Voici les remarques des associations ARPOHC et Hydrauxois.
En liminaire, nos associations rappellent la présence de cinq sites anciens dans la propriété du château, liés à l’usage de l’énergie hydraulique. Ils forment un témoignage assez exceptionnel au plan patrimonial, compte tenu de l’importance de la sidérurgie dans l’histoire du Châtillonnais et de leur valeur paysagère actuelle. Ces sites sont aujourd’hui quasiment à l’abandon, et cette situation de carence d’entretien (particulièrement des ouvrages hydrauliques) est déplorable. Il est tout aussi déplorable que l’argent public, rare, se dépense dans des mesures de destruction et non de réfection du patrimoine, dans l’indifférence à l’usage énergétique de l’eau alors que nous sommes en pleine transition énergétique et que chaque collectivité doit s’assurer le meilleur usage possible de ressources locales renouvelables.
Le caractère paysager, architectural et patrimonial de la forge de Rochefort-sur-Brevon sera défiguré par le projet en l’état. Il devient impossible d’envisager une remise en valeur des bâtiments par un futur propriétaire, par exemple par la réfection d’une roue à aubes pour des soufflets et un martinet.
Le projet reconnaît qu’il n’existe aucun enjeu de continuité piscicole et sédimentaire en raison de la présence d’obstacles naturels sur le Brevon : l’intervention au titre du L 214-17 CE et pour l’intérêt de continuité écologique ne se justifie pas.
Notre avis est donc négatif sur la valeur d’intérêt général du projet :
- Bénéfice écologique très faible, affirmé mais nullement démontré
- Bénéfice énergétique nul
- Bénéfice paysager nul, destruction du miroir d’eau de l’étang pleins bords
- Bénéfice réserve d’eau étiage nul
- Coût potentiel (non évalué) en niveau de la nappe locale
- Coût important de perte du patrimoine bâti, son sens, son paysage, sa stabilité géotechnique dans le temps
Page 10 : erreur de droit sur le régime IOTA
La rubrique 3.1.2.0 en page 10 est mal renseignée : ce n’est pas un plan d’eau mais bien un cours d’eau barrée, et la modification porte sur 400 mètres linéaires (page 17) : en ce cas, il faut une autorisation du préfet, non une simple déclaration. Par ailleurs, le niveau d’eau actuel au droit du plan d’eau résulte de l’ouverture des vannes. Le niveau initial de référence, défini par le règlement d’eau, n’est pas pris en compte.
Page 21-22 (et page 91) : absence d’intérêt en continuité écologique, choix douteux pour l’intérêt général
«Au regard de l’état initial, l’enjeu d’amélioration de la continuité piscicole du Brevon au droit du plan d’eau du village présente un intérêt limité en raison de la présence d’une barrière naturelle infranchissable. Cependant la continuité écologique ne se limite pas à la continuité piscicole et il est nécessaire de considérer la qualité du Brevon en termes de fonctionnalité et d’habitats»
L’étude reconnaît un éperon rocheux naturel formant un obstacle infranchissable en montaison, situation qui se reproduit ailleurs sur le bassin. De même, il est admis (sans quantification) un «enjeu de continuité sédimentaire réduit sur ce tronçon».
On se demande pourquoi la rivière a été classée en «liste 2» au titre du L 214-17 CE si elle est naturellement discontinue, cette erreur d’appréciation indiquant le manque de rigueur des services de l’État sur ce dossier très conflictuel et contesté.
Du même coup, l’application du L 211-1 CE cité en liminaire (page 8) pour justifier le projet est douteux : l’absence de l’enjeu continuité limite la portée d’intérêt général. Car cet article de la loi visant à une gestion équilibrés et durable de l’eau propose aussi de développer l’hydro-électricité , de protéger le patrimoine, de conserver des réserves d’eau à l’étiage, de valoriser la ressource… autant d’éléments absents du projet, voire désavantagés par le projet, alors qu’il aurait été possible d’investir dans ces enjeux.
En page 91, le projet ré-affirme :
« Les enjeux de conservation associés aux biocénoses aquatiques seront forts, et pleinement intégrés au projet qui vise à restaurer la continuité écologique pour la Truite fario, espèce emblématique du Brevon, et pour les autres espèces d’intérêt communautaire telles que la Lamproie de Planer, leChabot. »
Ce texte est manifestement un copié-collé d’un argumentaire ancien et désormais vide de sens, puisque le site est reconnu infranchissable aux pages 21-22, que ni la truite, encore moins la lamproie de Planer ni le chabot ne peuvent franchir les éperons rocheux du Brevon.
Cela montre que le travail sur le bénéfice écologique n’a pas été fait sérieusement, on se contente d’arguments gratuitement avancés mais sans aucun moyen de vérifier que cela correspond à un bénéfice réel pour le vivant aquatique. Il est inacceptable de mener des politiques publiques et d'engager des dépenses d'argent public sur des bases aussi flous, arbitraires, contradictoires.
Page 22 : absence de concertation amont et de représentativité du comité de pilotage
« Ce principe d’intervention a été validé par un comité de pilotage composé du propriétaire du site, des services de police de l’eau, des services du patrimoine, de représentants de la commune, du SMS, de l’Agence de l’Eau Seine Normandie et de la Région Bourgogne Franche Comté. »
Les associations de riverains et les associations de protection du patrimoine sont absentes des comités de pilotage. C’est anormal pour une dépense publique que l’on dit d’intérêt général, mais en ce cas tous les citoyens sont concernés.
Page 25 et suivantes : risque sur la stabilité du bâti dans le temps, absence d’étude sur les contraintes géotechniques
Il est proposé la création d’échancrures sur le vannage de décharge, réalisées en sous-œuvre. Ce choix augmente le risque de déstabilisation de l’ouvrage avec un risque majeur de déchaussement. Aucune analyse sérieuse n’est faite des contraintes géotechniques et de la stabilité des options choisies dans la durée.
Page 80 : le nouveau règlement d’eau fera obligation d’entretien au propriétaire mais sans possibilité d’utiliser un jour la valeur énergétique
Le nouveau règlement d’eau va acter la disparition des organes hydrauliques, donc la possibilité d’un usage énergétique. C’est totalement contraire aux engagements climatiques de la France et de l’Europe. Chaque collectivité doit rechercher les sources renouvelables bas carbone de son territoire, donc en l’occurrence relancer l’énergie hydraulique. Dans un arrêt récent consacré à un moulin du Châtillonnais (CE n°414211, avril 2019), le Conseil d’État a rappelé que l’intérêt général de l’énergie hydraulique ne s’apprécie pas en fonction du niveau de puissance. Même des sites modestes méritent donc une relance, en particulier sur des territoires où il sera difficile d’envisager de la production éolienne, solaire, biomasse ou autres sources.
Page 88 : certaines espèces risquent d’être pénalisées par la baisse de surface en eau
Le dossier du pétitionnaire rappelle la présence de diverses espèces dont la cigogne noire. Or, plusieurs propriétaires d’ouvrages hydrauliques avec étangs du Châtillonnais ont signalé la présence de cet oiseau migrateur dans les marges de leurs plans d’eau, l’animal appréciant la biomasse de ces biotopes. Le fait de réduire la surface en eau (revenir au lit d’étiage en été) au lieu de conserver une large extension au plan d’eau n’est globalement pas favorable au vivant aquatique.
Illustrations : Mathieu Bouchard, droits réservés.
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