthropiques offrant des refuges pour la biodiversité d'eau douce est le manque de reconnaissance de leur valeur de conservation. Ces habitats sont généralement ignorés dans le cadre de la politique de gestion de l'eau, ce qui peut entraîner leur omission dans cette gestion (Gómez et Araujo 2008; Canals et al 2011; Casas et al 2011; Chester et Robson 2013). En fait, les stratégies de gestion respectueuses de l'environnement visant à préserver la biodiversité dans les systèmes d'irrigation sont inexistantes au Maroc, mais elles sont indispensables, en particulier dans les systèmes tels que celui présenté dans cette étude, présentant un grand intérêt pour la conservation des espèces menacées. Il existe des centaines de milliers de kilomètres de canaux d'irrigation (et de structures similaires) dans le monde et ces habitats peuvent être importants pour le maintien d'espèces très en péril telles que P. marocanus. S'ils sont gérés avec soin, les canaux d'irrigation de la rivière Bouhlou constitueront un refuge précieux et constitueront une assurance contre l'éventuelle disparition de l'une des 100 espèces les plus menacées de la planète."
Discussion
Dans une autre étude parue voici quelque mois, les chercheurs avaient montré que la moule perlière européenne - aussi protégée quoique moins menacée - peut trouver refuge dans des biefs de moulin et qu'une gestion mal informée de la répartition des débits entre la rivière et le bief avait conduit à l'extinction d'une population locale (cf Sousa et al 2019a).
Si tous les cas ne sont pas aussi critiques que celui de la moule perlière marocaine, la situation de la biodiversité des milieux aquatiques et humides reste néanmoins dégradée, notamment en France. Cela impose une attention sur tous ces milieux.
Notre association souligne de longue date le désintérêt des gestionnaires publics en France (OFB, agences de l'eau) pour la biodiversité des habitats anthropiques (cf exemple du manque d'analyse des plans d'eau par les instances en charge de l'évaluation écologique). L'absence d'étude et de reconnaissance de ces habitats produit une politique sous-informée de l'environnement aquatique et humide, y compris un manque d'information des propriétaires. C'est d'autant plus dommageable que la politique française de continuité en long est assez unique dans le monde par sa brutalité et son budget, avec une orientation très contestée vers des solutions radicales de destructions d'ouvrages entraînant des mises à sec d'étangs, retenues, canaux et biefs. Cela généralement sans inventaire de biodiversité (car seul le lit mineur à écoulement lotique est regardé comme d'intérêt et seuls les poissons soulèvent parfois l'attention). Nous devons de toute urgence repenser cette politique, qui est non seulement critiquable au plan patrimonial, paysager et énergétique, mais qui peut aussi se révéler dommageable à la conservation de la biodiversité des bassins versants ains qu'à la préservation de l'eau devenant rare.
Tous les ouvrages et leurs annexes n'ont pas forcément un intérêt majeur de conservation. Mais pour le savoir, il faut déjà les étudier, sans préjugé, en fonctionnement normal comme en période de débit exceptionnel (sécheresse, crue).
Référence : Sousa R et al (2019), Refuge in the sāqya: Irrigation canals as habitat for one of the world's 100 most threatened species, Biological Conservation, 238, 108209
29/08/2019
Mille ans d'évolution des zones humides
Dans un rapport ayant fait date, au milieu des années 1990, il était rappelé que les zones humides encore résiduelles en France sont bien souvent des milieux artificiels issus d'une transformation des marais et marécages entamée au Moyen Age. Cette première évolution, ayant vu la création des étangs, retenues, salines et polders d'Ancien Régime, avait transformé mais pas réduit à néant la capacité biologique des milieux aquatiques et humides. Ce n'est pas le cas de la transition complète des sols vers des milieux secs à vocation agricole ou urbaine, qui a commencé après la Révolution et s'est accéléré surtout au 20e siècle, jusqu'aux années 1980. A l'heure où le gouvernement cherche des solutions pour affronter les futures sécheresses et retenir l'eau dans les bassins versants, il importe d'avoir à l'esprit cette évolution historique. Détruire au lieu de gérer des milieux aquatiques et humides hérités de l'Ancien Régime est aujourd'hui un choix stupide et coûteux. Outre l'évolution des pratiques agricoles vers des techniques éco-productives plus durables, c'est la rétention d'eau intelligente sur le maximum de parcelles qui est nécessaire, y compris par la création de petits plans d'eau optimisés pour l'écologie et l'hydrologie. Non pas la ruine des zones humides artificielles ayant traversé les siècles sans faire disparaître le vivant, et apportant aujourd'hui encore des milieux et ressources d'intérêt.
Coordonné par Paul Bernard, préfet de la région Rhône-Alpes, le rapport du Commissariat général au plan et Comité interministériel de l'évaluation des politiques publiques sur les zone humides avait permis de faire un état des lieux sur la question en France, au milieu des années 1990. Faisant suite à la loi sur l'eau de 1992, le rapport constatait que "si les deux tiers des zones humides ont disparu en France en un siècle environ (Barnaud, 1993), c'est au cours des dernières décennies que la régression a été la plus spectaculaire". Environ 2,5 millions d'hectares de marais, marécages et prairies humides ont été drainés entre 1970 et 1990, essentiellement pour créer des zones agricoles, mais aussi par extension de l'habitat et des réseaux de transport. Le rythme a atteint son maximum dans les années 1980 avant de fléchir ensuite.
Un point intéressant du rapport était de distinguer deux phases dans l'évolution des zones humides:
- la première est marquée par une transformation des zones humides naturelles en zone humides artificielles (comme les étangs ou les polders), avec maintien de fonctions biologiques d'intérêt autour des productions économiques de l'époque,
- la seconde est marquée par la disparition pure et simple des zones humides par drainage et assèchement, pour étendre le sol agricole (aussi faire régresser les zones paludéennes).
A l'heure où nous devons réfléchir aux meilleures stratégies pour retenir l'eau dans les bassins versants et préserver leur biodiversité, la destruction des zones humides artificielles déjà installées n'est certainement pas la solution. Il faut au contraire préserver ces milieux en adaptant leur gestion aux nouveaux enjeux hydroclimatiques de ce siècle.
Extraits
"Cette déjà longue histoire des interventions humaines sur les zones humides de notre pays permet de distinguer deux étapes. Dans une première phase, on a principalement transformé des zones humides - conversion de zones marécageuses en étang, remplacement de marais salés et de vasières soumises aux marées par des marais littoraux parcourus par de l'eau douce - et gagné des surfaces sur la mer par endigage et poldérisation, accélérant ainsi les processus naturels de comblement de fonds de baie. Cela a été le cas de tous les marais littoraux, le record étant battu par le marais Poitevin avec 96 000 hectares gagnés sur la mer en moins de neuf siècles grâce à l'action simultanée de l'atterrissement naturel et des endigages successifs.
Tous ces marais ont été réaffectés ou conquis pour développer des activités économiques liées aux zones humides : produire du sel (salines), du poisson (étangs), de la viande ou du lait (élevage de bovins sur prairies humides). La phase de transformation des milieux s'est bien entendu accompagnée de perturbations majeures (mise en eau, passage de l'eau salée à l'eau douce, etc.), mais il s'est ensuite constitué un système à la fois productif pour l'économie du moment et biologiquement intéressant (Lefeuvre, 1993 a et b). De nombreux indicateurs témoignent de la qualité biologique de ces milieux humides, tels le nombre d'oiseaux d'eau accueillis en période de reproduction ou d'hivernage, ou bien la densité de loutres, véritable espèce-symbole de certains marais. Cet équilibre s'est maintenu pendant des centaines d'années.
Une seconde phase débute avant la Révolution, période d'influence des physiocrates en France (1764-1789), durant laquelle se développe une politique de progrès agricole. Les marais commencent à disparaître définitivement,laissant la place à des terres agricoles après drainage et dessèchement. Les prairies humides permanentes sont alors labourées (retournement) et mises en culture.
Ce mouvement s'est poursuivi jusqu'à nos jours et s'est amplifié ces dernières décennies grâce à la mécanisation. Les techniques d'assainissement et de drainage sont désormais très au point et permettent en un temps record de convertir des prairies humides en terres labourables et cultivables analogues à celles de Beauce, notamment par la technique des casiers hydrauliques avec pompe de relevage. Une fois desséchées, les anciennes zones humides peuvent également être remblayées et devenir des espaces urbanisés. Là encore, le progrès technique (bulldozers...) accélère les processus.
Les zones humides françaises ont donc été depuis plus de mille ans profondément modifiées, mais de manière différente dans l'espace et dans le temps. L'exemple de la Dombes illustrera ces différences. Cette région, marécageuse à l'origine, a changé d'aspect à partir du Moyen Age en raison de la création d'étangs. Ce processus a atteint son apogée en 1850, où l'on dénombrait 2 000 étangs couvrant une superficie de 19 000 hectares. Ce système "modifié" mais biologiquement riche a atteint un nouvel équilibre, bien que ce paysage d'étangs soit fondamentalement différent de celui constitué par les marécages d'origine. Récemment, ce milieu a de nouveau été transformé mais d'une tout autre manière : dans une grande partie de la Dombes, assèchements et mises en culture ont fait disparaître le caractère "humide" preservé jusque-là, et l'on peut actuellement tabler sur une surface en eau d'à peine 8 500 hectares pour 800 étangs environ (Lebreton et al., 1991).
Un autre exemple est celui de la façade atlantique de la France. Les marais salés originels ont été drainés par des canaux à ciel ouvert devenant ainsi marais continentaux, puis marais temporaires, avant d'atteindre le stade dit "marais desséchés". Malgré cette appellation, ces derniers étaient jusqu'à une date récente constitués de prairies temporairement inondables, intéressantes à la fois, comme dans le marais Poitevin, sur le plan économique (production de lait pour le beurre de Poitou-Charentes) et biologique (l'une des zones françaises les plus importantes, avec la Camargue, pour l'accueil des oiseaux d'eau). Les nouvelles techniques de drainage ont en quelques années fait basculer l'équilibre établi, ainsi que le montre la vitesse de transformation du marais Poitevin : de 1973 à 1990, la surface de prairies est passée de 75 % à moins de 40 %.
Paradoxalement, la richesse biologique des zones humides peut, au moins temporairement, être compromise par un processus de non-intervention.En effet les agriculteurs abandonnent souvent les prairies humides lorsqu'il existe des difficultés d'accès ou lorsque la mise en culture est trop coûteuse en raison des contraintes pédologiques et hydrauliques. Il en résulte en général une fermeture du milieu et parfois à terme la dominance d'une espèce végétale (fougères sur certaines zones du marais Vernier abandonnées depuis plus de 40 ans, roselières comme en Brière, aulnaies comme dans le marais de Lavours, saulaies, etc.). L'abandon conduit parfois au même appauvrissement biologique que la mise en culture avec intensification des productions agricoles. Ainsi les oies rieuses ont totalement déserté les deux sites d'hivernage les plus importants de France : le marais Vernier en raison de la fermeture du milieu consécutive à l'abandon du pâturage et les polders du Mont Saint-Michel suite au retournement puis à la mise en culture des prairies humides.
(...)
En résumé, les zones humides qui demeurent aujourd'hui en France ne sont pas, pour la plupart, des espaces "naturels" au sens strict du terme : elles sont le fruit des transformations faites par l'homme au cours des siècles dans des buts précis (agriculture, pisciculture, saliculture, etc.). La découverte de leur rôle "en tant que telles" dans l'équilibre de notre milieu de vie change complètement les données du problème. La question n'est plus "doit-on les préserver?" mais "comment peut-on les protéger, les restaurer, les réhabiliter? Doit-on même en recréer ? Le cas échéant, comment doit-on les gérer ?"
Pour répondre à ces questions, il est évident qu'il faut avant tout bien les connaître pour sauvegarder leur rôle multifonctionnel, puis savoir transmettre ces éléments nouveaux aux différents acteurs de la gestion du territoire national. Ces derniers se doivent de changer rapidement d'attitude vis-à-vis de zones qui, soulagées des réminiscences négatives, sont désormais des éléments essentiels d'une politique de l'eau et de l'aménagement du territoire."
Ce même rapport faisait observer que bon nombre de zones humides artificielles perdent de leurs fonctionnalités d'intérêt par des négligences ou ignorances de gestion. Par exemple, l'absence de marnage (variation de niveau) de retenues ou de canaux sous-utilise l'exploitation écologique des vasières, alors que ce sont des milieux d'accueil très riches. Lorsqu'il n'existe pas d'usage professionnel exigeant un emploi prioritaire et quasi-permanent des débits ou un enjeu fort de riveraineté avec maintien permanent de berges en eau, il n'est pas particulièrement difficile d'obtenir de tels marnages, en fonction de l'hydrologie, par ouverture et fermeture limitée des vannes menant à une vidange puis un remplissage progressif, sur plusieurs jours à semaines, du milieu concerné. Autre exemple venant à l'esprit, de nombreux plans d'eau d'agrément de particuliers ont des berges trop abruptes et trop nues de végétation : quelques modifications les rendraient plus accueillants à divers assemblages (invertébrés, amphibiens, oiseaux) sans perdre la fonction d'agrément, voire en l'améliorant.
Depuis 25 ans, les responsables des politiques publiques et les experts en écologie ont-ils réfléchi à ce genre d'information et d'association des propriétaires d'ouvrages particuliers ou communaux à de nouveaux horizons de gestion? Pas à notre connaissance. On s'est intéressé aux professionnels d'un côté, aux milieux "naturels" les moins anthropisés de l'autre, mais on a laissé en plan les milieux intermédiaires qui cumulent pourtant des dizaines à des centaines de milliers de sites sur le territoire français. Cette situation est d'autant plus dommageable que, depuis la parution du rapport Bernard, des recherches scientifiques ont montré que les petits plans d'eau et autres milieux aquatiques-humides d'origine artificielle ont de l'intérêt pour la biodiversité (par exemple Chester et Robson 2013, Bubíková et Hrivnák 2018), mais qu'ils sont toujours négligés dans les choix publics (Hill et al 2018, Clifford et Hefferman 2018, Bolpagni et al 2019).
Les crises à répétition des canicules et sécheresses vont-ils conduire à un changement culturel dans les administrations de l'eau et chez les riverains? On peut l'espérer.
Référence citée : Commissariat général du Plan (1994), Les zones humides. Rapport de l'instance d'évaluation, Documentation française, 391 p.
Illustration en haut : paysage de manoir à étang, Wenceslas Hollar (1607-1677), vers 1650. En bas : ancien étang de flottage en haut Morvan (Préperny).
A lire aussi sur l'histoire de l'eau
La mémoire des étangs et marais, éloge des eaux dormantes (Derex 2017)
La mémoire des fleuves et des rivières contée par un hydrobiologiste (Lévêque 2019)
Coordonné par Paul Bernard, préfet de la région Rhône-Alpes, le rapport du Commissariat général au plan et Comité interministériel de l'évaluation des politiques publiques sur les zone humides avait permis de faire un état des lieux sur la question en France, au milieu des années 1990. Faisant suite à la loi sur l'eau de 1992, le rapport constatait que "si les deux tiers des zones humides ont disparu en France en un siècle environ (Barnaud, 1993), c'est au cours des dernières décennies que la régression a été la plus spectaculaire". Environ 2,5 millions d'hectares de marais, marécages et prairies humides ont été drainés entre 1970 et 1990, essentiellement pour créer des zones agricoles, mais aussi par extension de l'habitat et des réseaux de transport. Le rythme a atteint son maximum dans les années 1980 avant de fléchir ensuite.
Un point intéressant du rapport était de distinguer deux phases dans l'évolution des zones humides:
- la première est marquée par une transformation des zones humides naturelles en zone humides artificielles (comme les étangs ou les polders), avec maintien de fonctions biologiques d'intérêt autour des productions économiques de l'époque,
- la seconde est marquée par la disparition pure et simple des zones humides par drainage et assèchement, pour étendre le sol agricole (aussi faire régresser les zones paludéennes).
A l'heure où nous devons réfléchir aux meilleures stratégies pour retenir l'eau dans les bassins versants et préserver leur biodiversité, la destruction des zones humides artificielles déjà installées n'est certainement pas la solution. Il faut au contraire préserver ces milieux en adaptant leur gestion aux nouveaux enjeux hydroclimatiques de ce siècle.
Extraits
"Cette déjà longue histoire des interventions humaines sur les zones humides de notre pays permet de distinguer deux étapes. Dans une première phase, on a principalement transformé des zones humides - conversion de zones marécageuses en étang, remplacement de marais salés et de vasières soumises aux marées par des marais littoraux parcourus par de l'eau douce - et gagné des surfaces sur la mer par endigage et poldérisation, accélérant ainsi les processus naturels de comblement de fonds de baie. Cela a été le cas de tous les marais littoraux, le record étant battu par le marais Poitevin avec 96 000 hectares gagnés sur la mer en moins de neuf siècles grâce à l'action simultanée de l'atterrissement naturel et des endigages successifs.
Tous ces marais ont été réaffectés ou conquis pour développer des activités économiques liées aux zones humides : produire du sel (salines), du poisson (étangs), de la viande ou du lait (élevage de bovins sur prairies humides). La phase de transformation des milieux s'est bien entendu accompagnée de perturbations majeures (mise en eau, passage de l'eau salée à l'eau douce, etc.), mais il s'est ensuite constitué un système à la fois productif pour l'économie du moment et biologiquement intéressant (Lefeuvre, 1993 a et b). De nombreux indicateurs témoignent de la qualité biologique de ces milieux humides, tels le nombre d'oiseaux d'eau accueillis en période de reproduction ou d'hivernage, ou bien la densité de loutres, véritable espèce-symbole de certains marais. Cet équilibre s'est maintenu pendant des centaines d'années.
Une seconde phase débute avant la Révolution, période d'influence des physiocrates en France (1764-1789), durant laquelle se développe une politique de progrès agricole. Les marais commencent à disparaître définitivement,laissant la place à des terres agricoles après drainage et dessèchement. Les prairies humides permanentes sont alors labourées (retournement) et mises en culture.
Ce mouvement s'est poursuivi jusqu'à nos jours et s'est amplifié ces dernières décennies grâce à la mécanisation. Les techniques d'assainissement et de drainage sont désormais très au point et permettent en un temps record de convertir des prairies humides en terres labourables et cultivables analogues à celles de Beauce, notamment par la technique des casiers hydrauliques avec pompe de relevage. Une fois desséchées, les anciennes zones humides peuvent également être remblayées et devenir des espaces urbanisés. Là encore, le progrès technique (bulldozers...) accélère les processus.
Les zones humides françaises ont donc été depuis plus de mille ans profondément modifiées, mais de manière différente dans l'espace et dans le temps. L'exemple de la Dombes illustrera ces différences. Cette région, marécageuse à l'origine, a changé d'aspect à partir du Moyen Age en raison de la création d'étangs. Ce processus a atteint son apogée en 1850, où l'on dénombrait 2 000 étangs couvrant une superficie de 19 000 hectares. Ce système "modifié" mais biologiquement riche a atteint un nouvel équilibre, bien que ce paysage d'étangs soit fondamentalement différent de celui constitué par les marécages d'origine. Récemment, ce milieu a de nouveau été transformé mais d'une tout autre manière : dans une grande partie de la Dombes, assèchements et mises en culture ont fait disparaître le caractère "humide" preservé jusque-là, et l'on peut actuellement tabler sur une surface en eau d'à peine 8 500 hectares pour 800 étangs environ (Lebreton et al., 1991).
Un autre exemple est celui de la façade atlantique de la France. Les marais salés originels ont été drainés par des canaux à ciel ouvert devenant ainsi marais continentaux, puis marais temporaires, avant d'atteindre le stade dit "marais desséchés". Malgré cette appellation, ces derniers étaient jusqu'à une date récente constitués de prairies temporairement inondables, intéressantes à la fois, comme dans le marais Poitevin, sur le plan économique (production de lait pour le beurre de Poitou-Charentes) et biologique (l'une des zones françaises les plus importantes, avec la Camargue, pour l'accueil des oiseaux d'eau). Les nouvelles techniques de drainage ont en quelques années fait basculer l'équilibre établi, ainsi que le montre la vitesse de transformation du marais Poitevin : de 1973 à 1990, la surface de prairies est passée de 75 % à moins de 40 %.
Paradoxalement, la richesse biologique des zones humides peut, au moins temporairement, être compromise par un processus de non-intervention.En effet les agriculteurs abandonnent souvent les prairies humides lorsqu'il existe des difficultés d'accès ou lorsque la mise en culture est trop coûteuse en raison des contraintes pédologiques et hydrauliques. Il en résulte en général une fermeture du milieu et parfois à terme la dominance d'une espèce végétale (fougères sur certaines zones du marais Vernier abandonnées depuis plus de 40 ans, roselières comme en Brière, aulnaies comme dans le marais de Lavours, saulaies, etc.). L'abandon conduit parfois au même appauvrissement biologique que la mise en culture avec intensification des productions agricoles. Ainsi les oies rieuses ont totalement déserté les deux sites d'hivernage les plus importants de France : le marais Vernier en raison de la fermeture du milieu consécutive à l'abandon du pâturage et les polders du Mont Saint-Michel suite au retournement puis à la mise en culture des prairies humides.
(...)
En résumé, les zones humides qui demeurent aujourd'hui en France ne sont pas, pour la plupart, des espaces "naturels" au sens strict du terme : elles sont le fruit des transformations faites par l'homme au cours des siècles dans des buts précis (agriculture, pisciculture, saliculture, etc.). La découverte de leur rôle "en tant que telles" dans l'équilibre de notre milieu de vie change complètement les données du problème. La question n'est plus "doit-on les préserver?" mais "comment peut-on les protéger, les restaurer, les réhabiliter? Doit-on même en recréer ? Le cas échéant, comment doit-on les gérer ?"
Pour répondre à ces questions, il est évident qu'il faut avant tout bien les connaître pour sauvegarder leur rôle multifonctionnel, puis savoir transmettre ces éléments nouveaux aux différents acteurs de la gestion du territoire national. Ces derniers se doivent de changer rapidement d'attitude vis-à-vis de zones qui, soulagées des réminiscences négatives, sont désormais des éléments essentiels d'une politique de l'eau et de l'aménagement du territoire."
Ce même rapport faisait observer que bon nombre de zones humides artificielles perdent de leurs fonctionnalités d'intérêt par des négligences ou ignorances de gestion. Par exemple, l'absence de marnage (variation de niveau) de retenues ou de canaux sous-utilise l'exploitation écologique des vasières, alors que ce sont des milieux d'accueil très riches. Lorsqu'il n'existe pas d'usage professionnel exigeant un emploi prioritaire et quasi-permanent des débits ou un enjeu fort de riveraineté avec maintien permanent de berges en eau, il n'est pas particulièrement difficile d'obtenir de tels marnages, en fonction de l'hydrologie, par ouverture et fermeture limitée des vannes menant à une vidange puis un remplissage progressif, sur plusieurs jours à semaines, du milieu concerné. Autre exemple venant à l'esprit, de nombreux plans d'eau d'agrément de particuliers ont des berges trop abruptes et trop nues de végétation : quelques modifications les rendraient plus accueillants à divers assemblages (invertébrés, amphibiens, oiseaux) sans perdre la fonction d'agrément, voire en l'améliorant.
Depuis 25 ans, les responsables des politiques publiques et les experts en écologie ont-ils réfléchi à ce genre d'information et d'association des propriétaires d'ouvrages particuliers ou communaux à de nouveaux horizons de gestion? Pas à notre connaissance. On s'est intéressé aux professionnels d'un côté, aux milieux "naturels" les moins anthropisés de l'autre, mais on a laissé en plan les milieux intermédiaires qui cumulent pourtant des dizaines à des centaines de milliers de sites sur le territoire français. Cette situation est d'autant plus dommageable que, depuis la parution du rapport Bernard, des recherches scientifiques ont montré que les petits plans d'eau et autres milieux aquatiques-humides d'origine artificielle ont de l'intérêt pour la biodiversité (par exemple Chester et Robson 2013, Bubíková et Hrivnák 2018), mais qu'ils sont toujours négligés dans les choix publics (Hill et al 2018, Clifford et Hefferman 2018, Bolpagni et al 2019).
Les crises à répétition des canicules et sécheresses vont-ils conduire à un changement culturel dans les administrations de l'eau et chez les riverains? On peut l'espérer.
Référence citée : Commissariat général du Plan (1994), Les zones humides. Rapport de l'instance d'évaluation, Documentation française, 391 p.
Illustration en haut : paysage de manoir à étang, Wenceslas Hollar (1607-1677), vers 1650. En bas : ancien étang de flottage en haut Morvan (Préperny).
A lire aussi sur l'histoire de l'eau
La mémoire des étangs et marais, éloge des eaux dormantes (Derex 2017)
La mémoire des fleuves et des rivières contée par un hydrobiologiste (Lévêque 2019)
27/08/2019
Le désintérêt pour les ouvrages hydrauliques retarde la mise en oeuvre de bonnes règles de gestion
Trop d'ouvrages en rivière ont oublié les anciennes règles de gestion hydraulique qui avaient présidé à leur naissance lors des siècles passés. Et l'administration centrale de l'Etat français s'est pour sa part entiché d'une idéologie de la "renaturation" visant à nier toute valeur à ces ouvrages pour les faire disparaître de la rivière. Mais cette idéologie se trompe, les ouvrages ont bel et bien de l'intérêt, y compris au plan environnemental : expansion des surfaces en eau, des berges et des zones humides, diversité locale d'écoulements et d'habitats, capacité à gérer des niveaux et parfois des pollutions, etc. L'indifférence voire l'hostilité à leur encontre fait que l'on ne se penche pas sur ces fonctions et ces milieux. Ce déni est absurde: puisque les ouvrages sont là depuis longtemps, et sont faits pour rester dans beaucoup de cas, autant optimiser la gestion de l'eau, des sédiments, des berges et de la biodiversité. Et déjà étudier ces questions, au lieu de refuser dogmatiquement la réalité des écosystèmes anthropisés pourtant largement reconnue par la recherche scientifique.
Au cours des années 1960 à 1990, les dernières générations de meuniers actifs ou de petits producteurs d'électricité hors réseau se sont bien souvent éteintes. Des dizaines de milliers de moulins ont été transmis ou vendus à des propriétaires ne disposant pas toujours d'une culture hydraulique. Il y a certes des passionnés, souvent membres d'associations, mais aussi beaucoup de maîtres d'ouvrage qui n'ont jamais travaillé avec l'eau et ne se sont pas penchés sur cette dimension particulière de leur bien. La même chose vaut pour des plans d'eau piscicoles devenus sans activité. La disparition de l'administration des ponts et chaussées (années 1960), dans une ambiance centrée sur la modernisation agricole et industrielle, a aussi entraîné dans certains services administratifs un désintérêt progressif pour la question des petits ouvrages hydrauliques. Quant aux notaires, il est reconnu que la plupart d'entre eux ont hélas! négligé la précision de l'information sur les droits d'eau et sur les devoirs afférents lors des successions ou acquisitions de biens hydrauliques.
A compter des années 2000 et au sein de l'appareil d'Etat, les administrations en charge de l'eau et de la biodiversité (direction administrative du ministère de l'écologie, office français de la biodiversité ex CSP-Onema, personnels d'agences de l'eau) ont développé un discours globalement hostile aux ouvrages hydrauliques (moulins, étangs, barrages, canaux, plans d'eau divers). Cette hostilité s'explique et s'exprime par une idéologie, celle de la "renaturation" :
La renaturation : une idéologie davantage qu'une science
Pour se légitimer, cette idéologie administrative de la renaturation s'est prétendue le seul discours scientifiquement tenable, le "sachant" étant éclairé et le citoyen ignorant. Or, c'est inexact :
Le déni de toute valeur aux ouvrages hydrauliques et le souhait de revenir à des rivières sans altération humaine sur la morphologie a abouti à des politiques visant à la destruction préférentielle des moulins, étangs barrages et autres. Ce qui a soulevé de nombreuses protestations. De même, le centrage sur la question des poissons migrateurs a abouti à demander systématiquement des dispositifs complexes de franchissement, qui ont des coûts conséquents pour un compartiment assez limité de la biodiversité aquatique et rivulaire. Contestés par le parlement et parfois par la justice, les gouvernements successifs ont dû contredire leur administration pour engager des réformes qui relativisent l'importance de la continuité en long, et qui obligent à prendre en compte les enjeux multiples des ouvrages.
Promouvoir une gestion écologique des ouvrages
Toutefois, ces réformes se font à reculons et toujours en ignorant la question écologique. L'administration veut bien admettre du bout des lèvres que les ouvrages peuvent avoir des intérêts pour le paysage, l'énergie, l'irrigation, la culture, certains loisirs... mais c'est toujours en rappelant combien, du point de vue écologique, ces ouvrages restent de déplorables anomalies.
Cette situation est dommageable : à partir du moment où les ouvrages hydrauliques créent des milieux, il faut l'admettre, étudier leur biodiversité faune-flore, analyser les effets locaux des ouvrages sur l'amont et l'aval, proposer aux propriétaires d'ouvrages des informations et des orientations pour une gestion plus écologique. De même, quand les ouvrages produisent des impacts et des risques, ceux-ci peuvent être réduits par le retour de pratiques hydrauliques souvent conformes au règlement d'eau originel.
De nombreux exemples viennent à l'esprit :
Dans tous les domaines d'activité, on essaie aujourd'hui de conseiller les citoyens et usagers pour mieux agir dans leur rapport à l'environnement. Au lieu d'intervenir auprès des ouvrages hydrauliques en souhaitant leur disparition et en se désintéressant a priori de leurs milieux, les représentants de l'Etat, des établissements experts, des agences de l'eau et des syndicats doivent désormais produire un discours plus constructif et plus utile. Les associations de propriétaires et de riverains de ces ouvrages seraient alors les relais de l'action publique.
Illustrations : habitats et écoulements autour des ouvrages hydrauliques d'un moulin. La négation de la réalité des écosystèmes anthropisés est une position idéologique et dogmatique, alimentée par l'ignorance (aucune étude systématique n'a été menée en France pour évaluer sérieusement l'écologie des moulins, étangs et autres ouvrages).
A lire en complément
Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes
Eau, climat, vivant, paysage : s'engager pour les biens communs
Identifier, protéger, gérer les habitats aquatiques et humides du moulin
Biefs, canaux et étangs sont des zones humides au sens de Ramsar
Au cours des années 1960 à 1990, les dernières générations de meuniers actifs ou de petits producteurs d'électricité hors réseau se sont bien souvent éteintes. Des dizaines de milliers de moulins ont été transmis ou vendus à des propriétaires ne disposant pas toujours d'une culture hydraulique. Il y a certes des passionnés, souvent membres d'associations, mais aussi beaucoup de maîtres d'ouvrage qui n'ont jamais travaillé avec l'eau et ne se sont pas penchés sur cette dimension particulière de leur bien. La même chose vaut pour des plans d'eau piscicoles devenus sans activité. La disparition de l'administration des ponts et chaussées (années 1960), dans une ambiance centrée sur la modernisation agricole et industrielle, a aussi entraîné dans certains services administratifs un désintérêt progressif pour la question des petits ouvrages hydrauliques. Quant aux notaires, il est reconnu que la plupart d'entre eux ont hélas! négligé la précision de l'information sur les droits d'eau et sur les devoirs afférents lors des successions ou acquisitions de biens hydrauliques.
A compter des années 2000 et au sein de l'appareil d'Etat, les administrations en charge de l'eau et de la biodiversité (direction administrative du ministère de l'écologie, office français de la biodiversité ex CSP-Onema, personnels d'agences de l'eau) ont développé un discours globalement hostile aux ouvrages hydrauliques (moulins, étangs, barrages, canaux, plans d'eau divers). Cette hostilité s'explique et s'exprime par une idéologie, celle de la "renaturation" :
- L'état naturel, normal, souhaitable de la rivière serait l'absence d'impact humain, en particulier d'ouvrages hydrauliques
- Les ouvrages hydrauliques n'ayant pas d'intérêt majeur aux yeux de l'Etat (soit la grand majorité hors quelques barrages multi-usages et ouvrages urbains de protection de crue) ont vocation à disparaître au profit d'une nature "restaurée"
La renaturation : une idéologie davantage qu'une science
Pour se légitimer, cette idéologie administrative de la renaturation s'est prétendue le seul discours scientifiquement tenable, le "sachant" étant éclairé et le citoyen ignorant. Or, c'est inexact :
- Une part croissante de la recherche en écologie, en géographie, en histoire et archéologie de l'environnement reconnaît l'existence des écosystèmes artificiels (appelés aussi nouveaux écosystèmes, écosystèmes anthropiques, écosystèmes culturels) et le caractère inévitablement "hybride" des évolutions nature-culture ou nature-société.
- L'écologie de la conservation montre que des écosystèmes aquatiques ou humides d'origine humaine (mares, étangs, plans d'eau, réservoirs, canaux) possèdent eux aussi une valeur pour la biodiversité, y compris parfois des espèces protégées et menacées.
- La recherche en sciences sociales et humaines comme en sciences du climat et de l'environnement montre que les ouvrages hydrauliques ont des enjeux multiples aux yeux de leurs riverains, avec des usages potentiels pour certaines politiques publiques (autres que celle de la seule conservation de la biodiversité endémique) et pour la gestion adaptative des cours d'eau à l'heure du changement hydroclimatique.
Le déni de toute valeur aux ouvrages hydrauliques et le souhait de revenir à des rivières sans altération humaine sur la morphologie a abouti à des politiques visant à la destruction préférentielle des moulins, étangs barrages et autres. Ce qui a soulevé de nombreuses protestations. De même, le centrage sur la question des poissons migrateurs a abouti à demander systématiquement des dispositifs complexes de franchissement, qui ont des coûts conséquents pour un compartiment assez limité de la biodiversité aquatique et rivulaire. Contestés par le parlement et parfois par la justice, les gouvernements successifs ont dû contredire leur administration pour engager des réformes qui relativisent l'importance de la continuité en long, et qui obligent à prendre en compte les enjeux multiples des ouvrages.
Promouvoir une gestion écologique des ouvrages
Toutefois, ces réformes se font à reculons et toujours en ignorant la question écologique. L'administration veut bien admettre du bout des lèvres que les ouvrages peuvent avoir des intérêts pour le paysage, l'énergie, l'irrigation, la culture, certains loisirs... mais c'est toujours en rappelant combien, du point de vue écologique, ces ouvrages restent de déplorables anomalies.
Cette situation est dommageable : à partir du moment où les ouvrages hydrauliques créent des milieux, il faut l'admettre, étudier leur biodiversité faune-flore, analyser les effets locaux des ouvrages sur l'amont et l'aval, proposer aux propriétaires d'ouvrages des informations et des orientations pour une gestion plus écologique. De même, quand les ouvrages produisent des impacts et des risques, ceux-ci peuvent être réduits par le retour de pratiques hydrauliques souvent conformes au règlement d'eau originel.
De nombreux exemples viennent à l'esprit :
- connaissance des périodes clés des espèces (migrations, reproductions, etc.)
- identification des zones de frayères, des lieux de nidification
- gestion des marnages de la retenue et du bief, mise en repos saisonnière
- choix des végétalisations de berge
- régulation d'espèces invasives
- bons réflexes en situation de crise (pollution aiguë, crue)
- création d'annexes et zones humides
- bon usage de certains embâcles
- bonnes pratiques de travaux en milieu aquatique et humide
- évitement de produits délétères pour le vivant
- inventaires d'habitats et de biodiversité
- comptage participatif de certaines espèces d'intérêt
Dans tous les domaines d'activité, on essaie aujourd'hui de conseiller les citoyens et usagers pour mieux agir dans leur rapport à l'environnement. Au lieu d'intervenir auprès des ouvrages hydrauliques en souhaitant leur disparition et en se désintéressant a priori de leurs milieux, les représentants de l'Etat, des établissements experts, des agences de l'eau et des syndicats doivent désormais produire un discours plus constructif et plus utile. Les associations de propriétaires et de riverains de ces ouvrages seraient alors les relais de l'action publique.
Illustrations : habitats et écoulements autour des ouvrages hydrauliques d'un moulin. La négation de la réalité des écosystèmes anthropisés est une position idéologique et dogmatique, alimentée par l'ignorance (aucune étude systématique n'a été menée en France pour évaluer sérieusement l'écologie des moulins, étangs et autres ouvrages).
A lire en complément
Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes
Eau, climat, vivant, paysage : s'engager pour les biens communs
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Biefs, canaux et étangs sont des zones humides au sens de Ramsar
24/08/2019
La Banque mondiale s'inquiète de la pollution des nappes et des rivières, une "question invisible"
Dans un rapport intitulé Qualité inconnue: la crise invisible de l’eau, construit avec ses propres données, la Banque mondiale s'inquiète de la détérioration de l'eau dans le monde, tant dans les pays en développement trop souvent privés d'eau potable que dans les pays développés où les milieux naturels sont affectés depuis des décennies. Extraits.
"La complexité de la qualité de l’eau et la multitude de paramètres à suivre sont au moins en partie la raison pour laquelle la surveillance globale de la qualité de l’eau s’est révélée si complexe. Pour éclairer la question, cette étude a constitué une base de données vaste et peut-être la plus grande sur la qualité de l’eau. Les données ont été collectées sous la surface à l'aide d'informations provenant de stations de surveillance in situ ou d'échantillons. Les satellites ont collecté des données du ciel en utilisant des techniques de télédétection. D'autres données ont été générées par ordinateur à l'aide de modèles d'apprentissage automatique. Ces dernières sont particulièrement intéressantes car les stations de surveillance et la télédétection fournissent des données pour des points limités dans l’espace et dans le temps, tandis que les données modélisées peuvent combler des lacunes pour fournir une image plus complète de l’état de la qualité de l’eau. Exploiter toutes ces preuves fournit des informations très révélatrices.
Les pays riches et les pays pauvres supportent tous deux une pollution élevée de l’eau. La carte ES.1 présente le risque global global pour la qualité de l'eau pour les trois principaux indicateurs de la qualité de l'eau de l'ODD [objectif de développement durable] 6.3.2: l'azote (nitrate-nitrite), un polluant fort en termes d'échelle, de portée, de tendances et d'impacts; conductivité électrique, une mesure de la salinité dans l'eau; et la demande biologique en oxygène (DBO), un indice largement utilisé pour la qualité de l’eau. La carte ES.1 montre clairement que le statut de pays à revenu élevé ne confère pas d'immunité face aux problèmes de qualité de l'eau. Cela contredit ce que l’on pourrait supposer sur la base de l’hypothèse environnementale de la courbe de Kuznets, selon laquelle la pollution finira par décroître avec la prospérité. Non seulement la pollution ne diminue pas avec la croissance économique, mais la gamme de polluants tend à s’élargir avec la prospérité. Les États-Unis à eux seuls reçoivent des avis de rejet de plus de 1000 nouveaux produits chimiques dans l'environnement chaque année, soit environ trois nouveaux produits chimiques par jour. Il est difficile de faire face à une telle gamme croissante de risques, même dans les pays disposant de ressources importantes, et presque impossible dans les pays en développement.
Les résultats présentés dans ce rapport montrent l’importance de la qualité de l’eau dans divers secteurs et la manière dont ses impacts touchent presque tous les objectifs de développement durable. Les problèmes de quantité d'eau reçoivent beaucoup d'attention de la part des acteurs du développement, mais les impacts sur la qualité de l'eau peuvent être tout aussi importants, voire plus importants. Ce rapport décrit les résultats de nouvelles analyses révélant des impacts plus importants que ceux connus jusqu'à présent sur la santé, l'agriculture et l'environnement. Lorsque ces impacts sectoriels sont agrégés, ils expliquent un ralentissement important de la croissance économique. Les polluants bien connus, tels que les contaminants fécaux, ainsi que les nouveaux polluants, notamment les nutriments, les plastiques et les produits pharmaceutiques, constituent un défi de taille.
L'azote est essentiel pour la production agricole, mais il est également volatile et instable. Fréquemment, plus de la moitié des engrais azotés sont lessivés dans l’eau ou dans l’air. Dans l’eau, il peut en résulter une hypoxie et des zones mortes, problèmes qui résultent d’un manque d’oxygène dissous dans l’eau, qui peut prendre des siècles pour se rétablir. Dans l'air, il peut former de l'oxyde nitreux, un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant pour capter la chaleur que le dioxyde de carbone. C’est pourquoi certains scientifiques pensent que le monde a peut-être déjà dépassé les limites planétaires sûres pour l’azote et que c’est la plus grande externalité du monde, dépassant même le carbone.
Bien que l'on sache que l'azote oxydé peut être mortel pour les nourrissons, ce rapport montre que ceux qui survivent à ses premières conséquences peuvent être marqués à vie, entravant leur croissance et leurs revenus plus tard. L’azote dans l’eau est responsable de l'affection fatale du syndrome du «bébé bleu», qui prive les enfants d’oxygène. Ce rapport constate que ceux qui survivent subissent des dommages à plus long terme tout au long de leur vie. Les nourrissons nés en Inde, au Vietnam et dans 33 pays d'Afrique exposés à des niveaux élevés de nitrates au cours des trois premières années de leur vie ont grandi plus rapidement qu'ils ne l'auraient fait autrement. Ce résultat est frappant pour trois raisons: premièrement, cela signifie que l'exposition aux nitrates pendant la petite enfance peut éliminer une grande partie du gain de taille (indicateur bien connu de la santé et de la productivité générales) observé au cours des cinquante dernières années; deuxièmement, cela suggère que les nitrates pourraient avoir des impacts similaires ou plus graves sur la hauteur et d'autres paramètres de développement que les coliformes fécaux; et enfin, les impacts se retrouvent même dans les zones géographiques où les niveaux de nitrates sont inférieurs aux niveaux présumés sûrs. (...)
Le sel, le contaminant le plus élémentaire qui sévit dans le monde depuis l'Antiquité, est en augmentation constante dans les sols et les plans d'eau. Ce rapport présente une nouvelle recherche qui documente l'ampleur de l'impact du sel sur la production agricole. Sumer, la civilisation qui nous a donné la roue, la charrue et le langage écrit, a également été le pionnier de l'agriculture irriguée. Cela a conduit à une accumulation de sels qui a détruit le potentiel agricole et a conduit au déclin final de la grande civilisation. Aujourd'hui, les eaux et les sols salins se répandent dans une grande partie du monde, en particulier dans les zones côtières de faible altitude, les zones arides irriguées et autour des zones urbaines, ce qui a un impact considérable sur les rendements agricoles. Ce rapport quantifie les effets sur les rendements et constate qu'ils diminuent presque linéairement avec les concentrations de sel dans l'eau. Globalement, il y a assez de nourriture perdue chaque année à cause de l'eau salée pour nourrir 170 millions de personnes, ou un pays de la taille du Bangladesh.
L'eau potable saline est nocive pour la santé humaine, en particulier dans les phases vulnérables du cycle de la vie - la petite enfance et la grossesse - compromettant le développement humain. Au Bangladesh, où l’eau saline est très répandue, elle est responsable de 20% de la mortalité infantile dans les zones côtières les plus touchées. Les femmes enceintes exposées à de fortes quantités de sel risquent davantage de faire une fausse couche et courent un plus grand risque de prééclampsie et d’hypertension gravidique. Mais une nouvelle recherche révèle des effets visibles, même dans les zones de salinité plus faible qu'au Bangladesh, où la mortalité fœtale a augmenté de 4% dans les régions salines. Lorsque les bébés exposés à des taux de salinité élevés survivent, ils présentent un risque plus élevé de complications pour la santé. Malgré cela, il n’existe pas de normes d’eau potable fondées sur la santé pour le sel.
Les polluants émergents tels que les microplastiques et les produits pharmaceutiques illustrent bien la nature complexe des problèmes de qualité de l’eau, à multiples facettes, sans solution immédiate ni évidente. L'utilité des plastiques et des produits pharmaceutiques est incommensurable, mais les sous-produits involontaires ont des conséquences étendues et difficiles à quantifier et à contenir. Les microplastiques, produits décomposés de biens de consommation, sacs en plastique et autres matériaux polymères, sont omniprésents dans le monde entier. Bien que l’ampleur du problème reste incertaine, certaines études l’ont détectée dans 80% des sources mondiales d’eau douce, 81% de l’eau du robinet municipale et même 93% des bouteilles d’eau. Bien que l’ingestion de microplastiques et de nanoplastiques puisse être nocive pour la santé humaine suscite de plus en plus d’inquiétudes, il existe encore peu d’informations sur les limites sûres. L'élimination des plastiques, une fois dans l'eau, est difficile et coûteuse. Les approches volontaires visant à réduire, réutiliser et recycler le plastique, bien que populaires, ne peuvent aller si loin et ne résoudront pas le problème sans la combinaison appropriée de réglementations et d'incitations. La prévention est donc essentielle, tout comme une meilleure compréhension de ces dangers et la nécessité de méthodes normalisées d'évaluation de l'exposition et des dangers.
Compte tenu de la gamme de contaminants, est-il possible de déterminer le coût économique total de la mauvaise qualité de l'eau pour l'activité économique? La multitude de contaminants, la complexité des mesures et l'incertitude des impacts laissent cette question sans réponse. Cependant, il est possible de donner une indication de la relation entre la qualité de l'eau en amont et l'activité économique en aval à l'aide de plusieurs ensembles de données récemment divisées sur l'activité économique sur l'activité économique, mesurées par le produit intérieur brut (PIB), la qualité de l'eau et d'autres paramètres pertinents. Les rejets de pollution en amont agissent comme un vent contraire qui ralentit la croissance économique dans les zones situées en aval, réduisant jusqu'à un tiers la croissance du PIB dans les régions situées en aval."
Source : Banque mondiale, Damania R et al (2019), Quality unknown. The invisible water crisis, 122 p.
"La complexité de la qualité de l’eau et la multitude de paramètres à suivre sont au moins en partie la raison pour laquelle la surveillance globale de la qualité de l’eau s’est révélée si complexe. Pour éclairer la question, cette étude a constitué une base de données vaste et peut-être la plus grande sur la qualité de l’eau. Les données ont été collectées sous la surface à l'aide d'informations provenant de stations de surveillance in situ ou d'échantillons. Les satellites ont collecté des données du ciel en utilisant des techniques de télédétection. D'autres données ont été générées par ordinateur à l'aide de modèles d'apprentissage automatique. Ces dernières sont particulièrement intéressantes car les stations de surveillance et la télédétection fournissent des données pour des points limités dans l’espace et dans le temps, tandis que les données modélisées peuvent combler des lacunes pour fournir une image plus complète de l’état de la qualité de l’eau. Exploiter toutes ces preuves fournit des informations très révélatrices.
Les pays riches et les pays pauvres supportent tous deux une pollution élevée de l’eau. La carte ES.1 présente le risque global global pour la qualité de l'eau pour les trois principaux indicateurs de la qualité de l'eau de l'ODD [objectif de développement durable] 6.3.2: l'azote (nitrate-nitrite), un polluant fort en termes d'échelle, de portée, de tendances et d'impacts; conductivité électrique, une mesure de la salinité dans l'eau; et la demande biologique en oxygène (DBO), un indice largement utilisé pour la qualité de l’eau. La carte ES.1 montre clairement que le statut de pays à revenu élevé ne confère pas d'immunité face aux problèmes de qualité de l'eau. Cela contredit ce que l’on pourrait supposer sur la base de l’hypothèse environnementale de la courbe de Kuznets, selon laquelle la pollution finira par décroître avec la prospérité. Non seulement la pollution ne diminue pas avec la croissance économique, mais la gamme de polluants tend à s’élargir avec la prospérité. Les États-Unis à eux seuls reçoivent des avis de rejet de plus de 1000 nouveaux produits chimiques dans l'environnement chaque année, soit environ trois nouveaux produits chimiques par jour. Il est difficile de faire face à une telle gamme croissante de risques, même dans les pays disposant de ressources importantes, et presque impossible dans les pays en développement.
Les résultats présentés dans ce rapport montrent l’importance de la qualité de l’eau dans divers secteurs et la manière dont ses impacts touchent presque tous les objectifs de développement durable. Les problèmes de quantité d'eau reçoivent beaucoup d'attention de la part des acteurs du développement, mais les impacts sur la qualité de l'eau peuvent être tout aussi importants, voire plus importants. Ce rapport décrit les résultats de nouvelles analyses révélant des impacts plus importants que ceux connus jusqu'à présent sur la santé, l'agriculture et l'environnement. Lorsque ces impacts sectoriels sont agrégés, ils expliquent un ralentissement important de la croissance économique. Les polluants bien connus, tels que les contaminants fécaux, ainsi que les nouveaux polluants, notamment les nutriments, les plastiques et les produits pharmaceutiques, constituent un défi de taille.
L'azote est essentiel pour la production agricole, mais il est également volatile et instable. Fréquemment, plus de la moitié des engrais azotés sont lessivés dans l’eau ou dans l’air. Dans l’eau, il peut en résulter une hypoxie et des zones mortes, problèmes qui résultent d’un manque d’oxygène dissous dans l’eau, qui peut prendre des siècles pour se rétablir. Dans l'air, il peut former de l'oxyde nitreux, un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant pour capter la chaleur que le dioxyde de carbone. C’est pourquoi certains scientifiques pensent que le monde a peut-être déjà dépassé les limites planétaires sûres pour l’azote et que c’est la plus grande externalité du monde, dépassant même le carbone.
Bien que l'on sache que l'azote oxydé peut être mortel pour les nourrissons, ce rapport montre que ceux qui survivent à ses premières conséquences peuvent être marqués à vie, entravant leur croissance et leurs revenus plus tard. L’azote dans l’eau est responsable de l'affection fatale du syndrome du «bébé bleu», qui prive les enfants d’oxygène. Ce rapport constate que ceux qui survivent subissent des dommages à plus long terme tout au long de leur vie. Les nourrissons nés en Inde, au Vietnam et dans 33 pays d'Afrique exposés à des niveaux élevés de nitrates au cours des trois premières années de leur vie ont grandi plus rapidement qu'ils ne l'auraient fait autrement. Ce résultat est frappant pour trois raisons: premièrement, cela signifie que l'exposition aux nitrates pendant la petite enfance peut éliminer une grande partie du gain de taille (indicateur bien connu de la santé et de la productivité générales) observé au cours des cinquante dernières années; deuxièmement, cela suggère que les nitrates pourraient avoir des impacts similaires ou plus graves sur la hauteur et d'autres paramètres de développement que les coliformes fécaux; et enfin, les impacts se retrouvent même dans les zones géographiques où les niveaux de nitrates sont inférieurs aux niveaux présumés sûrs. (...)
Le sel, le contaminant le plus élémentaire qui sévit dans le monde depuis l'Antiquité, est en augmentation constante dans les sols et les plans d'eau. Ce rapport présente une nouvelle recherche qui documente l'ampleur de l'impact du sel sur la production agricole. Sumer, la civilisation qui nous a donné la roue, la charrue et le langage écrit, a également été le pionnier de l'agriculture irriguée. Cela a conduit à une accumulation de sels qui a détruit le potentiel agricole et a conduit au déclin final de la grande civilisation. Aujourd'hui, les eaux et les sols salins se répandent dans une grande partie du monde, en particulier dans les zones côtières de faible altitude, les zones arides irriguées et autour des zones urbaines, ce qui a un impact considérable sur les rendements agricoles. Ce rapport quantifie les effets sur les rendements et constate qu'ils diminuent presque linéairement avec les concentrations de sel dans l'eau. Globalement, il y a assez de nourriture perdue chaque année à cause de l'eau salée pour nourrir 170 millions de personnes, ou un pays de la taille du Bangladesh.
L'eau potable saline est nocive pour la santé humaine, en particulier dans les phases vulnérables du cycle de la vie - la petite enfance et la grossesse - compromettant le développement humain. Au Bangladesh, où l’eau saline est très répandue, elle est responsable de 20% de la mortalité infantile dans les zones côtières les plus touchées. Les femmes enceintes exposées à de fortes quantités de sel risquent davantage de faire une fausse couche et courent un plus grand risque de prééclampsie et d’hypertension gravidique. Mais une nouvelle recherche révèle des effets visibles, même dans les zones de salinité plus faible qu'au Bangladesh, où la mortalité fœtale a augmenté de 4% dans les régions salines. Lorsque les bébés exposés à des taux de salinité élevés survivent, ils présentent un risque plus élevé de complications pour la santé. Malgré cela, il n’existe pas de normes d’eau potable fondées sur la santé pour le sel.
Les polluants émergents tels que les microplastiques et les produits pharmaceutiques illustrent bien la nature complexe des problèmes de qualité de l’eau, à multiples facettes, sans solution immédiate ni évidente. L'utilité des plastiques et des produits pharmaceutiques est incommensurable, mais les sous-produits involontaires ont des conséquences étendues et difficiles à quantifier et à contenir. Les microplastiques, produits décomposés de biens de consommation, sacs en plastique et autres matériaux polymères, sont omniprésents dans le monde entier. Bien que l’ampleur du problème reste incertaine, certaines études l’ont détectée dans 80% des sources mondiales d’eau douce, 81% de l’eau du robinet municipale et même 93% des bouteilles d’eau. Bien que l’ingestion de microplastiques et de nanoplastiques puisse être nocive pour la santé humaine suscite de plus en plus d’inquiétudes, il existe encore peu d’informations sur les limites sûres. L'élimination des plastiques, une fois dans l'eau, est difficile et coûteuse. Les approches volontaires visant à réduire, réutiliser et recycler le plastique, bien que populaires, ne peuvent aller si loin et ne résoudront pas le problème sans la combinaison appropriée de réglementations et d'incitations. La prévention est donc essentielle, tout comme une meilleure compréhension de ces dangers et la nécessité de méthodes normalisées d'évaluation de l'exposition et des dangers.
Compte tenu de la gamme de contaminants, est-il possible de déterminer le coût économique total de la mauvaise qualité de l'eau pour l'activité économique? La multitude de contaminants, la complexité des mesures et l'incertitude des impacts laissent cette question sans réponse. Cependant, il est possible de donner une indication de la relation entre la qualité de l'eau en amont et l'activité économique en aval à l'aide de plusieurs ensembles de données récemment divisées sur l'activité économique sur l'activité économique, mesurées par le produit intérieur brut (PIB), la qualité de l'eau et d'autres paramètres pertinents. Les rejets de pollution en amont agissent comme un vent contraire qui ralentit la croissance économique dans les zones situées en aval, réduisant jusqu'à un tiers la croissance du PIB dans les régions situées en aval."
Source : Banque mondiale, Damania R et al (2019), Quality unknown. The invisible water crisis, 122 p.
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