D'après nos informations, le soviet suprême rebaptisé comité national de l'eau du 5 novembre a été l'occasion d'un coup de colère contre les "ultras" qui osent dire en public que la continuité écologique des rivières se passe toujours mal. Pour le quarteron de hauts fonctionnaires essayant de faire survivre en réanimation cette réforme frappée du virus du dogmatisme idéologique et de la gabegie financière, le citoyen ne comprend tout simplement rien et l'Etat fait tout pour son bien. Manque de chance, nous ne croyons plus un mot de ce refrain. Les citoyens français en ont surtout ras le bol d'être pris pour des idiots. Au bord des rivières comme ailleurs.
Le groupe de travail "continuité écologique" du comité national de l'eau a été lancé voici deux ans pour mettre en oeuvre le plan de politique apaisée de continuité écologique — un texte promulgué à la va-vite en 2018 par un Nicolas Hulot qui n'avait manifestement aucun intérêt au dossier, vu que les principaux lobbies courtisant son ministère trempent depuis longtemps dans cette sombre affaire. Nicolas Hulot est celui qui n'a même pas daigné recevoir les représentants des 20 000 riverains de la Sélune protestant contre la destruction des barrages et des lacs au profit du lobby des pêcheurs de saumon, un scandale antidémocratique de la pseudo-écologie sectaire et punitive — alors que plusieurs actions en justice sont en cours quand les pelleteuses font le sale boulot de démolition d'ouvrages d'intérêt général. Ce mépris est répugnant, surtout venant de ceux qui luttent partout en France contre des grands projets inutiles nuisant à la qualité de vie des riverains.
Les fédérations de moulins (FFAM, FDMF) et riverains (ARF) n'ayant pas pu faire reconnaître à ce comité national de l'eau une seule de leurs exigences fondamentales depuis 2 ans, elles n'ont même pas assisté à la dernière réunion, se contentant d'une représentation par leur avocat.
Voilà un message assez clair.
C'est en effet par avocat que chaque association, chaque collectif riverain et chaque maître d'ouvrage devront désormais porter plainte (à l'administratif et dans certains cas au pénal) contre tout fonctionnaire territorial ou central qui essaie de:
- harceler des propriétaires isolés et fragiles,
- désinformer un propriétaire sur ses droits afin de vicier son consentement à signer des contrats ou courriers,
- casser indûment un droit d'eau,
- imposer une solution de destruction d'ouvrage,
- prétendre que les passes à poissons n'ont pas à être indemnisées,
- refuser de reconnaître la préservation du patrimoine classé et l'exemption des sites producteurs inscrites dans la loi,
- ralentir la transition bas-carbone par des demandes abusives sur la relance énergétique des sites,
- mettre à sec des milieux aquatiques et humides, réduire la ressource en eau à l'étiage, altérer la faune et la flore des biotopes de retenues, étangs, canaux.
C'est-à-dire tout ce que l'on observe depuis 10 ans.
Nous rappelons qu'au cours du seul été 2020 et en pleine désinformation de "continuité apaisée", l'administration a :
- publié le décret scélérat du 30 juin 2020 qui permet de détruire des sites et mettre à sec des milieux sur simple déclaration confidentielle, sans enquête publique ni étude d'impact,
- publié le décret scandaleux du 18 août 2020 qui entérine l'exclusion des comités de bassin des agences de l'eau de tous les représentants des ouvrages particuliers, familiaux, patrimoniaux (moulins, étangs, canaux, patrimoine riverain de la ruralité), c'est-à-dire interdisant que la politique publique des ouvrages soit co-construite avec les premiers concernés, non imposée par des bureaucraties et des lobbies non élus,
- engagé dans plusieurs SDAGE 2022-2027 la poursuite de la prime financière à la destruction pour encore 7 ans, soit la reconduite des blocages par impossibilité de financer les modes doux de continuité.
A M. Claude Miqueu — co-animateur du groupe de travail du comité national de l'eau — qui répète dans le vide "du concret, du concret", voilà du tout à fait concret.
Voilà des décisions normatives et financières de l'Etat et des administrations qui indiquent très clairement la volonté de persister dans le premier motif de colère des citoyens, à savoir la préférence publique pour la destruction des patrimoines bâtis et paysagers de l'eau, le harcèlement permanent des propriétaires et des riverains.
On attend donc que l'Etat et les représentants de l'Etat dans les agences de l'eau reformulent ces textes qui contredisent le soi-disant apaisement. Du concret, du concret, M. Miqueu.
La continuité sera apaisée quand les hauts fonctionnaires de l'eau et de la biodiversité cesseront de tromper et de manipuler leur monde pour reconnaître les 3 bases d'un apaisement, et instruire les services en ce sens:
- les ouvrages autorisés doivent être respectés et il n'est plus question de les détruire sauf dans les cas où ils posent des dangers de salubrité publique,
- les rivières sont des phénomènes socio-naturels, la part humaine de leur histoire, de leur peuplement, de leur fonctionnement et de leurs usages n'a pas à être niée ou diabolisée, le retour de la "rivière sauvage" et l'idéal de "nature sans humain" relèvent d'idéologies militantes mais ne sont pas le contenu de nos lois, donc ne doivent pas être la politique publique de l'administration de l'eau,
- les dispositifs de continuité écologique se justifient pour protéger des espèces migratrices là où elles sont menacées et ces dispositifs doivent faire l'objet d'un financement public intégral vu leur coût inaccessible et vu que la charge d'entretien est déjà aux frais du maître d'ouvrage.
Le reste est littérature. Du concret, du concret, M. Miqueu.
Post scriptum : visiblement, les différents articles parus dans la presse nationale (non seulement locale) cet été et critiquant la mise en oeuvre brutale de la continuité écologique ont beaucoup énervé nos technocrates, dont la zone de confort est dérangée par la lumière faite sur leurs agissements. On s'en doute, l'opacité est l'alliée de l'arbitraire. Tous nos lecteurs qui ont des moyens de contacter des journalistes nationaux de presse, radio ou télévision doivent donc le faire. Les médias seront sûrement ravis de raconter qu'en pleine transition énergétique on détruit des ouvrages hydrauliques pouvant produire de l'électricité verte, qu'en plein changement hydro-climatique on détruit des ouvrages aidant à réguler des crues et des sécheresses, qu'en pleine interrogation sur l'avenir de l'eau dans nombre de vallées françaises on fait disparaître des moyens de stocker et diffuser l'eau toute l'année ainsi que de diversifier des milieux d'accueil du vivant aquatique, qu'en plein débat sur les circuits-courts, l'économie locale et la revitalisation des territoires ruraux on anéantit un patrimoine multiséculaire au lieu de le restaurer et de le valoriser. Beaucoup de citoyens commencent à douter que l'Etat central soit capable de prendre des décisions avisées pour l'avenir du pays, des décisions représentatives de ce que pensent réellement les citoyens et des décisions dont les conséquences fâcheuses sont payées par ceux qui les ont prises, pas par ceux qui les subissent. Dans le cas des ouvrages des rivières, ce doute est permis...