22/07/2020

Un dossier de 100 références scientifiques pour faire connaître et protéger les ouvrages hydrauliques et leurs milieux

Un dossier complet de 8 chapitres thématiques et 100 références scientifiques avec citation des chercheurs vient d'être publié par la coordination nationale Eaux & rivières humaines. Ce travail démontre que la politique de destruction des ouvrages hydrauliques en France - plus largement la restauration écologique - a été légitimée par une expertise ayant écarté et ignoré un grand nombre de travaux de recherche. La technocratie de l'eau, de la pêche et de la biodiversité ne repose pas sur "le savoir", comme elle le prétend, mais sur une sélection de certains savoirs visant à conforter l'idéologie publique du moment, et abonder quelques-unes de ses clientèles. Ce document d'information libre d'usage doit être téléchargé par les propriétaires, les riverains et les associations, pour être diffusé massivement aux élus locaux ou nationaux, aux techniciens de bureaux d'études et de syndicats de rivières, aux agents OFB et fédérations de pêche, aux autorités administratives. Nous devons exiger désormais des expertises des ouvrages et des rivières menées selon les angles de toutes les disciplines de la recherche, sur tous les paramètres pertinents.


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Extrait de l'introduction.

100 travaux récents de la recherche française et européenne sur les ouvrages hydrauliques, en particulier les petits ouvrages, sur la restauration écologique des rivières et sur les nouveaux écosystèmes de nos bassins versants.

On entend ici par ouvrage hydraulique les seuils, déversoirs, vannages, barrages, digues qui modifient l’écoulement et la rétention de l’eau. Ces ouvrages définissent des milieux en eau : mares, étangs, petits plans d’eau, retenues, lacs, rigoles, biefs, canaux. Ils peuvent être associés à des zones humides annexes, notamment en raison des remontées locales de nappes ou des débordements intermittents.

La recherche scientifique française et européenne est active sur ces ouvrages, même si les petits ouvrages (privilégiés dans cette revue) sont encore peu analysés par rapport aux grands barrages. Cette recherche concerne l’hydrologie, l’écologie, la limnologie, la biologie. Mais aussi les sciences sociales et humaines de l’eau et de la restauration écologique. Les chercheurs comme les experts ne se fondent pas forcément sur les mêmes paradigmes pour juger des rivières et de leurs aménagements: l’enjeu est multidisciplinaire.

Les conclusions de cette recherche montrent la diversité et la complexité des analyses de la rivière aménagée. Nous l’exposons par une sélection d’une centaine de publications scientifiques parues dans la décennie écoulée.

Les travaux de recherche recensés dans ce dossier démontrent les points suivants :

  • Les milieux créés par les ouvrages hébergent de la biodiversité.
  • La biodiversité des bassins versants évolue depuis des millénaires sous influence humaine, dans le cadre d’une « socio-nature », rendant illusoire la définition administrative d’un « état de référence ».
  • Les ouvrages anciens et de petites dimensions ont souvent des impacts faibles à nuls sur le transit des sédiments ou la circulation des poissons grands migrateurs.
  • Les ouvrages, en particulier les chaines d’ouvrages de type moulins et étangs, assurent une retenue d’eau sur les bassins (surface, nappe), leur disparition altérant ce service environnemental.
  • Les pollutions et les usages des sols du bassin versant ont des effets beaucoup plus marqués sur la dégradation de l’eau que la morphologie du lit.
  • Au sein de la morphologie, les densités de barrages ont des effets faibles à nuls sur la qualité de l’eau et des milieux, voire un certain nombre d’effets positifs mesurés dans divers travaux (dépollution et hausse de biodiversité bêta du bassin en particulier).
  • La restauration écologique, et en particulier morphologique, des rivières est confrontée à des résultats incertains, parfois des échecs.
  • Les effacements d’ouvrages hydrauliques ont parfois des effets négatifs avérés : incision des lits, pertes de milieux (zones humides, ripisylves), pollutions, disparition d’aménités culturelles.
  • Les politiques de rivières sont en déficit de reconnaissance des aspirations des citoyens et des dimensions multiples de l’eau, avec certaines expertises qui ont des biais manifestes mais sont mises en avant sans débat par les gestionnaires.
  • Les résultats en écologie aquatique sont contextes-dépendants (contingents) et cela interdit de faire des prescriptions généralistes sur les ouvrages et leurs milieux, le cas par cas (vue intégrée par site, par rivière, par bassin) étant une absolue nécessité pour ne pas engager des résultats négatifs.

Ces conclusions exigent donc une redéfinition de certains choix publics sur l’eau en France, en particulier ceux de la continuité écologique en long et de la politique préférentielle de destruction des ouvrages hydrauliques.

Certaines prescriptions de cette politique sur de grands bassins hydrographiques vont avoir des effets négatifs sur la biodiversité, sur la ressource en eau, sur l’adaptation au changement climatique. En outre, elles ignorent la dimension sociale et démocratique des choix sur les rivières aménagées, comme la nécessaire confrontation des expertises et des disciplines de recherche.

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A utiliser en complément
Voici quelques semaines, la CNERH a également édité un guide multi-critères d'instruction pour les opérations en rivière modifiant les ouvrages hydrauliques et leurs milieux. Ce guide, opposable aux préfectures, syndicats, fédérations de pêcheurs, bureaux d'études et autres acteurs, est complémentaire du dossier scientifique. La science a démontré divers intérêts écologiques, hydrologiques, culturels et sociétaux associés aux ouvrages hydrauliques, ainsi que divers problèmes pouvant faire suite à leur destruction: toute intervention sur ces ouvrages doit donc être étudiée sérieusement et complètement, non bâclée en copier-coller au profit d'une approche limitée à quelques enjeux. Outre les impératifs de connaissance non biaisée des milieux sur lesquels on intervient, il y a des enjeux de droit: les destructions de milieux, les dols par informations incomplètes ou les remises en cause des droits des tiers peuvent faire l'objet de plaintes. Allez à ce lien pour télécharger ce guide.

21/07/2020

Analyse critique du démantèlement des ouvrages hydrauliques en France et aux Etats-Unis (Drapier 2019)

La thèse de Ludovic Drapier compare les démantèlements d'ouvrages hydrauliques sur différents terrains situés en Normandie (Sélune dans la Manche, Orne) et sur la côte Est des États-Unis (Mousam dans le Maine, Musconetcong dans le New Jersey, Wood-Pawcatuck dans le Rhode Island). Ses analyses très intéressantes confirment des traits que nous avions relevés empiriquement dans la politique française de continuité écologique, ici mise en contraste avec les choix nord-américains : rapport fréquent de contrainte règlementaire sur des propriétaires isolés et peu de projets inclusifs à échelle des tronçons ou bassins, centrage sur l'écologie au sens naturaliste et indifférence relative aux attentes sociales, place prépondérante des usagers pêcheurs dans les choix sur la rivière. Il y a tous les ingrédients pour expliquer le déraillement d'une réforme qui a été conçue dans des cercles trop restreints du pouvoir administratif et de ses clientèles, puis a voulu s'imposer uniformément à des propriétaires et riverains ayant des visions bien plus diverses de leurs rivières, leurs patrimoines et leurs usages. 


Paysages de rivière aménagée, l'Orne, extrait de Drapier 2019, thèse citée.

Combinant des entretiens semi-directifs avec les porteurs des projets et des habitants, une enquête par questionnaires auprès des riverains, une synthèse de la littérature internationale consacrée au sujet, la méthodologie choisie par Ludovic Drapier rend compte de la diversité des points de vue autour de la rivière. Elle analyse aussi les rapports de pouvoir qui s'expriment dans la mise en oeuvre de la continuité écologique:
"— Comment la connaissance sur l’eau est-elle construite? Ce questionnement mène à une réflexion sur les rapports de pouvoir qui fondent les définitions de l’eau et la manière dont cette connaissance varie dans l’espace et dans le temps (cf. Linton (2010), Bouleau (2014) ou Fernandez (2014)) ;
— Comment l’eau internalise-t-elle les relations sociales, de pouvoir et la technologie ? L’objectif est de centrer l’attention sur les structures de pouvoir, les relations sociales et la manière dont ces éléments participent à la (re)production d’une certaine instance de l’eau."

Les sciences humaines et sociales de l'eau (géographie, political ecology) mobilisées dans l'approche de cette thèse s'intéressent notamment aux discours de légitimation des acteurs, qui avancent certaines informations, certaines expertises, certaines visions et certains ressentis pour bâtir des "modèles de rivière".



Exemple de "modèles de rivière" mis en évidence par l'étude, extrait de Drapier 2019, thèse citée. Cliquer pour agrandir.

Voici quelques extraits des conclusions des différents chapitres de la thèse (les intertitres sont de notre fait).

Des acteurs publics omniprésents, les pêcheurs en usagers privilégiés
"Le premier constat que l’on peut tirer est l’omniprésence des acteurs publics dans les projets, et ce dans les deux pays. Si cette représentation importante est cohérente en France au vue de l’instauration de la restauration de la continuité au cœur de la politique de gestion de l’eau, elle peut apparaître comme plus surprenante aux États-Unis. Pourtant, l’absence de législation contraignante sur ce sujet ne prévient pas la suppression d’un grand nombre d’ouvrages par des institutions publiques. Ces dernières s’appuient sur une grande diversité de textes réglementaires et de grandes orientations afin d’intervenir sur ces aspects.

Le deuxième point à souligner est la prépondérance de ce que nous avons qualifié de «monde de la pêche». En effet, dans les deux pays, les groupes en charge des pêcheurs ou de la ressource en poissons, occupent une place majeure dans les projets. En particulier, le poids de ces acteurs révèle les poissons migrateurs en tant qu’acteurs eux mêmes. Par leurs conditions biologiques de migrateurs, ils contraignent dans une certaine mesure leurs gestionnaires à développer des stratégies de restauration de leur habitats.

Enfin, si les acteurs publics jouent un rôle majeur, les États-Unis se démarquent par le rôle des associations du point de vue opérationnel, stratégique et politique. Elles mènent des actions de communication autour de la restauration de la continuité, ont développé une expertise technique à même de les positionner en tant que porteurs de projets ou simplement en appui, et travaillent également à faire évoluer la législation. Les associations françaises sont bien moins engagées et se reposent sur l’existence d’une réglementation pour que des projets aboutissent."

En France, une pression de la règlementation et un face-à-face avec le propriétaire isolé
"Tandis que les objectifs poursuivis et assumés sont les mêmes, la construction des projets renvoie elle à des logiques différentes. Bien qu’il ne faille pas tomber dans la caricature opposant une démarche top-down en France à une démarche bottom-up aux États-Unis, les cas d’études observés suggèrent des modèles opposés. Dans les deux pays, il existe une volonté nationale de restaurer la continuité des rivières. Cependant sa mise en œuvre locale fait appel à des processus profondément différents.

Les processus aboutissant à l’effacement des barrages en France contournent les outils territoriaux existants de gestion de l’eau. Cela conduit à une situation de négociation entre les porteurs de l’opération, qui s’inscrivent dans un projet d’envergure nationale, et le propriétaire de l’ouvrage. Cette base étroite dans la prise de décision ne permet pas de faire émerger des projets considérant les échelles en dehors du celle de chenal. De ce fait, le projet écologique ne peut réellement changer de dimension.

Outre-Atlantique, la réalisation du projet repose avant tout sur l’existence d’acteurs locaux à même de porter le projet autour desquels gravite une coalition de partenaires. Ce mode de fonctionnement découle de l’absence d’une réglementation précise gouvernant ces questions ainsi que de l’éclatement des sources de financement des opérations. Dans les deux cas, il y a eu, de la part du porteur du projet a, un effort important de publicisation du projet, notamment envers la communauté locale, même si l’intensité et les modalités de celle-ci peuvent varier en fonction des territoires et des acteurs en présence.

De l’analyse des cas non-conflictuels, nous proposons une lecture en termes de potentiels conflictuels. Dans la mesure où les projets français sont guidés par une réglementation contraignante, un rapport de force s’installe entre les propriétaires et les représentants de l’institution. Ce rapport, loin d’être équitable, est caractérisé par une domination, à la fois en termes juridiques et financiers, par les acteurs promouvant la restauration. Au contraire, l’absence de dispositions réglementaires tend davantage à la construction de projets par contractualisation entre l’ensemble des acteurs, y compris le propriétaire aux États-Unis. Le potentiel conflictuel semble plus important en Normandie au regard de la pression importante mise sur les propriétaires en ce qui concerne la mise en conformité de leurs ouvrages ainsi la difficulté d’inscrire le projet écologique dans un projet négocié par l’ensemble des acteurs du territoire. Le contexte nord-américain semble lui se caractériser par une prise en charge souvent concomitante des dimensions écologique et territoriale au sein des projets de démantèlement."

Une moindre prise en compte des avis des habitants en France
"Le sentiment d’avoir pu s’exprimer dans le cadre des projets est bien plus faible sur les trois cas normands qu’il ne l’est sur les sites américains. Malgré des singularités propres à chaque projet, l’analyse comparée des questionnaires renforce le constat d’une prise en compte  et d’une considération profondément différente des habitants dans le cadre des projets de démantèlement." 

Limiter les conflits en travaillant à la « connectivité sociale » des rivières
"L’enjeu de concerner les citoyens tient également à des considérations spatiales et ma- térielles : celles de l’accès à la rivière. En effet, le concernement ne peut qu’advenir qu’à la condition de l’établissement d’une relation régulière des citoyens aux cours d’eau. M. Kondolf et P. Pinto (2017) proposent la notion de connectivité sociale des rivières (« social connectivity ») afin d’appréhender les multiples dimensions (longitudinale, latérale, verti- cale) et modalités (visuelle, physique) par lesquelles les habitants entrent physiquement en interaction avec les rivières. Par exemple, sur la Vire, le chemin de halage qui longe le fleuve a été remobilisé en chemin de promenade dans le cadre de la promotion du tourisme vert, permettant alors aux promeneurs d’expérimenter cette continuité longitudinale (Germaine, 2017). Ironiquement, les projets de restauration de la continuité écologique sur le fleuve mettent directement en péril l’existence de cette connectivité sociale longitudinale dans la mesure où l’abaissement du niveau de l’eau suite à l’effacement de certains ouvrages viendrait mettre à mal la stabilité des berges et donc du sentier de promenade. D’ailleurs, les seuils constituent souvent également des espaces supports de développe- ment de la connectivité sociale des rivières. Sur l’Orne, les nombreux seuils qui existent encore servent de lieux de récréation et de détente pour les habitants ou les touristes de passage, et des aires de pique-nique ont été créés à proximité (figure 10.2). De la même manière outre-Atlantique, nombreux sont les témoignages d’utilisation des seuils comme espaces d’apprentissage de la baignade ou lieux de récréation pour les enfants (Fox et al., 2016). Il s’agit alors de tirer parti de ces configurations spatiales, et de ces usages parfois officieux, pour promouvoir une reconnexion des citoyens aux rivières au lieu de considérer les ouvrages uniquement au prisme de la continuité écologique."

Référence : Ludovic Drapier. Approche géographique comparée du démantèlement des seuils et des barrages sur les deux rives de l’Atlantique : projet écologique, politiques publiques et riverains (Sélune, Orne, Musconetcong, Wood-Pawcatuck, Mousam). Géographie. Université Paris Est, 2019. Français. tel- 02519110

Autres thèses à lire sur ce thème
Combler les lacunes des connaissances dans la restauration de rivière (Zingraff-Hamed 2018)
La continuité écologique en France, une mise en oeuvre semée d'obstacles (Perrin 2018)
La continuité écologique au miroir de ses acteurs et observateurs (De Coninck 2015)

20/07/2020

Lobby pêche et syndicat de rivière détruisent les seuils du Dessoubre sur argent public

Voici 3 ans, nous avions analysé la littérature disponible en ligne sur le Dessoubre pour montrer que les seuils anciens n'y représentent pas d'impact notoire, contrairement aux pollutions dont Jean Verneaux documentait déjà les effets dans les années 1970. Avec la continuité écologique "apaisée" (sic), on attendait un gel des opérations inutiles et coûteuses consistant à détruire sur argent public ces ouvrages hydrauliques, dont la présence pluriséculaire n'avait jamais empêché les rivières comtoises de devenir des références en populations salmonicoles. Mais il n'en est rien, puisque la presse annonce la poursuite cet été des opérations de démolition sur ce bassin, aux seuils Fleurey et Neuf-Gouffre. Syndicat de rivière et fédération de pêcheurs continuent donc de gâcher l'argent de l'écologie aquatique à une épuration culturelle et paysagère des rivières ne modifiant en rien les causes majeures de leur dégradation. Quant au Dessoubre réchauffé et pollué, nous verrons comment évolue sa population de truite. 


Le dossier d'autorisation est un modèle du genre, en matière de novlangue. Dans la rubrique "impacts sur le paysage et le patrimoine culturel", on apprend ainsi que "le dérasement du seuil de Fleurey sera soigné" (ouf) et que "l’impact de cet aménagement est neutre" (sic). Heureusement que le ministère de la culture et le ministère de l'écologie dialoguent depuis que la continuité écologique est "apaisée" et "multicritères". Mais on est rassuré : "le projet aura une incidence positive pour les pratiquants de la pêche sur tout le tronçon du Dessoubre restauré". Du moins est-ce la prédiction de ce rapport d'un bureau d'études ne faisant que copier-coller les mêmes généralités sans preuve d'un chantier l'autre. Au rythme où la France baisse son bilan carbone - notamment en détruisant des ouvrages hydrauliques au lieu de les équiper en énergie propre -, l'écotype des rivières et leur hydrologie devraient connaître des bouleversements majeurs en l'espace de quelques décennies.

18/07/2020

La fragmentation des habitats prédit moins la biodiversité que la quantité de ces habitats (Watling et al 2020)

L'importance donnée à la connectivité ou continuité écologique des milieux a-t-elle été exagérée? C'est la conclusion que l'on peut tirer du travail de 18 chercheurs venant de paraître. Ayant ré-analysé 35 études internationales portant sur 5675 espèces de 8 groupes taxonomiques (dont des amphibiens), ils montrent que la fragmentation de l'habitat ne prédit pas la biodiversité des aires étudiées, le facteur discriminant de la densité d'espèces étant la quantité totale d'habitat disponible, même s'il est fragmenté. Les chercheurs concluent que dans les politiques de conservation écologique, il faut préserver le maximum d'habitat d'intérêt, même petit et isolé, plutôt que privilégier les seuls habitats continus au prétexte de leur continuité. Ce travail renforce plusieurs autres études parues depuis 7 ans, renversant plusieurs décennies de présupposés en faveur de la défragmentation de milieux. Si la poursuite des recherches confirme ces résultats, il faudra réviser totalement la philosophie de certaines mesures comme les Trames verte et bleue en France: elles ont été construites par centrage sur la continuité écologique, et dans le cas de la Trame bleue, elles font parfois disparaître certains habitats. 

Dans la seconde moitié du 20e siècle a émergé l'idée que la fragmentation des milieux (discontinuités écologiques) est une cause importante de disparition des espèces et de baisse de la biodiversité. Mais depuis les années 2010, cette hypothèse est remise en question, notamment sur les milieux terrestres. La cause en est la difficulté à distinguer entre fragmentation et disparition d'habitats : quand on dit qu'un milieu a été fragmenté, c'est généralement qu'une partie de ce milieu a été artificialisée (par exemple, la construction de routes ou l'apparition de cultures dans un milieu forestier à l'origine). Mais le problème est-il alors dans la fragmentation en elle-même, ou simplement dans la disparition de parties de l'habitat, sans lien particulier au caractère discontinu du milieu?

Lenore Farhig et ses équipes ont déjà publié des travaux montrant que le facteur fragmentation est sans importance par rapport au facteur perte d'habitat (voir Fahrig 2017, 2019). Une nouvelle recherche publiée par 18 scientifiques appuie ces conclusions.

Ce schéma permet de comprendre les hypothèses à tester :
dans un paysage local (défini par le cercle), on a une certaine densité d'espèces (le carré noir). Mais les habitats au sein du paysage sont différents : un seul grand habitat continu (cercle a), la même surface d'habitat mais discontinue (cercle b), un petit habitat continu (cercle c), la même surface mais en habitat discontinu (cercle d).

D'après l'hypothèse de la fragmentation comme impact, les cercles a et c sont censés avoir davantage d'espèces que les cercles b et d. D'après l'hypothèse alternative des chercheurs (appelée hypothèse de la quantité d'habitat), les cercles a et b et les cercles c et d ont les mêmes densités d'espèces, ce qui compte est la quantité d'habitat disponible davantage que leur continuité (donc a et b auront davantage d'espèces que c et d).

Les études confirment l'hypothèse de la qualité d'habitat disponible. Voici le résumé de la recherche:

"Des décennies de recherche suggèrent que la richesse en espèces dépend des caractéristiques spatiales des parcelles d'habitat, en particulier de leur taille et de leur isolement. En revanche, l'hypothèse de la quantité d'habitat prédit que 
(1) la richesse en espèces dans des parcelles de taille fixe (densité d'espèces) est plus fortement et positivement liée à la quantité d'habitat autour de la parcelle qu'à la taille des parcelles ou à l'isolement; 
(2) la quantité d'habitat prédit mieux la densité des espèces que la taille des parcelles et l'isolement combinés, 
(3) il n'y a aucun effet de la fragmentation de l'habitat en soi sur la densité des espèces et 
(4) la taille des parcelles et les effets d'isolement ne deviennent pas plus forts avec la diminution de la quantité d'habitat. 
Les données sur huit groupes taxonomiques provenant de 35 études dans le monde corroborent ces prévisions. La conservation de la densité des espèces nécessite de minimiser la perte d'habitat, quelle que soit la configuration des parcelles dans lesquelles cet habitat est contenu."

Plus en détail, la fragmentation est non seulement sans effet significatif par rapport à la quantité d'habitat, mais dans certains cas associée à un gain de densité d'espèces :
"Nous n'avons trouvé aucune preuve d'effets négatifs cohérents de la fragmentation en soi sur la densité des espèces. La fragmentation en soi n'était pas incluse dans le modèle le plus plausible de densité des espèces dans plus de 85% des études examinées (29 sur 33 études). Dans les quatre études avec un effet détectable de la fragmentation en soi sur la densité des espèces, cet effet était positif (études 12, 14 et 15, toutes sur les plantes de la forêt atlantique du Brésil et étude 24 sur les amphibiens et les reptiles au Mexique). Ce résultat est globalement cohérent avec un examen des réponses à la fragmentation en soi (Fahrig 2017). Bien que nous ne disposions pas de données à partir desquelles nous pouvons déduire le ou les mécanismes sous-jacents à ces réponses à la fragmentation en soi, de nombreuses possibilités existent (voir la figure 3 dans Fahrig et al.2019), y compris les effets de bord positifs ou négatifs, la réduction ou l'amélioration du succès du mouvement et un risque réduit de perturbations spatialement autocorrélées. Cependant, étant donné que la fragmentation en soi n'était que rarement incluse dans certains modèles, il semble que ces mécanismes n'ont généralement pas d'effets importants sur le nombre d'espèces dans les placettes d'échantillonnage. Nos résultats soulignent la valeur de l'hypothèse de la quantité d'habitat en tant que modèle nul par rapport auquel les mécanismes de fragmentation de l'habitat (Fletcher et al.2018) peuvent être comparés. Les études devraient d'abord contrôler la quantité d'habitat avant d'invoquer des mécanismes alternatifs pour expliquer les changements dans la densité des espèces dans les paysages fragmentés (Fahrig 2003)."
Les chercheurs concluent sur la nécessité de réviser les politiques de conservation écologique en attachant d'abord de l'importance à la préservation des habitats (continus ou discontinus) pour le vivant:
"Les humains ont modifié plus de 40% de la superficie terrestre de la Terre (Barnosky et al. 2012), ce qui rend de plus en plus important l'identification d'actions de conservation pragmatiques qui atténuent la perte de biodiversité. L'hypothèse de que quantité d'habitat implique que pour maintenir la densité des espèces (diversité alpha), tout l'habitat est précieux pour la conservation, qu'il se trouve dans une petite parcelle ou isolée. Les stratégies de conservation telles que la restauration de l'habitat (Bernal et al.2018) et le paiement de services écosystémiques qui n'offrent des avantages qu'aux propriétaires fonciers préservant de grandes parcelles sapent la valeur cumulative économique et écologique des petites parcelles d'habitat (Banks-Leite et al.2012, Hern andez - Ruedas et al.2014). Préserver et restaurer autant d'habitat que possible est le meilleur moyen de minimiser les pertes d'espèces."
Discussion
Dans le domaine aquatique (et non terrestre comme cette étude), la continuité écologique (en long) a été valorisée selon deux angles assez différents: la fragmentation serait mauvaise pour des poissons spécialisés migrateurs (qui rencontrent des obstacles impossibles à franchir) et elle serait mauvaise en soi car produisant des habitats séparés. Si le premier angle reste exact (un poisson ne peut pas franchir un grand barrage), le second paraît désormais plus douteux. D'autres travaux ont montré qu'à l'échelle de l'évolution, la fragmentation est productrice de la biodiversité des poissons d'eau douce (Tedesco et al 2017) et des analyses de biodiversité ne montrent pas de lien clair à la densité de barrage à diverses échelles des bassins (Van Looy et al 2014Kuczynski et al 2018).

Par ailleurs, la mise en oeuvre de la continuité écologique en long par destruction de barrage entraîne aussi des destructions d'habitats en place : quand on efface un ouvrage hydraulique, on fait souvent disparaître une retenue, un canal de dérivation (bief) et donc on baisse toutes choses égales par ailleurs la surface en eau disponible pour le vivant. En ce cas, le choix a toute chance d'être mauvais pour la capacité d'accueil des espèces de milieux aquatiques ou humides, lesquelles ne se résument évidemment pas à la petite fraction du vivant que représentent des poissons spécialisés ayant besoin de migration. Cela ne signifie pas que la protection de ces poissons migrateurs est sans objet, en particulier quand l'espèce est menacée. Mais les choix de conservation devraient prendre en compte la globalité des milieux et espèces, pas juste l'optimisation pour certains taxons. Au demeurant, l'importance historique donnée aux poissons migrateurs ne doit pas tant à l'écologie qu'à l'halieutique et à l'existence d'usagers pêcheurs ayant attiré l'attention du gestionnaire sur cette cible particulière de l'action publique (par exemple Thomas et Germaine 2018).

Enfin, la nature des habitats concernés et des biodiversités analysées est à débattre : le milieu lentique ou quasi-lentique d'une retenue n'est pas le milieu lotique (courant) de la rivière. Les espèces adaptées au milieu lotique sont certes pénalisées localement par le changement de milieu, mais d'autres colonisent la retenue à laquelle elles sont mieux adaptées. On doit donc s'interroger sur l'échelle spatiale du bilan de biodiversité (Primack et al 2018), sur le choix de focaliser ou non sur des espèces endémiques (Schlaepfer 2018) ou encore le bilan réel en espèces des mesures (Neeson et al 2018).

Au final, l'écologie est une science qui connaît aujourd'hui un grand dynamisme, notamment grâce à l'acquisition de données massives sur les milieux et espèces, analysables en systèmes d'information géographique. Il peut en résulter des remises en question de paradigmes antérieurs, ce qui est le lot commun de la science. Méfions-nous des "fossilisations" gestionnaires où une strate des connaissances passées est érigée en principe intangible parce que l'on recherche des idées simples face à des réalités complexes. Comme l'écologie devient une politique publique, et que la restauration écologique de milieux gagne des fonds importants, il s'agit d'être en phase avec les conclusions de la recherche.

Référence : Watling JI et al (2020), Support for the habitat amount hypothesis from a global synthesis of species density studies, Ecology Letters, 23, 4, 674-681

16/07/2020

L'assèchement des étangs et marais, une politique publique (Dumont et Dumont 1845)

Assécher les eaux stagnantes, laisser filer les eaux courantes... ce programme est un fil directeur des aménagements du territoire mais aussi des politiques publiques en France depuis plusieurs siècles. Il est notamment à l'origine de la disparition de presque toutes les zones humides du pays, avec leur biodiversité. Nous publions un extrait d'un essai de deux publicistes du 19e siècle, Adrien Dumont et Aristide Dumont, permettant de comprendre l'idéal de santé publique et de la valorisation agricole qui présidait à cet objectif du point de vue de l'Etat et de ses hauts fonctionnaires. Egalement de comprendre la construction sociale et politique des paysages que nous connaissons — paysages réputés "naturels" au prix de notre ignorance de leur histoire longue. Même aujourd'hui, on trouve certaines réminiscences de cette période et de cet imaginaire dans la valorisation symbolique de l'eau courante, assimilée par divers acteurs à sa "qualité", en opposition à une eau stagnante que l'on suspecte d'être "dégradée".


Adrien Dumont (1813-1869), magistrat, avocat à la Cour de Paris, publiciste, et Aristide Dumont (1819-1902), ingénieur des Ponts et chaussées, ancien élève de l'école Polytechnique, ont publié en 1845 un ouvrage sur l'organisation légale des cours d'eau. Le document est intéressant pour l'histoire du droit, mais aussi pour l'histoire des institutions et la compréhension de la manière dont la haute fonction publique a de longue date orienté la gestion de la nature en France.

Les auteurs homonymes y expriment une idéologie administrative dominante à leur époque. Nous publions ici deux extraits représentatifs sur les marais et les étangs. Ces zones humides y sont dépréciées comme inutiles, de moindre rendement que l'agriculture, source d'insalubrité (épidémie, épizootie). Les marais doivent être desséchés pour les auteurs — ce qui correspond à une longue tradition. Cette doctrine sera poursuivie jusque dans les années 1980. Après le vote de la loi sur l'eau en 1992, le rapport du préfet Bernard (1994) constatera que les deux tiers des zones humides ont disparu en France entre la fin du 19e siècle et la fin du 20e siècle. Quant aux étangs, Dumont et Dumont se montrent à peine plus tolérants à leur égard que pour les marais. Ils regrettent que le préfet ne soit pas plus dirigiste dans leur création et leur interdiction, évoquant avec nostalgie la loi du 14 frimaire an II ordonnant que tous les étangs du pays soient mis à sec...

Extraits

Le mot marais s'applique aux lieux situés en fond de bassin, couverts d'eaux qui deviennent stagnantes faute de canaux d'écoulement.

La législation a toujours tendu à encourager le dessèchement des marais.

Ces desséchements - présentent, en effet, un double but d'intérêt public. En restituant à la culture de vastes terrains, ils détruisent une des causes qui nuisent à la santé des hommes et à la prospérité des végétaux.

Un édit du mois de janvier 1607 contenait quelques dispositions éminemment favorables aux dessèchements. Non seulement la noblesse et le clergé pouvaient sans déroger s'intéresser dans ces entreprises, mais encore on exemptait de tous droits les matériaux nécessaires à leur exécution. Les terres desséchées devenaient nobles, n'étaient frappées d'aucun impôt pendant vingt ans , et les étrangers qui venaient se fixer sur les terrains. assainis étaient naturalisés de plein droit.

Dans le système des lois les plus anciennes, la moitié du fonds desséché était délaissée à l'entrepreneur du dessèchement; peu importait qu'il convînt au propriétaire de garder la totalité de ses terres, que l'amélioration n'eût été que d'une très-légère importance, cette inflexible proportion de la moitié ne se modifiait par aucun motif de convenance,

par aucune règle de justice. Les nombreuses difficultés survenues entre les concessionnaires de desséchement et les propriétaires de marais, ayant forcé d'avoir recours à d'autres moyens, on autorisa les entrepreneurs à exproprier les propriétaires à la charge de leur payer le prix des marais; mais il n'était que trop évident que cette expropriation heurtait directement toutes les habitudes , tous les droits de la propriété. D'ailleurs , cette faculté donnec t aux entrepreneurs n'était pas toujours pour eux un encouragement, car ils se trouvaient dans la nécessité de dépenser de grands capitaux au moment même Oll ils avaient besoin de toutes leurs ressources pour l'exécution des travaux.

L'assemblée nationale considéra les desséchements comme une mesure très-essentielle, et la loi du 5 janvier 1791 fut la preuve de toute sa sollicitude à cet égard ; mais cette loi ayant consacré de nouveau le principe de l'expropriation préalable, resta sans exécution, soit par l'effet du système vicieux qu'elle avait adopté, soit à cause des grands événements politiques qui la suivirent.

Cette législation exigeait d'autant plus une réforme qu'elle se lie intimement à l'intérêt général, à la santé, à la vie des hommes , et à l'accroissement des produits du territoire.

La loi du 16 septembre 1807 a été substituée à celle de 1791. Aujourd'hui, les entrepreneurs ne deviennent pas plus propriétaires d'une partie du terrain assaini qu'ils n'ont le pouvoir d'exproprier les marais à dessécher.

(...) Quoi qu'il en soit, il existe encore en France 800,000 hectares de marais ; c''est la quatre-vingt-septième partie du territoire ; ces terrains une fois assainis sont d'une qualité excellente, et on peut facilement en obtenir un revenu moyen de 100 fr. Supposons donc ces marais desséchés, et notre revenu agricole s'accroît immédiatement d'une somme de 80 millions; qui représente un capital de 2 milliards 500 millions. Si à cet accroissement de richesse on ajoute tous les avantages sanitaires qui doivent résulter des dessèchements, on aura la mesure de toute l'importance que le législateur doit y attacher. (...)



On appelle étang un amas d'eau réuni dans un terrain dont la partie inférieure est fermée par une digue ou une chaussée et dans lequel on nourrit ordinairement du poisson.

Sous l'empire des coutumes il était généralement permis de faire, de son autorité privée, des étangs sur son héritage, pourvu qu'on n'entreprît point sur les chemins ni sur les droits d'autrui.

Le projet du code rural apportait une restriction à cette liberté en prescrivant l'autorisation préalable du préfet dans le cas où la superficie de l'étang excéderait cinquante hectares, ou si la chaussée, quelle que fût la superficie de l'étang, devait être placée sur ou contre un chemin public. Dans cette double hypothèse le préfet était chargé de consulter le conseil municipal et les propriétaires intéressés.

Ce projet n'ayant pas été adopté, les étangs restent placés sous les règles du droit commun, en sorte que chacun a la faculté d'en établir sur son terrain à la seule condition de s'adresser au préfet pour faire fixer la hauteur de la chaussée ou du déversoir et de prendre des mesures telles que le gonflement des eaux ne puisse porter préjudice aux propriétaires supérieurs et que leur écoulement ait lieu sans nuire à ceux dont les fonds sont situés en aval.

Il est à regretter que l'autorisation de l'administration ne soit pas nécessaire pour l'établissement des étangs dont les émanations occasionnent trop souvent dans nos campagnes des maladies épizootiques; d'ailleurs ils occupent une étendue de terrain qui, livrée à la culture, donnerait de nouveaux éléments de prospérité à l'industrie agricole.

L'assemblée nationale avait compris combien la destruction des étangs est commandée dans l'intérêt de la salubrité et de l'agriculture. Aussi a-t-elle rendu une loi spéciale (Voy. la loi du 11 sept. 1792) pour autoriser les conseils généraux (aujourd'hui les préfets) à ordonner cette destruction , sur la demande formelle des conseils généraux des communes, et d'après les avis des administrateurs du district, lorsque les étangs peuvent occasionner, par la stagnation de leurs eaux, des maladies épidémiques ou épizootiques, ou que par leur position ils sont sujets à des inondations qui envahissent et ravagent les propriétés inférieures.

Bientôt le législateur fit un pas de plus. L'existence de cette sorte de propriété lui parut incompatible avec le salut des habitants et, par une loi du 14 frimaire an II, il ordonna que, sauf quelques exceptions, tous les étangs seraient mis à sec, sous peine de confiscation au profit des citoyens non propriétaires des communes où sont situés lesdits étangs.

Le sol des étangs desséchés devait être ensemencé en grains de mars ou planté en légumes propres à la subsistance de l'homme.

Mais cette dernière loi fut malheureusement rapportée par une autre du 13 messidor an III.

Cette nouvelle loi chargea les administrateurs du département de faire reconnaître par des agents les moyens de faire prospérer l'agriculture, et de rendre l'air plus salubre, dans les contrées connues ci-devant sous les noms de Sologne, Bresse et Brenne; d'y faire cesser, ainsi que dans toutes les autres parties de la république, les abus résultant de l'élévation des eaux pour le service des moulins; de donner aux rivières obstruées et encombrées un libre cours; d'indiquer les mesures les plus efficaces pour ordonner et faire maintenir les lois de police, tant sur le cours des eaux d'étangs que des marais qui se forment annuellement; d'ouvrir notamment dans les trois contrées ci-dessus désignées des canaux de navigation pour le tout être présenté au plus tard dans le délai de trois mois à la convention, et être statué par elle sur les mesures les plus efficaces pour chaque contrée.

Source : Dumont Adrien, Dumont Aristide (1845), De l'organisation légale des cours d'eau sous le triple point de vue de l'endiguement, de l'irrigation et du desséchement, ou Traité des endiguements, des alluvions naturelles et artificielles, des irrigations...: avec la jurisprudence, suivi d'un exposé de la législation lombarde, L. Mathias, paris, 535 p.

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