Voici les faits jugés :
"le préfet de la Mayenne a, par une décision du 27 janvier 2012, constaté la perte du droit fondé en titre à l’usage de l’eau attaché au moulin de l’Ermitage, situé en bordure de la rivière La Jouanne sur le territoire de la commune d’Argentré. Son propriétaire, M. C…, a saisi le tribunal administratif de Nantes d’une demande en annulation de cette décision, rejetée par un jugement du 23 juin 2016. Par l’arrêt attaqué du 9 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté comme irrecevable l’appel formé contre ce jugement par M. B…, nouveau propriétaire du moulin acquis auprès de la succession de M. C…, décédé le 28 avril 2015, au motif qu’il n’avait pas la qualité de partie à la première instance."
Le conseil d'Etat pose que le droit d'eau est un droit réel immobilier transmis en même temps que le moulin, donc un accessoire de la chose vendue ou transmise au sens du code civil :
'aux termes de l’article 1675 du code civil : » L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel. « . Le droit à l’usage de l’eau attaché à un moulin fondé en titre étant un droit réel immobilier, il résulte de ces dispositions que, lorsque le moulin auquel est attaché le droit est vendu, ce droit est, sauf clause contraire, transmis à l’acquéreur et celui-ci est en conséquence fondé à reprendre l’instance introduite par le vendeur relative à l’existence de ce droit.'Il rappelle aussi que le droit administratif demande notification de changement de titulaire du droit d'eau :
"Le cas échéant, en cas de décès du propriétaire initial ayant introduit l’instance, la reprise de celle-ci par le nouveau propriétaire est par ailleurs conditionnée à la notification prévue par l’article R. 634-1 du code de justice administrative"Les conseillers annulent l'arrêt de la cour d'appel administrative, en soulignant que le nouveau propriétaire et titulaire du droit d'eau est fondé à défendre son existence contre l'arrêté préfectoral attaqué, même s'il n'est pas celui qui a déposé le recours en première instance :
"Pour rejeter comme irrecevable l’appel de M. B… à l’encontre du jugement du tribunal administratif rejetant cette demande, la cour administrative d’appel a estimé que M. B…, qui se prévalait de sa seule situation de nouveau propriétaire du moulin de l’Ermitage et non d’héritier de M. C…, n’avait pas qualité pour reprendre l’instance introduite par ce dernier devant le tribunal administratif, et qu’il ne pouvait pas, par suite, être regardé comme une partie de première instance. En statuant ainsi, alors qu’ainsi qu’il est dit au point 2, M. B… était fondé, en sa qualité de nouveau propriétaire du moulin, à reprendre en son nom et à son profit l’instance introduite par M. C…, relative au droit à l’usage de l’eau attaché à ce bien, et qu’il avait, par suite, la qualité de partie à l’instance devant le tribunal administratif, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit."L'Etat est donc condamné à charge. Ce qui arrive de plus en plus souvent dans ces affaires de moulins et autres ouvrages fondés en titre, où le harcèlement administratif se traduit par des revers juridiques pour les fonctionnaires de l'eau. Comme d'habitude, une seule conclusion : défendez vos droits, c'est aussi par le recours systématique en justice contre les carences, les abus de pouvoir, les erreurs d'interprétation que nous ferons cesser le scandale actuel de la persécution des ouvrages et de la destruction de leurs milieux par l'Etat.
Référence : Conseil d'Etat, arrêt n° 426887, 17 juin 2020
Voir aussi le blog Landot