05/04/2022

Le GIEC rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité pour limiter les émissions carbone

Le nouveau rapport du groupe 3 du GIEC, en charge de faire le point sur les solutions bas-carbone de prévention du changement climatique, rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité. Nous publions ici la traduction du point de synthèse du GIEC à ce sujet. Il est urgent que la France relance son programme hydraulique stoppé dans les années 1980, déjà qu'elle cesse immédiatement la folie consistant à détruire des moulins et barrages au nom de la continuité des cours d'eau, alors qu'il existe des solutions conciliant production énergétique et résilience écologique. Nous appellerons le nouveau parlement et le nouveau gouvernement à prendre acte des données de la science, ce qui implique de stopper les politiques climaticides dans le domaine de l'eau et des rivières. 



Extrait du rapport complet du GIEC sur l'hydro-électricité

"L'hydroélectricité est techniquement mature, prouvée dans le monde entier comme une source primaire d'électricité renouvelable, et peut être utilisée pour équilibrer l'approvisionnement en électricité en offrant flexibilité et stockage. Le coût actualisé de l'hydroélectricité est inférieur à celui de la nouvelle option à combustible fossile la moins chère. Cependant, le futur potentiel d'atténuation de l'hydroélectricité dépend de la minimisation des impacts environnementaux et sociaux pendant les étapes de planification, de la réduction des risques de rupture de barrage et de la modernisation du parc hydroélectrique vieillissant pour augmenter la capacité de production et la flexibilité (confiance élevée). Les estimations du potentiel hydroélectrique disponible théorique brut mondial varient de 31 à 128 PWh / an (112 à 460 EJ / an), dépassant la production totale d'électricité en 2018 (Banerjee et al. 2017 ; AIE 2021d ; BP 2020). Ce potentiel est réparti sur 11,8 millions d'emplacements, mais nombre d'entre eux ne peuvent pas être développés pour des raisons (actuelles) techniques, économiques ou politiques. Le potentiel technique estimé de l'hydroélectricité est de 8–30 PWh/an (29–108 EJ/an), et son potentiel économique estimé est de 8–15 PWh/an (29–54 EJ/an) (van Vliet et al. 2016c ; Zhou et al. 2015). La production hydroélectrique réelle en 2019 était de 4,2 PWh (15,3 EJ), fournissant environ 16 % de l'électricité mondiale et 43 % de l'électricité mondiale à partir d'énergies renouvelables (BP 2020 ; Killingtveit 2020 ; AIE 2020f). L'Asie détient le plus grand potentiel hydroélectrique (48%), suivie de l'Amérique du Sud (19%) (Hoes et al. 2017).

L'hydroélectricité est une technologie mature avec des solutions adaptées localement (confiance élevée) (Zhou et al. 2015 ; Killingtveit 2020). Le rendement maximal des centrales hydroélectriques est supérieur à 85 %. Les centrales hydroélectriques sans stockage ou avec un petit stockage produisent généralement de quelques kW à 10 MW (des exemples de telles centrales produisant des quantités plus élevées existent) et sont utiles pour fournir de l'électricité à une échelle allant des ménages aux petites communautés (El Bassam et al. 2013 ; Towler 2014). Cependant, les centrales hydroélectriques sans ou avec un petit stockage peuvent être sensibles à la variabilité climatique, en particulier les sécheresses, lorsque la quantité d'eau peut ne pas être suffisante pour produire de l'électricité (Premalatha et al. 2014). Les centrales hydroélectriques avec stockage peuvent produire 10 GW, atteignant plus de 100 TWh/an (0,36 EJ/an), mais nécessitent généralement de grandes surfaces. L'hydroélectricité de stockage par pompage stocke l'énergie en pompant l'eau vers des réservoirs plus élevés pendant les périodes de faible demande (Killingtveit 2020). Le stockage dans les systèmes hydroélectriques offre la flexibilité nécessaire pour compenser les variations rapides des charges et des approvisionnements en électricité. Les caractéristiques de régulation du stockage jouent un rôle important pour assurer la continuité de l'approvisionnement en énergie à partir de sources renouvelables (Yang et al. 2018b).

L'hydroélectricité est l'une des technologies électriques les moins coûteuses (Mukheibir 2013 ; IRENA 2021b). Ses coûts d'exploitation et de maintenance représentent généralement 2 à 2,5 % des coûts d'investissement par kW/an pour une durée de vie de 40 à 80 ans (Killingtveit 2020). Les coûts de construction sont spécifiques au site. Le coût total d'un grand projet hydroélectrique installé varie de 10600 à 804500 USD / kW si le site est situé loin des lignes de transmission, des routes et des infrastructures. Les coûts d'investissement augmentent pour les petites centrales hydroélectriques et peuvent atteindre 100000 USD/kW ou plus pour l'installation de centrales de moins de 1 MW - 20 % à 80 % de plus que pour les grandes centrales hydroélectriques (IRENA 2015). Au cours des 100 dernières années, les coûts totaux installés et le coûts actualisés ont augmenté de quelques pour cent, mais le coût actualisé de l'hydroélectricité reste inférieur à la nouvelle option la moins chère alimentée aux combustibles fossiles (IRENA 2019b, 2021).

Les centrales hydroélectriques peuvent avoir de graves impacts environnementaux et sociétaux (degré de confiance élevé) (Mccartney 2009). Les barrages peuvent conduire à la fragmentation des habitats écologiques car ils agissent comme des barrières à la migration des poissons et d'autres espèces terrestres et aquatiques, des sédiments et du débit d'eau. Ces barrières peuvent être atténuées par des passages de sédiments et des aides à la migration des poissons, ainsi que par la fourniture de débits environnementaux. Sous les barrages, il peut y avoir des altérations considérables de la végétation, des débits naturels des rivières, de la rétention des sédiments et des nutriments, ainsi que de la qualité et de la température de l'eau. La construction de grands réservoirs entraîne la perte de terres, ce qui peut entraîner des conséquences sociales et environnementales. Minimiser les impacts sociétaux et environnementaux nécessite de prendre en compte les aspects physiques, environnementaux, climatologiques, sociaux, économiques et politiques locaux lors de la phase de planification (Killingtveit 2020). De plus, lorsque de vastes étendues de terres sont inondées par la construction de barrages, elles génèrent des gaz à effet de serre (Phyoe et Wang 2019 ; Maavara et al. 2020 ; Prairie et al. 2018).

D'autre part, l'hydroélectricité fournit une électricité flexible et compétitive à faibles émissions, des avantages économiques locaux (par exemple, en augmentant l'irrigation et la production d'électricité dans les pays en développement) et des services auxiliaires tels que l'approvisionnement en eau municipale, l'irrigation et la gestion de la sécheresse, la navigation et les loisirs, et lutte contre les inondations (IRENA 2021b). Cependant, les avantages économiques à long terme pour les communautés affectées par les réservoirs font l'objet de débats (de Faria et al. 2017 ; Catolico et al. 2021). Le soutien public à l'énergie hydroélectrique est généralement élevé (Steg 2018) et supérieur au soutien au charbon, au gaz et au nucléaire. Pourtant, le soutien public à l'hydroélectricité semble différer pour les projets existants et nouveaux (confiance élevée).

Le soutien public est généralement élevé pour l'hydroélectricité à petite et moyenne échelle dans les régions où l'hydroélectricité était historiquement utilisée (Gormally et al. 2014). De plus, les grands projets hydroélectriques existants sont fortement soutenus en Suisse (Plum et al. 2019 ; Rudolf et al. 2014), au Canada (Boyd et al. 2019) et en Norvège (Karlstrøm et Ryghaug 2014), où il s'agit d'une source d'énergie de confiance commune. Le soutien public semble plus faible pour les nouveaux projets hydroélectriques (Hazboun et Boudet 2020), et la construction de nouvelles grandes centrales hydroélectriques s'est heurtée à une forte résistance dans certaines régions (Bronfman et al., 2015 ; Vince, 2010). Les gens perçoivent généralement l'énergie hydroélectrique comme propre et ne contribuant pas au changement climatique et à la pollution de l'environnement (Kaldellis et al. 2013). Par exemple, en Suède, les gens croyaient que les projets hydroélectriques existants avaient aussi peu d'impacts négatifs sur l'environnement que le solaire, et encore moins que le vent (Ek 2005). Cependant, dans les régions où la construction de nouvelles centrales hydroélectriques à grande échelle rencontre une résistance, les gens pensent que la production d'électricité à partir de l'hydroélectricité peut entraîner des risques environnementaux, sociaux et personnels (Bronfman et al., 2012 ; Kaldellis et al., 2013).

Le temps de construction des centrales hydroélectriques est plus long que celui de nombreuses autres technologies renouvelables, et ce temps de construction peut être prolongé du temps supplémentaire nécessaire pour remplir le réservoir. Ce délai prolongé peut créer une incertitude quant à l'achèvement du projet. L'incertitude est due à l'insécurité des variations annuelles des précipitations et des apports d'eau nécessaires pour remplir les réservoirs. Ceci est particulièrement critique dans le cas des centrales hydroélectriques transfrontalières, où le remplissage des réservoirs peut avoir des implications importantes sur les utilisateurs en aval dans d'autres pays. En raison des contraintes sociales et environnementales, seule une petite fraction des projets hydroélectriques économiques potentiels peut être développée, en particulier dans les pays développés. De nombreux pays en développement disposent d'un important potentiel hydroélectrique non développé et il existe des possibilités de développer l'hydroélectricité combinée à d'autres activités économiques telles que l'irrigation (Lacombe et al. 2014). La concurrence pour l'hydroélectricité à travers les frontières du pays peut conduire à des conflits, qui pourraient être exacerbés si le climat modifie les précipitations et le débit des cours d'eau (Ito et al. 2016)."

Source : GIEC / IPCC (2022), Climate Change 2022. Mitigation of Climate Change. Working group III contribution to the IPCC sixth assessment report (AR6)

26/03/2022

Le manifeste WaVE sur l’avenir du patrimoine lié à l’eau

Cinq chercheurs de l’université Delft des Pays-Bas ont étudié les patrimoines sociaux et historiques de l’eau dans le cadre du projet européen WaVE (Water-linked heritage Valorization by developing an Ecosystemic approach). Ils publient une synthèse de leur étude se terminant par un manifeste sur l’avenir du patrimoine lié à l’eau, que nous traduisons. Pour ces universitaires, le patrimoine lié à l’eau possède la capacité de relier environnement, société, économie tout en montrant son utilité pour les enjeux de ce siècle, à commencer par l’adaptation au changement climatique dans chaque ville, chaque territoire. Un appel à diffuser, notamment auprès des gestionnaires publics de l’eau qui, en France, ont bien trop négligé la dimension historique, patrimoniale, humaine de l’eau. Voire détruisent le patrimoine au nom de modes passagères nourries d'une amnésie culturelle et historique.


L'eau et son patrimoine associé jouent un rôle très particulier dans les villes et les régions d'Europe. Les infrastructures hydrauliques historiques telles que les ponts, les quais et les berges, les installations portuaires, les écluses, les barrages ou les moulins, les paysages urbains et ruraux spécifiques basés sur l'eau, mais aussi les aspects immatériels du patrimoine lié à l'eau, tels que les connaissances sur la gestion de l'eau, les valeurs et traditions, peuvent constituer une base solide pour une approche écosystémique du développement urbain et régional durable. Le patrimoine lié à l'eau est unique à cet égard car il relie les domaines environnemental, économique et social, reflétant les trois piliers de la durabilité. En valorisant le patrimoine lié à l'eau en tant que vecteur de transformation écosystémique des villes et des régions, nous pouvons exploiter son potentiel souvent négligé pour engager diverses parties prenantes, relier stratégiquement les lieux reliés par l'eau et transcender les frontières disciplinaires, administratives et sectorielles. En d'autres termes, l'eau et le patrimoine qui lui est lié peuvent être un puissant vecteur de changement dans les villes et les territoires qui permet de capitaliser sur les pratiques et équipements passés pour faire face aux défis de demain.

Manifeste sur l'avenir du patrimoine lié à l'eau

1 Le patrimoine lié à l'eau est peut-être le plus vulnérable aux impacts du changement climatique, mais il peut aussi nous inciter à développer des solutions basées sur la nature pour l'adaptation au climat, en s'appuyant sur les techniques et les connaissances du passé.

2 Étant donné que l'eau est cruciale pour l'identité locale et représente des valeurs partagées, le patrimoine lié à l'eau est un atout pour sensibiliser les parties prenantes et les citoyens aux impacts du changement climatique et à la nécessité d'adopter l'eau plutôt que de s'efforcer de la tenir à distance.

3 Il est nécessaire de s'éloigner de la prise de décision descendante vers un engagement plus inclusif et ouvert des divers acteurs et groupes sociaux dans la valorisation du patrimoine lié à l'eau pour identifier et saisir les opportunités qu'elle peut apporter à nos villes et régions.

4 Engager les parties prenantes dans la co-exploration du statu quo, la co-conception d'actions de valorisation du patrimoine lié à l'eau et la co-décision sur les stratégies de leur mise en œuvre permet d'identifier de nouveaux potentiels, souvent négligés, et de sortir des sentiers battus pour relever les défis.

5 La co-création de connaissances et de solutions pour la valorisation du patrimoine lié à l'eau est un processus qui nécessite de construire et d'entretenir des relations avec les parties prenantes, qui porte ses fruits en créant des liens et des réseaux qui durent, en soutenant la collaboration à long terme, l'appropriation et l'acceptation sociale des stratégies de valorisation du patrimoine et impacts durables.
 
6 La narration d'histoires sur le patrimoine lié à l'eau est un outil puissant pour galvaniser l'attention et l'engagement des parties prenantes et créer une dynamique pour un changement de grande envergure. La narration sur le patrimoine lié à l'eau doit mettre l'accent sur l'identité du lieu (âme), les valeurs et les liens partagés (confiance), le potentiel du patrimoine à créer des lieux meilleurs et plus vivables (qualité) grâce à l'engagement créatif du public (théâtre), aux interventions et stratégies audacieuses, visionnaires, fortes (courage) qui, ensemble, nourrissent la fierté collective et l'appropriation des stratégies et des politiques.

7 Au lieu d'une approche centrée sur l'humain pour la valorisation du patrimoine lié à l'eau, nous avons besoin d'une approche écosystémique, dans laquelle les connaissances passées et les valeurs patrimoniales informent la conception de nouveaux paysages et voies vers la durabilité. Dans cette approche, l'eau est un élément important reliant les visions de profondes transformations écosystémiques urbaines et régionales aux transitions nécessaires dans les éléments de base des systèmes et des structures urbaines (énergie, mobilité, espaces bleu-vert).

8 Pour réaliser le potentiel du patrimoine lié à l'eau en tant que vecteur de changement écosystémique, nous devons élargir notre compréhension du patrimoine, pour inclure non seulement les bâtiments et les infrastructures, mais aussi le patrimoine culturel immatériel et le patrimoine naturel.

9 Alors que nos sociétés deviennent de plus en plus diversifiées et mobiles, nous devons repenser et enrichir la signification du patrimoine lié à l'eau en nous appuyant sur les contributions de citoyens ayant des valeurs, des origines culturelles et des expériences différentes, et en exploitant le potentiel du patrimoine en tant que vecteur d'inclusion et d'intégration sociale.

10 Le patrimoine, comme l'eau, est toujours en mouvement. Au lieu de le conserver dans son état actuel, nous devons oser l'utiliser pour développer des zones riveraines dynamiques et multifonctionnelles, créer de nouvelles valeurs et de nouveaux usages du patrimoine à travers un processus de développement dans le dialogue, poussant nos villes et nos régions vers un avenir plus durable.

Référence : Dabrowski, M. M., Fernandez Maldonado, A. M., van der Toorn Vrijthoff, W., & Piskorek, K. I. (2022). Key lessons from the WaVE project and a manifesto for the future of water-linked heritage.

20/03/2022

La scandaleuse destruction en cours des étangs du Châtillonnais

Les gestionnaires publics – Office national des forêts, Parc national des forêts de Champagne et Bourgogne, services de l'Etat (DDT, OFB) – sont en train de détruire un par un tous les étangs, retenues, biefs et plans d'eau du Châtillonnais. Leur cible actuelle est formée par les étangs des Marots, un patrimoine naturel, culturel et paysager remarquable. Les riverains sont vent debout contre l'orientation actuelle vers la destruction de ces sites, qui ont déjà été asséchés et laissés sans remise en eau depuis 5 ans. Une pétition est lancée. Hydrauxois se joint au collectif local des associations et riverains pour envisager des actions en justice si ce désastre devait persister. 


Voici bientôt 5 ans, la vidange des étangs des Marots situés en forêt domaniale de Châtillon a été réalisée dans la perspective d’en effectuer le curage et de procéder à la réparation des digues. Les riverains se sont réjouis de cette entreprise qui devait assurer la pérennité de ces petits plans d’eau.

La remise en eau devait être réalisée dans un délai variant entre un et deux ans après la vidange. Or, il n'en fut rien.

Selon les informations recueillies auprès des représentants de l’Office national des forêts, chargé de la gestion des lieux pour le compte de l’État, la poursuite des travaux était subordonnée à la réalisation d’aménagements à effectuer et imposés par la DDT et l'OFB, dont le coût, très élevé, ne pouvait être assuré par l’ONF.

Aujourd’hui, il serait question de l’effacement pur et simple de ces plans d’eau, au titre de la loi sur l’eau et de la continuité écologique, contrairement à ce qui avait été affirmé. Ces effacements feraient suite d’ailleurs à ceux des étangs Narlin, situés un peu en amont, entrepris il y a une quinzaine d’années et à l’effacement, en cours, de celui de Combe Noire, faute d’entretien.

Le parc national des forêts de Champagne et Bourgogne, créé en 2019, vient d'appuyer la démarche d'effacement dans une note officielle publiée ce mois de mars 2022. 


Cette position soulève la stupeur et la colère des riverains. Les populations locales, très attachées à la beauté de la route d’accès à l’abbaye du Val-des-Choux, sont vent debout contre ce projet et demandent de sursoir à son exécution.

En effets, l'assèchement puis l'éventuelle destruction des étangs des Marots représentent :
  • la destruction d'un cadre de vie très apprécié, ces étangs étant fréquentés toute l'année par les riverains (quand ils sont en eau!),
  • l'altération de la recharge hydrologique des nappes et aquifères, dans une région qui connaît désormais des assecs sévères, aggravés par des travaux lourds de recalibrage des lits dans les années 1960-1980,
  • la perte de la biodiversité acquise autour des étangs, cette richesse faunistique et floristique ayant été documentées par des promeneurs passionnés et naturalistes (exemples ci-dessous),
  • l'élimination d'un patrimoine historique remarquable, les plus anciens sites datant probablement du XIIIe siècle,
  • le torpillage de l'attrait touristique et paysager du Parc des forêts, alors qu'une enquête avait montré que les visiteurs sont attirés à hauteur de 4% par les forêts et 44,9% par le milieu aquatique (rivières, plans d’eau, étangs).
La charte du Parc de forêts approuvée par décret du 6 novembre 2019 dit : "le cœur de parc national est avant tout un espace de conservation et de mise en valeur des patrimoines naturels, culturels et paysagers… C’est une 'vitrine' des patrimoines et des savoir-faire, un espace conservatoire de cibles à forte valeur patrimoniale, locale, régionale ou nationale…"

Pour cette raison, le patrimoine à la fois naturel, culturel et paysager des étangs des Marots doit être préservé et restauré dans toutes ses fonctions utiles au vivant et à la société. 

Hydrauxois se joint au collectif local d'associations et de riverains, et engagera si nécessaire des démarches en justice pour empêcher le gestionnaire public de détruire un patrimoine remarquable. Nous appelons déjà à signer la pétition citoyenne en ce sens, qui a reçu plus de 1000 signatures locales en une semaine.


18/03/2022

Détruire des ouvrages de moulin sans comprendre la dynamique de la rivière peut mener à des erreurs (Maaß et al 2021)

Dans un passage en revue de la littérature scientifique sur la morphologie des bassins versants européens et sur leurs tentatives de restauration écologique, trois chercheurs soulignent que les actions aujourd'hui entreprises manquent souvent d'informations solides sur le passé et la dynamique des rivières et des lits majeurs. En fait, les bassins versants sont modifiés depuis des millénaires, la notion d'état "naturel" est mal documentée, et certaines interventions peuvent avoir des effets contraires à la conséquence espérée. Les chercheurs citent longuement le cas particulier des destructions d'ouvrages de moulin et de petite hydraulique, en montrant que de telles opérations amènent aussi souvent une incision du lit de la rivière, ce qui contrarie la connexion avec le lit majeur, la rétention d'eau ou l'idée d'une recharge plus active des sédiments. Espérons que cette prudence scientifique prenne le pas sur le dogme administratif et militant de la suppression aveugle du maximum d'ouvrages. 



Histoire et diversité des impacts d'activité humaine sur les systèmes fluviaux, extrait de Maaß et al 2021, art cit

Les actions humaines sur les bassins versant ont commencé à partir du néolithique. Elles sont nombreuses : changement d'utilisation des terres, incluant l'agriculture, la déforestation, le reboisement et l'urbanisation, qui affectent le ruissellement et la charge en sédiments, mais aussi régulation des rivières, barrages, réservoirs, prélèvement d'eau, extraction de granulats, canalisation, dragage, remblai ou enrochement, qui modifient directement le chenal et sa connectivité avec les plaines inondables du lit majeur. Si ces activités durent depuis des millénaires, elles ont connu une accélération à l'ère moderne et en particulier au 20e siècle, en raison de la hausse démographique et des moyens technologiques de mener des travaux lourds. 

La restauration écologique de rivière et de bassin versant vise à corriger des dysfonctionnements physiques (ou des pertes de biodiversité) liés à certains aménagements. Mais elle est confronté à l'ubiquité des transformations anciennes et à la difficulté de définir ce que serait encore un état "naturel" du chenal ou de son bassin, ainsi qu'à la prédiction exacte de ses effets. 

Anna-Lisa Maaß, Holger Schüttrumpf et Frank Lehmkuhl passent en revue ces sujets. Voici le résumé de cette analyse :

Le climat, la géologie, la géomorphologie, le sol, la végétation, la géomorphologie, l'hydrologie et l'impact humain affectent les systèmes rivière-lit majeur, en particulier leur charge sédimentaire et la morphologie du chenal. Depuis le début du Holocène, l'activité humaine est présente à différentes échelles, du bassin versant au chenal, et a une influence croissante sur les systèmes fluviaux. Aujourd'hui, de nombreux systèmes rivière-lit mejeur sont transformés à l'occasion de restaurations vers des conditions hydrodynamiques et morphodynamiques "naturelles" sans impacts humains. Il manque des informations sur la situation historique ou "naturelle" ainsi que pour la situation actuelle. Les changements des flux sédimentaires "naturels" au cours des derniers siècles entraînent des changements de la morphologie fluviale. Le succès des restaurations de rivière dépend d'une connaissance approfondie de la morphodynamique fluviale historique et actuelle. Par conséquent, il est nécessaire d'analyser les conséquences des impacts historiques sur la morphodynamique fluviale ainsi que les implications futures des impacts humains actuels au cours des restaurations. L'objectif de cette revue est de résumer les impacts des bassins versants et des chenaux depuis le début du Holocène en Europe sur la morphodynamique fluviale, d'étudier de manière critique leurs conséquences sur l'environnement et d'évaluer la possibilité de revenir à un état de rivière morphologiquement "naturelle"

Plus particulièrement, les auteurs soulignent que les opérations de restauration sont elles aussi des chantiers et qu'elles doivent elles aussi répondre des impacts qu'elles vont créer. Un passage très intéressant pour nos lecteurs concerne les ouvrages transversaux et particulièrement les moulins, nous le traduisons ici.

"Les restaurations de rivières d'aujourd'hui sont toujours des impacts humains !

Depuis les 50 dernières années, des restaurations fluviales sont réalisées pour transformer les systèmes rivière-plaine inondable dans un état hydrologique et morphologique plus «naturel», mais ces projets de restauration sont à nouveau un impact anthropique.

La gestion des rivières, qui tient compte d'intérêts souvent conflictuels, nécessite une prise de conscience et une compréhension des processus morphodynamiques «naturels» tels que la migration latérale (Vandenberghe et al 2012). Par conséquent, la compréhension des conditions hydrodynamiques et morphodynamiques historiques des rivières, la surveillance des processus actuels et l'évaluation du développement futur sont essentielles pour la bonne gestion des rivières d'aujourd'hui.

Au XXIe siècle, les lois et directives nationales (par exemple, la loi allemande sur les ressources en eau) et internationales (par exemple, la directive-cadre sur l'eau de l'UE) mettent l'accent sur un développement hydrologique et morphologique naturel. Les caractéristiques «naturelles» d'un système rivière-plaine inondable sont résumées et formulées dans un principe directeur prédéfini, qui tient également compte des impacts anthropiques irréversibles (Patt 2016). Les objectifs de développement prédéfinis doivent être réalisés dans le cadre des restaurations de rivières et sont évalués en comparant l'état actuel d'une rivière et son principe directeur. Lors des restaurations fluviales, des zones inondables sont générées, les longueurs d'écoulement sont augmentées, les barrières anthropiques sont réduites et un développement fluvial «naturel» est initié (Gerken et al 1988).

La motivation derrière les projets de restauration des rivières varie selon la propriété foncière, l'agence de financement et le cadre culturel (James et Marcus 2006), et on rencontre souvent le problème de présenter au public ce que serait un système rivière-plaine inondable «bon et sain» (Wohl et al 2015). Pour le public, une rivière est saine si l'eau est claire et si les berges ne s'érodent pas rapidement (Wohl 2005).

Aujourd'hui, de nombreuses restaurations de cours d'eau s'accompagnent de la suppression d'ouvrages transversaux pour assurer une meilleure franchissabilité aux poissons et/ou un transport continu des sédiments. Mais la synergie de la construction et de l'enlèvement de ces structures transversales se traduira toujours par l'incision du lit de la rivière, par exemple, Buchty-Lemke et Lehmkuhl (2018) ont analysé les impacts de l'abandon des moulins à eau historiques (comme exemple de structures transversales) de la rivière Wurm en Allemagne occidentale. Ils ont conclu que l'abandon du moulin et l'enlèvement du déversoir ont déclenché un processus d'ajustement morphologique qui a créé des terrasses en amont du moulin et équilibré le point de rupture induit par le moulin dans le profil longitudinal. Cependant, un tel processus d'ajustement peut être superposé à des influences anthropiques qui contrôlent la disponibilité des sédiments et les conditions de débit ; les changements de forme de canal et de plan sont différents dans les tronçons rectilignes, sinueux et fixes. Les activités humaines du chenal de la rivière et la manière dont l'abandon du moulin a été effectué contrôlent en outre la morphodynamique fluviale. De plus, les effets de l'instabilité du chenal et des variations de la largeur des rivières sont analysés, par exemple, par Downward et Skinner 2005, Chang 2008 ou Bishop et al. 2011.

En ce qui concerne la restauration des cours d'eau, il est important et indispensable de considérer que l'abandon des moulins (ou en général la suppression des ouvrages transversaux) conduit à l'incision en amont. Si le but d'un tel retrait est de conduire à une plus grande connectivité entre le chenal et ses plaines inondables ou d'entraîner un comportement morphodynamique transversal plus élevé de la rivière, le retrait pourrait manquer son objectif.

En général, l'incision des rivières n'est pas prévue par les gestionnaires des rivières en raison de ses effets négatifs sur l'écologie des plaines inondables, mais après la suppression d'une structure transversale, une rivière vise à rétablir son profil longitudinal avant la construction de l'usine. Par conséquent, le "simple" enlèvement n'est peut-être pas toujours la solution pour une meilleure franchissabilité pour les poissons et/ou un transport continu des sédiments. (...)

Dans la littérature, seuls quelques résultats controversés de l'impact des moulins à eau (toujours à titre d'exemple pour les ouvrages transversaux) sur la morphodynamique fluviale peuvent être trouvés (voir par exemple Walter et Merritts 2008). Par exemple, Donovan et al. 2016 ont concentré leurs recherches sur la région médio-atlantique et ont déclaré que les rives du chenal à proximité des barrages de moulin rompus servaient de points chauds (hot spots) d'érosion et de dépôt locaux, mais que tous les points chauds de sédiments ne sont pas des barrages de moulin et que tous les barrages de moulin ne sont pas des points chauds. Bien que les barrages de moulins historiques et les sédiments hérités soient répandus, ils n'ont pas nécessairement des impacts uniformes sur le rendement en sédiments"

Référence : Maaß AL et al (2021),  Human impact on fluvial systems in Europe with special regard to today’s river restorations, Environmental Sciences Europe, 33, 119 

15/03/2022

Pour certaines associations écologistes, entraver l'hydro-électricité est la priorité du moment et du pays...

La guerre en Ukraine rappelle aux Européens leur terrible dépendance aux énergies fossiles, avec une inflation galopante à court terme et une crise climatique à long terme. Quelle est selon vous la priorité des associations diffusant une vision intégriste de la nature sauvage? Demander au Conseil constitutionnel d'annuler une disposition de la loi vieille de 5 ans favorable à l'hydro-électricité des moulins, énergie locale, durable, au meilleur bilan carbone. Certains marchent sur la tête. Il est temps que les politiques comme les administratifs se détachent de ces vues radicales pour promouvoir l'intérêt général du pays, un usage partagé des rivières et une lutte sérieuse contre notre dépendance mortifère aux énergies fossiles.


Par une décision du 8 mars 2022, le Conseil d'État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le sujet de la continuité écologique, à la demande de plusieurs associations de protection de l'environnement (FNE, Eau et rivières de Bretagne, Sources et rivières du Limousin, Anper-Truite Ombre Saumon).

Les associations requérantes estiment que l'article L. 214-18-1 du Code de l'environnement méconnaît la Charte de l'environnement, de même que les principes constitutionnels d'égalité, d'intelligibilité et de clarté de la loi. Cet article prévoit que l'ensemble des moulins à eau équipés pour produire de l'électricité, régulièrement installés et existant au 25 février 2017 (date de publication de la loi ayant introduit cet article), sont exonérés des obligations destinées à assurer la continuité écologique des cours d'eau.

Rappelons le sens de cette loi : les services administratifs de l'eau et de la biodiversité, sur demande de leur ministère, ont tout fait depuis 15 ans pour détruire les ouvrages hydrauliques (barrages, seuils, chaussées) et, à défaut, pour les empêcher de pratiquer une relance hydro-électrique en demandant des travaux à coûts exorbitants et à aide publique réduite au minimum. Le législateur a donc choisi en 2017 d'indiquer la voie de l'intérêt général: favoriser au contraire la relance énergétique des moulins en la simplifiant et en l'exonérant de charges délirantes que voulait imposer la direction eau et biodiversité du ministère de l'écologie. Le même législateur a ré-affirmé en 2019 que la petite hydro-électricité est une réponse à l'"urgence écologique et climatique". 

L'article L 214-18-1 du Code de l'environnement n'empêche nullement les agences de l'eau et les DDT-M (services publics) de proposer des équipements de continuité aux moulins producteurs : simplement, ces instances ne peuvent plus utiliser le chantage réglementaire et financier à la destruction (leur principal but affiché depuis 2006), elles sont obligées d'appliquer ce qui devrait être la norme, à savoir un financement public d'une charge d'intérêt général exorbitante pour un particulier ou un petit producteur (construction et entretien de passe à poisson ou de rivière de contournement, soit améliorer sans détruire). Lorsque des moulins producteurs ont une prise en charge de ces travaux coûteux par les gestionnaires publics dont c'est la responsabilité, il n'y a pas de problèmes majeurs. Il faut savoir que bien souvent, les équipements proposés pour la continuité coûtent plus cher que le prix du moulin lui-même, et représentent l'équivalent de monétaire de 30 ou 40 en production énergétique! C'est donc une mesure totalement hors-sol si elle prétend être financée sur fonds privés. 

Rappelons que près de 25 000 moulins sont facilement équipables en France, selon une étude scientifique menée dans le cadre d'un programme européen. Le productible représente l'éclairage public du pays après mesure de sobriété. Une quantité au moins équivalente de moulins, forges et autres sites traditionnels peut produire une autoconsommation du foyer et éviter le chauffage gaz / fioul de bâtiment (ou alimenter la mobilité électrique). Et de nombreux autres barrages sont non équipés en énergie, tandis qu'ils servent déjà à l'eau potable, l'irrigation ou la rétention de crue. La transition énergétique en France passera par un renforcement de la production hydraulique – très populaire de surcroît – à côté du développement à grande échelle de l'énergie du solaire, de l'éolien, de la biomasse, de la géothermie, le tout dans un cadre de sobriété et de souveraineté. Les rêveries des 30 glorieuses sur une énergie nucléaire ou fossile infinie ne sont plus d'actualité. 

Quelque soit l'avis du Conseil constitutionnel, le droit devra évoluer pour repréciser nos priorités collectives
Nous verrons l'avis des sages du Conseil constitutionnel. Après tout, c'est ici une affaire d'interprtation du droit et il est bon que la justice protège la constitutionalité des lois si celle-ci est en cause. Mais quoiqu'il en soit, la loi sur l'eau et donc le code de l'environnement devront être réécrits dans les années à venir. Contrairement à ce qu'affirment le associations écologistes et naturalistes, la destruction des ouvrages hydrauliques est la pire option qui soit. Elle méconnaît le fait que les moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques, souvent installés depuis des siècles, forment le nouvel environnement des bassins versants ayant co-évolué avec les sociétés humaines. Elle accélère l'écoulement de l'eau, aggravant ainsi le manque de recharge des nappes et aquifères, le risque d'inondation à l'aval, le transfert des polluants. Elle prive la France d'une ressource énergétique locale et durable. Elle va à l'encontre de la relocalisation productive souhaitée par la plupart des Français et des candidats aux élections. Elle correspond à une vision théorique et "sachante" de l'écologie, élaborée dans des bureaux, qui n'est pas l'attente des riverains sur leur rivière. 

Des erreurs ont été commises dans les années 2000 et 2010, avec la promotion précipitée d'une vision simpliste de l'écologie de la nature sauvage, une posture dogmatique où tout usage des milieux est blâmée a priori. Mais cette approche radicale ignore que les milieux aquatiques ont été changés pendant des millénaires et que les usages de l'eau sont consubstantiels à nos sociétés. Le législateur doit donc clarifier ces points, afin de revenir à une écologie positive, durable, adressant les vraies priorités de l'environnement, de la santé et de la société.