04/12/2020

Les stations d'épuration laisseraient passer plus de 100 molécules toxiques dans les eaux françaises (Aemig et al 2021)

Si les années 1980 et suivantes ont vu se développer la lutte contre les nitrates et phosphates, encore inachevée dans plusieurs régions, on commence seulement à mesurer les volumes de micropolluants circulant dans les eaux en France. Dans la première étude de ce genre pour quantifier les contaminants à échelle du pays, les chercheurs ont identifié en sortie de station d'épuration 94 molécules organiques pouvant avoir des effets toxiques sur la santé humaine (88 écotoxiques), 15 molécules inorganiques pouvant avoir une toxicité humaine (19 écotoxiques), pour un total de près de 147 tonnes. Les stations d'épuration ne sont pas prévues pour traiter ces contaminants d'origines très diverses : pesticides, médicaments humains et vétérinaires, hormones, hydrocarbures, métaux lourds, composés de synthèse. L'effet de cette charge toxique sur les milieux aquatiques est très mal documenté à ce jour, malgré leur hausse constante depuis l'après-guerre. Il serait temps que les gestionnaires français de l'eau, au lieu de détruire maladivement des moulins et étangs d'Ancien Régime comme soi-disant pinacle écologique de la rivière "sauvage", s'intéressent sérieusement au dossier de la pollution ainsi qu'à la santé des humains comme à celle des milieux.


Quentin Aemig, Arnaud Hélias et Dominique Patureau (INRAE, ITAP Montpellier, ELSA Montpellier) ont pour la première fois en France tenté de quantifier les micropolluants rejetés par les stations d’épuration. Selon leur modélisation, les 5 milliards de mètres cubes d’eau qui sortent chaque année de ces stations comporteraient environ 147 tonnes de micropolluants.

Voici le résumé de leur travail :
"Les micropolluants émis par les activités humaines représentent une menace potentielle pour notre santé et notre environnement aquatique. Des milliers de substances actives sont utilisées et vont à la STEP via les eaux usées. Pendant le traitement de l'eau, une élimination incomplète se produit. Les effluents rejetés dans l'environnement contiennent encore une partie des micropolluants présents dans les effluents. Ici, nous avons étudié les impacts potentiels sur la santé humaine et le milieu aquatique du rejet de 261 micropolluants organiques et de 25 micropolluants inorganiques à l'échelle de la France. Les données ont été recueillies à partir d'enquêtes nationales, de rapports, d'articles et de travaux de doctorat. Le modèle USE-tox ® a été utilisé pour évaluer les impacts potentiels. Les impacts sur la santé humaine ont été estimés pour 94 micropolluants organiques et 15 inorganiques et sur le milieu aquatique pour 88 micropolluants organiques et 19 inorganiques, soulignant le manque de concentration et de données toxicologiques dans la littérature. Certains hydrocarbures aromatiques polycycliques et pesticides ainsi que l'As et le Zn ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur la santé humaine. Certains pesticides, le PCB 101, la βE2, l'Al, le Fe et le  Cu ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur l'environnement aquatique."

Ce schéma résume les molécules organiques et inorganiques étudiées (liste des substances, nombre de substances avec au moins une concentration détectable, nombre de substances dépassant la limite de détection dans plus de 10% des prélèvements, substances à toxicité humaine ou environnementale). 




Voici leur conclusion :

"Les impacts potentiels totaux sur la santé humaine ont varié entre 3 et 14 et 761 à 904 DALY [Disability Adjusted Life Year = cumul année de vie perdue] pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques. Les impacts potentiels totaux sur l'environnement aquatique ont varié entre 18 et 22 et 2 408 à 3 407 milliards de PDF.m3.j [Potentially Disappeared Fraction potentielle d'espèces disparues d'un volume) pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques.

Pour la toxicité et l'écotoxicité, les impacts potentiels ont été calculés avec un petit nombre de molécules par rapport à celles qui avaient été sélectionnées. Cela a mis en évidence le manque de données de concentration et de facteurs de caractérisation. La connaissance réelle des effets des micropolluants sur la santé humaine et l'environnement aquatique est limitée.

Nos études ont soulevé la question de la solution pour réduire les impacts des micropolluants organiques sur la santé humaine et l'environnement aquatique. La réduction ou l'interdiction d'utilisation est préférée en France; ici, nous avons mis en évidence que les micropolluants omniprésents (HAP), interdits (PCB) ou naturels (hormone) sont toujours présents dans les effluents et ont contribué à l'impact calculé signifiant que cette solution n'est pas appropriée pour tous les micropolluants. Les traitements tertiaires sont un autre moyen de réduire les rejets dans l'environnement, mais nous devons savoir s'ils sont suffisants pour réduire les micropolluants ayant les impacts les plus élevés et des études pour prouver que les produits de dégradation, le cas échéant, ne sont pas plus toxiques que les composés d'origine. De plus, on peut également s'interroger sur le coût impliqué par l'ajout de traitements tertiaires: il faut savoir si les options de traitement tertiaire disponibles sont efficaces pour éliminer les micropolluants et si elles sont rentables compte tenu de leur coût et de la diminution de l'impact. Nos résultats ont soulevé des questions sur les impacts des micropolluants inorganiques; en effet, ils sont naturellement présents dans l'eau, la plupart des concentrations dans les effluents des stations d'épuration sont proches des concentrations en rivière mais les impacts estimés montraient un risque élevé en raison de ces substances.

USETox® est basé uniquement sur des données de toxicité chronique et ne tient pas compte des perturbations endocriniennes. De plus, les effets des nanomatériaux, des microplastiques, des gènes de résistance, etc. n'ont pas été pris en compte par cette méthode mais peuvent représenter un impact important sur la santé humaine et l'environnement aquatique. Cependant, cette méthode pourrait être utilisée pour comparer différents scénarii: ajout de traitement tertiaire, réduction des émissions à la source, etc. Ici, comme première étape d'estimation des impacts potentiels, nous nous concentrons sur les valeurs de masse moyennes à l'échelle de la France. On sait qu'il existe une variation spatiale et temporelle des émissions de micropolluants (Lindim et al., 2019); une perspective est d'utiliser ce type de méthode à l'échelle du bassin versant, en considérant d'autres émissions provenant de l'agriculture ou des industries."
Parmi les substances les plus nocives pour les humains, 8 représentent seulement 4 % de la masse totale des 94 micropolluants, mais 94 % de leur impact potentiel. Elles se composent de quatre hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), du dicofol (insecticide organochloré interdit depuis 2010), d’un retardateur de flammes (banni depuis 2004) ainsi que de deux anti-inflammatoires. Du côté de la faune aquatique, les cinq substances ayant le plus d’effet représentent 2 % du total des flux, mais comptent pour 99 % de l’impact. La cyperméthrine (un insecticide), un PCB, un type d’œstrogène naturel (ßE2), l’amoxicilline (un antibiotique) se révèlent comme les plus dommageables.

Discussion
Les pollutions des cours d'eau et des nappes restent mal évaluées, en raison du très grand nombre de substances chimiques (plusieurs dizaines de milliers) qui sont utilisées dans l'agriculture et l'industrie. Bien que présentes en faibles doses, ces molécules peuvent être toxiques dans certains cas, et leurs effets cumulés sont quasi-impossibles à estimer sur l'ensemble des organismes cibles présents dans les rivières et les plans d'eau. 

Ces résultats sont aussi très inquiétants pour la capacité de la France à respecter la directive cadre européenne sur l'eau, dont l'échéance ultime de résultat est fixée en 2027. Plus des deux-tiers des rivières sont en mauvais état chimique, notamment en raison des HAP et des pesticides. Mais les mesures de routine faites dans le cadre de l'évaluation DCE sont loin de comptabiliser toutes les molécules à effet toxique. 

Il est navrant que l'argent public de l'eau continue d'être dilapidé en France dans des mesures absurdes, comme la destruction des ouvrages anciens (moulins, étangs, plans d'eau), alors que la restauration de la qualité chimique de l'eau n'est toujours pas à portée de vue. Les administrations n'ayant pas été capables de hiérarchiser les enjeux et les priorités pour la société porteront une lourde responsabilité en ce domaine. 

01/12/2020

Guide de la continuité écologique et des rivières prioritaires

Après de grands retards et de nombreuses critiques, la réforme ratée de continuité écologique a donné lieu à la définition de rivières et d'ouvrages prioritaires. Nous publions la conférence Hydrauxois donnée à ce sujet, ainsi que la mise à jour du guide des propriétaires d'ouvrages hydrauliques pour répondre aux exigences de l'article L 214-17 du code de l'environnement. Attention, le droit est précis: pour ne pas se mettre en défaut tous les moulins, forges, étangs et plans d'eau concernés par un classement en liste 2 doivent lire attentivement le guide et agir en conséquence. Ne rien faire aujourd'hui, c'est se préparer des ennuis pour demain. 





Les points essentiels à retenir :

- la priorisation des rivières est sans base légale, c'est une décision purement interne de l'administration faussement présentée comme une solution, 

- tous les ouvrages classés en liste 2 restent soumis aux obligations de la loi, tous les ouvrages pourront donc être attaqués par des tiers (ou déclarés "non régulièrement installés" par l'Etat) s'ils ne sont pas en conformité à la continuité écologique au terme du délai légal (délai de 5 ans prorogé une fois, donc travaux avant 2022 ou 2023 selon les bassins),

- nous ne voulons pas de ces diversions, mais l'application de la loi : des solutions de continuité respectant la consistance légale des ouvrages (pas de destruction) et indemnisant les travaux à coût exorbitant (pas de charge publique sur le dos de particuliers),

- si cette mise en conformité est impossible dans les délais pour manque de temps ou d'argent, alors il faut soit réviser la loi (modifier l'article L 214-17 CE posant tant de problèmes depuis 2006) soit réviser la liste de classement en liste 2 pour revenir à des périmètres raisonnables,

- nous appelons tous les maîtres d'ouvrage à se coordonner sur les rivières liste 2, à opposer le même discours aux administrations et syndicats, à saisir leur parlementaire pour que le ministère de l'écologie cesse ses dérives et ses dénis pour trouver de vraies solutions.

Pour rappel : l'association Hydrauxois a demandé au conseil d'Etat l'annulation du processus de priorisation, car il crée des inégalités des citoyens devant la loi et, in fine, ne respecte pas les termes de cette loi en suggérant que les délais légaux ne seront pas respectés. Nous voulons que le ministère de l'écologie et le parlement actent sans détour l'échec de la réforme telle qu'elle été menée par l'administration, pour définir des solutions réellement pérennes. 

27/11/2020

La population de castor dépasse 1,2 million d'individus en Europe (Wróbel 2020)

Le castor eurasien (Castor fiber) est une espèce en pleine expansion. Les réintroductions, qui ont été menées dans diverses parties de l'Europe, ainsi que le taux d'accroissement naturel ont entraîné une augmentation du nombre d'individus. Où en sommes-nous en 2020? Michał Wróbel (Institut de recherche forestière, Pologne) a collecté les informations disponibles pour fournir des chiffres sur la population de castors eurasiens dans toute l'Europe. La population compterait près de 1,2 millions individus. Mais la France a encore un fort potentiel d'expansion du castor. Ce qui devrait occasionner la construction de nombreux barrages en rivière, jugés bénéfiques pour le vivant.

Nous reproduisons ci-dessous les données collectées par le chercheur.



Discussion
Les densités observées en Europe orientale, où le castor a moins régressé qu'en Europe occidentale, suggèrent un fort potentiel d'expansion, notamment en France. Cela implique que la morphologie des rivières peu profondes devrait être modifiée dans les années et décennies à venir — en particulier les têtes de bassin boisées, où le castor trouve des conditions favorables. Dans les rivières dont la lame d'eau est inférieure à 68 cm, les colonies de castors choisissent la stratégie de construction de barrages et retenues (Swinnen et al 2019).

Il sera intéressant d'observer comment les gestionnaires de l'eau, considérant désormais (au plan règlementaire) que tout obstacle de plus de 20 cm est une grave discontinuité écologique, vont accueillir le retour de ces barragistes de la nature. La littérature en écologie ne tarit pas d'éloge sur les castors et leurs bienfaits pour la diversité locale des habitats, l'épuration de l'eau, la création de débordements latéraux, etc.. Pourtant, les barrages et retenues de ces rongeurs semi-aquatiques ont sensiblement les mêmes effets que les plus modestes ouvrages des humains : ils tendent à ralentir l'écoulement et créer des systèmes lentiques, à réchauffer la masse d'eau retenue, à remplacer un lit en sable et gravier par du limon, etc. Par quelles acrobaties intellectuelles va-t-on  changer de discours pour affirmer que les mêmes effets sont tantôt remarquables, tantôt blâmables? A moins que les véritables motivations de certains usagers promouvant des "rivières libres" n'apparaissent plus clairement à cette occasion...

Référence : Wróbel M (2020) Population of Eurasian beaver (Castor fiber) in Europe, Global Ecology and Conservation, 23, e01046 

24/11/2020

Non, la science ne dit pas qu'il faut détruire les ouvrages des rivières

Alors qu'elle ne respecte ni ses engagements sur le réchauffement climatique ni ceux sur les pollutions, la technocratie française de l'eau prétend depuis 10 ans que la destruction des moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques anciens serait une nécessité urgente dictée par la science. C'est un mensonge. Pour justifier ses choix, cette technocratie ne sélectionne qu'une petite partie des recherches, elle mélange sans vergogne la science et l'opinion, elle use d'un argument d'autorité n'ayant pas lieu d'être. Explications.


Depuis 10 ans, le France a engagé la politique la plus ambitieuse en Europe et dans le monde dans le domaine de la continuité écologique des rivières. En particulier la continuité en long, celle qui entend supprimer tout obstacle à la circulation de poissons ou au transit de sédiments. Il s'agit pour cette politique de favoriser la destruction du maximum de chaussées et de barrages, entraînant la disparition des paysages et habitats qui en résultent (plans d'eau, canaux), ainsi que des patrimoines et des usages attachés aux ouvrages. 

Face aux refus que soulève cette politique un peu partout, l'un des arguments les plus souvent entendus pour la justifier s'énonce ainsi: la science affirme que la disparition des ouvrages est une bonne chose.

Cet argument est faux, et il est manipulateur de trois manières. 

D'abord, la science ne parle pas des "bonnes" choses et des "mauvaises" choses, ce qui relève de l'opinion. La science se contente d'établir des faits, d'en chercher les causes et d'en viser des prédictions, elle ne se prononce pas sur le monde idéal. C'est aux citoyens et à leurs élus, une fois correctement informés des données de la science — et de toutes les données —, de décider ce qu'ils veulent pour la société et son environnement.

Ensuite, la science supposément favorable à la destruction des ouvrages a été réduite à l'écologie, en particulier l'écologie de conservation. Or la science ne se résume pas à l'écologie : les ouvrages hydrauliques peuvent être analysés au plan de l'hydrologie, de la limnologie, de l'histoire, de la géographie, de la sociologie, de l'anthropologie, de l'économie, du droit... il y a une véritable usurpation de "la science" si on la résume à une seule discipline. 

Enfin, même au sein de l'écologie formant la justification principale de cette politique, on a réduit l'approche scientifique à celle de chercheurs usant d'un paradigme particulier: seule une nature indemne de toute influence humaine représenterait la nature "de référence", la nature "normale". Or, tous les écologues scientifiques ne sont pas d'accord avec cette approche, certains admettent désormais que la biodiversité évolue, que les nouveaux écosystèmes créés par les humains ont des intérêts et peuvent être conservés.

La Coordination nationale eaux & rivières humaines a publié un recueil de 100 recherches scientifiques menées en France et Europe, toutes parues voici moins de 10 ans, montrant que le discours officiel d'Etat (et de divers lobbies) sur la continuité écologique représente en réalité une sélection arbitraire de certaines conclusions et de certaines approches de la recherche.

Entendons-nous bien : il ne s'agit évidemment pas de prétendre que des ouvrages hydrauliques ne transforment pas les milieux au plan physique, chimique ou biologique. C'est une évidence, beaucoup de recherches l'ont montré. Mais toutes ces transformations ne sont pas négatives, toutes ne sont pas jugées mauvaises par la société et toutes doivent être comparées à d'autres pour en comprendre la portée exacte, avant de prétendre que cela a la moindre gravité, ou même que c'est un problème. Notre pays n'étant par exemple pas capable de mesurer en routine les centaines de polluants circulant dans ses eaux, on peut douter que cet exercice de comparaison et hiérarchisation soit fait avec une grande robustesse. 

Ne confondons plus la science avec les alibis opportunistes de la technocratie. Cela nourrit la disqualification de la parole publique, mais aussi plus gravement le discrédit de la parole scientifique dont on ne sait plus trop si elle représente une recherche neutre de connaissances ou une idéologie au service du pouvoir politique.

A lire

22/11/2020

Le syndicat de la Sarthe SM SEAU déploie le bourrage de crâne pour justifier la casse des ouvrages en rivière

Souhaiter une continuité écologique "apaisée" mais persister dans la diabolisation des ouvrages, la diffusion d'informations incomplètes et trompeuses à leur sujet, l'appel à leur disparition? Cela ne marchera pas. Nous avons besoin d'un nouveau discours public de l'eau et de la rivière, pas de communication superficielle et mensongère. Ainsi dans l'actualité, un syndicat essaie d'obtenir du préfet une déclaration d'intérêt général (DIG) pour des travaux sur le Rhonne, l’Orne Champenoise, la Vézanne et le Fessard, pour un total de 2,98 millions d'euros d'argent public. Le volet sur les ouvrages hydrauliques et la continuité en long est un copier-coller paresseux des dogmes contre les retenues, canaux et plans d'eau, sans aucune prise en compte des évolutions des connaissances scientifiques ni des débats entre les experts de ces questions, sans aucune donnée de terrain analysant ces milieux avant de définir des choix. Nous ne pourrons pas parvenir à un apaisement sur cette question si l'administration valide des dogmes sans consistance menant à dilapider l'argent public de l'écologie dans des travaux sans lien à l'intérêt général et sans ciblage sur les premiers facteurs qui dégradent l'état des cours d'eau et plans d'eau. Les riverains et leurs associations doivent donc refuser ces DIG en enquête publique et aller en justice, car avec le décret scélérat du 30 juin 2020, il n'est plus possible ensuite d'exiger des études d'impact sur chaque casse de moulin, étang ou plan d'eau entraînant la destruction des milieux, fonctions, usages et potentiels liés à ces ouvrages. 


Le Syndicat mixte Sarthe Est Aval Unifié (SM SEAU) organiser une enquête publique pour un projet de travaux de restauration des milieux aquatiques sur les bassins versants du Rhonne, de l’Orne Champenoise, de la Vézanne et du Fessard.

Le syndicat veut obtenir une déclaration d'intérêt général (DIG) et une autorisation environnementale unique. Depuis le décret scélérat du 30 juin 2020, ce moment de la procédure est le seul où les citoyens peuvent s'exprimer. Si le préfet valide la DIG et l'autorisation environnementale dans un arrêté, alors le syndicat et ses exécutants pourront détruire à volonté des ouvrages et des milieux sans avoir à faire d'étude d'impact local ni à soumettre le projet aux citoyens concernés dans le cadre d'une procédure transparente.

Le syndicat mixte SM SEAU propose de donner la prime à l'effacement des ouvrages hydrauliques. 

Il  justifie ses mesures par des propos très généraux et très manipulateurs, dont voici l'exposé :
"Le diagnostic réalisé sur le territoire a mis en avant la présence de plusieurs ouvrages ou plans d’eau impactant la continuité écologique et plus généralement la qualité habitationnelle de la rivière.
Note : La régularité administrative n’est pas avérée pour chacun de ces ouvrages ou plans d’eau, des recherches seront effectuées afin d’identifier ceux qui seraient illégaux.
La présence d’ouvrages hydrauliques et de plans d’eau implantés en travers ou en dérivation du cours d’eau présente de nombreux impacts négatifs. Ces impacts sont proportionnels à l’envergure de l’ouvrage et du plan d’eau (hauteur de chute, surface du miroir d’eau...) et aux caractéristiques du cours d’eau.
En effet, ils peuvent être à l’origine :
− d’une aggravation du phénomène d’eutrophisation et d’une altération de la qualité de l’eau sur les portions aval du cours d’eau (augmentation de la température et de la matière organique, diminution de l’oxygène dissous) ;
− d’un effet d’obstacle pour les poissons en migration et de morcellement des populations ;
− d’un piégeage dans la retenue des sédiments grossiers (sables, graviers, blocs) et des limons (envasement progressif) et donc d’un déséquilibre hydro- sédimentaire à l’échelle de la rivière, avec une accentuation des phénomènes d’érosion plus en aval ;
− d’une homogénéisation des milieux aquatiques avec une modification des peuplements piscicoles et des macro-invertébrés (espèces polluo-résistantes) et une disparition des zones de fraie et de développement des juvéniles pour certaines espèces sensibles à la qualité du substrat (truites, vairons, chabots...) ;
− d’une augmentation des inondations à l’amont et des étiages à l’aval. 
Ces ouvrages et plans d’eau vont à l’encontre du bon état écologique des cours d’eau."
Cette justification reprend tous les dogmes de la continuité écologique et représente un bourrage de crâne. La coordination nationale Eaux & rivières humaines a publié un dossier de 100 recherches scientifiques récentes, en France et en Europe, dont beaucoup concernent des ouvrages et plans d'eau. Il ressort de ces travaux de recherche que 
  • Les milieux créés par les ouvrages hébergent de la biodiversité.
  • La biodiversité des bassins versants évolue depuis des millénaires sous influence humaine, dans le cadre d’une « socio-nature », rendant illusoire la définition administrative d’un « état de référence ».
  • Les ouvrages anciens et de petites dimensions ont souvent des impacts faibles à nuls sur le transit des sédiments ou la circulation des poissons grands migrateurs.
  • Les ouvrages, en particulier les chaines d’ouvrages de type moulins et étangs, assurent une retenue d’eau sur les bassins (surface, nappe), leur disparition altérant ce service environnemental.
  • Les pollutions et les usages des sols du bassin versant ont des effets beaucoup plus marqués sur la dégradation de l’eau que la morphologie du lit.
  • Au sein de la morphologie, les densités de barrages ont des effets faibles à nuls sur la qualité de l’eau et des milieux, voire un certain nombre d’effets positifs mesurés dans divers travaux (dépollution et hausse de biodiversité bêta du bassin en particulier).
  • La restauration écologique, et en particulier morphologique, des rivières est confrontée à des résultats incertains, parfois des échecs.
  • Les effacements d’ouvrages hydrauliques ont parfois des effets négatifs avérés : incision des lits, pertes de milieux (zones humides, ripisylves), pollutions, disparition d’aménités culturelles.
  • Les politiques de rivières sont en déficit de reconnaissance des aspirations des citoyens et des dimensions multiples de l’eau, avec certaines expertises qui ont des biais manifestes mais sont mises en avant sans débat par les gestionnaires.
  • Les résultats en écologie aquatique sont contextes-dépendants (contingents) et cela interdit de faire des prescriptions généralistes sur les ouvrages et leurs milieux, le cas par cas (vue intégrée par site, par rivière, par bassin) étant une absolue nécessité pour ne pas engager des résultats négatifs.
L'association Hydrauxois a donc donné un avis négatif à cette enquête publique. Elle se réserve l'opportunité de requérir en justice avec d'autres plaignants l'annulation d'un arrêté préfectoral qui validerait la présentation mensongère des enjeux de l'eau aux citoyens. Nous appelons toutes les associations de défense des riverains, des rivières et des ouvrages à participer systématiquement aux enquêtes publiques de DIG des syndicats et, si besoin, à ester en justice pour obtenir l'annulation de l'arrête préfectoral qui en découle.

Le gouvernement prétend qu'il va développer la "continuité écologique apaisée". Mais depuis 20 ans, les administrations et les experts de ce gouvernement développent un discours faux et militant de diabolisation systématique des ouvrages hydrauliques, discours que l'on trouve répliqué paresseusement par les syndicats de rivière et les bureaux d'études à qui ces syndicats sous-traitent la justification de leurs travaux.

Nous ne connaîtrons aucun apaisement sur la question des ouvrages hydrauliques tant que l'idéologie de la préférence systématique à la destruction des moulins, forges, étangs, canaux, plans d'eau et zones humides d'origine humaine sera à l'oeuvre dans les choix publics, nationaux comme locaux.