Dans un rapport venant de paraître sur la rentabilité de la petite hydro-électricité, la commission de régulation de l'énergie pointe notamment le coût croissant des exigences écologiques de la règlementation française, en particulier le coût de la continuité écologique. Le gouvernement doit acter cette réalité et trouver des solutions pour ne plus opposer transition énergétique et conservation de la biodiversité. Il convient notamment de prioriser les interventions de continuité là où il y a réellement des espèces menacées, au lieu de la doctrine coûteuse et disproportionnée visant à demander par principe une franchissabilité totale des poissons sur chaque ouvrage équipé en énergie. Plus généralement, l'écologie a des coûts: le discours public doit cesser de les dissimuler, mais en faire des objets de débat démocratique en fonction des bénéfices attendus pour la société et pour le vivant. C'est le prix d'une écologie réaliste ne se contentant pas de grands discours et de bons sentiments.
Extrait du rapport de la CRE
"Le renforcement des exigences environnementales semble avoir eu une influence à la hausse sur les coûts d’investissements au cours des dernières années (cf. 3.1.2), bien que cette augmentation ait été en partie compensée par la mise en place de la réfaction tarifaire sur les coûts de raccordement. Le coût des études d’impact et les frais de développement d’un projet hydroélectrique neuf peuvent représenter des montants importants, de l’ordre de 8 % de l’investissement total. Ces dépenses sont d’ailleurs engagées sans la garantie d’un contrat à la clé et constituent donc un frein à l’entrée pour certains producteurs.
Le coût d’une passe à poissons peut quant à lui atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros pour un coût d’investissement total de 2 à 5 M€ pour une centrale d’1 MW. Au-delà du surcoût d’investissement que représente ce dispositif, il affecte également le productible de l’installation en isolant une partie du débit et est susceptible d’augmenter l’assiette de la taxe foncière applicable à la centrale (cf. 3.1.2).
La CRE en tire deux points d’attention, l’un en termes de risque pour les installations en fonctionnement ou en développement, l’autre en termes d’impact de ces contraintes sur les finances publiques.
En termes de risque
L’ajout de nouvelles exigences environnementales à une installation existante représente un risque réglementaire qui implique idéalement d’échelonner les exigences afin qu’elles lui soient imposées à une échéance cohérente avec la prochaine période de soutien dont bénéficierait l’installation. S’agissant des installations en développe- ment, les décisions de l’administration – et notamment le précadrage environnemental dans le cadre de l’appel d’offres – doivent être conçues de sorte à limiter au maximum les risques d’un refus de délivrance de l’autorisation environnementale finale ou de cerner les exigences spécifiques et donc les surcoûts potentiels associés néces- saires à la mise en œuvre du projet.
En termes de coûts pour les finances publiques
Le respect des nouvelles exigences environnementales – qui poursuivent un objectif de protection de la biodiversité auquel la CRE ne peut que souscrire et dont le calibrage ne relève pas de ses compétences – constitue un facteur de hausse du coût du soutien qui affecte les finances publiques. Dès lors, la CRE attire l’attention sur l’importance de donner un maximum de visibilité en matière d’équilibre coût-bénéfice entre les enjeux de protection des milieux naturels et les enjeux de développement de la petite hydroélectricité. La note technique publiée début mai 2019 par le Ministère de la transition écologique et solidaire7, présentant des éléments de méthode et d’organisation pour une meilleure coordination des services à l’échelle nationale et locale sur le sujet de la continuité écologique, s’inscrit dans cette démarche."
Commentaires
Ce rapport de la Commission de régulation de l'énergie rappelle un principe général : la protection de la biodiversité a toujours des coûts. Le décideur public doit les exposer aux citoyens et aux parties prenantes, ne pas mettre en avant les seuls bénéfices tout en omettant les conditions d'obtention de ces bénéfices.
Sur les ouvrages nouveaux, il est logique de prévoir par construction la meilleure circulation possible des organismes aquatiques et des sédiments, avec des dispositifs de type passe à poisson ou rivière de contournement, dont l'efficacité est désormais assez correcte. Les progrès des connaissances amènent à une meilleure intégration écologique de l'hydro-électricité, qui a tout intérêt à accompagner ces progrès. On peut déroger à ce principe dans certains cas justifiés, comme la nécessité de protéger une tête de bassin de la remontée d'espèces exotiques ou invasives. Les barrages sont parfois utilisés à cette fin de régulation et conservation (usage fréquent au Canada en protection des grands lacs, par exemple), mais ce cas est plutôt exceptionnel.
Sur les ouvrages anciens, les constructions en place ne prévoient généralement pas de franchissement permanent à toutes espèces (situation réservée aux crues noyant les ouvrages), ni de vannes adaptées permettant de larges transits sédimentaires de décharge. Toutefois la plupart de ces ouvrages anciens, présents depuis des siècles, ont créé ce que les chercheurs nomment un "état écologique stable alternatif" de la rivière, c'est-à-dire un nouvel équilibre dynamique des débits, sédiments, nutriments, espèces qui intègre la présence des ouvrages. Les dispositifs de franchissement devraient y être prescrits selon des critères plus stricts de présence d'espèces menacées dont on peut démontrer qu'elles ne sont pas adaptées à la fragmentation et que leur population est menacée. Ce ne peut pas être une demande de routine au vu des coûts pour les particuliers et la collectivité. Dans de nombreuses rivières, en particulier à truites, le mauvais usage s'est répandu de demander automatiquement des dispositifs même si les populations piscicoles ne montrent pas de déficit attribuable aux ouvrages. Les pouvoirs publics doivent cesser ces dépenses peu utiles par rapport à des priorités établies.
La production énergétique bas carbone des rivières relève en France de l'intérêt général au même titre que la biodiversité, comme le rappelle la loi énonçant les principes de la gestion équilibrée et durable de l'eau (art L 211-1 code de l'environnement). On ne peut donc opposer transition énergétique et conservation écologique. Si les exigences réglementaires en matière de biodiversité dérogent trop à la rentabilité d'exploitation et entravent la lutte contre le réchauffement climatique, il appartient à la puissance publique de prévoir une large prise en charge du financement des dispositifs prescrits. C'est tout à fait possible dans le budget des agences de l'eau, dont la vocation est la mise en oeuvre des politiques publiques de rivière, notamment des choix collectifs qui induisent des coûts dépassant les capacités raisonnables d'autofinancement des particuliers et exploitants. La modération de la dépense publique sera obtenue en limitant les dispositifs les plus chers (passes à poissons) aux seuls cas de nécessité écologique solidement démontrée et de gains vérifiables.
Source : Commission de régulation de l'énergie, Coûts et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, Rapport, janvier 2020.
11/02/2020
07/02/2020
Au lieu de réussir à baisser les pesticides, le ministère de l'agriculture continue de vouloir détruire des ouvrages en rivière
En réponse à une question du député Favennec Becot, le ministre de l'agriculture persiste à développer sur les ouvrages hydrauliques un certain nombre de contre-vérités et, plus gravement, un certain nombre de propositions contraires à la loi. Le gouvernement dénie le rôle de retenue et diffusion de l'eau par les ouvrages tout au long de l'année comme leur atout d'hébergement et protection du vivant aquatique. Cela contre toutes les observations de terrain en ce sens, notamment lors de la sécheresse 2019. Dans le même temps, la cour des comptes constate l'échec depuis 10 ans de la lutte française contre les pollutions par pesticides. Les ministères de l'écologie et de l'agriculture doivent cesser de marcher sur la tête à tenter encore en 2020 de détruire des moulins et étangs pendant que nous tardons à prendre la mesure du changement climatique, à accélérer la transition bas carbone et à réduire les toxiques impliqués dans une baisse sans précédent de la biodiversité.
Dans sa réponse au député reproduite ci-dessous, le ministre écrit : "lorsque l'enjeu est fort et pour des ouvrages à faible rentabilité économique, des solutions d'abaissement de la hauteur du seuil ou de suppression de l'ouvrage sont effectivement mises en avant au regard d'autres solutions de technicité élevée et par nature très coûteuses"
Cette "solution" vantée par le ministre n'est tout simplement pas prévue par la loi française, qui demande des ouvrages gérés, équipés, entretenus (article L 214-17 C env) et qui exige bien entendu le respect des ouvrages autorisés (article L 214-6 C env). Le pouvoir exécutif reste dans une logique de continuité imposée et non apaisée. Il revient à l'administration de proposer des solutions prévues par la loi, toute autre option faisant l'objet d'une mise en demeure par le propriétaire de respecter cette loi, le cas échant d'un contentieux pour excès de pouvoir. Contactez notre association si vous subissez encore des propositions illégales de destruction alors que vous êtes attaché à la protection de votre ouvrage, de son patrimoine et de ses milieux.
Le ministre écrit : "la suppression d'un certain nombre de seuils ou plans d'eau en lit mineur ayant une capacité de rétention d'eau limitée à quelques centaines ou milliers de mètres cube et non susceptibles de soutenir le débit des cours d'eau ou d'assurer un approvisionnement en eau de plus de quelques heures, n'est pas contradictoire avec la politique de sécurisation d'une ressource disponible à l'étiage".
Cette phrase méconnaît elle aussi la réalité autant que la loi. La capacité à retenir et divertir (biefs, canaux) de l'eau n'est pas dépendante d'un volume donné en deçà duquel ce serait sans intérêt pour les riverains et pour le vivant. Il y a souvent des dizaines d'ouvrages sur chaque rivière, c'est cette accumulation qui permet tout au long de l'année (pas seulement à l'étiage) de recharger les nappes et d'infiltrer les sols, de soutenir la végétation, d'héberger la faune. Tous les riverains l'observent, les parlementaires en ont été informés (voir nos articles et témoignages sur les sécheresses). Par ailleurs, les retenues comme les biefs forment des milieux aquatiques, parfois des zones humides attenantes, et ils sont à ce titre protégés par la loi. Leur assèchement par suppression d'ouvrage sans étude préalable d'hydrologie et de biodiversité, sans compensation par création d'une superficie aquatique au moins équivalente sur le même tronçon, peut et doit faire l'objet d'un recours administratif et/ou d'une plainte pénale.
Le ministre écrit : "la restauration d'écosystèmes aquatiques fonctionnels, en particulier de cours d'eau courants et dynamiques connectés à leurs milieux humides alluviaux, fait partie des solutions fondées sur la nature permettant une meilleure gestion quantitative de la ressource en eau et une meilleure résilience des territoires et de la biodiversité aux impacts du changement climatique".
C'est tout à fait exact, mais les solutions fondées sur la nature ne s'opposent pas aux solutions héritées de l'histoire. La recherche a montré que la suppression des ouvrages en travers et de leur retenue conduit à l'incision des lits, l'abaissement des niveaux et la limitation des débordements en lit majeur (Maaß et Schüttrumpf 2019). S'y ajoute l'assèchement des annexes hydrauliques. Donc le contraire de ce que dit le ministre! Inversement, les biefs et canaux de dérivation, les étangs et leurs marges humides, les lacs sont parfois des équivalents fonctionnels de milieux naturels, leur origine anthropique n'ôtant rien à leur capacité d'hébergement du vivant (Chester et Robson 2013, Wezel et al 2014, Sousa et al 2019, Guivier et al 2019). Supprimer des masses d'eau et plans d'eau, d'origine naturelle comme d'origine humaine, c'est supprimer des ressources en eau pour la société et le vivant.
Ces propos du ministre sont donc un nouveau signal de mépris du gouvernement pour la continuité apaisée et de déni des problèmes qui se posent depuis 10 ans.
Dans le même temps, la cour des comptes relève que les plans Ecophyto visant à réduire les pesticides sont un échec :
Nous suggérons donc au ministre de l'agriculture de respecter les engagements de l'Etat sur la lutte contre la pollution chimique des milieux plutôt que de continuer à couvrir la destruction illégale des moulins, des étangs et des plans d'eau, qui sont des atouts pour les territoires.
Question du député
M. Yannick Favennec Becot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'enjeu de la préservation des ouvrages hydrauliques. La France se trouve de plus en plus souvent confrontée à des aléas et risques majeurs : l'absence de recharge des nappes en hiver engendre des situations critiques l'année suivante pour de nombreux territoires. Une meilleure exploitation excédentaire des saisons pluvieuses est un enjeu primordial. Cela passe soit par le stockage, soit l'expansion des échanges de l'eau avec les sols et les nappes. Les solutions sont les barrages réservoirs (pour le stockage soutenant l'étiage et l'alimentation en eau de la population), les retenues stockant les ruissellements, les ouvrages en lit mineur (type moulins, étangs, plans d'eau, lacs) maintenant des lames d'eau à l'étiage, alimentant des marges humides et/ou des canaux faisant circuler l'eau, et les restaurations de zones humides naturelles. Or, la destruction de milliers d'ouvrages séculaires de stockage et de circulation de l'eau est promue et financée par l'administration de l'eau, au motif de la continuité écologique. Les informations livrées par le rapport CGEDD permettent de le vérifier. L'instruction de ces travaux est assouplie et le financement public s'élève à 80 %. Cette approche tranche avec la définition de la gestion équilibrée et durable de l'eau figurant dans la loi à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions quant à la mise en œuvre d'une politique nouvelle de protection et de valorisation de ces ouvrages, et d'un moratoire à effet immédiat sur toutes les destructions d'ouvrages hydrauliques permettant le stockage de l'eau, le maintien de la lame d'eau ou la diversion de l'eau en France. Ce réajustement de l'administration de l'eau permettrait de faire un inventaire des ouvrages existants (en activité ou à restaurer), lesquels seraient tout à fait complémentaires des nouveaux projets d'ouvrages de gestion quantitative de l'eau.
Réponse du ministre
Les ouvrages hydrauliques regroupent plusieurs familles d'ouvrages destinés à différentes fonctions, telles que retenir de l'eau pour différents usages (énergie, eau potable, irrigation, activités touristiques), la canaliser afin de protoger, lutter contre les inondations ou les submersions. Au-delà de leurs fonctionnalités, la politique publique concernant ces ouvrages doit concilier plusieurs enjeux tels que la sécurité, le patrimoine, la qualité de l'eau et le maintien de la biodiversité. La Loi sur l'eau de 2006 a notamment prévu des classements de cours d'eau pour lesquels les ouvrages existants en lit mineur, doivent assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort.
Face au retard pris dans la mise en oeuvre de cette réglementation et aux vives réactions de certains acteurs, un plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique a été élaboré en 2018 avec l'ensemble des parties prenantes au sein du comité national de l'eau et sous le pilotage du ministère de la transition écologique et solidaire. Ce plan propose des éléments de méthode et d'organisation pour que les discussions locales et nationales puissent se faire de manière apaisée, au service d'une mise en œuvre efficace de l'action publique, à la fois sur les plans techniques, administratifs, sociaux et économiques. Il encourage la mise en œuvre de solutions proportionnées aux enjeux et économiquement réalistes. Dans certains cas, lorsque l'enjeu est fort et pour des ouvrages à faible rentabilité économique, des solutions d'abaissement de la hauteur du seuil ou de suppression de l'ouvrage sont effectivement mises en avant au regard d'autres solutions de technicité élevée et par nature très coûteuses.
Concernant la problématique de la gestion quantitative et durable de l'eau, le stockage de l'eau fait bien partie de l'éventail des solutions, avec la recherche de sobriété et d'optimisation de l'utilisation de l'eau, la transition agro-écologique de l'agriculture et les solutions fondées sur la nature, pour une meilleure résilience des territoires face aux effets du changement climatique. L'instruction gouvernementale du 7 mai 2019 relative aux projets de territoire pour la gestion de l'eau rappelle certains principes. Il importe en particulier que l'ouvrage contribue à atteindre, dans la durée, un équilibre entre besoins, ressources et la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques. Les ouvrages de stockage peuvent prendre différentes formes qui, selon les contextes locaux, n'ont pas toutes le même impact en matière de continuité écologique et sur l'environnement en général : réserves alimentées par pompage dans la nappe, réserves alimentées par pompage dans la rivière, retenues alimentées par ruissellement sans connection au réseau hydrographique, retenues en dérivation, retenues en barrages en cours d'eau. Un recensement de ces stockages d'eau existants est en cours, sous la coordination du ministère de la transition écologique et solidaire, dans la perspective d'optimiser leur utilisation.
Par ailleurs, il est à noter que la restauration d'écosystèmes aquatiques fonctionnels, en particulier de cours d'eau courants et dynamiques connectés à leurs milieux humides alluviaux, fait partie des solutions fondées sur la nature permettant une meilleure gestion quantitative de la ressource en eau et une meilleure résilience des territoires et de la biodiversité aux impacts du changement climatique. Les eaux courantes se réchauffent moins vite que les eaux stagnantes qui sont ainsi susceptibles de subir à l'étiage une évaporation aggravée.
En conséquence, la suppression d'un certain nombre de seuils ou plans d'eau en lit mineur ayant une capacité de rétention d'eau limitée à quelques centaines ou milliers de mètres cube et non susceptibles de soutenir le débit des cours d'eau ou d'assurer un approvisionnement en eau de plus de quelques heures, n'est pas contradictoire avec la politique de sécurisation d'une ressource disponible à l'étiage. Restaurer la biodiversité aquatique et améliorer la disponibilité de la ressource en eau sont compatibles dès lors qu'aucun systématisme n'est appliqué, mais que les solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux sont recherchées à l'échelle des territoires.
Source : Question écrite N°24701 de M. Yannick Favennec Becot
Retenue de moulin sur la Digeanne, formant zone humide et hébergeant du vivant toute l'année. Parce qu'il ne veut pas reconnaître les limites et dérapages de la renaturation, le gouvernement persiste dans la négation de toute valeur écologique des ouvrages hydrauliques anciens. Cela contredirait le dogme asséné depuis 10 ans, cela obligerait les porteurs de projet de continuité à une analyse sincère, complète et objective des milieux tels qu'ils existent au terme d'évolutions historiques multiséculaires. Aucune continuité ne sera "apaisée" sur la base de ces dénis de réalité.
Cette "solution" vantée par le ministre n'est tout simplement pas prévue par la loi française, qui demande des ouvrages gérés, équipés, entretenus (article L 214-17 C env) et qui exige bien entendu le respect des ouvrages autorisés (article L 214-6 C env). Le pouvoir exécutif reste dans une logique de continuité imposée et non apaisée. Il revient à l'administration de proposer des solutions prévues par la loi, toute autre option faisant l'objet d'une mise en demeure par le propriétaire de respecter cette loi, le cas échant d'un contentieux pour excès de pouvoir. Contactez notre association si vous subissez encore des propositions illégales de destruction alors que vous êtes attaché à la protection de votre ouvrage, de son patrimoine et de ses milieux.
Le ministre écrit : "la suppression d'un certain nombre de seuils ou plans d'eau en lit mineur ayant une capacité de rétention d'eau limitée à quelques centaines ou milliers de mètres cube et non susceptibles de soutenir le débit des cours d'eau ou d'assurer un approvisionnement en eau de plus de quelques heures, n'est pas contradictoire avec la politique de sécurisation d'une ressource disponible à l'étiage".
Cette phrase méconnaît elle aussi la réalité autant que la loi. La capacité à retenir et divertir (biefs, canaux) de l'eau n'est pas dépendante d'un volume donné en deçà duquel ce serait sans intérêt pour les riverains et pour le vivant. Il y a souvent des dizaines d'ouvrages sur chaque rivière, c'est cette accumulation qui permet tout au long de l'année (pas seulement à l'étiage) de recharger les nappes et d'infiltrer les sols, de soutenir la végétation, d'héberger la faune. Tous les riverains l'observent, les parlementaires en ont été informés (voir nos articles et témoignages sur les sécheresses). Par ailleurs, les retenues comme les biefs forment des milieux aquatiques, parfois des zones humides attenantes, et ils sont à ce titre protégés par la loi. Leur assèchement par suppression d'ouvrage sans étude préalable d'hydrologie et de biodiversité, sans compensation par création d'une superficie aquatique au moins équivalente sur le même tronçon, peut et doit faire l'objet d'un recours administratif et/ou d'une plainte pénale.
Le ministre écrit : "la restauration d'écosystèmes aquatiques fonctionnels, en particulier de cours d'eau courants et dynamiques connectés à leurs milieux humides alluviaux, fait partie des solutions fondées sur la nature permettant une meilleure gestion quantitative de la ressource en eau et une meilleure résilience des territoires et de la biodiversité aux impacts du changement climatique".
C'est tout à fait exact, mais les solutions fondées sur la nature ne s'opposent pas aux solutions héritées de l'histoire. La recherche a montré que la suppression des ouvrages en travers et de leur retenue conduit à l'incision des lits, l'abaissement des niveaux et la limitation des débordements en lit majeur (Maaß et Schüttrumpf 2019). S'y ajoute l'assèchement des annexes hydrauliques. Donc le contraire de ce que dit le ministre! Inversement, les biefs et canaux de dérivation, les étangs et leurs marges humides, les lacs sont parfois des équivalents fonctionnels de milieux naturels, leur origine anthropique n'ôtant rien à leur capacité d'hébergement du vivant (Chester et Robson 2013, Wezel et al 2014, Sousa et al 2019, Guivier et al 2019). Supprimer des masses d'eau et plans d'eau, d'origine naturelle comme d'origine humaine, c'est supprimer des ressources en eau pour la société et le vivant.
Ces propos du ministre sont donc un nouveau signal de mépris du gouvernement pour la continuité apaisée et de déni des problèmes qui se posent depuis 10 ans.
Dans le même temps, la cour des comptes relève que les plans Ecophyto visant à réduire les pesticides sont un échec :
"Mis en œuvre depuis 2008, les plans de réduction des usages et des effets des produits phytopharmaceutiques, dits « plans Écophyto », devaient permettre à la France de réduire les risques et les effets de ces produits (communément appelés « pesticides ») sur la santé humaine et sur l'environnement, et d'encourager le recours à des méthodes de substitution. Dix ans après, malgré des actions mobilisant des fonds publics importants, ces plans n'ont pas atteint leurs objectifs."Le dernier comité de suivi du plan Ecophyto 2+ en janvier 2020 a d'ailleurs constaté "une augmentation globale forte des quantités vendues de produits phytopharmaceutiques en 2018". Les quantités de substances phytosanitaires les plus préoccupantes ont certes diminué de 9 à 15% sur 10 ans, mais c'est 5 fois moins que le programme initial. Et parfois sans garantie que certains substituts sont meilleurs pour les berges, les rivières et les nappes.
Nous suggérons donc au ministre de l'agriculture de respecter les engagements de l'Etat sur la lutte contre la pollution chimique des milieux plutôt que de continuer à couvrir la destruction illégale des moulins, des étangs et des plans d'eau, qui sont des atouts pour les territoires.
Question du député
M. Yannick Favennec Becot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'enjeu de la préservation des ouvrages hydrauliques. La France se trouve de plus en plus souvent confrontée à des aléas et risques majeurs : l'absence de recharge des nappes en hiver engendre des situations critiques l'année suivante pour de nombreux territoires. Une meilleure exploitation excédentaire des saisons pluvieuses est un enjeu primordial. Cela passe soit par le stockage, soit l'expansion des échanges de l'eau avec les sols et les nappes. Les solutions sont les barrages réservoirs (pour le stockage soutenant l'étiage et l'alimentation en eau de la population), les retenues stockant les ruissellements, les ouvrages en lit mineur (type moulins, étangs, plans d'eau, lacs) maintenant des lames d'eau à l'étiage, alimentant des marges humides et/ou des canaux faisant circuler l'eau, et les restaurations de zones humides naturelles. Or, la destruction de milliers d'ouvrages séculaires de stockage et de circulation de l'eau est promue et financée par l'administration de l'eau, au motif de la continuité écologique. Les informations livrées par le rapport CGEDD permettent de le vérifier. L'instruction de ces travaux est assouplie et le financement public s'élève à 80 %. Cette approche tranche avec la définition de la gestion équilibrée et durable de l'eau figurant dans la loi à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions quant à la mise en œuvre d'une politique nouvelle de protection et de valorisation de ces ouvrages, et d'un moratoire à effet immédiat sur toutes les destructions d'ouvrages hydrauliques permettant le stockage de l'eau, le maintien de la lame d'eau ou la diversion de l'eau en France. Ce réajustement de l'administration de l'eau permettrait de faire un inventaire des ouvrages existants (en activité ou à restaurer), lesquels seraient tout à fait complémentaires des nouveaux projets d'ouvrages de gestion quantitative de l'eau.
Réponse du ministre
Les ouvrages hydrauliques regroupent plusieurs familles d'ouvrages destinés à différentes fonctions, telles que retenir de l'eau pour différents usages (énergie, eau potable, irrigation, activités touristiques), la canaliser afin de protoger, lutter contre les inondations ou les submersions. Au-delà de leurs fonctionnalités, la politique publique concernant ces ouvrages doit concilier plusieurs enjeux tels que la sécurité, le patrimoine, la qualité de l'eau et le maintien de la biodiversité. La Loi sur l'eau de 2006 a notamment prévu des classements de cours d'eau pour lesquels les ouvrages existants en lit mineur, doivent assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort.
Face au retard pris dans la mise en oeuvre de cette réglementation et aux vives réactions de certains acteurs, un plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique a été élaboré en 2018 avec l'ensemble des parties prenantes au sein du comité national de l'eau et sous le pilotage du ministère de la transition écologique et solidaire. Ce plan propose des éléments de méthode et d'organisation pour que les discussions locales et nationales puissent se faire de manière apaisée, au service d'une mise en œuvre efficace de l'action publique, à la fois sur les plans techniques, administratifs, sociaux et économiques. Il encourage la mise en œuvre de solutions proportionnées aux enjeux et économiquement réalistes. Dans certains cas, lorsque l'enjeu est fort et pour des ouvrages à faible rentabilité économique, des solutions d'abaissement de la hauteur du seuil ou de suppression de l'ouvrage sont effectivement mises en avant au regard d'autres solutions de technicité élevée et par nature très coûteuses.
Concernant la problématique de la gestion quantitative et durable de l'eau, le stockage de l'eau fait bien partie de l'éventail des solutions, avec la recherche de sobriété et d'optimisation de l'utilisation de l'eau, la transition agro-écologique de l'agriculture et les solutions fondées sur la nature, pour une meilleure résilience des territoires face aux effets du changement climatique. L'instruction gouvernementale du 7 mai 2019 relative aux projets de territoire pour la gestion de l'eau rappelle certains principes. Il importe en particulier que l'ouvrage contribue à atteindre, dans la durée, un équilibre entre besoins, ressources et la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques. Les ouvrages de stockage peuvent prendre différentes formes qui, selon les contextes locaux, n'ont pas toutes le même impact en matière de continuité écologique et sur l'environnement en général : réserves alimentées par pompage dans la nappe, réserves alimentées par pompage dans la rivière, retenues alimentées par ruissellement sans connection au réseau hydrographique, retenues en dérivation, retenues en barrages en cours d'eau. Un recensement de ces stockages d'eau existants est en cours, sous la coordination du ministère de la transition écologique et solidaire, dans la perspective d'optimiser leur utilisation.
Par ailleurs, il est à noter que la restauration d'écosystèmes aquatiques fonctionnels, en particulier de cours d'eau courants et dynamiques connectés à leurs milieux humides alluviaux, fait partie des solutions fondées sur la nature permettant une meilleure gestion quantitative de la ressource en eau et une meilleure résilience des territoires et de la biodiversité aux impacts du changement climatique. Les eaux courantes se réchauffent moins vite que les eaux stagnantes qui sont ainsi susceptibles de subir à l'étiage une évaporation aggravée.
En conséquence, la suppression d'un certain nombre de seuils ou plans d'eau en lit mineur ayant une capacité de rétention d'eau limitée à quelques centaines ou milliers de mètres cube et non susceptibles de soutenir le débit des cours d'eau ou d'assurer un approvisionnement en eau de plus de quelques heures, n'est pas contradictoire avec la politique de sécurisation d'une ressource disponible à l'étiage. Restaurer la biodiversité aquatique et améliorer la disponibilité de la ressource en eau sont compatibles dès lors qu'aucun systématisme n'est appliqué, mais que les solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux sont recherchées à l'échelle des territoires.
Source : Question écrite N°24701 de M. Yannick Favennec Becot
28/01/2020
Engager les moulins et autres ouvrages des rivières dans la transition énergétique
La programmation pluri-annuelle de l'énergie (PPE) est aujourd'hui en concertation. Chacun peut donner un avis en ligne. Le gouvernement acte la nécessité d'accélérer la transition bas-carbone et d'y inclure l'hydro-électricité: c'est une bonne nouvelle. Toutefois, une programmation ne vaut que si les services administratifs l'appliquent pleinement, car les projets énergétiques sont soumis au régime de déclaration ou autorisation. Or, comme nous l'observons, les porteurs de projets en petite hydro-électricité rencontrent encore de trop nombreux freins sur les rivières: lenteurs d'instruction, demandes irréalistes et disproportionnées, voire dans certains cas hostilités manifestes. Le tout étant assez imprévisible et variable d'un département à l'autre. Nous ne pouvons plus avoir de telles injonctions contradictoires de la parole d'Etat qui paralysent les projets et minent la confiance. Des circulaires d'application sont donc nécessaires pour que la relance des moulins se simplifie et que les agents instructeurs du ministère de l'écologie évitent désormais le porte-à-faux par rapport aux orientations énergétiques décidées par le gouvernement et le parlement. Les moulins, forges et petites usines hydrauliques sont disposés à participer à l'effort collectif pour sortir la France de l'âge fossile: mais encore faut-il les accompagner, pas les entraver.
Concernant l'ensemble de la programmation pluri-annuelle de l'énergie, nous en apprécions la direction et l'ambition. La prévention du changement climatique est l'un des enjeux écologiques, sociaux et économiques majeurs de ce demi-siècle. La France dépend encore pour près des deux-tiers de son énergie finale consommée de sources fossiles, pétrole, gaz ou charbon. Cette réalité n'est pas compatible avec nos engagements bas-carbone ni avec la résilience de notre pays face aux évolutions attendues au cours des prochaines décennies. Outre les économies d'énergie et gains d'efficience, la transition énergétique suppose la relocalisation et la mobilisation de toutes les sources renouvelables d'électricité, de chaleur et de combustibles.
Nous attirons l'attention sur le fait que cette transition énergétique doit aussi tenir compte des réalités locales et des avis démocratiquement exprimés par les citoyens. Toutes les sources d'énergie sans exception soulèvent des objections, toutes présentent certains inconvénients en contrepartie de leurs avantages. La réussite de la transition énergétique, par la nature même des sources mobilisables, se fera au niveau de chaque territoire, de chaque commune et de chaque ménage. Il importe d'assurer un cadre sécurisé, ouvert et transparent à tous les porteurs de projets et, quand ces projets relèvent de l'autorisation préfectorale, à tous les riverains qui peuvent en être impactés.
Concernant plus particulièrement l'énergie hydro-électrique, nous apprécions que l'Etat ré-affirme clairement et pleinement sa place dans le mix énergétique bas-carbone en déploiement pour respecter les accords de Paris, prévenir le réchauffement climatique, assurer notre autonomie énergétique, alléger notre balance commerciale des importations de produits fossiles.
Concernant la petite hydro-électricité, nous faisons les observations suivantes sur le document complet justifiant la programmation de la France ("Projet pour consultation").
Potentiel sous-estimé d'un facteur 2 à 4. Le potentiel technique total des sites existants (barrages non équipés et moulins) est donné à 350 MW dans le document directeur. C'est une erreur tenant à des estimations anciennes. Selon les travaux récents des chercheurs européens (Punys et al 2019), le seul potentiel des moulins les plus facilement équipables en France s'évalue plutôt autour de 500 MW. Ce chiffre n'inclut pas les nombreux barrages (plusieurs centaines) de taille plus importante que les moulins et ayant aujourd'hui d'autres usages que l'énergie (plan d'eau, lac et étang, navigation, eau potable, irrigation). La programmation publique doit réviser ses estimations pour partir des réalités de terrain. Elle doit inciter les schémas locaux de programmation (SDAGE, SAGE, SRADDET) à intégrer et évaluer le potentiel réel des rivières. Ce n'est pas fait aujourd'hui car le personnel en charge de l'eau et de la biodiversité ne reçoit pas le rappel de cette mission par son ministère de tutelle. Il convient d'y pallier, particulièrement dans les SDAGE en cours de construction et devant être adoptés en 2021-2022.
Avantage environnemental des sites anciens et modestes, bilan carbone doublement négatif de leur destruction. Le document remarque que "à l’instar des ouvrages existants, les projets hydroélectriques soulèvent des problématiques environnementales très différentes suivant la taille du projet et selon le lieu d’implantation". Il convient de souligner que les ouvrages de faible hauteur, ne barrant pas le lit majeur, surversés en crue, anciennement installés sur les lits de rivière sont ceux qui ont généralement les impacts les plus faibles – c'est en particulier le cas des moulins, forges et étangs, comme de la plupart des petites usines hydrauliques installées au 19e siècle. Bien entendu, la construction de sites nouveaux peut aussi bénéficier des avancées de la connaissance et réduire au maximum les impacts dès la conception du génie civil. Mais la France doit d'abord cesser la politique de destruction des ouvrages en place, lancée avec le très contesté plan de continuité écologique de 2009, et préférer désormais leur ré-équipement. La transition est aussi un état d'esprit et une économie de moyens: nous ne sommes plus à l'époque où nous pouvions dilapider de l'argent (et de l'énergie!) à détruire ici pour reconstruire là-bas. Casser des ouvrages qui peuvent produire est une double hérésie au plan du bilan carbone.
Cadrage des services administratifs pour limiter à la dévalaison et au débit réservé l'enjeu des relances. Le document énonce que "pour un projet de faible ampleur visant l’équipement d’un barrage existant, l’impact du projet pourra se limiter à la problématique de dévalaison des poissons en lien avec l’installation d’une turbine et à la modification du régime hydrologique en cas de tronçon court-circuité". Nous sommes d'accord avec cette orientation, mais elle ne correspond pas à la réalité observée sur le terrain. Les porteurs de projets hydro-électriques rencontrent aujourd'hui de nombreux problèmes avec l'administration : lenteur des instructions, caractère variable et arbitraire des demandes, coûts exorbitants de certains dispositifs demandés. La création en 2014 du "porter à connaissance" pour la relance de moulins fondés en titre (art R 214-18-1 CE) a été interprétée de manière maximaliste et irréaliste par certains services, occasionnant non seulement de nombreux blocages de relance, mais aussi des contentieux. Nous demandons que le ministère de la Transition écologique et solidaire précise dans une circulaire aux DREAL, DDT-M et OFB que la relance des moulins et petites usines hydrauliques déjà autorisés implique des respects de débits réservés et grilles de protection de chambre d'eau (si turbine rapide), comme précisé dans la PPE, mais pas des dispositions indues (étude complète du site et de son impact alors qu'il est régulièrement installé de longue date, demandes non subventionnées de passes à poissons dont le coût excède le revenu ou l'équivalent revenu en autoconsommation du projet énergétique). L'attitude actuelle de l'administration bloque la transition sur de trop nombreux projets.
Soutenir sans réserve les petites puissances. Le document énonce que "compte tenu de leur coût plus élevé et de leur bénéfice moins important pour le système électrique au regard de leur impact environnemental, le développement de nouveaux projets de faible puissance doit être évité sur les sites présentant une sensibilité environnementale particulière". Cette phrase est ambiguë. Les sites déjà en place ne créent aucun impact nouveau, il devrait être clairement précisé qu'ils ne sont pas concernés par cette réserve. La notion de "sensibilité environnementale particulière" est floue et laisse place à des interprétations sans fondement factuel, comme on en a trop vu depuis 10 ans. Enfin, nous rappelons que les directives européennes encouragent l'autoconsommation en petite puissance (Directive UE 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables) et que le conseil d'Etat a condamné le ministère de l'écologie lorsqu'il a prétendu faire de la puissance d'un moulin un critère pour juger du bien fondé de sa relance (Conseil d'Etat 2019, arrêt n° 414211, arrêt moulin du Boeuf). Toutes les puissances hydrauliques peuvent et doivent être mobilisées, depuis le premier kilowatt.
Réviser la conception des appels d'offres avec les représentants des porteurs de projets (moulins, hydro-électriciens). Sur la période 2019-2024, la PPE prévoit 6 appels d'offres annuels, de 35 MW chacun, dédiés à la petite hydro-électricité. Nous nous en félicitons, mais nous soulignons que les appels d'offres de l'Etat lancés dans le passé n'ont pas obtenu le succès espéré. Les raisons en sont les suivantes: trop grande complexité des cahiers des charges pour les petits porteurs (les plus nombreux dans le pays, cf travaux de Punys et al 2019 cités ci-dessus), prescriptions environnementales allant très au-delà des demandes sus-mentionnées (débit réservé, grille de protection, optimisation de dévalaison) et annulant la rentabilité de la plupart des projets en petite puissance. L'objectif d'une politique publique est d'être réaliste et efficace : il convient donc de concerter la construction des futurs appels d'offres avec les acteurs de l'environnement incluant les représentants des porteurs concernés, à savoir les fédérations de moulins et les syndicats de petite hydro-électricité.
Projet au moulin de Maroilles, photo pierre Roannet la Voix du Nord, source.
Nous attirons l'attention sur le fait que cette transition énergétique doit aussi tenir compte des réalités locales et des avis démocratiquement exprimés par les citoyens. Toutes les sources d'énergie sans exception soulèvent des objections, toutes présentent certains inconvénients en contrepartie de leurs avantages. La réussite de la transition énergétique, par la nature même des sources mobilisables, se fera au niveau de chaque territoire, de chaque commune et de chaque ménage. Il importe d'assurer un cadre sécurisé, ouvert et transparent à tous les porteurs de projets et, quand ces projets relèvent de l'autorisation préfectorale, à tous les riverains qui peuvent en être impactés.
Concernant plus particulièrement l'énergie hydro-électrique, nous apprécions que l'Etat ré-affirme clairement et pleinement sa place dans le mix énergétique bas-carbone en déploiement pour respecter les accords de Paris, prévenir le réchauffement climatique, assurer notre autonomie énergétique, alléger notre balance commerciale des importations de produits fossiles.
Concernant la petite hydro-électricité, nous faisons les observations suivantes sur le document complet justifiant la programmation de la France ("Projet pour consultation").
Potentiel sous-estimé d'un facteur 2 à 4. Le potentiel technique total des sites existants (barrages non équipés et moulins) est donné à 350 MW dans le document directeur. C'est une erreur tenant à des estimations anciennes. Selon les travaux récents des chercheurs européens (Punys et al 2019), le seul potentiel des moulins les plus facilement équipables en France s'évalue plutôt autour de 500 MW. Ce chiffre n'inclut pas les nombreux barrages (plusieurs centaines) de taille plus importante que les moulins et ayant aujourd'hui d'autres usages que l'énergie (plan d'eau, lac et étang, navigation, eau potable, irrigation). La programmation publique doit réviser ses estimations pour partir des réalités de terrain. Elle doit inciter les schémas locaux de programmation (SDAGE, SAGE, SRADDET) à intégrer et évaluer le potentiel réel des rivières. Ce n'est pas fait aujourd'hui car le personnel en charge de l'eau et de la biodiversité ne reçoit pas le rappel de cette mission par son ministère de tutelle. Il convient d'y pallier, particulièrement dans les SDAGE en cours de construction et devant être adoptés en 2021-2022.
Avantage environnemental des sites anciens et modestes, bilan carbone doublement négatif de leur destruction. Le document remarque que "à l’instar des ouvrages existants, les projets hydroélectriques soulèvent des problématiques environnementales très différentes suivant la taille du projet et selon le lieu d’implantation". Il convient de souligner que les ouvrages de faible hauteur, ne barrant pas le lit majeur, surversés en crue, anciennement installés sur les lits de rivière sont ceux qui ont généralement les impacts les plus faibles – c'est en particulier le cas des moulins, forges et étangs, comme de la plupart des petites usines hydrauliques installées au 19e siècle. Bien entendu, la construction de sites nouveaux peut aussi bénéficier des avancées de la connaissance et réduire au maximum les impacts dès la conception du génie civil. Mais la France doit d'abord cesser la politique de destruction des ouvrages en place, lancée avec le très contesté plan de continuité écologique de 2009, et préférer désormais leur ré-équipement. La transition est aussi un état d'esprit et une économie de moyens: nous ne sommes plus à l'époque où nous pouvions dilapider de l'argent (et de l'énergie!) à détruire ici pour reconstruire là-bas. Casser des ouvrages qui peuvent produire est une double hérésie au plan du bilan carbone.
Cadrage des services administratifs pour limiter à la dévalaison et au débit réservé l'enjeu des relances. Le document énonce que "pour un projet de faible ampleur visant l’équipement d’un barrage existant, l’impact du projet pourra se limiter à la problématique de dévalaison des poissons en lien avec l’installation d’une turbine et à la modification du régime hydrologique en cas de tronçon court-circuité". Nous sommes d'accord avec cette orientation, mais elle ne correspond pas à la réalité observée sur le terrain. Les porteurs de projets hydro-électriques rencontrent aujourd'hui de nombreux problèmes avec l'administration : lenteur des instructions, caractère variable et arbitraire des demandes, coûts exorbitants de certains dispositifs demandés. La création en 2014 du "porter à connaissance" pour la relance de moulins fondés en titre (art R 214-18-1 CE) a été interprétée de manière maximaliste et irréaliste par certains services, occasionnant non seulement de nombreux blocages de relance, mais aussi des contentieux. Nous demandons que le ministère de la Transition écologique et solidaire précise dans une circulaire aux DREAL, DDT-M et OFB que la relance des moulins et petites usines hydrauliques déjà autorisés implique des respects de débits réservés et grilles de protection de chambre d'eau (si turbine rapide), comme précisé dans la PPE, mais pas des dispositions indues (étude complète du site et de son impact alors qu'il est régulièrement installé de longue date, demandes non subventionnées de passes à poissons dont le coût excède le revenu ou l'équivalent revenu en autoconsommation du projet énergétique). L'attitude actuelle de l'administration bloque la transition sur de trop nombreux projets.
Soutenir sans réserve les petites puissances. Le document énonce que "compte tenu de leur coût plus élevé et de leur bénéfice moins important pour le système électrique au regard de leur impact environnemental, le développement de nouveaux projets de faible puissance doit être évité sur les sites présentant une sensibilité environnementale particulière". Cette phrase est ambiguë. Les sites déjà en place ne créent aucun impact nouveau, il devrait être clairement précisé qu'ils ne sont pas concernés par cette réserve. La notion de "sensibilité environnementale particulière" est floue et laisse place à des interprétations sans fondement factuel, comme on en a trop vu depuis 10 ans. Enfin, nous rappelons que les directives européennes encouragent l'autoconsommation en petite puissance (Directive UE 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables) et que le conseil d'Etat a condamné le ministère de l'écologie lorsqu'il a prétendu faire de la puissance d'un moulin un critère pour juger du bien fondé de sa relance (Conseil d'Etat 2019, arrêt n° 414211, arrêt moulin du Boeuf). Toutes les puissances hydrauliques peuvent et doivent être mobilisées, depuis le premier kilowatt.
Réviser la conception des appels d'offres avec les représentants des porteurs de projets (moulins, hydro-électriciens). Sur la période 2019-2024, la PPE prévoit 6 appels d'offres annuels, de 35 MW chacun, dédiés à la petite hydro-électricité. Nous nous en félicitons, mais nous soulignons que les appels d'offres de l'Etat lancés dans le passé n'ont pas obtenu le succès espéré. Les raisons en sont les suivantes: trop grande complexité des cahiers des charges pour les petits porteurs (les plus nombreux dans le pays, cf travaux de Punys et al 2019 cités ci-dessus), prescriptions environnementales allant très au-delà des demandes sus-mentionnées (débit réservé, grille de protection, optimisation de dévalaison) et annulant la rentabilité de la plupart des projets en petite puissance. L'objectif d'une politique publique est d'être réaliste et efficace : il convient donc de concerter la construction des futurs appels d'offres avec les acteurs de l'environnement incluant les représentants des porteurs concernés, à savoir les fédérations de moulins et les syndicats de petite hydro-électricité.
24/01/2020
Loutres et pêcheurs devront se partager les truites (Sittenthaler et al 2019)
Jadis en voie de disparition, la loutre est de retour sur de nombreux cours d'eau européens. Mais cet animal peut provoquer localement des conflits d'usage, en raison de sa forte consommation de poissons. En particulier, des pêcheurs de truites ou des pisciculteurs d'étang se plaignent parfois. Six chercheurs autrichiens ont examiné plus en détail le comportement alimentaire de la loutre en rivière de tête de bassin versant. Ces travaux confirment que la loutre apprécie les salmonidés (truites, ombres) qui dominent leur consommation, en particulier les individus adultes de bonne taille. Mais leur régime alimentaire reste très varié: elles peuvent se montrer opportunistes selon l'offre alimentaire des bassins où elles évoluent, donc la truite ne sera pas forcément un facteur limitant de leur installation sur des cours d'eau ou plans d'eau.
Longtemps chassée pour sa fourrure ou comme nuisible des étangs et viviers piscicoles, la loutre eurasienne (Lutra lutra) a connu une importante régression entre le Moyen Âge et le 20e siècle, s'éteignant dans de nombreux bassins. Sous l'effet des politiques de protection (convention de Berne en 1979, directive habitats faune flore en 1992), on assiste depuis quelques décennies à une nouvelle expansion de la loutre, y compris en France.
Mais ce mustélidé capable d'évoluer en eau vive comme stagnante est aussi un chasseur remarquable. Ce qui peut occasionner des problèmes pour certains usagers de l'eau.
Marcia Sittenthaler et ses cinq collègues observent ainsi : "Le rétablissement de la loutre eurasienne dans de nombreuses régions d'Europe (Roos et al 2015) a coïncidé avec des conflits entre les parties prenantes, à savoir les pêcheries commerciales, les pêcheurs sportifs et les partisans de la conservation de la nature. La présence de loutres et ses besoins alimentaires ont été associés à des pertes substantielles de poissons d'étang ou à une diminution des populations de poissons de cours d'eau, respectivement (Kranz 2000; Klenke et al 2013). Récemment, ce conflit devient encore plus marqué dans certains habitats de rivière, en particulier dans les régions supérieures des cours d'eau à salmonidés, qui sont des refuges et des habitats cruciaux pour la truite commune (Salmo trutta)".
Les chercheurs ont analysé trois cours d'eau à salmonidés (en Autriche) où la loutre est présente pour étudier en détail son régime alimentaire à travers l'analyse des épreintes (fèces).
Voici le résumé de cette recherche :
"Les connaissances sur le régime alimentaire des prédateurs et les facteurs de sélection des proies sont particulièrement intéressantes pour une gestion efficace des populations de prédateurs et de proies où les prédateurs sont potentiellement en compétition avec les humains pour les ressources.
La prédation réelle ou perçue de la loutre d'Europe (Lutra lutra) sur les stocks de poissons génère des conflits dans de nombreux pays. Récemment, les conflits se sont intensifiés dans les habitats de rivière, où de multiples facteurs de stress affectent les populations de poissons des cours d'eau. Nous avons combiné l'analyse alimentaire des fèces de loutres et de la disponibilité des poissons proies dans trois cours d'eau autrichiens pour évaluer les différences spatiales et saisonnières dans la composition du régime alimentaire, l'importance de la consommation de poissons (salmonidés) et la sélection en fonction des tailles spécifiques de poissons salmonidés par rapport à leur disponibilité.
Les loutres dans le cours supérieur des cours d'eau de salmonidés tempérés occupaient une niche trophique étroite. Dans l'ensemble, les loutres se nourrissaient principalement de poissons et les salmonidés dominaient leur régime alimentaire, tant en termes de fréquence que de biomasse ingérée. Dans la catégorie des salmonidés, les loutres sélectionnées pour des classes de taille spécifiques. Simultanément, les loutres ont également affiché un comportement alimentaire opportuniste et, sur le plan saisonnier et local, des proies autres que des poissons et d'autres espèces de poissons que les salmonidés sont devenues des ressources clés. La composition de l'alimentation et le choix de la taille des salmonidés variaient considérablement à l'intérieur des cours d'eau et d'un cours d'eau à l'autre, ce qui est lié aux variations spatio-temporelles de la composition des communautés de proies et des caractéristiques de l'habitat des cours d'eau qui affectent leur vulnérabilité."
Ce schéma ci-dessus montre les compositions observées du régime des loutres, en fréquence d'occurrence (RFO, noir) et en biomasse relative (BIO, blanc). De gauche à droite : salmonidés, chabot, autres poissons, écrevisses, amphibiens, reptiles, mammifères, oiseaux, insectes. On voit la nette préférence pour les salmonidés, surtout en biomasse relative. Ce sont davantage les individus de grande taille qui sont chassés chez les salmonidés.
Référence : M. Sittenthaler et al (2019), Fish size selection and diet composition of Eurasian otters (Lutra lutra) in salmonid streams: Picky gourmets rather than opportunists?, Knowl. Manag. Aquat. Ecosyst. 2019, 420, 29
Image en haut : loutre dans la réserve naturelle de Lüneburg Heath, Allemagne, par Quartl, CC BY-SA 3.0. Attention si vous avez une loutre dans votre retenue, étang ou bief : contrairement au ragondin ou au rat musqué (espèces exotiques) avec qui on peut la confondre, cette espèce endémique est aujourd'hui protégée sur tout le territoire.
Longtemps chassée pour sa fourrure ou comme nuisible des étangs et viviers piscicoles, la loutre eurasienne (Lutra lutra) a connu une importante régression entre le Moyen Âge et le 20e siècle, s'éteignant dans de nombreux bassins. Sous l'effet des politiques de protection (convention de Berne en 1979, directive habitats faune flore en 1992), on assiste depuis quelques décennies à une nouvelle expansion de la loutre, y compris en France.
Mais ce mustélidé capable d'évoluer en eau vive comme stagnante est aussi un chasseur remarquable. Ce qui peut occasionner des problèmes pour certains usagers de l'eau.
Marcia Sittenthaler et ses cinq collègues observent ainsi : "Le rétablissement de la loutre eurasienne dans de nombreuses régions d'Europe (Roos et al 2015) a coïncidé avec des conflits entre les parties prenantes, à savoir les pêcheries commerciales, les pêcheurs sportifs et les partisans de la conservation de la nature. La présence de loutres et ses besoins alimentaires ont été associés à des pertes substantielles de poissons d'étang ou à une diminution des populations de poissons de cours d'eau, respectivement (Kranz 2000; Klenke et al 2013). Récemment, ce conflit devient encore plus marqué dans certains habitats de rivière, en particulier dans les régions supérieures des cours d'eau à salmonidés, qui sont des refuges et des habitats cruciaux pour la truite commune (Salmo trutta)".
Les chercheurs ont analysé trois cours d'eau à salmonidés (en Autriche) où la loutre est présente pour étudier en détail son régime alimentaire à travers l'analyse des épreintes (fèces).
Voici le résumé de cette recherche :
"Les connaissances sur le régime alimentaire des prédateurs et les facteurs de sélection des proies sont particulièrement intéressantes pour une gestion efficace des populations de prédateurs et de proies où les prédateurs sont potentiellement en compétition avec les humains pour les ressources.
La prédation réelle ou perçue de la loutre d'Europe (Lutra lutra) sur les stocks de poissons génère des conflits dans de nombreux pays. Récemment, les conflits se sont intensifiés dans les habitats de rivière, où de multiples facteurs de stress affectent les populations de poissons des cours d'eau. Nous avons combiné l'analyse alimentaire des fèces de loutres et de la disponibilité des poissons proies dans trois cours d'eau autrichiens pour évaluer les différences spatiales et saisonnières dans la composition du régime alimentaire, l'importance de la consommation de poissons (salmonidés) et la sélection en fonction des tailles spécifiques de poissons salmonidés par rapport à leur disponibilité.
Les loutres dans le cours supérieur des cours d'eau de salmonidés tempérés occupaient une niche trophique étroite. Dans l'ensemble, les loutres se nourrissaient principalement de poissons et les salmonidés dominaient leur régime alimentaire, tant en termes de fréquence que de biomasse ingérée. Dans la catégorie des salmonidés, les loutres sélectionnées pour des classes de taille spécifiques. Simultanément, les loutres ont également affiché un comportement alimentaire opportuniste et, sur le plan saisonnier et local, des proies autres que des poissons et d'autres espèces de poissons que les salmonidés sont devenues des ressources clés. La composition de l'alimentation et le choix de la taille des salmonidés variaient considérablement à l'intérieur des cours d'eau et d'un cours d'eau à l'autre, ce qui est lié aux variations spatio-temporelles de la composition des communautés de proies et des caractéristiques de l'habitat des cours d'eau qui affectent leur vulnérabilité."
Extrait de Sittenthaler et al 2019, art cit, cliquer pour agrandir.
Référence : M. Sittenthaler et al (2019), Fish size selection and diet composition of Eurasian otters (Lutra lutra) in salmonid streams: Picky gourmets rather than opportunists?, Knowl. Manag. Aquat. Ecosyst. 2019, 420, 29
Image en haut : loutre dans la réserve naturelle de Lüneburg Heath, Allemagne, par Quartl, CC BY-SA 3.0. Attention si vous avez une loutre dans votre retenue, étang ou bief : contrairement au ragondin ou au rat musqué (espèces exotiques) avec qui on peut la confondre, cette espèce endémique est aujourd'hui protégée sur tout le territoire.
21/01/2020
Pour un bilan carbone de la loi sur l'eau
Dans un rapport venant de paraître, le Haut conseil pour le climat souligne que l'évaluation des lois françaises du point de vue de leur impact carbone est aujourd'hui insuffisante et qu'elle doit être mise en place systématiquement. L'Etat ne peut engager la France par traité à baisser les émissions carbone (accord de Paris) et prendre en même temps des dispositions qui les augmentent, ou qui paralysent la capacité du pays à produire des énergies renouvelables bas-carbone dont il a besoin. Les citoyens et leurs associations doivent exiger de leurs parlementaires une évaluation climatique de la loi sur l'eau, dont certaines dispositions aboutissent à des aberrations complètes comme la destruction ou l'empêchement d'équipement de moulins et usines hydro-électriques. Parfois à la destruction pure et simple d'outils de production en place, comme sur la Sélune. Cette page doit se tourner s'il s'agit de tenir nos engagements climatiques: il y a urgence non à dissuader, mais bien à solliciter et accompagner les projets hydro-électriques, en priorité sur les ouvrages en place ne créant pas d'impact nouveau sur les rivières. Rappelons que plus de 20 000 moulins sont susceptibles d'être équipés, comme des centaines de barrages aujourd'hui dédiés à d'autres usages que l'énergie.
Résumé exécutif du rapport du Haut conseil pour le climat
"L’objectif principal de l’évaluation des lois en regard du climat est d’engager un cercle vertueux d’amélioration, et permettre une cohérence entre celles-ci et l’objectif de neutralité carbone que la France s’est fixé. Au sein du système d’évaluation français, des dispositions existent déjà pour mettre en place un tel cercle vertueux, mais qui doivent être renforcées et complétées.
Quel que soit l’objet évalué, en regard du climat ou non, toute évaluation ne peut porter ses fruits que si elle respecte plusieurs critères de qualité, déjà largement identifiés : choix des méthodes qualitatives ou quantitatives appropriées, transparence sur les critères d’évaluation, indépendance de l’évaluation, diffusion des résultats.
Le fait d’évaluer spécifiquement en regard du climat présente une particularité : pour mettre en œuvre ses obligations découlant de l’accord de Paris, la France s’est dotée d’un référentiel d’actions, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), comprenant des objectifs et des indicateurs précis. L’évaluation en regard du climat d’une loi doit alors permettre de déterminer quelle est sa contribution, positive ou négative, au respect des trajectoires envisagées par cette stratégie et à l’atteinte de la neutralité carbone. Ces évaluations doivent être réalisées tout au long de la durée de vie d’une loi, depuis sa préparation jusqu’après son entrée en vigueur.
Des exemples internationaux nous enseignent qu’il est possible de dresser les contours d’une organisation institutionnelle facilitant le cercle vertueux de l’évaluation : une sélection raisonnable des lois à évaluer en regard du climat, des études d’impact de qualité, et un dispositif d’évaluation après l’entrée en vigueur prévu dès la conception de la loi. La première étape consiste à identifier quelles lois nécessitent raisonnablement une évaluation en regard du climat. Une « gare de triage » peut être préconisée. Inspirée de ce qui existe au Royaume-Uni et aux États-Unis, elle intègre une consultation des parties prenantes dont l’avis est rendu public.
Un tel mécanisme permet ainsi au porteur de loi de décider en connaissance de cause et en toute transparence de l’opportunité d’évaluer la loi qu’il porte vis-à-vis de la SNBC. Une telle évaluation, lorsqu’elle est pertinente, doit être de qualité et servir utilement la décision publique C’est l’un des rôles des études d’impact. Néanmoins, en matière d’évaluation environnementale, et qui plus est climatique, les études d’impact existantes n’ont pas atteint leur potentiel : elles ne couvrent qu’une faible part des textes adoptés (les propositions de loi, d’origine parlementaire, et les amendements ne sont pas concernés), ne sont que rarement mobilisées et restent souvent incomplètes.
Leur contenu doit aussi être adapté a n de permettre d’évaluer la contribution des lois par rapport à la SNBC. Un contrôle de la qualité de l’étude d’impact sur le volet climatique, par une autorité indépendante, pourrait renforcer ce processus. À l’issue de l’approbation de la loi, l’étude d’impact pourrait être révisée si le processus législatif a introduit des modifications substantielles ; ou une étude d’impact complète pourrait être réalisée si elle manquait avant l’approbation de la loi.
La proposition du gouvernement de mettre en place une évaluation des grandes lois d’orientation un an après leur entrée en vigueur va dans ce sens, et permet d'examiner la loi telle qu'elle a été amendée par le Parlement. Puisque les lois LOM, ELAN et EGALIM mentionnées dans la proposition du gouvernement n’ont pas fait l’objet d’une évaluation en regard du climat su ffisante, une évaluation un an après leur entrée en vigueur est l’occasion d’expérimenter une évaluation de leur contribution aux objectifs de la SNBC dans une étude d’impact détaillée telle que ce rapport le préconise.
En matière d’évaluation ex post, une loi votée ayant fait l’objet d’une étude d’impact détaillée relative à la SNBC devrait prévoir systématiquement une évaluation dès son entrée en vigueur. Ce processus existe déjà en France mais est rarement utilisé. Il ne saurait cependant être conclusif qu’après plusieurs années, comme l’ont montré les exemples du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et de la Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Un processus d’évaluation tout au long du cycle de vie des lois, depuis le choix d’évaluer ou non une loi jusqu’au bilan de son application, permet de guider la production des lois et de démontrer leur contribution à la neutralité carbone, ainsi qu’à piloter la SNBC.
Le cercle vertueux entre évaluation et décision publique sera réellement bouclé si ces évaluations informent les décisions au plus haut niveau de l’État."
Source : Haut conseil pour le climat (2019), Evaluer les lois en cohérence avec les ambitions
Résumé exécutif du rapport du Haut conseil pour le climat
"L’objectif principal de l’évaluation des lois en regard du climat est d’engager un cercle vertueux d’amélioration, et permettre une cohérence entre celles-ci et l’objectif de neutralité carbone que la France s’est fixé. Au sein du système d’évaluation français, des dispositions existent déjà pour mettre en place un tel cercle vertueux, mais qui doivent être renforcées et complétées.
Quel que soit l’objet évalué, en regard du climat ou non, toute évaluation ne peut porter ses fruits que si elle respecte plusieurs critères de qualité, déjà largement identifiés : choix des méthodes qualitatives ou quantitatives appropriées, transparence sur les critères d’évaluation, indépendance de l’évaluation, diffusion des résultats.
Le fait d’évaluer spécifiquement en regard du climat présente une particularité : pour mettre en œuvre ses obligations découlant de l’accord de Paris, la France s’est dotée d’un référentiel d’actions, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), comprenant des objectifs et des indicateurs précis. L’évaluation en regard du climat d’une loi doit alors permettre de déterminer quelle est sa contribution, positive ou négative, au respect des trajectoires envisagées par cette stratégie et à l’atteinte de la neutralité carbone. Ces évaluations doivent être réalisées tout au long de la durée de vie d’une loi, depuis sa préparation jusqu’après son entrée en vigueur.
Des exemples internationaux nous enseignent qu’il est possible de dresser les contours d’une organisation institutionnelle facilitant le cercle vertueux de l’évaluation : une sélection raisonnable des lois à évaluer en regard du climat, des études d’impact de qualité, et un dispositif d’évaluation après l’entrée en vigueur prévu dès la conception de la loi. La première étape consiste à identifier quelles lois nécessitent raisonnablement une évaluation en regard du climat. Une « gare de triage » peut être préconisée. Inspirée de ce qui existe au Royaume-Uni et aux États-Unis, elle intègre une consultation des parties prenantes dont l’avis est rendu public.
Un tel mécanisme permet ainsi au porteur de loi de décider en connaissance de cause et en toute transparence de l’opportunité d’évaluer la loi qu’il porte vis-à-vis de la SNBC. Une telle évaluation, lorsqu’elle est pertinente, doit être de qualité et servir utilement la décision publique C’est l’un des rôles des études d’impact. Néanmoins, en matière d’évaluation environnementale, et qui plus est climatique, les études d’impact existantes n’ont pas atteint leur potentiel : elles ne couvrent qu’une faible part des textes adoptés (les propositions de loi, d’origine parlementaire, et les amendements ne sont pas concernés), ne sont que rarement mobilisées et restent souvent incomplètes.
Leur contenu doit aussi être adapté a n de permettre d’évaluer la contribution des lois par rapport à la SNBC. Un contrôle de la qualité de l’étude d’impact sur le volet climatique, par une autorité indépendante, pourrait renforcer ce processus. À l’issue de l’approbation de la loi, l’étude d’impact pourrait être révisée si le processus législatif a introduit des modifications substantielles ; ou une étude d’impact complète pourrait être réalisée si elle manquait avant l’approbation de la loi.
La proposition du gouvernement de mettre en place une évaluation des grandes lois d’orientation un an après leur entrée en vigueur va dans ce sens, et permet d'examiner la loi telle qu'elle a été amendée par le Parlement. Puisque les lois LOM, ELAN et EGALIM mentionnées dans la proposition du gouvernement n’ont pas fait l’objet d’une évaluation en regard du climat su ffisante, une évaluation un an après leur entrée en vigueur est l’occasion d’expérimenter une évaluation de leur contribution aux objectifs de la SNBC dans une étude d’impact détaillée telle que ce rapport le préconise.
En matière d’évaluation ex post, une loi votée ayant fait l’objet d’une étude d’impact détaillée relative à la SNBC devrait prévoir systématiquement une évaluation dès son entrée en vigueur. Ce processus existe déjà en France mais est rarement utilisé. Il ne saurait cependant être conclusif qu’après plusieurs années, comme l’ont montré les exemples du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et de la Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Un processus d’évaluation tout au long du cycle de vie des lois, depuis le choix d’évaluer ou non une loi jusqu’au bilan de son application, permet de guider la production des lois et de démontrer leur contribution à la neutralité carbone, ainsi qu’à piloter la SNBC.
Le cercle vertueux entre évaluation et décision publique sera réellement bouclé si ces évaluations informent les décisions au plus haut niveau de l’État."
Source : Haut conseil pour le climat (2019), Evaluer les lois en cohérence avec les ambitions
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