La loi climat et résilience de l'été 2021 interdit la destruction de l'usage actuel et potentiel des ouvrages hydrauliques, en particulier des moulins à eau. Mais selon nos informations, les services du ministère de l'écologie sont en train d'organiser sciemment un contournement de cette loi par une interprétation totalement fantaisiste de la situation juridique. Leur but : continuer à casser malgré le refus explicite de cette solution par les représentants du peuple français.
A en croire des témoignages concordants, les services eau et biodiversité de l'Etat organisent des séminaires où il est expliqué aux agents publics que des projets de destruction de moulin validés par arrêté préfectoral avant la loi Climat et résilience du 22 août 2021 seront menés à leur terme, c'est-à-dire à la disparition de l'ouvrage hydraulique concerné.
Cette position est évidemment fantaisiste au plan du droit. En effet, dans la hiérarchie des normes, les règlements (dont les arrêtés préfectoraux) sont inférieures à la loi et un changement de la loi doit impliquer une adaptation des règlements antérieurs dans le cas où ils sont devenus illégaux. Une récente jurisprudence du conseil d'Etat a renforcé ce principe, permettant au justiciable de demander au juge administratif l'annulation pure et simple des actes antérieurs au cours de la procédure contentieuse.
Par ailleurs, il existe un principe général du droit, qui est même le premier article de notre code civil : la loi entre en vigueur au moment où elle publiée et s'applique immédiatement à toutes les situations où elle est pertinente.
La seule exception à ce principe est lorsque la loi a besoin d'un décret d'exécution qui en fixe les modalités techniques. Par exemple, une loi précise qu'il y aura des quantités maximales de prélèvements d'espèces et renvoie à un décret futur précisant ces quantités. En ce cas, la loi n'est opposable qu'avec son décret, car le citoyen ne peut respecter l'une sans l'autre.
Mais ici, nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure. L'article 49 de la loi du 22 août 2021 pose un interdit de destruction qui n'a nul besoin d'un décret d'interprétation, puisque la loi est précise et claire dans son esprit comme dans sa lettre. L'intégrité d'un ouvrage ne peut être compromise par une solution de continuité écologique en rivière classée à cette fin et pour le seul motif de ce classement. Le pinaillage sémantique selon lequel un "effacement" ou un "arasement" ne serait pas une destruction ne tiendra jamais devant un juge. La loi demande également de conserver l'usage actuel et potentiel de tous les ouvrages, notamment la production d'énergie. Là encore, nul besoin d'expliquer le fait trivial que la disparition de l'ouvrage implique celle de ses usages, donc contrevient à la loi.
Nous appelons les associations à exposer cela aux préfectures et à préparer avec leurs avocats des référés suspension de chantiers dans les cas où les préfectures voudraient ignorer la loi lorsque les travaux en rivières vont reprendre à l'étiage 2022. D'ores et déjà, les associations peuvent rechercher les arrêtés préfectoraux de destruction illégale, pour demander leur annulation.
Nous appelons également les agents publics de l'Etat à nous faire parvenir les éléments matériels démontrant que leur administration est en train d'organiser sciemment ce contournement de la loi. Ces pièces nous permettraient d'engager une plainte en justice contre les instigateurs de ce délit, et contre leur ministre de tutelle.