Malgré un financement généreux de plus de 3 millions d'euros, le Parc naturel régional du Morvan n'a pas jugé nécessaire de demander à ses deux bureaux d'études une analyse du potentiel énergétique des moulins de la Vallée du Cousin Aval. Certes, l'objectif du projet du Parc financé par LIFE+ est la restauration de la continuité écologique. Mais cette restauration n'a de sens que si elle intègre les autres dimensions de la rivière : le patrimoine, le paysage, le tourisme, la culture et bien sur l'énergie, puisque la forte densité des moulins témoigne de cet usage ancien.
Pas de projet réellement écologique sans réflexion énergétique
Aujourd'hui, un moulin du Cousin aval (Léger) produit encore de l'énergie électrique raccordée au réseau, pour une puissance de l'ordre de 50 kW. Et il existe d'autres producteurs sur le linéaire de la rivière (Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Moulin Simonnot) et au moins trois propriétires intéressés par un projet. La micro-hydraulique est donc une réalité vivante sur le territoire, susceptible de produire une énergie propre, non carbonée, locale. Et, bien sûr, des revenus associés à cette production. En pleine période de transition énergétique, et alors que la plupart des experts considèrent le réchauffent climatique comme l'une des principales menaces sur la biodiversité (aquatique notamment) et la ressource en eau, il est pour le moins léger d'ignorer totalement cette dimension dans un projet d'aménagement de rivière.
L'association Hydrauxois a signalé au SIVU du Cousin son intérêt pour la question énergétique et son souhait d'une étude à échelle du bassin versant, affluents inclus. La question est encore en discussion. Nous ne pouvons évidemment pas improviser cette analyse qui demande du temps. Toutefois, puisque le Parc naturel régional du Morvan souhaite précipiter les décisions d'aménagement en cette fin d'année 2014, il paraît nécessaire de donner au moins aux citoyens et aux décideurs un ordre de grandeur.
Première estimation de puissance: environ 879 kW sur le Cousin aval
Pour estimer cet ordre de grandeur, on prend la formule classique en hydraulique de puissance brute:
P=rho*g*Q*H
Avec P la puissance en W, g accélération de la gravité, rho masse volumique de l'eau, Q débit nominal d'exploitation et H hauteur de chute.
L'énergie produite à l'année s'obtient par
E=n*P*h
Avec E l'énergie en Wh ou kWh, n le rendement croisé des installations (hydrauliques, mécaniques et électriques) et h le nombre d'heures de turbinage au débit nominal (facteur de charge)
L'étude BIOTEC 2013 montre que le cumul des hauteurs de seuil sur le Cousin aval est de 25,6 m (taux d'étagement de 21,6% sur le linéaire concerné).
La station hydrologique d'Avallon indique un module inter-annuel du Cousin de 3,90 m3/s. Compte-tenu de la géographie du bassin versant, on prendra 3,5 m3/s comme valeur moyenne de débit d'équipement des moulins sur le linéaire concerné par le projet du Parc.
La puissance hydraulique brute s'élève donc à 879 kW.
Un productible annuel de 2 GWh, soit plus de 400 foyers
Dans la logique d'une étude de potentiel, on fait l'hypothèse que l'ensemble des ouvrages hydrauliques sont préservés, et le cas échéant restaurés dans leur pleine fonctionnalité. Le classement du Cousin en liste 1 au titre de l'article 214-17 C env interdit de sur-élever les ouvrages ou d'en construire de nouveau, mais il n'interdit nullement l'équipement des ouvrages existants.
Les chutes des moulins du Cousin sont relativement faibles : 24 sites pour 25,6 m de hauteur ouvragée représente une hauteur moyenne de 1,07 m. En conséquence, il est réaliste de prendre un facteur de rendement de l'ordre de 0,6 (au lieu des 0,7 qui sont la norme de primo-estimation dans la profession), car les faibles chutes sont plus difficiles à équiper. En revanche, on peut tabler sur 5000 heures de fonctionnement en équivalent débit nominal (c'est-à-dire, une production un peu plus forte quand on est au-dessus du module compensant les périodes où l'on est en-dessous, le débit réel d'équipement étant généralement choisi au Q60, et non au module).
Le productible annuel E serait donc de l'ordre de 2 millions de kWh ou 2 GWh.
Le kWh est racheté (en moyenne) 10 c€ dans le cadre des contrats d'achat EDF-OA sur 20 ans. Donc l'équivalent revenu brut d'exploitation est de 200.000 euros. Sur les 20 ans de contrat, on aboutit à 4 millions d'euros, somme assez comparable aux 3 millions d'euros du programme LIFE+. Il faut noter que la production hydraulique continue après ce contrat de 20 ans, le matériel et le génie civil ayant une durée de vie plus longue.
La consommation annuelle moyenne d'un site résidentiel en France est de l'ordre de 4500 kWh, toutes résidences confondues. L'aménagement hydro-électrique des moulins du Cousin représente donc un potentiel équivalent à 444 foyers (environ 1500 personnes). Ce n'est pas négligeable du tout à l'heure de la transition énergétique.
Le Parc doit reprendre sa réflexion sur de nouvelles bases
Cette courte étude ne prétend pas à autre chose qu'un ordre de grandeur. Elle donne une idée de ce qu'il serait possible de produire si les ouvrages du Cousin aval étaient tous restaurés et équipés des dispositifs les plus performants pour leurs débits et hauteurs de chute. Seule une étude plus approfondie, si possible à échelle de l'ensemble du bassin versant du Cousin, permettrait de dégager le productible réel.
Aussi frustes soient-ils, les ordres de grandeur indiquent que le potentiel n'est pas négligeable. Il paraît donc indispensable que le Parc du Morvan reprenne sa réflexion sur ses choix d'aménagement avant d'engager la destruction irrémédiable du potentiel énergétique de la Vallée du Cousin (qui est aussi la destruction d'un patrimoine historique pluricentenaire, comme nous l'avons rappelé). Ce sera l'un des objets de la réunion de concertation du 29 septembre 2014.
Pour aller plus loin sur l'énergie hydraulique
10 questions et réponses sur la petite hydro-électricité
Le EROEI de l'énergie hydraulique
En finir avec une idée reçue: un moulin ne produirait presque rien
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La Cour des Comptes souhaite intégrer l'hydraulique dans le mix énergétique
Transition énergétique : l'exemple de la Côte d'Or en potentiel hydraulique
Le bilan carbone de l'énergie hydraulique
Illustrations
Visite de l'Abbaye de la Pierre-qui-Vire et de ses installations hydro-électriques par les membres de l'association, au printemps 2014. Par son choix d'énergie durable, l'Abbaye offre un modèle de développement local et propre, parfaitement intégré dans un environnement préservé.
26/09/2014
16/09/2014
Un moulin-bateau en Saône-et-Loire
Chez nos voisins de Saône-et-Loire, un chantier d'archéologie subaquatique met au jour un moulin-bateau sur le Doubs. Le reportage de France 3 régions est complet et passionnant. Les rivières et fleuves à large lit présentent une puissance régulière et importante, mais leur dérivation vers des biefs n'est pas aisée. Aussi les meuniers utilisaient-ils des bateaux dotés de roues à aubes (roue de dessous) et meules, afin de moudre le grain directement dans le lit. Les techniques de construction en sont peu connues, car les premiers traités apparaissent tardivement, au XVIIIe siècle. Le moulin-bateau de Sermesse date du XVIe siècle, et il est très bien conservé avec son matériel, à la suite d'un naufrage probablement accidentel : cela promet une belle moisson d'informations sur les techniques hydrauliques!
15/09/2014
Avallon et ses moulins en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager: où sont les analyses d'impact des projets du Parc du Morvan?
Les ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) visent à définir, par accord entre l'État et les collectivités, les modalités de gestion d'un secteur urbain d'intérêt patrimonial. Il se trouve que la ville d'Avallon est en ZPPAUP et, comme le montre la carte ci-dessous, la protection concerne également le Cousin, ses rives, sa vallée… et ses moulins!
Le document d'accompagnement du ZPPAUP précise en particulier les points suivants :
Environ la moitié des moulins du Cousin concernés par le programme de restauration écologique LIFE+ du Parc du Morvan sont situés dans la zone de protection.
Le patrimoine et le paysage sont une affaire d'intérêt général: notre association s'étonne donc qu'il n'existe à ce jour aucune délibération publique relative à l'intérêt des ouvrages hydrauliques, ni aucune simulation du profil de vallée avant et après les aménagements souhaités par le Parc, en particulier quand ces opérations consistent à détruire les ouvrages hydrauliques et à modifier substantiellement le miroir d'eau. Si ces travaux existent, ils ne sont pas accessibles aux citoyens sur les sites du Parc, du Stap 89 ou de la Drac Bourgogne.
Nous avons donc saisi M. Jean-Pierre Mayot et Mme Isabelle Humbert du Service territorial de l'architecture et du patrimoine (Stap 89), afin de pouvoir consulter les délibérations des architectes des bâtiments de France sollicités par le Parc du Morvan et afin de signaler la préférence de notre association pour des aménagements écologiques non destructeurs du patrimoine et du paysage. Nous vous tiendrons au courant de l'évolution du dossier, qui sera également débattu le 29 septembre avec les acteurs concernés.
Le document d'accompagnement du ZPPAUP précise en particulier les points suivants :
La vallée du Cousin est un secteur naturel qui est inclus dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. en tant que « zone naturelle constituant un espace complémentaire aux zones bâties » : rôle d’écrin, de toile de fond. Les relations visuelles entre le centre ancien d’Avallon et la vallée du Cousin sont particulièrement étroites, ce que soulignait déjà Victor Petit au siècle dernier : si « la vallée n’est belle que vue de la ville, [...] la ville n’est réellement belle que vue de la vallée ». Cette notion de réciprocité visuelle justifie pleinement l’intégration d’une partie de la vallée dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. (..) On y trouve en outre des constructions pittoresques restées à l’abri de l’urbanisation de l’après-guerre : anciens moulins à eau, petites fabriques, etc. Ils sont généralement bien intégrés au paysage naturel et participent au caractère romantique des lieux.
Environ la moitié des moulins du Cousin concernés par le programme de restauration écologique LIFE+ du Parc du Morvan sont situés dans la zone de protection.
Le patrimoine et le paysage sont une affaire d'intérêt général: notre association s'étonne donc qu'il n'existe à ce jour aucune délibération publique relative à l'intérêt des ouvrages hydrauliques, ni aucune simulation du profil de vallée avant et après les aménagements souhaités par le Parc, en particulier quand ces opérations consistent à détruire les ouvrages hydrauliques et à modifier substantiellement le miroir d'eau. Si ces travaux existent, ils ne sont pas accessibles aux citoyens sur les sites du Parc, du Stap 89 ou de la Drac Bourgogne.
Nous avons donc saisi M. Jean-Pierre Mayot et Mme Isabelle Humbert du Service territorial de l'architecture et du patrimoine (Stap 89), afin de pouvoir consulter les délibérations des architectes des bâtiments de France sollicités par le Parc du Morvan et afin de signaler la préférence de notre association pour des aménagements écologiques non destructeurs du patrimoine et du paysage. Nous vous tiendrons au courant de l'évolution du dossier, qui sera également débattu le 29 septembre avec les acteurs concernés.
13/09/2014
Chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21)
A l'invitation de l'ADEME, l'association Hydrauxois a participé parmi une douzaine de maîtres d'ouvrages à la visite du chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21), sur la Tille. Les visiteurs ont pu appréhender les enjeux de génie civil d'une restauration énergétique : batardeau avec mise à sec du barrage et du bief, pose de nouvelle vannes motorisée (sur 20 m), construction du radier de la vis et confortement des parements du bief… La vis aura une puissance d'environ 50 kW, relativement modeste mais en charge une grande partie de l'année à sa puissance nominale. La pose de la vis elle-même est prévue en octobre pour une première injection réseau d'ici novembre. Avec le chantier sur le débit réservé de la centrale de Brienon-sur-Armançon (89), Champdôtre sera l'une des deux premières vis hydrodynamiques en Bourgogne. (Voir le dossier de l'association sur cette technologie).
08/09/2014
Moulins du Cousin : réflexions sur 8 siècles de patrimoine
Grâce aux travaux de Françoise Wicker sur l'histoire des moulins du Cousin, nous disposons des dates de premières mentions des moulins concernés par le programme LIFE+ de restauration écologique de la rivière.
En voici le tableau, classé par ordre croissant d'apparition :
Tous les ouvrages sont fondés en titre
Les moulins du Cousin ont donc un présence attestée depuis 3 à 8 siècles, le plus récent d'entre eux apparaissant au tout début du XVIIIe siècle. Il est permis de tirer de cette remarquable ancienneté du patrimoine hydraulique du Cousin quelques réflexions.
Du point de vue juridique d'abord, tous les moulins du Cousin sont de droit d'eau fondé en titre, et seul un état de ruine complet de leurs ouvrages hydrauliques permettrait de nier leur caractère légal. Notre association aura prochainement l'occasion de le rappeler à la DDT 89, dont les services de police de l'eau ont entrepris de contester la validité de certains droits d'eau. Notre association est hélas! coutumière de cette posture, dont nous nous sommes déjà plaint jusqu'à la direction de tutelle des agents administratifs au Ministère de l'Ecologie, et que nous continuerons de combattre, y compris devant les tribunaux quand ce sera nécessaire.
L'impact morphologique des moulins est faible
Du point de vue écologique ensuite, et surtout, le bon sens indique que si les moulins du Cousin affectaient gravement la faune de la rivière, leurs effetsn'aurait pas attendu des centaines d'années pour se manifester.
En fait, il est très improbable que les altérations morphologiques des moulins (changements d'écoulement et de franchissabilité dus au seuil en rivière) entraînent un impact notable sur les populations de truites et de moules perlières. On sait en effet par des témoignages historiques assez robustes (cf les références citées dans nos travaux sur les moules et sur les truites) que ces espèces étaient observées dans la rivière à la fin du XIXe siècle, malgré la présence pluricentenaire des moulins. On sait aussi qu'au cours du XXe siècle, l'effet morphologique des moulins n'a fait que s'atténuer (ruine et disparition de certaines ouvrages, présence de brèches et échancrures facilitant le transit piscicole, etc.), et non pas s'amplifier. Cela signifie que la disparition progressive des moules et la raréfaction des truites s'expliquent très vraisemblablement par l'apparition d'autres facteurs limitants / dégradants au cours des 100 dernières années, et certainement pas par les modifications morphologiques modestes, présentes depuis fort longtemps et ayant créé un nouveau profil d'équilibre de la rivière dès les XVIIe-XVIIIe siècle. (A noter que ces observations valent pour d'autres espèces sensibles aux perturbations comme les écrevisses du Morvan, dont le déclin n'a aucune corrélation manifeste avec la densité des seuils).
Nos connaissances sont encore lacunaires
Parmi les causes d'altération piscicole méritant un examen, on peut citer notamment : réchauffement climatique (hausse de la T moyenne de l'air ayant des effets sur la T de l'eau par transfert thermique), changement quantitatif des prélèvements en eau pour les usages humains, pollution par les composés chimiques d'apparition récente (domestiques, agricoles, sylvicoles et industriels, ainsi que les micro-polluants médicamenteux), recalibrage du lit / modification des rives (avec effets sur les températures, les sédiments, les macro-invertébrés et les niches écologiques en berges), effets direct (prédation, surpêche, braconnage) et indirects (rempoissonnement d'élevage, introduction accidentelle d'espèces concurrentes et de pathogènes) de la pêche de loisir.
Il est remarquable que les deux bureaux d'études (BIOTEC et SIALIS) ayant procédé à l'étude du Cousin Aval n'ont pas développé de modèle de la rivière incluant l'ensemble de ces impacts que nous venons de mentionner (fût-ce pour les disqualifier, mais de manière scientifiquement robuste). Pas plus que ces bureaux d'étude (ni l'ONEMA) n'ont disposé d'un état zéro de la population piscicole assez ancien dans le temps pour juger de l'évolution réelle des truites et des moules, de sorte que la quantification même du déséquilibre piscicole est finalement absente (ou simplement présumée par des biotypologies posant des problèmes intrinsèques de méthode, cf nos observations à ce sujet sur la Tille).
Ces observations ne sont pas anodines pour l'avenir de la rivière :
- d'une part, les choix du Parc du Morvan en terme de restauration du Cousin doivent être proportionnés à l'importance des impacts ;
- d'autre part, dans le cadre du classement L1-L2 du Cousin prenant effet d'ici 2017, l'autorité en charge de l'eau (DDT, ONEMA) doit motiver ses demandes d'aménagements sur chaque site, dans le cadre d'une procédure contradictoire, avec des éléments de preuve sur la proportionnalité impact / solution.
Ne soyons pas amnésiques!
Pour conclure, les huit siècles (au moins) de présence des moulins dans la Vallée du Cousin devraient inciter les acteurs de la rivière à quelque humilité lorsqu'ils doivent prendre des décisions relatives à ce patrimoine. La dictature du court-terme et de l'urgence nous aveugle souvent et, sous prétexte que nous avons l'opportunité de quelques moyens juridiques et financiers, nous nous croyons libres de faire ce que nous voulons, sans consacrer trop de réflexion à la longue durée, vers le passé comme vers l'avenir. Mais l'amnésie n'enfante généralement que l'erreur!
La restauration du patrimoine hydraulique presque millénaire du Cousin et la réflexion sur de nouveaux usages adaptés aux enjeux de notre siècle seraient créatrices de valeur pour l'Avallonnais. L'enjeu mérite une large concertation entre les riverains, les élus, les gestionnaires de la rivière et les autorités administratives.
En voici le tableau, classé par ordre croissant d'apparition :
Tous les ouvrages sont fondés en titre
Les moulins du Cousin ont donc un présence attestée depuis 3 à 8 siècles, le plus récent d'entre eux apparaissant au tout début du XVIIIe siècle. Il est permis de tirer de cette remarquable ancienneté du patrimoine hydraulique du Cousin quelques réflexions.
Du point de vue juridique d'abord, tous les moulins du Cousin sont de droit d'eau fondé en titre, et seul un état de ruine complet de leurs ouvrages hydrauliques permettrait de nier leur caractère légal. Notre association aura prochainement l'occasion de le rappeler à la DDT 89, dont les services de police de l'eau ont entrepris de contester la validité de certains droits d'eau. Notre association est hélas! coutumière de cette posture, dont nous nous sommes déjà plaint jusqu'à la direction de tutelle des agents administratifs au Ministère de l'Ecologie, et que nous continuerons de combattre, y compris devant les tribunaux quand ce sera nécessaire.
L'impact morphologique des moulins est faible
Du point de vue écologique ensuite, et surtout, le bon sens indique que si les moulins du Cousin affectaient gravement la faune de la rivière, leurs effetsn'aurait pas attendu des centaines d'années pour se manifester.
En fait, il est très improbable que les altérations morphologiques des moulins (changements d'écoulement et de franchissabilité dus au seuil en rivière) entraînent un impact notable sur les populations de truites et de moules perlières. On sait en effet par des témoignages historiques assez robustes (cf les références citées dans nos travaux sur les moules et sur les truites) que ces espèces étaient observées dans la rivière à la fin du XIXe siècle, malgré la présence pluricentenaire des moulins. On sait aussi qu'au cours du XXe siècle, l'effet morphologique des moulins n'a fait que s'atténuer (ruine et disparition de certaines ouvrages, présence de brèches et échancrures facilitant le transit piscicole, etc.), et non pas s'amplifier. Cela signifie que la disparition progressive des moules et la raréfaction des truites s'expliquent très vraisemblablement par l'apparition d'autres facteurs limitants / dégradants au cours des 100 dernières années, et certainement pas par les modifications morphologiques modestes, présentes depuis fort longtemps et ayant créé un nouveau profil d'équilibre de la rivière dès les XVIIe-XVIIIe siècle. (A noter que ces observations valent pour d'autres espèces sensibles aux perturbations comme les écrevisses du Morvan, dont le déclin n'a aucune corrélation manifeste avec la densité des seuils).
Nos connaissances sont encore lacunaires
Parmi les causes d'altération piscicole méritant un examen, on peut citer notamment : réchauffement climatique (hausse de la T moyenne de l'air ayant des effets sur la T de l'eau par transfert thermique), changement quantitatif des prélèvements en eau pour les usages humains, pollution par les composés chimiques d'apparition récente (domestiques, agricoles, sylvicoles et industriels, ainsi que les micro-polluants médicamenteux), recalibrage du lit / modification des rives (avec effets sur les températures, les sédiments, les macro-invertébrés et les niches écologiques en berges), effets direct (prédation, surpêche, braconnage) et indirects (rempoissonnement d'élevage, introduction accidentelle d'espèces concurrentes et de pathogènes) de la pêche de loisir.
Il est remarquable que les deux bureaux d'études (BIOTEC et SIALIS) ayant procédé à l'étude du Cousin Aval n'ont pas développé de modèle de la rivière incluant l'ensemble de ces impacts que nous venons de mentionner (fût-ce pour les disqualifier, mais de manière scientifiquement robuste). Pas plus que ces bureaux d'étude (ni l'ONEMA) n'ont disposé d'un état zéro de la population piscicole assez ancien dans le temps pour juger de l'évolution réelle des truites et des moules, de sorte que la quantification même du déséquilibre piscicole est finalement absente (ou simplement présumée par des biotypologies posant des problèmes intrinsèques de méthode, cf nos observations à ce sujet sur la Tille).
Ces observations ne sont pas anodines pour l'avenir de la rivière :
- d'une part, les choix du Parc du Morvan en terme de restauration du Cousin doivent être proportionnés à l'importance des impacts ;
- d'autre part, dans le cadre du classement L1-L2 du Cousin prenant effet d'ici 2017, l'autorité en charge de l'eau (DDT, ONEMA) doit motiver ses demandes d'aménagements sur chaque site, dans le cadre d'une procédure contradictoire, avec des éléments de preuve sur la proportionnalité impact / solution.
Ne soyons pas amnésiques!
Pour conclure, les huit siècles (au moins) de présence des moulins dans la Vallée du Cousin devraient inciter les acteurs de la rivière à quelque humilité lorsqu'ils doivent prendre des décisions relatives à ce patrimoine. La dictature du court-terme et de l'urgence nous aveugle souvent et, sous prétexte que nous avons l'opportunité de quelques moyens juridiques et financiers, nous nous croyons libres de faire ce que nous voulons, sans consacrer trop de réflexion à la longue durée, vers le passé comme vers l'avenir. Mais l'amnésie n'enfante généralement que l'erreur!
La restauration du patrimoine hydraulique presque millénaire du Cousin et la réflexion sur de nouveaux usages adaptés aux enjeux de notre siècle seraient créatrices de valeur pour l'Avallonnais. L'enjeu mérite une large concertation entre les riverains, les élus, les gestionnaires de la rivière et les autorités administratives.
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