20/02/2021
"La protection de la biodiversité ne peut plus faire abstraction des dimensions économiques, sociales et culturelles", Christian Lévêque
17/02/2021
Le conseil d'Etat vient de prononcer l'illégalité d'une approche radicale et hors-sol de l'écologie des rivières
- Jamais les députés et sénateurs n'ont voté une loi qui "gèlerait" l'état des rivières du pays pour en faire une nature inviolable.
- Jamais les députés et sénateurs n'ont voté une loi qui exigerait le retour de la rivière sauvage sans humain comme objectif.
- Jamais les députés et sénateurs n'ont voté une loi qui donnerait un blanc-seing à la destruction des moulins, des forges, des étangs, des barrages et du patrimoine hydraulique du pays.
15/02/2021
Le conseil d'Etat annule la redéfinition de l'obstacle à la continuité écologique, nouvelle déroute de l'administration
L'association Hydrauxois et ses consoeurs - FFAM, FDMF, FHE, EAF, ARF, Union des étangs de France - viennent de remporter une victoire juridique décisive contre la direction eau et biodiversité (DEB) du ministère de l'écologie: le conseil d'Etat annule la redéfinition de l'obstacle à la continuité écologique imposée par le décret du 3 août 2019. Au terme de cette manoeuvre de la DEB, tout devenait un obstacle à la continuité écologique, il était impossible de construire un barrage ou de réparer une chaussée de moulin ou d'étang sur une rivière classée au titre de la continuité écologique. Mais ce décret des hauts fonctionnaires de l'écologie était entaché d'illégalité et se trouve annulé : le conseil d'Etat exige d'examiner les ouvrages au cas par cas et refuse de les interdire a priori (même en liste 1) s'ils sont conformes à la circulation des poissons et sédiments. Dans le même arrêt, le conseil d'Etat déboute la fédération de pêche FNPF et France Nature Environnement de leur requête contre la prise en compte des rivières à débits atypiques. Explications.
Par décret du 3 août 2019, le ministère de la Transition écologique et solidaire avait entrepris de redéfinir l'obstacle à la continuité écologique de manière très extensive. Nous avions souligné dès sa parution le caractère grotesque de cette nouvelle définition, faisant qu'un barrage naturel d'embâcles ou de castors deviendrait un problème selon cet excès manifeste de pouvoir venant de la haute administration. Plus concrètement, ce décret visait à empêcher la construction d'une centrale hydro-électrique, même si le barrage est conçu pour laisser circuler des poissons et des sédiments. Pareillement, il devenait impossible de restaurer une chaussée de moulin ou d'étang qui aurait été ébréchée jadis. Plusieurs propriétaires (dont un membre de l'association Hydrauxois) se sont déjà vus opposer le nouvel article R 214-109 code environnement issu de ce décret de 2019, cela afin d'interdire leurs projets de relance de sites.
Le conseil d'Etat vient d'annuler le décret du ministère de l'écologie, qui était bel et bien un excès de pouvoir. Un de plus.
La motivation avancée par le conseil d'Etat est simple :
"En interdisant, de manière générale, la réalisation, sur les cours d’eau classés au titre du 1° du I de l’article L. 214-17, de tout seuil ou barrage en lit mineur de cours d’eau atteignant ou dépassant le seuil d’autorisation du 2° de la rubrique 3.1.1.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1, alors que la loi prévoit que l’interdiction de nouveaux ouvrages s’applique uniquement si, au terme d’une appréciation au cas par cas, ces ouvrages constituent un obstacle à la continuité écologique, l’article 1er du décret attaqué méconnaît les dispositions législatives applicables."
Cela signifie donc que la continuité écologique telle que définie par la loi, en particulier par l'article L 214-17 CE, renvoie à des propriétés fonctionnelles précises (sur les poissons, les sédiments) qui s'apprécient au cas par cas, mais non à un interdit de principe.
C'est une défaite juridique notable pour les tenants de la "rivière sauvage" essayant depuis des années de surinterpréter la loi sur l'eau de 2006 et de diaboliser l'existence même de l'ouvrage hydraulique humain, vu comme un problème en soi.
Nous reviendrons dans un prochain message sur la signification politique de cette décision du conseil d'Etat, alors que les parlementaires examinent la loi Climat et résilience devant comporter des mesures sur les hydrosystèmes et sur les énergies renouvelables.
D'ores et déjà : un grand merci aux adhérents et aux soutiens de notre association, qui nous aident par leurs cotisations à mener ce travail de protection des ouvrages hydrauliques et de promotion d'une écologie raisonnée des cours d'eau. Deux autres contentieux sont en cours d'examen au conseil d'Etat, contre le décret scélérat du 30 juin 2020 autorisant la destruction d'ouvrages et de milieux sur simple déclaration, contre la circulaire du 30 avril 2019 de continuité dite "apaisée" créant un régime à nos yeux illégal de rivière prioritaire.
Le combat continue !
Voici les premières explications de Me Jean-François Remy, avocat de l'association.
"Par décision rendue ce jour sur une requête introduite par mon Cabinet pour le compte notamment de France Hydro Electricité, de la Fédération Française des Associations de Sauvegarde des Moulins – FFAM, de la Fédération des Moulins des France – FDMF, de l’Association des Riverains de France – ARF et d’Hydrauxois, le Conseil d’Etat vient d’annuler l’article 1er du décret ministériel du 3 août 2019, qui avait durci la définition de l’obstacle à la continuité écologique prévue à l’article R 214-109 du Code de l’environnement.
Pour mémoire, à compter de la date d’entrée en vigueur de ce décret porté par la Direction de l’Eau et de la Biodiversité/Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, étaient notamment considérés comme un obstacle à la continuité écologique, dont la construction est interdite sur un cours d’eau classée en Liste 1 au titre de l’article L 214-17 du Code de l’environnement :
- Tout ouvrage en lit mineur d’un cours d’eau d’une hauteur supérieure à 50 cm, qu’il barre ou non l’ensemble de la largeur du cours d’eau, à la seule exception des ouvrages à construire pour la sécurisation des terrains de montagne pour lesquels il n’existe pas d’alternative,
- Tout ouvrage de prise d’eau ne restituant à l’aval que le débit réservé ou débit minimum biologique une majeure partie de l’année,
- Toute remise en état d’un barrage de prise d’eau fondé en titre notamment, dont l’état actuel pouvait être considéré comme ne faisant plus obstacle à la continuité écologique.
Ce décret condamnait une part majeure du potentiel de développement de l’énergie hydraulique en sites nouveaux et en rénovation sur des sites existants, dont une grande part est située sur les cours d’eau classés en Liste 1, et par ailleurs condamnait un nombre conséquent de moulins anciens à une démolition « naturelle » et inéluctable de leurs ouvrages dont la remise en état était interdite.
Conformément à ce que nous avions soutenu en requête, le Conseil d’Etat a notamment retenu que le Gouvernement ne pouvait valablement considérer :
- Qu’un ouvrage en lit mineur présentant une hauteur de 50 cm au moins est nécessairement un obstacle à la continuité écologique au sens de l’article L 214-17 du Code de l’environnement.
Rappelant ses décisions adoptées au titre des deux précédentes tentatives de définition restrictive de la continuité écologique réalisées par circulaires ministérielles partiellement annulées de 2010 et 2013, le Conseil d’Etat confirme qu’un tel critère absolu ne peut légalement être retenu, la loi ainsi que les débats parlementaires prévoyant que le critère d’obstacle à la continuité écologique doit être apprécié au cas par cas.
A ce titre, la méconnaissance par la Direction de l’Eau et de la Biodiversité de la loi, de la volonté du législateur et enfin de la jurisprudence du Conseil d’Etat est santionnée.
- Que la restitution à l’aval d’un ouvrage de prise d’eau du seul débit réservé ou débit minimum biologique serait nécessairement un obstacle à la continuité écologique, dans la mesure où – précisément – le débit minimum biologique prévu à l’article L 214-18 du Code de l’environnement a pour objet de permettre de garantir la vie, la circulation et la reproduction du poisson.
A ce titre, la méconnaissance de la loi par la Direction de l’Eau et de la Biodiversité est également sanctionnée.
L’ensemble de ces dispositions étant liées, le Conseil d’Etat annule dans le même temps le II. de l’article R 214-109 du Code de l’environnement qui concernait la remise en état des barrage de prise d’eau fondés en titre.
Cette décision, qui est sans recours, est d’application immédiate.
Dans ces conditions :
- Les dispositions de l’article R 214-109 du Code de l’environnement modifiées par le décret du 3 août 2019 cessent de produire effet à compter de ce jour.
- Toute décision administrative fondée sur les dispositions de l’article R 214-109 du Code de l’environnement en vigueur depuis le 3 août 2019 et jusqu’à ce jour est entachée d’illégalité, son annulation pouvant être sollicitée devant le juge administratif si le délai de contestation court toujours ou encore si un recours a déjà été engagé.
Dans les autres cas (délai de recours dépassé ou recours déjà jugé définitivement), il est possible de saisir le Préfet d’une demande de retrait de la décision qui serait fondée sur ces dispositions au visa de l’article L 243-2 du Code des relations entre le public et l’administration.
- Il est à nouveau possible de déposer une demande d’autorisation environnementale pour la création et/ou la modification d’un ouvrage hydraulique sur un cours d’eau classé en Liste 1, sous réserve que le projet ne soit pas de nature à constituer un obstacle à la continuité écologique, cette existence d’un obstacle à la continuité écologique devant à nouveau donner lieu à une appréciation au cas par cas.
Pour conclure, il est précisé que le recours formé par la Fédération Nationale de Pêche ainsi que France Nature Environnement, qui visait l’article 2 du décret (création d’un nouveau cas de cours d’eau atypique pour les cours d’eau de type méditerranéens) est quant à lui rejeté."
Référence : Conseil d'Etat, arrêt nos 435026, 435036, 435060, 435182, 438369, décision du 15 février 2021