L'association Hydrauxois envoie une lettre ouverte aux députés et aux sénateurs à propos de la place de l'énergie hydraulique dans la future loi d'accélération des énergies renouvelables, et au-delà dans l'énergie du 21e siècle pour notre pays. Les sénateurs diront cette semaine si, oui ou non, ils passent outre le blocage du gouvernement sur les amendements en faveur du déploiement de l'hydro-électricité. Et engagent ainsi pleinement les rivières françaises dans l'effort de décarbonation de notre énergie.
Mesdames et messieurs les parlementaires,
L’énergie de l’eau est la plus ancienne des énergies renouvelables, qui s’est développée au fil des deux derniers millénaires, s’est adaptée aux évolutions de l’économie et de la société, et s’est insérée dans le paysage de nos bassins versants. Elle est un pilier indispensable de la transition bas carbone qui vise à libérer la France et l’Europe du fossile d’ici 2050.
Et pourtant, dans un incroyable contre-sens historique, le gouvernement et son administration entravent cette énergie quand ils ne la font pas purement et simplement disparaître de nos territoires et de leurs cours d’eau.
L’été dernier, la France a achevé de détruire les barrages EDF de la Sélune, qui produisaient une énergie bas-carbone depuis près de 100 ans, et formaient deux lacs d’eau potable et de loisir. On dépense 50 millions d’euros d’argent public pour démolir notre patrimoine commun. Contre l’avis des riverains et des élus locaux. Derrière ces grands barrages publics, des milliers de moulins et petites usines hydro-électriques ont aussi été rasés sur les rivières françaises, et continuent de l’être aujourd’hui même.
Détruire ces ouvrages utiles en pleine pénurie d’eau et d’énergie, c’est un scandale public. Les riverains en sont outrés.
L’espoir derrière ces destructions est certes généreux, et nous en partageons le motif : mieux protéger des poissons grands migrateurs. Sauf qu’il existe des méthodes non destructrices et efficaces qui parviennent à ce résultat. Que ces poissons étaient encore là quand les moulins parsemaient nos rivières en plus grand nombre. Et que là où des ouvrages ont été détruits, hélas, les sécheresses, les pollutions, les faibles niveaux d’eau ne permettent pas le retour en nombre de ces migrateurs. Opposer l’ouvrage hydraulique au poisson migrateur, opposer la biodiversité au climat, ce n’est pas la bonne solution. Il faut concilier ces enjeux, et avancer.
En réalité, la France est le seul pays qui s’est flatté dès les années 2000 de copier les Etats-Unis et d’engager cette politique radicale de destructions de barrages hydro-électriques. Mais comment un pays qui a recours massivement aux énergies fossiles les plus sales pourrait-il être notre modèle en ce domaine ? Quel sens peut avoir l’importation de l’éloge américain du «retour à la vie sauvage» pour nos autres Européens, qui vivons avec nos rivières depuis des millénaires, dans une culture un peu moins simpliste que l‘opposition du sauvage et de la société ? Qui peut tout simplement croire qu’utiliser l’argent du contribuable à détruire des moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques en 2022 est une bonne politique publique face aux incroyables défis écologiques, sociaux et économiques qui sont devant nous ?
L’hydro-électricité est non seulement très bas-carbone, mais elle a le plus fort score de popularité des énergies, avec 90% d’image positive dans le sondage SER réalisé pour alimenter la réflexion des élections présidentielles. Or aujourd’hui, quand l’administration de l’eau ne détruit pas, elle assomme de coûts et de procédures qui rendent impossible une chose simple comme la relance d’une roue ou d’une turbine au droit d’un moulin ou d’une petite usine déjà autorisés. Songez que certains de nos adhérents ont dû se battre 5, 6, 7 ans en justice pour que le conseil d’Etat condamne finalement les entraves de l’administration et les autorise à produire de manière propre et durable! Connaissez-vous un autre exemple de répression de citoyens qui s’engagent pour le climat, y investissent leur argent et leurs efforts?
Le plus irritant pour ces citoyens que nous représentons, c’est que le parlement a déjà été saisi de ces problèmes ces dernières années, qu’il a déjà légiféré pour remettre de l’ordre dans ces pratiques. Cela de manière transpartisane car, comme les Français, les parlementaires de tous bords sont largement convaincus de l’intérêt de l’hydro-électricité.
Ainsi dans la loi auto-consommation de 2019 , le parlement a demandé de mobiliser la petite hydro-électricité face à l’urgence climatique et écologique ; dans la loi climat et résilience de 2021, le parlement a décidé d’interdire la destruction de l’usage actuel et potentiel des ouvrages hydrauliques, face aux risques des sécheresses comme face aux nécessités de la transition énergétique.
Mais rien n’y fait.
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Aujourd’hui nous sommes engagés dans les conséquences graves d’une guerre sur le sol européen. Nous affrontons des pénuries et des inflations, douloureuses pour les ménages et les entreprises. Le gouvernement présente de manière judicieuse un projet d’accélération des énergies renouvelables : l’hydro-électricité en est encore la grande oubliée (pas la seule), alors qu’elle est parmi les plus entravées.
Ce n’est pas normal. Il faut donc aller plus loin pour faire comprendre le message.
- Nous vous demandons de reconnaître l’hydro-électricité comme d’intérêt public majeur, quelle que soit la puissance mobilisée par les porteurs de projets, en conformité avec la décision du conseil constitutionnel de 2022 ayant défini le patrimoine hydraulique et l’énergie hydro-électrique comme d’intérêt général.
- Nous vous demandons de mobiliser par la loi les agences de l’eau et établissements publics de bassin pour associer la continuité écologique à la relance énergétique, donc gagner sur les deux tableaux, biodiversité et climat.
- Nous vous demandons de simplifier la relance des dizaines de milliers d’ouvrages de moulins et petites usines déjà autorisés, déjà en place, qui ne créent aucun impact nouveau, qui n’artificialisent pas et qui doivent être encouragés à participer à l’effort commun de production bas-carbone.
Par avance et au nom de tous nos adhérents, nous vous remercions de votre intérêt et de votre engagement pour cet enjeu d’intérêt général !