Des chercheurs espagnols ont analysé l'évolution des invertébrés en présence de centrales hydro-électriques sur 7 rivières de Galice : Deva-Pontevedra, Deva-Ourense, Fragoso, Limia, Tea, Tuño et Tambre. Les 6 premières, situées dans le sud de la Galice, correspondent à la zone hydrographique de Miño-Sil, une région caractérisée par des hivers doux et des étés frais, un air humide, des nuages abondants et des précipitations fréquentes tout au long de l'année. Le fleuve Tambre, situé au nord-ouest de la Galice, fait partie de la zone hydrographique de la côte galicienne, caractérisée par un climat chaud et humide et des zones où les précipitations sont très abondantes.
Voici le résumé de leur recherche :
"Malgré l'importance fondamentale de l'énergie hydroélectrique pour le développement socio-économique, la présence de centrales hydroélectriques entraîne des modifications à grande échelle du régime d'écoulement naturel des rivières et influence profondément les processus aquatiques et la biodiversité. Cette étude évalue l'impact saisonnier des petites centrales hydroélectriques en analysant et en mesurant la composition des communautés de macro-invertébrés.
Nos objectifs étaient (1) d'examiner si l'abondance et la richesse des macro-invertébrés benthiques varient en fonction des altérations de la rivière, (2) d'identifier les familles de macro-invertébrés les plus sensibles à l'extraction d'eau par impact d'une centrale hydroélectrique, et (3) de déterminer s'il existe une composante saisonnière dans la régulation des rivières qui influe sur les communautés de macro-invertébrés.
Un échantillon de 167 848 individus a été prélevé sur 6 embranchements différents et 10 ordres d'Arthropodes, représentant 116 familles de macro-invertébrés, dont la distribution et l'abondance dépendaient de la rivière, du moment et du site d'échantillonnage. Les éphéméroptères, les diptères, les trichoptères, les coléoptères et les plécoptères étaient les ordres les plus représentatifs à toutes les saisons de l'année, et possédaient également les familles les plus abondantes (Baetidae, Caenidae, Chironomidae et Simuliidae).
Les taxons les plus abondants n'ont pas connu de grandes variations en automne et en hiver, mais les variations étaient importantes au printemps et en été. Nos résultats indiquent des différences dans l'abondance et la richesse des macro-invertébrés dans les systèmes aquatiques impactés par les centrales hydroélectriques et un processus de rétablissement en aval, où le niveau de l'eau et les habitats ne sont pas affectés négativement par ces centrales."
Ce schéma montre les 3 points d'échantillonnage à chaque station : contrôle dans une zone amont non impactée (1), analyse du tronçon court-circuité par le barrage (2) et zone aval de l'eau restituée (3).
Extrait de Martinez et al 2020, art cit.
Extrait de Martinez et al 2020, art cit.
Les chercheurs notent : "Dans notre étude, les variations d'abondance des familles les plus sensibles semblent suivre un schéma spécifique, les distributions ne changeant qu'en fonction de la saison où elles ont été échantillonnées. Les tronçons moyens et inférieurs des rivières abritaient généralement des taxons plus tolérants aux perturbations environnementales (Rosenberg & Resh 1993, Benítez-Mora & Camargo 2014), ce qui coïncide avec les résultats de l'automne (Fig. 4) où les résultats montrent un faible pourcentage de familles sensibles en allant vers la restitution. En revanche, en hiver et au printemps, les valeurs les plus élevées pour les familles sensibles ont été enregistrées en aval des centrales hydroélectriques. Certains auteurs (Anderson et al., 2015 ; Feld et al., 2014) suggèrent que ces phénomènes peuvent être dus à une diversité accrue des habitats associée à des altérations anthropiques, en raison de la fourniture d'habitat, d'espace, de nourriture et de protection affectant la distribution et l'abondance des invertébrés lotiques (Álvarez-Troncoso et al 2015). En revanche, en été, les familles sensibles se trouvaient principalement dans la partie centrale des rivières, ce qui corrobore l'étude de Buss et al (2004), qui indique que, lors de l'échantillonnage en été, en raison du gradient du débit, l'abondance et la diversité des familles étaient plus élevées dans les zones plus proches du barrage que dans les autres zones. Cela peut s'expliquer par le fait que dans certaines zones en amont, les communautés sont trop proches du barrage pour être caractérisées par des conditions lentiques plutôt que lotiques, ce qui donne de nombreuses options différentes pour les microhabitats et la diversité. L'aval est différent et certaines études (Lobera et al 2015 & Lobera et al 2016 ;) ont fait remarquer qu'il y a un effet de charges sédimentaires élevées et des débits moins recruteurs, entraînant une accumulation de sédiments fins ; cette aggradation réduit la richesse en taxons, la diversité et la densité des macroinvertébrés, et seules les espèces tolérantes aux sédiments peuvent augmenter."
Enfin, les auteurs notent à propos de l'analyse statistique des indices de diversité locale entre saisons et entre sites de mesure : "En termes de valeurs de dissimilarité (tableau 1), la proportion de familles plus sensibles n'a atteint que 51% du total. En hiver, au printemps et en été, il y a eu une augmentation constante de ces communautés de l'amont à l'aval, tandis que l'inverse s'est produit en automne. En général, il n'y avait pas suffisamment de preuves pour déterminer que les petites centrales hydroélectriques affectaient négativement les communautés de macro-invertébrés les plus sensibles. L'analyse de l'impact possible des saisons ou des sites a révélé des différences dans la composition des communautés de macro-invertébrés et montre une grande variabilité au sein des groupes. L'impact possible des centrales hydroélectriques sur les communautés de macro-invertébrés n'était pas concluant".
Discussion
Les recherches sur les invertébrés en lien avec les petits ouvrages hydrauliques sont rares, et donnent toujours des résultats contrastés, difficiles à interpréter (voir la méta-analyse de Mbaka et Mwaniki 2015). De plus, les habitats concernés peuvent être différents, une usine hydro-électrique en activité n'étant pas un moulin sans production, un plan d'eau ou un étang (voir par exemple Four el 2019 sur le cas d'un étang). Une étude française a montré que les invertébrés répondent bien moins à la morphologie qu'à la pollution (Corneil et al 2018).
Cette recherche espagnole confirme la complexité d'interprétation des résultats. Si une écologie spécialisée discerne des variations locales intéressantes, on ne peut dire que l'abondance des taxons et la variation de leur répartition au fil de l'an témoignent d'un impact très grave sur la biodiversité des invertébrés au droit des petites centrales hydro-électriques. Cela pose à nouveau selon nous la nécessité d'une meilleure communication des résultats de recherche en écologie, afin de hiérarchiser les impacts et les interventions. En soi, toutes les activités humaines modifient des peuplements locaux, mais les citoyens et les décideurs ont besoin d'estimer l'importance relative des impacts.
Référence :Martinez Y et al (2020), Impact of small-scale hydropower stations on macroinvertebrate communities for regulated rivers, Limnetica, 39, 1, 317-334