En utilisant les millions de données issues d’une application sur téléphone mobile pour pêcheur, des chercheurs montrent aux Etats-Unis la forte mobilité des pratiquants de la pêche récréative. Cette pratique qui relie des bassins et des lacs séparés tend à créer des conditions propices à l’expansion d’espèces invasives dans les cours d’eau.
La croissance des réseaux de transport a facilité la propagation d'espèces envahissantes, en particulier dans les cours d’eau qui sont des milieux naturellement fragmentés et donc partiellement isolés par bassins versants. Les données sur les mouvements humains sont difficiles à collecter pour les chercheurs : carnets de voyage, entretiens et enquêtes peuvent avoir des biais, des coûts élevés de collecte et/ou de faibles taux de réponse. Mais les appareils intelligents mobiles peuvent être une source de données de mouvement de qualité, à haute résolution et individualisées sur de larges échelles spatiales.
Pour contourner la pauvreté des sources, Jessica Weir et ses collègues ont ainsi analysé aux Etats-Unis 10 ans de données de mouvement de l'application de pêche populaire Fishbrain pour montrer comment les pêcheurs récréatifs connectent plus de 100 000 lacs à travers les États-Unis contigus, et comment ce réseau de connectivité fournit un aperçu unique de la distribution actuelle et future de espèces aquatiques envahissantes.
Voici le résumé de leur article :
« Les activités humaines sont la principale cause des invasions biologiques qui causent des dommages écologiques et économiques dans le monde. Les espèces aquatiques envahissantes (EAE) sont souvent propagées par les pêcheurs récréatifs qui visitent deux plans d'eau ou plus dans un court laps de temps. Les données de mouvement des pêcheurs à la ligne sont donc essentielles pour prévoir, prévenir et surveiller la propagation des AIS. Cependant, le manque de données sur les déplacements à grande échelle a limité les efforts aux grands lacs populaires ou à de petites étendues géographiques.Ici, nous montrons que les applications de pêche récréative sont une source abondante, pratique et relativement complète de « grandes » données sur les mouvements à travers les États-Unis contigus. Nos analyses ont révélé un réseau dense de mouvements de pêcheurs qui était considérablement plus interconnecté et étendu que le réseau formé naturellement par les rivières et les ruisseaux. Les mouvements à courte distance des pêcheurs se sont combinés pour former des autoroutes d'invasion qui ont traversé les États-Unis contigus. Nous avons également identifié des fronts d'invasion possibles et des lacs centraux envahis qui pourraient être des super-épandeurs pour deux envahisseurs aquatiques relativement communs.Nos résultats fournissent un aperçu unique du réseau national par lequel les AIS peuvent se propager, augmentent les possibilités de coordination intergouvernementale qui sont essentielles pour résoudre le problème des AIS et soulignent le rôle important que les pêcheurs peuvent jouer pour fournir des données précises et prévenir les invasions. Les avantages des appareils mobiles à la fois comme sources de données et comme moyen d'engager le public dans sa responsabilité partagée de prévenir les invasions sont probablement généraux pour toutes les formes de tourisme et de loisirs qui contribuent à la propagation des espèces envahissantes. »
L’image en tête de cet article montre les 18 principaux bassins fluviaux des États-Unis contigus sont reliés par des pêcheurs à travers les frontières hydrologiques naturelles. (A) Une carte des 18 principaux bassins fluviaux des États-Unis contigus qui s'étendent dans certaines parties du Canada et du Mexique. Le ∗ représente une zone où les lacs du réseau sont hydrologiquement connectés à travers la limite du bassin fluvial. (B) Un diagramme d'accord montrant les connexions du mouvement des pêcheurs parmi les 18 principaux bassins fluviaux. L'anneau extérieur et la couleur correspondent à la région d'origine de la connexion du pêcheur, et l'anneau intérieur correspond au bassin dans lequel se terminent ces connexions. Des lignes plus épaisses indiquent plus de mouvement et, par conséquent, une pression de propagules plus élevée. Bassins : 01 Nouvelle-Angleterre, 02 Centre-Atlantique, 03 Atlantique Sud-Golfe, 04 Grands Lacs, 05 Ohio, 06 Tennessee, 07 Haut Mississippi, 08 Bas Mississippi, 09 Souris–Rouge–Rainy, 10 Missouri, 11 Arkansas–Blanc–Rouge , 12 Texas–Gulf, 13 Rio Grande, 14 Haut Colorado, 15 Bas Colorado, 16 Grand Bassin de l’Ouest, 17 Pacifique Bord-Ouest et 18 Californie.
Les cartes ci-dessus (cliquer pour agrandir) montrent la distribution ponctuelle des espèces envahissantes (A) de Myriophyllum et (B) de Dreissena. Les points qui se chevauchent apparaissent avec une plus grande intensité de couleur. Les comtés (États-Unis) et les unités de recensement (Canada) sont en niveaux de gris pour représenter le pourcentage de connexions entrantes pondérées qui sont vraisemblablement à haut risque parce qu'elles proviennent d'un lac envahi (par l’une ou l’autre des espèces de Dreissena et Myriophyllum) et terminées dans un lac non envahi.
Une étude similaire en Europe serait bien sur très utile. Mais l’analyse des impacts de la pêche récréative reste un parent pauvre de la recherche en écologique aquatique.
Référence : Weir JL et al (2022), Big data from a popular app reveals that fishing creates superhighways for aquatic invaders, PNAS Nexus, 1.3, pgac075