22/04/2020

Pour une relance économique cohérente avec les enjeux climatiques et énergétiques

Le Haut Conseil pour le climat demande au gouvernement de prioriser la dépense publique afin que la relance économique soit orientée partout où c'est possible en direction de la transition bas-carbone et de l'atténuation du changement climatique. Une telle orientation exige de notre point de vue la révision immédiate de certaines politiques publiques des rivières, avec en particulier le soutien clair à l'énergie hydro-électrique, la préservation de tous le milieux aquatiques et humides, y compris d'origine humaine, qui sont appelés à atténuer les effets attendus du changement climatique (canicules, sécheresses, crues). Les associations devront exiger que ces principes s'appliquent dans les SAGE et les SDAGE, mais également protéger des sites menacés par des chantiers de destructions qui dilapident l'argent public et nuisent à la résilience des territoires au cours de ce siècle. 



Le Haut Conseil pour le climat est une instance scientifique et technique créée par le gouvernement afin d'orienter les choix de la France pour la transition bas-carbone. Le dernier rapport du Haut Conseil, publié à l'occasion de la crise du covid-19 et de ses suites économiques, énonce des "principes pour une transition" (p. 13):

"A l’inverse des mesures prises dans le sillage de la crise de 2008, une « relance » qui prend sérieusement en compte les facteurs profonds de la situation actuelle sera plus un renouveau qu’une reprise et orientera vers une rupture plutôt qu’un rebond. Elle évitera les effets de verrouillage carbone pour les prochaines décennies. Elle renforcera le signal de la transition vers une économie décarbonée compatible avec les réponses aux enjeux de la santé et de l’emploi, qui seront légitimement, au quotidien, les préoccupations premières. La transition bas-carbone doit être accélérée pour que la France parvienne enfin au rythme de ses engagements : « le rythme de cette transformation est actuellement insu ffisant, car les politiques de transition, d'efficacité et de sobriété énergétiques ne sont pas au cœur de l’action publique ». Les demandes de certains acteurs économiques d’alléger les contraintes liées au climat ne sont pas une réponse, ni de court ni de long terme, aux enjeux. 

Quelques principes simples peuvent aider à prioriser la dépense publique d’un plan d’urgence : 

  • elle doit contribuer directement à une transition bas-carbone juste – atténuation, adaptation, réduction des vulnérabilités et renforcement des capacités de résilience ;
  • si elle est principalement affectée à un autre objet de dépense (notamment santé ou biodiversité), elle a un co-bénéfice climat en faveur de l’atténuation ou de l’adaptation ;
  • elle ne doit pas nuire et ne pas être incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris, en écartant notamment tout effet de verrouillage carbone.

Par ailleurs, le besoin d’évaluation continue, qui aide à la redevabilité, doit être rappelé. Les recommandations du rapport du HCC sur l’évaluation des politiques climatiques demeurent valables alors que les outils – comme le budget vert, déjà mentionné – se développent et se perfectionnent. En outre, un usage plus opérationnel des indicateurs de bien-être (nouveaux indicateurs de richesse, indicateurs des objectifs de développement durable) permettra de mieux éclairer cette transition."

Les associations de défense des patrimoines des rivières et plans d'eau doivent demander aux préfets, aux parlementaires, aux élus locaux et aux gestionnaires de l'eau que ces principes soient pris en compte dans toute la programmation publique.

Cela exige notamment :
Référence citée : Haut Conseil pour le climat (2020), Climat, Santé, mieux prévenir, mieux guérir. Accélérer la transition juste pour renforcer notre résilience aux risques sanitaires et climatiques, 24 p.

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19/04/2020

Les poissons ne vivent pas que dans les lits mineurs des rivières (Manfrin et al 2020)

Une équipe de chercheurs allemands montre que les annexes latérales de la rivière - embranchements, tresses, bras morts, plans d'eau provisoires ou permanents - hébergent une riche faune de poissons. Ils soulignent que les politiques écologiques centrées sur le seul lit mineur et sa représentation en chenal unique sont à réviser, en intégrant tout ce qui se passe dans les milieux latéraux de la rivière. On ne peut que suivre ce sage conseil, en particulier dans les dizaines de milliers de biefs, sous-biefs et annexes hydrauliques des moulins. Ces masses d'eau présentent parfois depuis des siècles forment souvent des nouveaux écosystèmes hérités de l'histoire, avec une certaine abondance en poissons et autres espèces de milieux aquatiques et humides. Aucun chantier modifiant ces écoulements latéraux ne doit se tenir sans faire au préalable l'inventaire de cette biodiversité et sans choisir les options qui la préservent. 



Dans chaque bassin versant, la rivière est plus ou moins associée à des masses d'eau latérales, qu'elle irrigue de manière temporaire lors des crues ou de manière permanente dans certains bras d'eau. Des chercheurs allemands ont souhaité analyser la richesse fonctionnelle et endémique des poissons présents dans ces masses d'eau latérales.

Cette image montre les différents types de milieux étudiés, qui ont un gradient de connectivité :


Extrait de Manfrin et al 2020 

On voit des plans d'eau isolé en haut (mares, étangs, trous d'eau, etc.), d'autres connectés de manière occasionnelle, d'autres connectés en permanence (bras d'eau, bras morts, canaux).

Voici le résumé de cette recherche :

"Dans les plaines alluviales, de nombreux programmes de conservation se concentrent sur le chenal principal de la rivière en tant que plus riche en espèces. Les masses d'eau latérales des lits majeurs, qui contribuent largement aux processus fonctionnels des systèmes fluviaux, restent souvent négligés et exposés à des pressions anthropiques. Bien que le rôle de la connectivité hydrologique entre les masses d'eau latérales et le cours d'eau principal sur la composition taxonomique des communautés de poissons soit bien compris, les effets sur la composition des communautés fonctionnelles sont beaucoup moins étudiés.

Des données sur l'abondance des communautés de poissons ont été recueillies sur 152 sites de pêche électrique dans le chenal principal et les plans d'eau latéraux de la plaine d'inondation de la rivière Lippe (Allemagne), sur une période de 18 ans. Ces données ont été utilisées pour comparer les aspects taxonomiques, fonctionnels, de conservation et de pêche récréative le long du gradient de connectivité latérale de la plaine inondable.

La richesse en espèces de poissons a diminué le long du continuum latéral, du chenal principal de la rivière aux plans d'eau isolés des lits majeurs. En revanche, l'abondance relative des espèces menacées d'extinction et également des espèces non endémiques a augmenté le long de ce gradient, soulignant l'importance écologique et conservatrice des masses d'eau du lit majeur. La composition des espèces dans les masses d'eau des plaines d'inondation différait à travers le gradient de connectivité, montrant des assemblages distincts qui n'étaient pas simplement des sous-ensembles du chenal principal. La variabilité du cycle biologique et des stratégies alimentaires parmi les classes de connectivité latérale a confirmé l'importance de chaque classe de connectivité pour contribuer à la diversité fonctionnelle globale de la plaine inondable.

Cette étude met en évidence la nécessité de préserver la biodiversité taxonomique et fonctionnelle des poissons dans la plaine d'inondation en un seul hydrosystème intégré. 

Les mesures de conservation et de restauration devraient donc s'étendre pour inclure toute la zone de la plaine inondable et le spectre complet des masses d'eau du lit majeur connectés différemment, en plus du chenal principal de la rivière."

Discussion
La rivière encaissée dans son lit, comme on la voit familièrement, est largement une construction humaine. Comme l'ont montré les travaux en archéologie et histoire de l'environnement (par exemple Lespez et al 2015 en France), cette représentation de la rivière comme un lit à chenal unique et méandriforme correspond à un style fluvial tardif, consolidé après le Moyen Age en Europe, sans rapport avec ce que serait une rivière sans usage humain des bassins versants. La suppression des forêts, l'élévation de berges au fil des levées et des usages agricoles du lit majeur (cultures en plaines drainés et terrasses du lit majeur), les endiguements de protection urbaine, l'encaissement du lit par érosion jusqu'à la roche-mère d'un flot accéléré dans son chenal contraint sont des héritages de l'histoire.

La rivière ne déborde plus, ou de moins en moins, elle ne dessine plus des bras secondaires ni des tresses, elle perd ses annexes en lit majeur. Il résulte de cette évolution historique une discontinuité latérale avec une baisse de la biodiversité aquatique et humide des milieux adjacents du lit mineur. Les travaux de chercheurs avaient déjà montré que ces ruptures de continuité latérale ont des effets délétères sur la biodiversité beaucoup plus marqués que les ruptures de continuité longitudinale (voir Moog et al 1995 ; Ward et al 1999). Ce point a hélas été étudié dans peu de bassins.

Concernant la question des ouvrages hydrauliques sur laquelle travaille notre association, il convient de noter que de nombreux moulins présentent des annexes latérales (biefs) qui sont des équivalent fonctionnels à des bras de rivière, avec généralement un canal d'amenée lentique et un canal de fuite lotique, parfois des écoulements annexes (déversoirs) et des zones humides attenantes. En voici un schéma de principe :


Les écoulements des moulins vus comme annexes latérales du lit mineur de la rivière.

Le fait que ces écoulements soient d'origine artificielle n'ôte rien à priori à leur intérêt. Des travaux sur les canaux de dérivation (Aspe et al 2015Guivier et al 2019), les biefs de moulin (Sousa et al 2019a), les canaux d'irrigation (Sousa et al 2019b) ont montré que ces milieux anthropiques peuvent non seulement héberger la biodiversité aquatique ordinaire, mais aussi parfois des espèces menacées d'extinction.Aussi tous les chantiers sur les ouvrages de ces moulins qui risquent de mettre à sec les écoulements latéraux doivent être très encadrés : mesure préalable de la biodiversité faune et flore des biefs, sous-biefs et annexes, choix des solutions qui préservent la continuité latérale et la mise en eau de ces écosystèmes hérités de l'histoire.

Référence : Manfrin M et al (2020), The effect of lateral connectedness on the taxonomic and functional structure of fish communities in a lowland river floodplain, Science of the Total Environment  719, 137169

29/03/2020

Anticiper les cygnes noirs et les risques systémiques pour l'eau et l'énergie

La crise du covid-19 nous frappe de plein fouet. Pas seulement les malades et les morts, mais aussi le niveau d'impréparation de notre société et de notre Etat. Faute d'avoir anticipé la possibilité de cas extrêmes - cygnes noirs et risques systémiques -, nous n'avons pas dépensé là où c'était nécessaire pour notre résilience en cas de crise. Cela nous interpelle collectivement et nous oblige à repenser nos actions. L'eau et l'énergie sont deux biens fondamentaux pour la vie et la société : comme la santé, elles peuvent tout à fait connaître des chocs demain. Là aussi, l'après-crise va exiger un audit des politiques publiques pour que la France réduise ses fragilités et puisse affronter des hypothèses extrêmes, qui sont d'ores et déjà de l'ordre du possible. Nous ne pouvons plus nous permettre de disperser l'action publique et de dilapider l'argent public dans des questions qui ne sont pas prioritaires et qui n'ont pas une solide base scientifique, de ne plus hiérarchiser les risques, impacts et enjeux à traiter, comme si nous avions les moyens de tout payer et que nos erreurs ne prêtaient pas à conséquence. Nous ne pouvons pas nous permettre non plus d'avoir des citoyens coupés d'une vie publique réduite à une gestion technocratique, où chacun pense qu'il n'a rien à apporter à la réflexion collective et que des spécialistes s'occupent de tout à sa place. Cette mentalité et cette époque sont révolues: le nouveau corona-virus les a probablement emportées, elles aussi.



La crise du covid-19 ne frappe pas seulement les corps mais aussi les esprits. Elle laisse la France stupéfaite : notre système de santé manque de masques, de tests, de lits d'urgence, d'applications numériques. Pas juste des outils ultra-modernes, mais également des choses élémentaires et des routines d'organisation dont nous aurions dû être dotés.

La France étant le 3e pays au monde en terme de dépense publique de santé, et le premier en prélèvements obligatoires, ce n'est pas ou pas seulement un problème de moyens économiques : c'est aussi et surtout un problème d'organisation collective et de gestion publique.

Il ne s'agit pas ici de chercher des coupables, de se laisser submerger par la peur ou la colère, mais de réfléchir à ce qui a dysfonctionné. De l'admettre. Et de changer cet état de fait.

On pourrait se dire que la crise était imprévisible. Mais outre que c'est scientifiquement faux, puisque le phénomène des maladies émergentes est bien connu et décrit, c'est un mauvais raisonnement : il nous faut justement penser la possibilité de l'imprévu, et non pas faire comme si cet imprévu n'existait pas.

La pandémie à corona-virus pose la question du cygne noir et du risque systémique.

Le cygne noir, c'est le nom donné à un événement rare et imprévu, comme croiser un cygne noir alors que l'on a toujours croisé des cygnes blancs et que l'on s'est installé dans une routine intellectuelle. L'essayiste Nicolas Taleb, dans le sillage de la crise de 2007-2008, a écrit un essai à ce sujet (Taleb 2012). Il y montrait que nos esprits se trompent en raisonnant trop sur des moyennes et des habitudes, car des événements exceptionnels tenant au hasard ou à une conjonction très improbable de circonstances peuvent survenir, et réaliser l'impensable. On ne peut rien y faire en soi, mais on peut en revanche anticiper cette possibilité de l'imprévu, donc réfléchir à ce qui serait le plus résilient, les moins fragile, face à lui.

Le risque systémique, c'est le risque qui concerne non pas des cas isolés et locaux (par exemple des individus, des entreprises, des lieux donnés) mais un système entier qui, par effet domino ou réaction en chaîne, se trouve bouleversé, menacé d'effondrement ou au moins de ré-organisation brutale. Plus un risque est systémique, plus il doit mobiliser l'attention. Et inversement, car nous n'aurons jamais des moyens illimités, donc le discours selon lequel tous les risques petits ou grands peuvent être également traités est un discours trompeur et faussement rassurant. En réalité, à essayer d'en faire trop sur un peu tout, on refuse de hiérarchiser et de décider.

Notre association est concernée par deux politiques publiques : celle de l'eau et celle de l'énergie. Dans ces domaines, nous déplorons déjà un manque de lucidité des administrations françaises et des choix gouvernementaux, en partie aussi des institutions européennes. Nous voyons que des dépenses nombreuses sont engagées, mais dans le domaine de l'eau elles semblent avoir peu de cohérence, pas de priorité raisonnablement fondée entre ce qui est important et ce qui est superflu, parfois pas de justification solide. On définit certains paramètres locaux très précis sur des plans à quelques années, et on garde "le nez dans le guidon" pour atteindre ces paramètres, mais la vision d'ensemble est évanescente, et la pensée des dynamiques en cours souvent absente. Dans le domaine de l'énergie, si l'enjeu bas-carbone est identifié, il n'est pas pour autant mené avec rigueur et constance.

Eau et énergie sont d'abord des biens fondamentaux sans lesquels la vie sociale et économique n'est plus possible, et dont le manque conduit à des perturbations graves.

Dans le domaine de l'eau, les chercheurs préviennent de longue date que le changement climatique peut amener des cygnes noirs et des risques systémiques. En raison des perturbations des conditions connues du climat depuis 10 000 ans (Holocène), nous sommes entrés dans une zone inconnue, nous pouvons avoir des sécheresses ou des crues d'intensité extrême, des événements que nous ne connaissions pas dans le passé mais qui deviennent un peu plus probables. Au demeurant, même la lecture des archives historiques montre que des événements hydrologiques extrêmes sont possibles (comme la crue de Paris en 1910, pour la plus connue), mais ils ont été oubliés, car nous n'avons pas une mémoire à long terme des risques. Si de telles issues se réalisaient, elles auraient un potentiel immense de perturbation de la santé, de l'économie, du vivant. Cela semble plus important que certains détails qui occupent les gestionnaires de l'eau mais ne forment pas des risques systémiques, ni même parfois des sujets d'intérêt démontré.

Dans le domaine de l'énergie, la France est encore dépendante à près de 70% des énergies fossiles (fossile, gaz) qu'elle ne produit pas sur son sol et qui ne se trouvent pas pour l'essentiel en Union européenne. Si, pour diverses raisons, les marchés du pétrole ou du gaz sont brusquement contractés, ce sont là encore dans pans entiers de l'économie et de la société qui peuvent s'écrouler, faute de carburant au sens propre. Qui plus est, chaque retard sur la baisse du carbone implique une hausse tendancielle d'autres risques liés au désordres climatiques. Par ailleurs, 75% de notre électricité sont produits par l'énergie nucléaire: elle a certes l'avantage précieux d'être décarbonée, mais un précédent cygne noir japonais (Fukushima) a montré que le système énergétique d'un pays peut être durablement affaissé par un accident sur les systèmes fissiles tels qu'ils existent aujourd'hui dans le nucléaire.

Ce ne sont là que des exemples qui nous viennent à l'esprit, sans prétendre qu'ils sont les seuls : le rôle d'une analyse partagée entre les experts et les citoyens est de définir de tels enjeux, en se demandant ce qui est le plus important et quelle organisation répond le mieux à la possibilité d'une crise. Egalement en renouvelant sans cesse nos informations, car nous sommes des sociétés de la connaissance et du partage de la connaissance.

L'argent public est un bien rare. Sécuriser l'eau et l'énergie en France pour être capable d'affronter des situations extrêmes, cela représente des dépenses considérables et des dépenses à engager sur le long terme. Ce sont littéralement des milliards à dizaines de milliards d'euros par an qui seraient nécessaires rien que sur ces postes. Cela représente aussi un changement de mentalité, car les mesures prises par une autorité centrale ne sont pas efficaces si toute la population n'est pas éduquée, consciente des enjeux, responsabilisée et aussi consentante après un débat de fond menant à un compromis sur les diagnostics et les orientations. Nous ne pouvons plus nous permettre de dilapider les dépenses publiques dans des actions qui ne sont pas structurantes, de ne plus hiérarchiser les risques et impacts à traiter, de ne plus avoir de concertation approfondies entre les administrations, les élus et les citoyens, comme si nous avions les moyens de tout faire et de ne pas se poser de questions. Cette mentalité et cette époque sont révolues, le corona-virus les a probablement emportées, elles aussi.

Un autre enseignement de cette crise, c'est la nécessité de citoyens qui participent aux efforts parce qu'ils en comprennent et acceptent le sens. Ne pas compter sur un seul centre de décision vite submergé par tous les besoins, éventuellement contraint à des excès d'autorité, mais pouvoir compter sur de nombreux acteurs. Cela implique aussi d'avoir des territoires dynamiques, des pouvoirs locaux actifs, des corps intermédiaires écoutés, des habitudes démocratiques de partage des décisions, des recherches de compromis. Tout ne peut et ne doit pas être géré depuis des cercles fermés de l'Etat central, avec une population passive, même si l'Etat conserve bien sûr le droit et le devoir de poser des règles d'urgence. Quand survient la crise, on voit que chaque territoire doit être capable d'apporter des solutions et de contribuer à soulager les conséquences, d'avoir des moyens pour dialoguer avec les habitants et faire les choix les plus avisés, ce qui suppose des services publics locaux et des capacités autonomes.

Aujourd'hui, l'heure est à l'unité, la solidarité et la discipline pour sortir avec un moindre mal de l'épidémie qui nous frappe tous. Mais demain, nous devrons avoir des débats démocratiques approfondis sur tous nos choix publics, dont ceux de l'eau et de l'énergie. Nous ne voulons pas que des erreurs se paient au prix fort dans quelques années, ou pour la génération qui vient.

26/03/2020

Les réservoirs d'eau alpins, milieux artificiels aidant à conserver la biodiversité (Fait et al 2020)

Une équipe scientifique suisse vient de montrer que les réservoirs artificiels d'eau dans les montagnes alpines servent aussi de refuge à la biodiversité, en l'occurrence celle des libellules et des coléoptères aquatiques. Le changement climatique peut rendre ces équipements précieux pour le vivant. Loin d'opposer le naturel à l'artificiel, ces chercheurs soulignent que nous devons plutôt réfléchir à des règles de gestion écologique de plans d'eau d'origine humaine, afin de préserver leur intérêt pour la société mais aussi d'augmenter leur capacité d'accueil pour le vivant. Cette étude s'ajoute à de nombreuses autres indiquant la nécessité d'arrêter en toute urgence la destruction des milieux aquatiques d'origine humaine, comme les plans d'eau, retenues, étangs, canaux ou mares, qui sont tous susceptibles d'héberger des espèces soumises à de fortes pressions. 

Pauline Fait et quatre collègues ont examiné la biodiversité acquise par 8 réservoirs d'eau artificiels dans les Alpes, en comparaison de 21 plans d'eau naturels et de 17 plans d'eau artificiels pour d'autres usages que des réserves à neige.

Les réservoirs artificiels avant une surface compris entre 467 et 19 000 m2, à une altitude allant de 1038 à 2057 m. Leur profil de construction et leur environnement immédiat étaient variables. L'un d'eux était construit dans un cours d'eau. L'image ci-dessous montre la diversité des cas.

Extrait de Fait et al 2020, art cit.

L'intérêt des chercheurs était de savoir si, face aux changements rapides des écosystèmes alpins en lien en climat, des réservoirs artificiels peuvent héberger de la faune en cours de migration pour s'adapter. Ils se sont penchés sur les insectes, et la réponse est positive car ils ont pu échantillonner dans les 8 plans d'eau 38% de la diversité régionale des invertébrés étudiés.

Voici le résumé de leurs travaux :

"Aujourd'hui, la biodiversité aquatique souffre de nombreuses pressions liées aux activités humaines, dont le changement climatique, qui affecte particulièrement les zones alpines. De nombreuses espèces alpines d'eau douce ont déplacé leur répartition géographique vers des zones plus froides, mais une disponibilité réduite d'habitats appropriés est également prévue. De nouveaux plans d'eau artificiels pourraient offrir des possibilités d'amélioration de l'habitat, y compris de petits réservoirs de montagne construits pour surmonter le manque de neige pendant l'hiver.

Afin d'étudier le rôle des réservoirs en tant qu'habitat pour les invertébrés d'eau douce, une étude de cas a été menée sur huit réservoirs dans les Alpes suisses. L'étude visait à comparer la qualité de l'eau et la biodiversité d'eau douce des réservoirs avec celles de 39 plans d'eau naturels et nouvellement excavés. Des données ont été recueillies sur la physicochimie, la structure de l'habitat d'eau douce et les insectes aquatiques (libellules et coléoptères aquatiques).

L'étude a montré que les réservoirs montagneux étudiés ne différaient pas des étangs naturels en termes de superficie, de conductivité et de niveau trophique. À l'instar des étangs naturels, les réservoirs ont montré des signes de dégradation en raison du ruissellement de surface transportant des polluants liés au tourisme de ski. Ils présentaient une faible diversité de mésohabitats, et en particulier manquaient de végétation. Par rapport aux plans d'eau naturels, la richesse en espèces dans les réservoirs était plus faible pour les libellules mais pas pour les coléoptères. À l'échelle régionale, la communauté des réservoirs était un sous-ensemble de la communauté des plans d'eau naturels, soutenant 38% de la richesse régionale en espèces de ces deux groupes d'insectes.

Les résultats suggèrent que les réservoirs de montagne sont susceptibles d'être importants pour la biodiversité dans les zones alpines, à la fois comme habitats et comme tremplin pour les espèces qui changent leur aire de répartition géographique. Ces plans d'eau peuvent être encore améliorés par certaines mesures respectueuses de la nature pour maximiser les avantages pour la biodiversité, notamment la revégétalisation des marges ou la création d'étangs adjacents. L'ingénierie écologique doit être innovante et promouvoir la biodiversité d'eau douce dans les réservoirs artificiels."

Les chercheurs concluent ainsi leur travail :

"Les résultats de cette étude fournissent des informations préliminaires, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires sur un plus grand nombre de réservoirs de montagne dans différentes zones géographiques des Alpes. De nouvelles études devraient également élargir l'éventail des groupes taxonomiques enregistrés. En effet, aucun groupe taxonomique unique ne répond bien, à lui seul, comme indicateur de la biodiversité d'un plan d'eau entier (Ilg & Oertli 2017), et des groupes tels que les plantes vasculaires et les amphibiens doivent également être pris en considération. En effet, ces deux groupes se sont révélés être de bons indicateurs pour évaluer la biodiversité aquatique, et ils sont relativement faciles à échantillonner (Oertli et al 2005). De plus, les macrophytes et les amphibiens sont des groupes phares et comprennent de nombreuses espèces préoccupantes pour la conservation. La surveillance à long terme des plans d'eau artificiels de montagne est nécessaire pour évaluer la stabilité temporelle en termes de qualité de l'eau et de biodiversité. L'objectif ultime est de promouvoir des systèmes durables dans les paysages alpins qui fournissent à la fois des services écosystémiques et des habitats de haute qualité pour la biodiversité d'eau douce."

Discussion
Ce nouveau travail allonge la liste déjà très fournie des milieux aquatiques d'origine artificielle, dits aussi "nouveaux écosystèmes", "écosystèmes culturels" ou "écosystèmes anthropiques", pouvant présenter de l'intérêt pour le vivant. Nous avons déjà recensé des travaux sur les étangs et petits plans d'eau (Davies et al 2008, Wezel et al 2014, Bubíková et Hrivnák 2018, Four et al 2019), sur les canaux de dérivation (Aspe et al 2015, Guivier et al 2019), sur les biefs de moulin (Sousa et al 2019a), sur les canaux d'irrigation (Sousa et al 2019b), sur les épis hydrauliques ou casiers Girardon (Thonel et al 2018). Ces milieux anthropiques peuvent non seulement héberger la biodiversité aquatique ordinaire, mais aussi parfois des espèces menacées d'extinction.

L'ensemble de ces travaux montre l'inanité d'une politique française de l'eau qui a opposé de manière dogmatique des milieux naturels à des milieux artificiels, prétendant que "renaturer" des rivières en faisant disparaître des retenues, des réservoirs, des étangs, des canaux et des biefs serait forcément à bon bilan pour la biodiversité et pour la ressource en eau.

C'est une erreur majeure, reposant à la fois sur un paradigme douteux (nous pourrions revenir à une nature de référence de l'âge pré-industriel) et sur le refus de procéder in situ à des inventaires de diversité faune et flore des nouveaux milieux d'origine humaine. C'est par ailleurs un choix éminemment imprudent et contestable lorsque des chercheurs nous disent que ce siècle va connaître des bouleversements hydriques et climatiques majeurs, des répartitions nouvelles d'espèces et des stress sur la disponibilité de milieux humides et aquatiques. Une quantité considérable de surface en eau et de milieux anciens (étangs, biefs) a déjà été mise à sec par la politique de continuité écologique en France, sans aucune étude préalable des biotopes concernés et des fonctionnalités écologiques acquises. Cette politique sous-informée et éloignée des enjeux prioritaires de l'eau doit cesser désormais, au profit d'une réflexion élargie sur l'évolution socio-naturelle des bassins versants et sur les risques futurs.

Référence : Fait P et al (2020), Small mountain reservoirs in the Alps: New habitats for alpine freshwater biodiversity?, Aquatic Conserv: Mar Freshw Ecosyst., 1–14.

18/03/2020

Hydrocratie, une dérive autoritaire de la gestion écologique des rivières?

Jeroen Vos et Rutgerd Boelens (Université de Wageningue, Pays-Bas) travaillent sur les sciences sociales de l'eau et de la gestion de l'eau. Ils viennent de publier sur un forum de discussion de la revue Water Alternatives un texte de critique des méthodes bureaucratiques et autoritaires de définition des régimes écologiques de débit de la rivière. Nous en publions une traduction pour le public francophone, suivie de quelques observations.



Les débit écologiques sont des pratiques excluantes, technocratiques, verticales (mais pourraient être ré-appropriées)

"Après un siècle où la domination de la nature par le barrage et la canalisation des rivières était un symbole de la civilisation humaine, les victoires écologistes ont réussi à intégrer la notion de «débits écologiques». Les régimes de débits écologiques (ou environnementaux) tentent de décrire la quantité, le moment et la qualité des débits d'eau nécessaires pour maintenir les écosystèmes fluviaux et les moyens de subsistance des humains qui dépendent de ces écosystèmes. Par exemple, la directive-cadre européenne sur l'eau fait de la concrétisation de débits environnementaux une référence centrale pour l'état écologique des masses d'eau.

Les régimes de débit écologique sont déterminés par des experts sur la base d'études scientifiques. Les élites environnementales internationales pourraient y voir une grande avancée dans la conservation de la nature et la restauration des écosystèmes aquatiques. Cependant, la manière technocratique actuelle d'établir des «régimes de débit» est descendante (top-down), et nie l'usage local de la rivière et les valeurs de la nature localement portées. Il en résulte l'exclusion des communautés et des organisations locales qui - même si elles ne doivent pas être vues de manière "romantique" et nourrissent certainement leurs propres inéquités - ne peuvent pas simplement être rejetées. Elles méritent une opportunité équitable et détiennent souvent des connaissances et des valeurs spécifiques concernant la rivière, ses utilisations, ses écosystèmes et la façon dont ils sont gérés.

Cette mise en place descendante des débits écologiques procède par exclusion en ce qu'elle ignore les acteurs locaux et autres organisations, car ils ne sont pas reconnus comme suffisamment informés. Les paramètres considérés par les supposés experts sont les normes environnementales, les seuils pour une poignée d'espèces clés et l'analyse coûts-avantages. Les méthodologies appliquées pour calculer et modéliser le régime du débit et établir le débit minimal requis sont diverses. Cependant, toutes emploient des procédures technologiques normalisés qui utilisent, par exemple, des pourcentages de débits annuels moyens, l'état des espèces clés, divers seuils environnementaux et une analyse économique. Cependant, ce qui est considéré comme une «espèce clé», ce qui est un «coût» et un «avantage» dépend de la position et des valeurs spécifiques de chaque partie prenante. Le modélisateur ne peut pas être considéré comme "neutre".

Le régime de débit écologique est imposé sur la rivière par le biais de structures qui régulent le débit (barrages) ou qui établissent des prélèvements d'eau maximum. L'autorité publique de l'eau qui contrôle ces structures et prélèvements fait partie de l'hydrocratie nationale, qui ne permet que rarement la voix des acteurs locaux. De la sorte, le processus d'établissement des débits écologiques est technocratique, du sommet vers la base.

Nous soutenons que contrairement aux pratiques actuelles, les régimes de débits écologiques devraient être discutés de manière critique, négociés politiquement et mis en oeuvre socialement par le biais de l'engagement des parties prenantes, tout en étant fondés sur des utilisations des ressources, des droits, des pratiques, des connaissances et des valeurs ancrées localement concernant les socio-natures de la rivière. Dans ce processus, les parties prenantes locales, avec l'aide d'autres, détermineraient les espèces clés, les utilisations autorisées et prioritaires, les seuils environnementaux, les rejets minimaux, les prélèvements maximaux et les moyens de surveillance et d'application. Le débit écologique serait ainsi fondé sur une analyse du contexte local, de l'histoire et de la culture de l'eau, et non pas simplement selon les normes nationales ou internationales imposées. De cette manière, les débits écologiques pourraient être un moyen de responsabiliser les acteurs locaux."

SourceWater Alternatives Forum 

Observations

Les analyses de Jeroen Vos et Rutgerd Boelens montrent que les critiques portées par le mouvement des riverains, des moulins et des étangs en France ne sont nullement isolées en Europe. Les mêmes diagnostics sont posés partout : une bureaucratie de l'eau a prétendu confisquer les concepts, les métriques et les décisions en matière de gestion des milieux aquatiques, et cette confiscation n'est plus acceptée. La directive cadre européenne sur l'eau (2000) est en cours de révision, et comme ce texte normatif a créé le concept d'"état de référence" du milieu (voir Bouleau et Pont 2014, 2015), avec pour mandat aux technocraties de définir la notion de "référence", cette directive est un des éléments majeurs du dispositif de pouvoir sur l'eau en Europe. Mais il n'est pas le seul, chaque Etat membre de l'Union ayant aussi des propres législations.

Dans le cas français, la confiscation bureaucratique de l'écologie est aggravée par la structure jacobine du pouvoir, qui traverse par ailleurs une crise de gouvernance allant très au-delà de la rivière. Les décisions en France sont prises en petits comités au niveau des directions centrales du ministère de l'écologie (ou de délégations interministérielles), ainsi que par les représentants de l'administration publique dans les comité techniques des agences de l'eau. De nombreux usagers et riverains sont exclus des commissions locales de l'eau, des comités de bassin et du comité national de l'eau, structures nommées par le préfet, le préfet de bassin ou le ministère (c'est-à-dire par des représentants de l'exécutif). L'Etat conserve en général un pouvoir de censure dans chacune de ces enceintes délibératives. L'ensemble de la parole supposée la seule légitime sur la rivière est confisqué par quelques acteurs publics (direction eau et biodiversité du ministère, office français de la biodiversité, agence de l'eau), qui ont également une influence directe sur les programmes de recherche. Ce système est centralisé, vertical, sourd aux objections de fond sur les limites de ses méthodes. Il y a  cependant début de prise de conscience de certaines limites, comme le montre la formation de jurys citoyens pour discuter de mesures sur le climat là où des politiques jacobines ont échoué et provoué des réponses virulentes.

Le choix démocratique local sur l'eau et les usages de l'eau est une fiction en France, ce que la crise de la "continuité écologique" a montré. Les capacités concrètes des acteurs sont déterminés par des financements (alloués par les agences de l'eau) qui sont entièrement fléchés selon des schémas normatifs fixés à l'avance (SDAGE). En dernier ressort, c'est la capacité d'appréciation et de décision de personnels administratifs (DDT-M, OFB, agences de l'eau) qui va choisir ce qui est possible ou non au plan règlementaire et financier. Les collectivités locales ayant été dépouillées de l'essentiel de leur autonomie fiscale par les réformes de l'Etat, il existe de moins en moins de liberté de dévier de la ligne fixée par le pouvoir central et ses représentants dans les organes d'une concertation réduite au minimum. La documentation et la critique publiques des dérives de ces pratiques par divers acteurs (dont Hydrauxois) a déjà conduit en France à un certain nombre de remises en question de la politique de continuité écologique, l'une des options les plus décriées de la gestion des rivières car elle engage la destruction des patrimoines historiques et naturels des rivières aménagées. Mais rien n'a été corrigé sur le fond, car les méthodes d'arbitrage n'ont pas changé et les mentalités des agents d'exécution de la politique publique restent toujours hostiles au point de vue des usagers locaux sur l'avenir des rivières et de leurs ouvrages.

La confiscation des alternatives est déjà inscrite dans les métriques et les paradigmes de la technocratie, le pouvoir est dans le savoir. L'enjeu de fond sur l'écologie, la sociologie et la politique des rivières, c'est de définir la rivière que nous voulons. Pour cela, il faut déjà reconnaître que la rivière relève en partie de notre volonté, qu'elle est une "socio-nature" comme l'écrivent Vos et Boelens. Or, la technocratie écologique propose certains instruments de mesure des milieux qui forment la négation de cette volonté : il s'agit de dire que la rivière est seulement un fait de nature (pas un fait d'histoire ni un fait de société) et que la qualité intrinsèque de la rivière équivaut à sa naturalité conçue comme la rivière sans humain, la rivière hypothétiquement livrée à elle-même. Ainsi par exemple, même si un étang sur un cours d'eau montre un beau paysage et de nombreuses espèces, cet étang sera désigné comme "dégradé" parce que certaines mesures biologiques, chimiques et physiques sont conçues dès le départ pour dire qu'à la place de l'étang, il devrait y avoir une rivière (la nature dans sa naturalité). Il ne s'agit donc pas seulement d'un problème d'organisation du pouvoir, mais aussi d'un problème d'orientation du savoir qui conseille le pouvoir: l'expertise elle-même doit être repensée, comme Jacques Aristide Perrin a commencé à le discuter en France (voir Perrin 2019 ; également Lespez et al 2016, Dufour et al 2017). Cette extension de la démocratie aux travaux d'expertise est généralement mal vécue par les experts, qui y voient une remise en question de leurs prérogatives voire de leur légitimité. Mais partout où l'expertise recèle des jugements de valeur implicites ou explicites, et non seulement des calculs, elle est discutable par d'autres valeurs. De même, la dimension contingente et locale de l'écologie  pose problème à l'application de modèles et métriques forcément très génériques car normalisés par l'hydrocratie pour un usage standardisé.

Les riverains et propriétaires d'ouvrages en rivières doivent être une force d'observation, proposition et alternative. Il ne suffit pas de constater et contester la domination d'une hydrocratie, il faut aussi documenter ses manquements et proposer des dépassements des blocages actuels. Nous avons appelé à cette prise de conscience en affirmant que les moulins, étangs et autres acteurs de nos territoires avaient aussi des choses à dire et à faire sur l'eau, le patrimoine, le paysage, le vivant, le climat et donc les biens communs. C'est la capacité de chacun, si possible associé en collectif local, à documenter la réalité complexe et diverse de la rivière qui aidera au reflux de divers travestissements ou appauvrissements de cette réalité. Etudier l'histoire, la géographie, l'hydrologie, la morphologie et l'écologie de chaque site permet de construire des savoirs locaux opposables.